09/12/2025 elucid.media  3min #298476

L'eau comme arme géopolitique : l'Inde transforme ses fleuves en champs de bataille

publié le 09/12/2025 Par  Jack Thompson

Frontières et voies de communication naturelles, ressources halieutiques, fertilité des sols, les grands fleuves présentent de précieux atouts autour desquels des civilisations se sont bâties. Sans les richesses tirées du Nil, le rayonnement des empires d'Égypte aurait été bien moindre. Si de nos jours, la valeur des grands fleuves se mesure encore à l'aune de leur potentiel commercial et nourricier, leur apport en eau prime sur les autres considérations, la mainmise sur cette précieuse ressource attise les convoitises. La vallée de l'Indus, le delta du Bengale, autant de bassins hydrographiques, autant de tensions accumulées.

Un grand fleuve ne traverse, en général, pas qu'un seul territoire. La rétention de ses eaux, sa pollution, la construction de barrages, son éventuel détournement, le contrôle de la navigation par une nation exacerbera inévitablement les indignations avec ses voisines. Le  Chatt el-Arab (« rivière des Arabes ») constitue une frontière naturelle entre les univers arabes et aryens. Son partage, objet des accords d'Alger entre l'Irak et l'Iran, illustre la tournure dramatique que peut prendre ce type de conflit. Ce traité signé en 1975 a volé en éclats lorsque Saddam Hussein l'a renié avant d'attaquer l'Iran. Les huit années de guerre (1980-1988) ont provoqué un million de morts et se sont soldées par un statu quo ante bellum frontalier.

Ce conflit n'est sans doute pas étranger à l'adoption par l'ONU, en 1997, de la  Convention sur les cours d'eau internationaux à usage non navigable. Ce texte s'articule sur deux points essentiels. L'article 5 stipule que « les États du cours d'eau utilisent sur leurs territoires respectifs le cours d'eau international de manière équitable et raisonnable ». L'article 7 précise quant à lui que « lorsqu'ils utilisent un cours d'eau international sur leur territoire, les États du cours d'eau prennent toutes les mesures appropriées pour ne pas causer de dommages significatifs aux autres États du cours d'eau ».

Vague et ambiguë, la notion d'un partage « équitable et raisonnable » est sujette à interprétation. Ce qui paraît juste dans un pays ne l'est pas forcément dans un autre. Cette loi entrée bien plus tard en application - en 2014 - est aujourd'hui largement boudée. Seulement  35 pays l'ont ratifiée, dont deux en Asie (l'Ouzbékistan et le Vietnam). Malgré le caractère non contraignant de cette convention, les intérêts nationaux antagonistes en limitent l'application.

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