{"163643":{"id":"163643","parent":"0","time":"1572359985","url":"http:\/\/newsnet.fr\/163643","source":"http:\/\/www.cetri.be\/Irak-la-revolution-confisquee","category":"documentaires","title":"Irak, la r\u00e9volution confisqu\u00e9e","image":"","hub":"newsnet","url-explicit":"http:\/\/newsnet.fr\/art\/irak-la-revolution-confisquee","admin":"newsnet","views":"979","priority":"2","length":"12821","lang":"fr","content":"\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"https:\/\/www.cetri.be\/_Mohamed-Shiia_\"\u003EMohamed Shiia\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECe devait \u00eatre une r\u00e9volution, selon les dires des manifestants rencontr\u00e9s sur la place Tahrir \u00e0 Bagdad, le mardi 1er octobre : \u00ab Aujourd'hui, on va traverser le Tigre [pour aller dans la zone verte, si\u00e8ge du gouvernement] et changer le syst\u00e8me \u00bb, clame Mohamed Al-Issaoui, originaire de Najaf, en brandissant un portrait d'Abdel Wahab Al-Saadi. Ce dernier, chef militaire membre du service de contre-terrorisme (Iraqi Counter Terrorism Service, ICTS) et figure de la lutte contre l'Organisation de l'\u00c9tat islamique (OEI) est devenu le h\u00e9raut silencieux du mouvement populaire qui secoue l'Irak, l'homme providentiel que le peuple attend. \u00ab Nous voulons qu'Al-Saadi soit nomm\u00e9 premier ministre ! \u00bb, mart\u00e8le Salam Al-Massoudi, manifestant originaire de Bagdad.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa d\u00e9mocratie parlementaire n'\u00e9tant \u00e0 ses yeux qu'une farce, la foule r\u00e9clame un homme fort, capable de diriger le pays avec des principes patriotiques et non confessionnels, attributs qu'Al-Saadi semble avoir cultiv\u00e9s depuis ses faits de guerre. Plus encore, il s'est \u00e9rig\u00e9 contre la corruption qui gangr\u00e8ne l'ICTS, ce qui lui a valu de nombreux ennemis. En septembre 2019, le premier ministre Adel Abd Al-Mahdi le for\u00e7ait \u00e0 la d\u00e9mission. Pour un grand nombre d'Irakiens, ce fut l'affront de trop.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EN\u00e9e sur la toile, la nouvelle vague de contestation s'est rapidement organis\u00e9e et a fix\u00e9 une manifestation \u00e0 la date du 1er octobre en esp\u00e9rant un raz-de-mar\u00e9e qui forcerait le gouvernement \u00e0 d\u00e9missionner. Elle esp\u00e9rait aussi ramener Al-Saadi sur le devant de la sc\u00e8ne et provoquer des r\u00e9formes \u00e9conomiques n\u00e9cessaires pour sortir les classes populaires de la mis\u00e8re grandissante dans laquelle elles vivent.\u00ab Les gens meurent dans les h\u00f4pitaux ici. Ceux qui peuvent quittent le pays... Nous avons \u00e9t\u00e9 priv\u00e9s de nos droits depuis 2003... Les Irakiens normaux ont moins de droits que les collaborateurs qui servent les int\u00e9r\u00eats \u00e9trangers \u00bb, explique Karar Jassem, manifestant originaire du quartier de Karradah. Le mot \u00ab collaborateur \u00bb ne cible pas un pays en particulier, mais nombreux sont les Irakiens rencontr\u00e9s qui expriment le sentiment que leurs int\u00e9r\u00eats passent apr\u00e8s ceux de puissances \u00e9trang\u00e8res, \u00c9tats-Unis et Iran en t\u00eate.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ESur la place Tahrir, le rassemblement a vite tourn\u00e9 \u00e0 l'affrontement d\u00e8s que les forces de l'ordre ont tent\u00e9 de disperser la foule avec des canons \u00e0 eau br\u00fblante et des gaz lacrymog\u00e8nes. Ce fut l'\u00e9tincelle. Le rassemblement a tourn\u00e9 \u00e0 l'\u00e9meute. Peu apr\u00e8s, les manifestants repoussaient les forces de l'ordre de l'autre c\u00f4t\u00e9 du Tigre. Victoire de courte dur\u00e9e car d\u00e9j\u00e0 l'\u00ab unit\u00e9 de r\u00e9ponse rapide \u00bb, solidement arm\u00e9e, intervenait et balayait la foule sur la place en tirant en l'air. Dans la nuit, des affrontements entre \u00e9meutiers et forces de l'ordre se sont poursuivis \u00e0 diff\u00e9rents points de la ville, laquelle r\u00e9sonne depuis quotidiennement de tirs d'armes \u00e0 feu.\u003Cbr \/\u003E\nUne terrible r\u00e9pression\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe lendemain, c'est la m\u00eame foule que nous retrouvons dans les rues, avec des jeunes d'horizons divers, mais d\u00e9termin\u00e9s et disciplin\u00e9s, travaillant de pair avec les riverains et les ambulanciers pour que les \u00e9v\u00e9nements se d\u00e9roulent au mieux. Depuis le minist\u00e8re de l'industrie, des employ\u00e9s jettent des serpill\u00e8res tremp\u00e9es aux manifestants par-dessus la grille pour qu'ils saisissent les bombes lacrymog\u00e8nes et les \u00e9cartent sans se br\u00fbler. En face, des policiers bien arm\u00e9s barrent la route et ne cessent d'en lancer, tirant aussi en l'air \u00e0 balles r\u00e9elles lorsque la foule s'avance trop. Les policiers ne trouvent pas d'autre moyen que de faire \u00e0 nouveau usage de la force pour contenir les manifestants qui veulent \u00e0 tout prix avancer et rejoindre un autre cort\u00e8ge. L'ordre est de tenir la position.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EDans d'autres parties de la ville \u00e9galement, les accrochages entre policiers anti\u00e9meutes \u00e9paul\u00e9s par l'unit\u00e9 de r\u00e9ponse rapide et les manifestants font des centaines de bless\u00e9s et quelques morts. La col\u00e8re gagne d'autres villes du pays, principalement dans la r\u00e9gion chiite, avec des manifestations violentes \u00e0 Najaf, Nasriyeh, Bassora, entre autres. D\u00e9bord\u00e9, le gouvernement impose un couvre-feu, bloque la circulation routi\u00e8re et se r\u00e9sout \u00e0 couper le r\u00e9seau Internet dans le pays. Seule la r\u00e9gion kurde \u00e9chappe \u00e0 ces restrictions. Toutefois, incapable de satisfaire les demandes de la rue, il ne parvient pas \u00e0 emp\u00eacher des rassemblements quotidiens de dizaines de milliers de manifestants qui se transforment en affrontements parfois tr\u00e8s violents avec les forces de l'ordre.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes jours suivants, la situation se d\u00e9grade encore plus, avec des interventions de groupes arm\u00e9s non identifi\u00e9s et le signalement de snipers qui assassinent des manifestants, mais aussi des membres des forces de l'ordre. Alors que le mouvement \u00e9tait jusqu'alors pacifiste, chantant souvent le slogan \u00ab Silmiyeh ! \u00bb (pacifique), cette tournure dramatique a fait monter d'un cran la tension, avec le spectre d'une guerre civile sur le pays. Si l'identit\u00e9 de ces tueurs reste inconnue, l'assassinat de militants connus indique qu'il s'agit d'une manœuvre pour d\u00e9courager les manifestants. \u00ab Nous avons demand\u00e9 une enqu\u00eate pour que les coupables de ces crimes soient d\u00e9masqu\u00e9s, tout comme ceux qui ont br\u00fbl\u00e9 les locaux des chaines de t\u00e9l\u00e9vision et op\u00e9r\u00e9 des arrestations extrajudiciaires \u00bb, soutient Raed Fahmi, secr\u00e9taire g\u00e9n\u00e9ral du Parti communiste irakien et parlementaire.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EVendredi 4 octobre, sur un axe menant \u00e0 la rue de Palestine, quatre victimes vis\u00e9es \u00e0 la t\u00eate jonchaient le sol, bient\u00f4t plac\u00e9es dans des cercueils et ramen\u00e9es chez eux sous les chants de gloire aux martyrs. Malgr\u00e9 la menace, la foule continue d'avancer vers le gros de la manifestation, reprenant en cœur \u00ab Par notre esprit, par notre sang, nous nous sacrifions pour toi, \u00f4 Irak ! \u00bb Apr\u00e8s une semaine de violence, on d\u00e9plore plus de 165 personnes tu\u00e9es, principalement des manifestants, et des milliers de bless\u00e9s, selon le minist\u00e8re de la sant\u00e9. Plusieurs si\u00e8ges de partis politiques sont \u00e9galement vandalis\u00e9s.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EInitialement incapable de r\u00e9pondre \u00e0 la mobilisation populaire autrement que par la r\u00e9pression, le gouvernement d'Al-Mahdi a fini par prendre acte de l'ampleur de la contestation. D\u00e8s mercredi 2 octobre, le premier ministre s'est adress\u00e9 au pays \u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision durant un bref moment de r\u00e9tablissement de l'Internet dans le pays en appelant au calme et en promettant de prendre en compte les demandes de la rue. Cette intervention a \u00e9t\u00e9 suivie par la promesse de mise en place de r\u00e9formes et de moyens pour encourager l'emploi. Mais ces mesures cosm\u00e9tiques de derni\u00e8re minute n'ont pas convaincu les protestataires d\u00e9termin\u00e9s \u00e0 voir le gouvernement tomber.\u003Cbr \/\u003E\nDes institutions affaiblies\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes forces politiques traditionnelles sont prises au d\u00e9pourvu par le ph\u00e9nom\u00e8ne. Les manifestants n'ont pas fait d'exception dans leurs critiques et ne souhaitent pas \u00eatre instrumentalis\u00e9s par ces m\u00eames politiciens. D'habitude champions de la mobilisation populaire \u00e0 des fins politiques, l'ayatollah Ali Al-Sistani ainsi que le cheikh Moqtada Al-Sadr ont pris le train en marche plut\u00f4t que de le mener, soutenant le droit des manifestants \u00e0 s'exprimer. Ce d\u00e9calage d\u00e9note un d\u00e9senchantement de la jeunesse chiite, communaut\u00e9 majoritaire en Irak, qui ne se reconnait plus dans ces poids lourds de la politique irakienne.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u00c0 ce stade, il faut remarquer la double anomalie de la situation institutionnelle en Irak. La coalition Al-Sairoun, dirig\u00e9e par le mouvement sadriste est la premi\u00e8re force du Parlement ; il lui incombait normalement de former le gouvernement en faisant des alliances et en obtenant une majorit\u00e9 parlementaire et de le diriger. Or cette clause n'a pas \u00e9t\u00e9 appliqu\u00e9e. \u00ab Ce n'est pas la premi\u00e8re fois que la Constitution n'est pas respect\u00e9e. En 2010, Ayad Allaoui avait la plus forte repr\u00e9sentation, mais le Parlement ne lui a pas accord\u00e9 le poste de chef du gouvernement. La crise qui a suivi a affaibli les institutions, men\u00e9 \u00e0 la nomination de Nouri Al-Maliki, \u00e0 la fragilisation de l'\u00c9tat puis \u00e0 l'\u00e9mergence de l'\u00c9tat islamique \u00bb explique Ahmad Haj Rachid, parlementaire irakien et membre du parti Komal, une petite formation kurde.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe pr\u00e9c\u00e9dent de 2010 aurait d\u00fb pousser les parlementaires \u00e0 se mettre d'accord sur le respect des r\u00e8gles de la Constitution. Or, une fois de plus, le gouvernement de 2018 est plus repr\u00e9sentatif d'un consensus tacite entre les poids lourds de la politique plut\u00f4t que l'expression du vote populaire. Les minist\u00e8res ont \u00e9t\u00e9 attribu\u00e9s selon leur affiliation politique plut\u00f4t que pour faire faire fonctionner l'\u00c9tat de mani\u00e8re performante. \u00ab Le gouvernement actuel est le r\u00e9sultat d'un compromis entre diff\u00e9rentes coalitions politiques [principalement Al-Sairoun, du mouvement sadriste et Fatah, proches des milices pro-Iran] cr\u00e9\u00e9 pour \u00e9viter une crise politique majeure. Mais il \u00e9tait \u00e9galement convenu que le pays s'engage dans une s\u00e9rie de r\u00e9formes politiques, sociales et \u00e9conomiques qui n'ont pas \u00e9t\u00e9 appliqu\u00e9es \u00bb ajoute Raed Fahmi.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cb\u003EL'Iran vis\u00e9 par les manifestants chiites\u003C\/b\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EPlus grave encore selon Raed Fahmi est l'existence d'un \u00ab \u00c9tat profond \u00bb qui œuvre \u00e0 la perp\u00e9tuation du pouvoir d'acteurs politiques sur les institutions et sur tel ou tel secteur de l'\u00e9conomie. \u00ab Des groupes d'int\u00e9r\u00eats affili\u00e9s \u00e0 des partis politiques contr\u00f4lent des postes clefs de l'\u00c9tat et restent en place, quels que soient les partis au pouvoir. Ils entretiennent leurs r\u00e9seaux client\u00e9listes, nuisant grandement \u00e0 l'efficacit\u00e9 des institutions \u00bb soutient-il. Ahmad Haj Rachid va plus loin encore, soutenant que cet \u00c9tat profond entretient des relations avec des acteurs \u00e9trangers qui remettent en cause la souverainet\u00e9 de l'Irak. Difficile dans ces conditions d'imaginer une sortie de crise.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEn attendant, les rues de Bagdad et des principales villes du sud de l'Irak vont continuer de r\u00e9sonner des chants des manifestants qui appellent de leurs vœux une r\u00e9volution en profondeur de la politique. La g\u00e9opolitique r\u00e9gionale nuit grandement \u00e0 la mise en place de r\u00e9formes r\u00e9elles qui puissent mener l'Irak, pourtant d\u00e9tenteur d'\u00e9normes richesses naturelles, gaspill\u00e9es \u00e0 outrance, sur la voie de la prosp\u00e9rit\u00e9. Les relations incestueuses entre milices, partis politiques et \u00c9tats \u00e9trangers ont d\u00e9j\u00e0 montr\u00e9 comment des acteurs non \u00e9tatiques pouvaient jouer un r\u00f4le contre-r\u00e9volutionnaire capable de confisquer au peuple qui se r\u00e9volte sa capacit\u00e9 \u00e0 influer en profondeur sur un gouvernement et des institutions qui les n\u00e9gligent.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe r\u00f4le de l'Iran en Irak est d\u00e9cri\u00e9 par les manifestants qui voudraient voir son influence sur le pays diminuer, ironie lorsqu'on sait que la grande majorit\u00e9 des Irakiens dans la rue aujourd'hui sont chiites. T\u00e9h\u00e9ran, voyant dans ce mouvement populaire une force capable d'amenuiser son influence en Irak a imm\u00e9diatement condamn\u00e9 les manifestations. Parall\u00e8lement, l'implication des milices chiites affili\u00e9es \u00e0 T\u00e9h\u00e9ran dans la r\u00e9pression des manifestations n'est pas seulement une rumeur et participe de cet effort de pr\u00e9server la mainmise iranienne sur le syst\u00e8me politique iranien.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u00ab \u00c7a fait seize ans que \u00e7a dure, on en a marre. On \u00e9t\u00e9 massacr\u00e9s par les politiques confessionnelles... On est sorti de l'injustice sous Saddam Hussein pour entrer dans cette nouvelle \u00e8re d'injustice, \u00e7a doit cesser \u00bb, d\u00e9plore Salam Al-Massoudi, dans un cort\u00e8ge de manifestation \u00e0 Bagdad. Malgr\u00e9 le drame qui accompagne cette r\u00e9volte, le caract\u00e8re anti-confessionnel qui le caract\u00e9rise annonce-t-il une \u00e8re politique plus ax\u00e9e sur les questions sociales et de d\u00e9veloppement, ainsi que de performance de l'\u00c9tat dans les ann\u00e9es \u00e0 venir ?\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EPubli\u00e9 le 11 octobre 2019\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ctable\u003E\u003Ctbody\u003E\u003Ctr\u003E\u003Ctd\u003E\u003C\/td\u003E\u003Ctd\u003E \u003Cb\u003EVoir en ligne\u003C\/b\u003E\u003C\/td\u003E\u003Ctd\u003E \u003Ca href=\"https:\/\/orientxxi.info\/magazine\/irak-la-revolution-confisquee,3335\"\u003Eorientxxi.info\u003C\/a\u003E\u003C\/td\u003E\u003C\/tr\u003E\u003C\/tbody\u003E\u003C\/table\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"http:\/\/www.cetri.be\/Irak-la-revolution-confisquee\"\u003Ecetri.be\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E"}}