{"160104":{"id":"160104","parent":"160079","time":"1565254949","url":"http:\/\/newsnet.fr\/160104","source":"http:\/\/www.tlaxcala-int.org\/article.asp?reference=26751","category":"philosophie","title":"L'h\u00e9ritage langagier de Toni Morrison","catalog-images":"1\/newsnet_160104_64ff57.jpg","image":"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_160104_64ff57.jpg","hub":"newsnet","url-explicit":"http:\/\/newsnet.fr\/art\/l-heritage-langagier-de-toni-morrison","admin":"newsnet","views":"593","priority":"3","length":"8090","lang":"fr","content":"\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"http:\/\/www.tlaxcala-int.org\/biographie.asp?ref_aut=6871&lg_pp=fr\"\u003EJeva Lange\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EL'\u00e9crivaine Toni Morrison est d\u00e9c\u00e9d\u00e9e lundi \u00e0 New York \u00e0 l'\u00e2ge de 88 ans, causant une perte monumentale pour le paysage litt\u00e9raire usam\u00e9ricain.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cspan class=\"philum ic-img2\"\u003E\u003C\/span\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIllustrated AP Photo\/Michel Euler, Strawberry Blossom\/iStock\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EMorrison a remport\u00e9 le prix Nobel de litt\u00e9rature (l'un des deux seuls prix \u00e0 \u00eatre d\u00e9cern\u00e9s \u00e0 des femmes usam\u00e9ricaines, et toujours le seul jamais d\u00e9cern\u00e9 \u00e0 un \u00e9crivain africain-am\u00e9ricain) et un Pulitzer, parmi d'innombrables autres prix dans une carri\u00e8re qui a dur\u00e9 cinq d\u00e9cennies ; il est en effet difficile de faire comprendre aux non-initi\u00e9s combien ses livres sont vraiment importants. Elle a \u00e9galement \u00e9t\u00e9 une commentatrice politique prolifique et une avocate infatigable des \u00e9crivains noirs, inspirant m\u00eame des pr\u00e9sidents. Mais quand je pense \u00e0 l'h\u00e9ritage de Morrison, je pense toujours \u00e0 ce qu'elle a d\u00e9crit dans son discours de prix Nobel en 1993 comme \u00e9tant \"la mesure de nos vies\" : la langue.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EAu moins une partie de cette association est due au fait que lorsque j'\u00e9tais \u00e0 l'universit\u00e9, on m'a confi\u00e9 la t\u00e2che mis\u00e9rable d'\u00e9crire un pastiche du premier roman de Morrison, \u003Ci\u003EThe Bluest Eye\u003C\/i\u003E. \"Le style est n\u00e9 de l'id\u00e9e que l'\u00e9crivain essaie d'exprimer\", informait de mani\u00e8re secourable notre programme d'\u00e9tudes ceux d'entre nous qui s'appr\u00eataient \u00e0 se lancer dans une t\u00e2che aussi ambitieuse. \"Ce style ne peut \u00eatre s\u00e9par\u00e9 de la pens\u00e9e et du contenu et en est le reflet - c'est le pr\u00e9cepte fondateur de ce cours.\"\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EC'\u00e9tait la premi\u00e8re fois que je lisais Morrison, et dans les circonstances les plus intimidantes : pour essayer d'imiter l'inimitable. Comme j'\u00e9tudiais la litt\u00e9rature, je savais qui \u00e9tait Morrison ; avec Phillip Roth, qui \u00e9tait encore en vie \u00e0 l'\u00e9poque, on disait souvent qu'elle \u00e9tait le plus grand auteur usam\u00e9ricain vivant. Pourtant, je n'\u00e9tais pas pr\u00eate pour ouvrir \u003Ci\u003EThe Bluest Eye [L'œil le plus bleu]\u003C\/i\u003E. Elle reste ma pr\u00e9f\u00e9r\u00e9e parmi ses œuvres, une sorte de transmission de l'exercice de lecture d'un enfant. \"Voici la maison. Elle est verte et blanche. Elle a une porte rouge...\" devient dans le paragraphe suivant \"Voici la maison elle est verte et blanche elle a une porte rouge...\", et dans le suivant devient un babillage : \" Voicilamaisonelleestverteetblancheelleauneporterouge...\".\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EPuis vient cette proclamation de base par la voix du narrateur du roman et qui, dans sa premi\u00e8re \u00e9dition, \u00e9tait imprim\u00e9e directement sur la couverture : \u00ab Tranquille comme c'\u00e9tait, il ne poussa pas de marguerites \u00e0 l'automne de 1941. \u00c0 l'\u00e9poque, nous avons pens\u00e9 que c'\u00e9tait parce que Pecola allait avoir le b\u00e9b\u00e9 de son p\u00e8re, que les marguerites ne poussaient pas \u00bb.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EMorrison a publi\u00e9 \u003Ci\u003EThe Bluest Eye\u003C\/i\u003E \u00e0 l'\u00e2ge de 39 ans en 1970, et a \u00e9crit 10 autres romans dans sa vie, dont le plus r\u00e9cent en 2015. Beaucoup de ses autres livres sont plus appr\u00e9ci\u00e9s que \u003Ci\u003EThe Bluest Eye\u003C\/i\u003E : \u003Ci\u003ESong of Solomon [Le chant de Salomon]\u003C\/i\u003E est un favori souvent cit\u00e9, et \u003Ci\u003EBeloved\u003C\/i\u003E est peut-\u00eatre le plus connu gr\u00e2ce \u00e0 la promotion qu'en a fait Oprah Winfrey. Dans son propre avant-propos \u00e0 \u003Ci\u003EThe Bluest Eye\u003C\/i\u003E, Morrison a exprim\u00e9 son m\u00e9contentement \u00e0 l'\u00e9gard du livre, notant qu'elle avait observ\u00e9 que \"de nombreux lecteurs restaient touch\u00e9s mais pas \u00e9mus\".\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EMais pendant ces quelques semaines o\u00f9 j'ai b\u00fbch\u00e9 de fa\u00e7on obsessionnelle sur \u003Ci\u003EThe Bluest Eye\u003C\/i\u003E, froissant la couverture dans mes efforts pour extraire la cl\u00e9 du style de Morrison, j'ai \u00e9t\u00e9 \u00e9mue. Par l'histoire de Pecola, oui, mais aussi par la fa\u00e7on dont Morrison assemblait ses mots pour cr\u00e9er des images \u00e0 la fois dans mon esprit et - d'une mani\u00e8re que je ne comprends pas encore totalement - dans mon cœur.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EParfois, c'\u00e9tait aussi simple qu'une comparaison parfaite qui sonnait, presque musicalement, sur la page. \"Elle m'a laiss\u00e9 comme les gens quittent une chambre d'h\u00f4tel\", commence un passage. \" Leur conversation est comme une danse un peu m\u00e9chante : un son rencontre un autre son, fait la r\u00e9v\u00e9rence, h\u00e9site et se retire. \", dit un autre. D'autres encore sont simples et calmes : l'amour est \"\u00e9pais et sombre comme le sirop d'Alaga\", les dents sont \"coll\u00e9es comme deux touches de piano amarr\u00e9es entre des l\u00e8vres rouges \", et des nonnes \"passent aussi silencieuses que le d\u00e9sir\".\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEnsuite, il y a les longs passages de dialogue de Morrison, qui sont parfois ininterrompus par le signifiant \"dit-il\" ou \"dit-elle\". M\u00eame les commentaires de ses personnages les plus mineurs servent \u00e0 ancrer le r\u00e9cit dans une tradition nettement plus orale que le reste de sa prose. \"Mes choix de langage... sont des tentatives de transfigurer la complexit\u00e9 et la richesse de la culture noire usam\u00e9ricaine en une langue digne de cette culture \" : c'est ainsi que Morrison d\u00e9crit son effort dans l'avant-propos. Elle donne aux enfants des voix d'enfants (\"she's ministratin'\"), et la prose est souvent \u00e9branl\u00e9e par la simplicit\u00e9 d\u00e9vastatrice de leurs observations en langage familier (\"Le p\u00e8re de personne ne devrait \u00eatre nu devant sa propre fille. Sauf s'il \u00e9tait sale aussi\").\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EJe ne me souviens de rien sur la fa\u00e7on dont mon pastiche s'est finalement termin\u00e9 - c'\u00e9tait sans doute une tentative maladroite et embarrassante de reproduire la fa\u00e7on dont Morrison coupe directement \u00e0 travers les distractions du langage qui nous embourbent tous dans ce qu' Oprah appelle \"dire la v\u00e9rit\u00e9\". Les capacit\u00e9s de Morrison, apr\u00e8s tout, ont transcend\u00e9 le genre de langage stylistique qui peut \u00eatre imit\u00e9 p\u00e2lement. Ses romans cr\u00e9ent un \u00e9tat d'urgence \u00e0 cause du contenu qui est \u00e0 l'origine du style, un contenu souvent sombre et exigeant, et que la plupart des \u00e9crivains n'ont pas le courage de regarder droit dans les yeux.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECe n'est que quelques ann\u00e9es plus tard que je suis tomb\u00e9e sur \u003Ca href=\"https:\/\/www.theparisreview.org\/interviews\/1888\/toni-morrison-the-art-of-fiction-no-134-toni-morrison\"\u003El'interview de Morrison sur l' \"Art of Fiction\"\u003C\/a\u003E, dans laquelle elle dit que \"c'est ce que vous n'\u00e9crivez pas qui donne souvent sa puissance \u00e0 ce que vous \u00e9crivez\". Et c'est, je crois, la cl\u00e9 que je cherchais, mais je n'avais jamais pu entrer moi-m\u00eame dans la serrure. Peu nombreux sont ceux qui le peuvent car, pour Morrison, le \"langage\" n'est pas aussi simple que ce qui est imprim\u00e9. C'est aussi ce qui a \u00e9t\u00e9 v\u00e9cu, ce qui a \u00e9t\u00e9 ressenti, et est gliss\u00e9, lisse et tranchant comme un pi\u00e8ge, entre ces mots glorieux.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECourtesy of \u003Ca href=\"http:\/\/tlaxcala-int.org\"\u003ETlaxcala\u003C\/a\u003E\u003Cbr \/\u003E\nSource: \u003Ca href=\"https:\/\/theweek.com\/articles\/857248\/toni-morrisons-legacy-language\"\u003Etheweek.com\u003C\/a\u003E\u003Cbr \/\u003E\nPublication date of original article: 06\/08\/2019\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"http:\/\/www.tlaxcala-int.org\/article.asp?reference=26751\"\u003Etlaxcala-int.org\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E","_links":{"parent_art":[{"title":"The guardian : D\u00e9c\u00e8s de Toni Morrison, auteur et laur\u00e9at du Pulitzer, \u00e0 l'\u00e2ge de 88 ans","url":"http:\/\/newsnet.fr\/apicom\/id:160079,json:1"}]}}}