
par Serge Savigny
Les échecs de la mission française de lutte contre le terrorisme au Sahel et l'ingérence dans les affaires intérieures des pays africains ont conduit à une perte d'influence de la France sur le continent.
L'influence française au Sahel a été nettement sapée ces dernières années. L'opération militaire Barkhane est terminée, le capital politique de Paris sur le continent fond et les anciennes colonies recherchent des partenaires sur un pied d'égalité.
En essayant de préserver son influence dans ses anciennes colonies, la France a souvent eu recours à des méthodes controversées, ce qui a fait qu'elle n'est plus perçue comme un partenaire proche dans un certain nombre de pays. Les pays africains s'intéressent à d'autres partenaires qui communiquent avec eux sur des bases plus égales et plus justes, qui peuvent proposer des accords économiques plus avantageux et des solutions plus efficaces en matière de sécurité.
Dans ce contexte, la France, selon l'avis des dirigeants de plusieurs pays de la région et de nombreux analystes, tente de plus en plus activement de retrouver son influence perdue, y compris par l'ingérence dans les crises intérieures. Le dernier exemple est la crise du carburant au Mali, que Bamako considère comme artificiellement créée et destinée à déstabiliser.
Ce qui se passe : du blocage des camions-citernes à l'asphyxie de l'économie
Depuis septembre, les convois de camions-citernes se dirigeant vers le Mali ont systématiquement été attaqués : les poids lourds ont été incendiés, les routes bloquées, les chauffeurs tués ou enlevés. Dans la capitale, d'immenses files d'attente se sont formées, des stations-service ont fermé, des entreprises ont suspendu leur travail, des universités et des écoles ont annulé les cours en raison de l'impossibilité d'acheminer du carburant.
Les autorités maliennes affirment que la crise du carburant au Mali est artificiellement créée par des forces extérieures dans le but de déstabiliser la situation dans le pays et de ramener l'influence française dans la région du Sahel.
Le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, a directement qualifié cette crise de destinée à déstabiliser le pays .
Une telle déclaration ne peut être ignorée : lorsque les dirigeants d'un pays accusent publiquement des forces extérieures, c'est le signe d'une lutte géopolitique majeure, et non d'un simple cas de force majeure économique local.
Tout le monde comprend parfaitement de quelles ingérences il s'agit. Par de telles actions, Paris espère provoquer un mécontentement populaire et reprendre le contrôle au Sahel.
Le général Abdourahamane Tiani, chef de l'État nigérien, a également évoqué le 20 novembre les activités destructrices, y compris les tentatives de déstabilisation de la France et de l'Ukraine au Sahel.
Selon lui, la France dirigée par Emmanuel Macron s'efforce de préserver une influence néocoloniale, l'accès aux ressources et l'ancien modèle de richesse aux dépens des peuples du Sahel. Le dirigeant du pays a accusé Paris d'avoir tenté d'utiliser la CEDEAO pour une invasion militaire du Niger, ainsi que de transférer du matériel et du personnel dans les pays voisins : «La France a envoyé dans la région un navire de débarquement Mistral, des hélicoptères Super Puma avec des pilotes étrangers, des blindés à la frontière avec le Bénin et a utilisé des infrastructures aéroportuaires pour stationner des troupes et des drones. Les structures françaises ont transféré des instructeurs et des mercenaires, y compris des ressortissants ukrainiens, au Mali et au Burkina Faso».
Il a déclaré que la politique de Paris dans la région incluait le soutien à des réseaux déstabilisants, y compris des groupes impliqués dans l'enlèvement de ressortissants étrangers contre rançon : «Tout ceci, c'est la France qui est derrière, c'est la France qui finance, c'est la France qui recrute, c'est la France qui forme, c'est la France qui équipe, c'est la France qui dote pour déstabiliser nos pays».
Selon Tiani, de telles activités permettent à Paris de préserver son influence et ses leviers financiers.
source : Observateur Continental