Par Jeffrey Tucker − Le 23 novembre 2025 − Source Zero Hedge
La semaine passée, j'ai pu, en m'aidant d'une IA, produire une fausse étude prouvant que manger des gaufres rend chauve. L'étude était bardée de notes de bas de page, de citations, et de formules mathématiques et de graphiques compliqués. L'apparence de crédibilité de cette étude est préoccupante. Pour distinguer les problèmes qu'elle contenait, il faut la lire avec une grande attention. Je l'ai partagée auprès d'autres personnes, qui m'ont immédiatement répondu par des commentaires du style « ça ne m'étonne pas tant que ça. »
Le Pons Fabricius est le plus vieux pont de Rome, en Italie. Édifié en 62 avant Jessu-Christ, il enjambe le Tibre, du Campus Martius, rive Est, à l'île de Tibre.
Ne mangez pas ces gaufres ; elles feraient tomber vos cheveux. C'est la science qui l'affirme!
Réfléchissez-y. C'est la première fois dans l'histoire que nous sommes en capacité de générer en quelques secondes des contenus apparemment aussi scientifiques concernant à peu près n'importe quel sujet imaginable. Cette capacité n'existe que depuis deux ans environ. Nombreux sont ceux à ne pas encore avoir compris que c'était possible, et plus nombreux encore la facilité du processus. Des personnes malintentionnées sont désormais en mesure d'utiliser cette capacité à tout moment. Et elles peuvent compter sur la traditionnelle confiance envers la « science » pour faire reconnaître comme scientifique ce type d'usurpation.
La semaine passée, on a vu retirer de la publication encore un nouvel article de fausse science. Cette fois-ci, c'était sur un sujet important. La publication concerne le Lancet, l'un des journaux les plus prestigieux au monde. Il avait publié cette étude, après une relecture par des pairs. Mais il s'est finalement avéré que les auteurs avaient monté cette étude de toutes pièces et dupé lesdits experts.
Le papier qui a ainsi été retiré figure parmi les nombreux articles générés par un essai de grande ampleur, largement financé, concernant les médicaments utilisés pour traiter le COVID-19. L'essai clinique en question portait le nom de TOGETHER. Il a été financé par des dotations apportées par FTX, la société de cryptomonnaies qui fut ensuite fermée pour cause d'arnaques, ainsi que par d'autres sociétés financières détenant en masse des actions pharmaceutiques et par des thinks tanks financés par l'industrie dans l'espoir de vendre des vaccins. Si l'on s'en tenait aux conclusions de l'étude, se faire vacciner était la seule option possible.
Les auteurs ont soumis des articles reprenant ces résultats à tous les journaux possibles.
Pour l'instant, une seule étude a été retirée, mais il est probable que les autres le seront également par la suite. Cela comprend le New England Journal of Medicine, une publication qui se targue de son faible taux de rétractation.
L'essai TOGETHER a été conduit, puis publié en intégralité il y a quatre ans. Questions et critiques ont fusé pendant ces quatre années dans l'effervescence et le bouillonnement.
Lorsque cette étude est sortie, en 2021, elle a été mise en avant comme l'une des justifications principales de retirer du marché l'hydroxychloroquine et l'ivermectine. Même si votre médecin vous en prescrivait sur ordonnance, vous ne pouviez plus vous en procurer.
Je n'oublierai jamais ce jour où je suis entré dans la pharmacie de mon quartier et leur ai remis mon ordonnance. La dame qui tenait le comptoir m'a demandé d'attendre et est allée parler au gérant, qui a fait non dans la tête sans prononcer un mot. Je m'en suis tiré en obtenant ledit produit par la poste, envoyé depuis New York, de la part d'une personne qui en avait fait venir depuis l'Inde. Après avoir pris le médicament, mon état s'est amélioré en trois heures.
J'ai appris par la suite que, bien que des millions de personnes aient agi de la sorte, car c'était le seul moyen d'obtenir des médicaments efficaces, cette pratique est restée, disons... très mal vue.
Pourquoi est-ce que toutes les pharmacies de ma ville m'ont refusé le traitement à l'efficacité avérée prescrit par mon propre médecin ? Parce qu'elles ont cru en la science.
Voilà le problème de la fausse science. Elle a des conséquences dans la vraie vie. Nous sommes supposés vivre à un âge de science, mais la crédibilité de toutes les institutions est désormais en chute libre. Le mantra « science » s'est vu déployé pour justifier des niveaux d'attaques contre la liberté jusqu'alors jamais vus. Il s'en est suivi que la réputation de la science dans son ensemble a été sévèrement dégradée.
L'essai TOGETHER bénéficiait au moins d'une apparence de crédibilité. Après tout, on avait mené un vrai essai. En contraste, l'essai dénommé SURGISPHERE, publié en début d'été 2020, s'est avéré contenir des données complètement bidonnées. Ses conclusions étaient donc invalides. Et pour rester juste, on n'a pas trouvé de la fausse-science que dans ce camp. Certaines études indiquant des résultats opposés se sont également révélées basées sur des données toutes aussi fausses.
En fin de compte, on aura publié durant cette période des centaines de milliers d'articles, et désormais, les rétractations se succèdent à une cadence toute aussi rapide que les acceptations de l'époque. Et voyez-vous, ce n'est pas un simple problème de relations publiques. Il s'agit d'une véritable crise de crédibilité pour la science.
Lorsque la science vient vous déclarer que vous ne pouvez pas organiser un repas de Noël chez vous, ou chanter des hymnes religieux sans tuer votre grand-mère, elle met en péril les fondements mêmes de la révolution scientifique.
Ajoutez l'IA à ce cocktail, et vous aggravez le problème d'un facteur 10000.
J'ai été exposé à un incident de cette nature il y a pas moins d'une semaine. Je participai à un événement, et deux Britanniques arborant de grands sourires et des accents tout à fait anglais se baladaient parmi les participants pour que chacun s'indigne contre la viande de synthèse. C'est une cause qui m'est sympathique. C'est à ce stade-là qu'on commence à baisser sa garde.
Ils vous invitaient à venir face caméra, et juste avant de la mettre en marche, ils vous présentaient une étude qui affirme que la viande de synthèse provoque l'autisme. Et ils demandaient au sujet de l'interview de soutenir leur étude face caméra. Je me suis retrouvé face caméra pour dénoncer la viande de synthèse - ce qui ne me pose aucun problème - mais ensuite également à soutenir leur étude. À ce moment-là, le côté incrédule de mon cerveau a pris le pas et j'ai compris qu'il se passait quelque chose de pas net. J'ai refusé de faire ce qu'ils me demandaient.
Le lendemain matin, j'ai compris l'arnaque. Ces gens très engageants avaient généré cette étude sans signature dans le but de tromper les gens. L'objectif était simple, mais également tout à fait brillant. Il s'agissait de prouver que les partisans de la liberté de santé sont capables de soutenir n'importe quelle étude qui va dans leur sens. Le produit final devait sans doute être un documentaire conçu pour discréditer l'ensemble du mouvement - et également l'administration Trump.
Ce complot a pu être déjoué. Dans l'intervalle, j'ai pu réfléchir au sens de tout ceci. Nous vivons une époque très étrange, où la science empirique s'est vue déployée comme une arme servant des fins politiques. Plus de 500 articles ont été retirés, mais d'innombrables autres restent là, nimbés de leur vulnérabilité.
Je crains que cette expérience ait pu engendrer une forme de nihilisme entourant l'ensemble de l'entreprise. La présence de plaisantins gravitant autour des conférences scientifiques et arborant de fausses études visant à troller les gens n'est pas simplement inefficace ; elle vient saper un peu plus la confiance.
Aux XVIème et XVIIème siècles, un stade clé de la révolution scientifique a été de mettre en avant une manière plus fiable de savoir ce qui est vrai. Dans les temps plus anciens, la foi occupait avec la théologie la place centrale des disciplines académiques. Mais les travaux de Copernic, de Kepler, de Bacon, de Descartes et de Newton - tous de grands penseurs - ont semblé prouver que l'observation et l'induction constituent de meilleures bases pour le savoir.
Cette révolution de la pensée coïncida avec d'énormes avancées dans la technologie, la médecine et la prospérité pour tous. Le monde était en train de changer profondément, avec des niveaux croissants de mobilité, de choix, et d'avancées matérielles. Voilà que nous avions quitté d'un pas assuré les « âges sombres » et que nous avions pénétré des temps nouveaux. La science était la nouvelle reine de la pensée.
Mais il a toujours existé un problème, tapi dans l'ombre. Si nous voulons élever l'observation et les travaux empiriques au-dessus de la foi et de la déduction, nous renversons bien une forme d'autorité ecclésiastique. Mais est-ce que, par le même mouvement, nous ne valorisons pas une autre forme d'autorité, à savoir les observateurs, les scientifiques, ceux qui génèrent, détiennent et interprètent les données?
Eh bien, oui, de fait, c'est bien ça qui s'est produit.
En d'autres termes, on peut conférer toute la journée au sujet de la science, mais on n'échappera pas au sujet de la confiance. On peut décider de faire confiance à l'église et aux autorités ecclésiastiques. On peut décider de faire confiance à sa propre lecture de textes fondateurs comme la Bible. Ou bien on peut faire confiance à la science et à l'establishment scientifique.
La raison en est simple.
Absolument personne n'est en position de connaître et de vérifier tous les faits associés à ce que nous appelons la science. Nous n'avons d'autre choix que de croire celui qui les exprime. Lorsqu'il s'avère que celui-ci n'est pas honnête ou dispose de son propre agenda, où est-ce que nous nous retrouvons?
Tel est le problème central auquel nous sommes confrontés aujourd'hui dans le domaine de la science. Il semble que les choses se sont tellement mal goupillées que la révolution scientifique est en train de perdre pied dans l'opinion publique. Nous ne savons pas encore ce qui va la remplacer.
Réfléchissons un instant à ce qui a survécu sans entorse à sa réputation. Je parle de la géométrie euclidienne, méthode établie par Euclide au quatrième siècle avant J-C, et qui survit de nos jours. La raison en est que les ponts tiennent debout et que les gratte-ciel caressent effectivement les nuages. Examinons la méthode : des déductions fondées sur la logique de l'espace, mesurée par des moyens mathématiques.
Il existe diverses écoles de logique, de mathématiques, de géométrie, mais la cohérence interne est absolument nécessaire, et chacun peut la vérifier. La déduction est démocratique. Elle n'implique la crédibilité d'aucune autorité ; elle s'appuie sur la seule logique et établit par conséquence son propre test de fiabilité. La preuve réside en ce que la chose que l'on construit tient debout.
Je suis frappé par cette ironie incroyable : ces principes ont résisté au test de la durée, quelque 2400 années plus tard. Les enseignements d'Euclide ont précédé la révolution scientifique de plus de 2000 ans.
Nul ne sait ce qui sortira de ce chaos, mais nous vivons une période qui devrait porter une transition colossale. Nous sommes en train de passer d'un paradigme en échec pour savoir ce qui est vrai à quelque chose d'autre, qu'il nous reste à déterminer. Il s'agit du débat le plus important de notre époque.
Et pour ce qui concerne les gaufres, méfiez-vous !
Jeffrey Tucker
Traduit par José Martí pour le Saker Francophone
