Dans le feuilleton (en-dessous de ses promesses) « Heroes », Sylar, le méchant, aboutit à la conclusion qu'il devrait se faire confisquer des pouvoirs pour ne pas être tenté de les utiliser à mal-escient, afin de vivre en paix.
Cette structure n'est pas anodine, car elle parle de l'état mental qui consiste à s'attaquer aux symptômes plutôt qu'aux causes. Stratégiquement, il s'agit de créer une opposition entre « vivre en paix » et « avoir du pouvoir ».
C'est le fait-même d'avoir été réduit à créer cette opposition qu'il faut ausculter comme étant le premier symptôme de l'erreur qui en est à la base.
Dans de nombreux cas, on entendra des personnes « vouloir vivre en paix », et donc, pour cela, devoir ostraciser, éliminer, assassiner, réduire à néant les cibles de leur haine. Mais le problème est leur haine.
« Vivre en paix » est une dépréciation du terme « vivre en paix » qui signifie dans son essence « vivre en harmonie avec les autres ». Et non pas « vivre en harmonie avec ceux qui restent après avoir éliminé ceux qui ne nous conviennent pas ».
Parce qu'en toute logique, si tout le monde élimine ceux qui ne leur conviennent pas, il ne reste plus personne. C'est comme de vouloir supprimer les plus stupides, il y a toujours des plus stupides dans tout groupe social. À la fin on en arrive au fameux « il ne doit en rester qu'un ». Et une fois arrivé à ce moment-là, quand il n'en reste plus qu'un sur toute la terre, se concrétise ce qui au préalable n'était que symbolique, à savoir le fait que la pensée de l'un doit écraser la réalité des autres.
Mais quelle est cette pensée ? Vouloir « vivre en paix » n'est pas ce qui définit cette pensée, c'est ce dont elle s'habille pour paraître en public, pour être acceptable, et se faufiler dans la foule. Elle désire être acceptée, et selon toute évidence, elle sera acceptée et même acclamée, promue, soutenue. Sauf qu'en réalité elle n'est qu'un déguisement d'une pensée exactement inverse, qui dit textuellement « je veux éliminer tout le monde ».
Le trait de caractère du psychopathe est de vouloir étendre sa capacité à agir impulsivement de plus en plus librement, sans entrave. Elle cherche à se rendre publique et au fond, elle est impudique, elle ne cherche pas trop à se dissimuler, sauf de façon stratégique. Le grand rêve de la psychopathie est d'apparaître au grand jour, d'assumer et d'afficher son pouvoir délirant, et ainsi d'obtenir encore plus de pouvoir, quitte à ce que cela soit par la peur. Pour elle c'est l'idéal, car ainsi le monde se plie à ses règles. C'est le pouvoir ultime.
Il y a donc un cheminement entre le moment où le psychopathie essaie d'exprimer maladroitement une volonté qui n'est en fait qu'un symptôme, qui devrait être traduit et modulé de façon rationnelle, puis le moment où ce symptôme s'infiltre dans le monde réel au moyen de subterfuges et en extorquant de façon de plus en plus grossière l'adhésion à ses idées (comme avec les manifestations dites culturelles qui sont toujours axées comme par hasard sur le satanisme parce que c'est drôle et qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter), pour ensuite apparaître au grand jour en n'ayant plus qu'une marche à franchir avant de dire franchement le fond de sa pensée, qui en gros correspond à l'élimination de tout ce qui s'oppose à son pouvoir.
Bien sûr c'est stupide parce que si le pouvoir élimine ses sujets, il n'a plus aucun sujet sur lequel exercer son pouvoir. En cela il faut voir une volonté systémique de guérir, qui est encore plus hors de contrôle que la maladie mentale qui guide les pas du psychopathe. Et pour éviter cela il s'entourera toujours d'un premier cercle de proches qu'il pourra martyriser indéfiniment, ou qui feront pareil. Mais au final la direction est donnée : la poussière retourne à la poussière (cela s'applique spécifiquement au mal - parce qu'en réalité le bien subsiste dans l'éternité).
Mais c'est avant d'en arriver là qu'il faut intervenir, au moment où les premiers indices laissent entrevoir que les mots et les raisons n'en sont pas réellement. En faisant appel à la simple logique ; qui ne demande pas à être un grand spécialiste pour être comprise.
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Il est bien connu que pour un dirigeant qui se respecte, « le pouvoir » est de ne pas s'en servir. Cela s'oppose au dictateur qui cherche à conquérir un pouvoir auquel il n'a pas droit.
L'insuffisance de pouvoir est une question d'égo insécurisé, qui à travers les symptômes qu'il poursuit n'arrivera jamais à atteindre la cause qui guide ses pas. Par essence, le complexe de supériorité est la décompensation d'un complexe d'infériorité.
Un pouvoir qui ne s'utilise pas est un pouvoir dont on n'a pas l'usage. Par exemple l'amour donne du pouvoir sur son conjoint, mais il n'est pas utile. Par contre chercher le pouvoir pour obtenir l'amour ne fait obtenir qu'un mauvais amour de soi-même. Ou encore, utiliser le pouvoir obtenu grâce à l'amour détruit l'amour qui a concédé ce pouvoir (ceci on le voit tous les jours avec les star-traîtres, lol).
Ceci est dû au fait que l'amour et le pouvoir appartiennent à deux champs ontologiques distincts et incompatibles, et que sans s'apercevoir de cela, toute transition entre l'un et l'autre n'aura pour finalité que de révéler en quoi ces deux champs ontologiques sont incompatibles.
Il en va de même avec la liberté, qui appartient au même champ ontologique que l'amour, qui est intemporel et tourné vers aucun autre objectif que de se renforcer lui-même, là où le pouvoir est temporel, et tourné vers des objectifs périssables sitôt qu'ils sont atteints.
En ce sens, pouvoir et liberté sont les deux acceptions d'une même chose dans deux champs ontologiques distincts.
Le seul fait que le pouvoir veuille se renforcer par et pour lui-même, montre pour qui il se prend, à savoir une chose éternelle et intemporelle. Mais ce n'est point le cas.
Vouloir le pouvoir pour obtenir la liberté détruit la liberté. Vouloir la liberté pour obtenir le pouvoir réévalue le sens donné au terme de « pouvoir » de sorte qu'il signifie un accroissement de la liberté. Ce n'est pas le même « pouvoir ».
Tant qu'aucune distinction ontologique n'est prise en compte dans la définition de ces termes, cela ne les empêchent pas d'appartenir en réalité à deux ordres ontologiques distincts dans la réalité ; et surtout cela rend périlleuse la transition entre l'un et l'autre.
C'est à ce moment-là que s'opère la mise en opposition de ces termes. En ce sens, tout usage du pouvoir n'a pour seule finalité que de confisquer des libertés. Il y a un transvasement entre les deux. Soit le liquide est dans un des deux tubes à essai reliés par un pont, soit il est dans l'autre. Si on en prend à l'un, on en confisque à l'autre.
Et cette opération on la rend réelle par le simple fait de ne pas considérer qu'en réalité pouvoir et liberté sont comme un objet et son ombre.
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Maintenant on en arrive à un sujet qui concerne Étienne Chouard. Il désire confisquer la liberté des puissants en la rendant au peuple via une élection randomisée. C'est une erreur de faire cela.
Tout comme Sylar qui désire qu'on qui lui confisque ses pouvoirs pour ne plus être tenté de faire le mal, cela ne marchera pas. Car il ne s'agit pas encore de s'attaquer à la cause du problème, mais seulement de faire régresser la psychopathie à un stade antérieur où elle doit se cacher. Il est évident qu'elle trouvera d'autres failles pour s'infiltrer et s'exprimer à nouveau, et cette fois d'une manière à ne plus être embêtée par la nouvelle procédure ; donc de manière bien plus virulente.
En terme général, ceci n'est pas nouveau. La société toute entière est déjà dédicacée spécifiquement à confisquer les pouvoirs de ceux qui en font un mauvais usage afin de se protéger. Et selon la théorie de l'infiltration par d'autres voies plus subtiles et plus persistantes que nous venons d'énoncer, dans cette société ce « pouvoir caché » ne cesse d'opérer dans l'ombre, jusqu'à encore une fois grandir et devenir une véritable menace pour la survie de l'espèce. C'est à dire que le problème n'a pas été traité correctement.
En effet on en arrive au stade où les personnes honnêtes sont criminalisées tandis que les criminels de haut vol, qui détournent des sommes pharaoniques, déclenchent des guerres génocidaires, contrôlent toutes les sphères du pouvoir et de ce qu'on a le droit de penser ou pas, ne sont rien d'autre que le résultat d'avoir mal traité le mal qui est à la base. Et partant de là, toute solution ne fera que renforcer ce mal.
Le fait est qu'en désirant confisquer tous les pouvoirs, ce chemin est sans fin, et au final la société s'emprisonne elle-même en se confisquant toute liberté.
L'abus de pouvoir, tout comme l'abus de confiscation de pouvoir, condamnent tous deux la société à la privation de liberté.
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Chercher la paix par l'élimination du mal ne produit pas la paix.
La confiance et l'esprit de paix ne peuvent se fonder sur l'élimination systématique du plus faible mentalement.
C'est le fait de mettre le pouvoir et la liberté sur un même plan qui les rend antinomiques.
Sylar, notre « héros », pourrait aussi bien conserver ses « pouvoirs » et apprendre à n'en faire usage que pour le profit de la liberté au sens noble ; pas la sienne propre, mais celle de tous. C'est à dire devenir un vrai héros. Avoir du pouvoir devrait au contraire lui ôter toute envie d'avoir du pouvoir.
La question se pose pour celui que voudrait manger autant qu'il veut. S'il le pouvait, il mangerait autant qu'il peut. Il commet alors cette-même erreur de transition ontologique, sans le savoir, par réflex de décompensation. Mais pour celui qui peut manger autant qu'il peut, il a aussi le loisir de manger juste ce qu'il faut ; c'est une liberté dont il dispose. Il n'est pas obligé de maximiser sa liberté.
En ce sens, nous nous étonnons que les personnes de pouvoir, riches, aient besoin d'encore plus de richesse et de pouvoir, au point de confisquer toute richesse et tout pouvoir à l'ensemble des humains sur toute la terre. Pourquoi faire cela ? Tout ce qu'ils parviendront à comprendre, en toute fin d'analyse, est qu'il y a des ordres ontologiques distincts qui sont incompatibles ; et à partir de là tout le problème sera résolu. Cela s'appelle la sagesse.
La questions se pose aussi pour une société où la production des biens de première nécessité aura été entièrement robotisée. C'est ce qui arrivera dès lors qu'on disposera d'une source d'énergie infinie et gratuite, dans peu de temps. Pour que la société soit prête à cela, il faut qu'elle mette en place, par avance, ce qui rend possible cette avancée sans qu'elle ne devienne, au contraire, ce qui s'oppose à la liberté.
Et on entend demander : « Que feraient les gens s'ils étaient payés à ne rien faire ? ». La question est plutôt : « Si on a le pouvoir de ne rien faire, est-on obligés de ne rien faire ? ». Non, certainement que spontanément les gens aimeraient être actifs. Et d'ailleurs rien ne donnerait plus de sens à ce qu'ils font que s'ils le faisaient gratuitement.
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Le fait est qu'à partir du moment où on accepte qu'il existe une opposition entre pouvoir et liberté - ou tout autre antinomie apparente - on accepte de facto de ne pas résoudre l'énigme qui consiste à savoir juguler les deux de sorte qu'ils profitent l'un à l'autre ; on s'efforce de refuser de définir le pouvoir comme un composant matériel de la liberté, qui elle est un processus spirituel.
Tant qu'on reste dans la mise en opposition de deux termes antinomiques en apparence, on dévalue la signification de l'un des deux pour le mettre au niveau du premier, ce que nous appelons une normalisation. Et dès lors, les mots que nous utilisons sont rendus superficiels, tandis que leur signification profonde et première, pourtant essentielle à la vie, est sabordée.
