{"164038":{"id":"164038","parent":"163643","time":"1573145760","url":"http:\/\/newsnet.fr\/164038","source":"http:\/\/orientxxi.info\/magazine\/les-manifestations-en-irak-indice-d-un-suicide-du-pouvoir,3401","category":"documentaires","title":"Le brasier irakien menace le pouvoir, l'autorit\u00e9 religieuse et l'Iran","image":"","hub":"newsnet","url-explicit":"http:\/\/newsnet.fr\/art\/le-brasier-irakien-menace-le-pouvoir-l-autorite-religieuse-et-l-iran","admin":"newsnet","views":"675","priority":"3","length":"22315","lang":"fr","content":"\u003Cp\u003EDepuis le d\u00e9but du mois d'octobre, les manifestations se multiplient en Irak. Autonomes par rapport \u00e0 toutes les forces politiques, mobilisant en premier lieu les jeunes, elles ne mettent pas seulement en cause le gouvernement, mais aussi l'autorit\u00e9 religieuse et les ing\u00e9rences de l'Iran.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa r\u00e9volte spontan\u00e9e est subitement r\u00e9apparue place Tahrir, au centre de Bagdad. Alors que dans les ann\u00e9es pass\u00e9es, les partisans de Moqtada Sadr et leurs alli\u00e9s communistes de circonstance, avaient pu encadrer le mouvement populaire contre le gouvernement, celui-ci affirme d\u00e9sormais son autonomie.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe 1\u003Csup\u003Eer\u003C\/sup\u003E octobre, pour la premi\u00e8re fois depuis la naissance de l'Irak moderne il y a pr\u00e8s de cent ans, le Hirak (Mouvement) est apparu autonome, prenant de court les candidats au pouvoir, les r\u00e9duisant au silence. En visite \u00e0 T\u00e9h\u00e9ran, Moqtada Sadr s'est drap\u00e9 de l'\u003Ci\u003Eabaya\u003C\/i\u003E de la retraite spirituelle (\u003Ci\u003Eitikaf\u003C\/i\u003E), apr\u00e8s \u00eatre apparu aux pieds du Guide de la r\u00e9volution iranienne, aux c\u00f4t\u00e9s du g\u00e9n\u00e9ral Qassem Soleimani, comme quelqu'un qui qu\u00e9mande l'absolution apr\u00e8s des ann\u00e9es de navigation loin des eaux iraniennes, et de repli incertain en terre saoudienne.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes manifestations d'octobre 2019 surviennent avec le premier anniversaire de la r\u00e9pression brutale du \u003Ca href=\"https:\/\/orientxxi.info\/magazine\/magazine\/le-soulevement-de-bassora-ebranle-l-irak,2619\"\u003Esoul\u00e8vement de Bassora\u003C\/a\u003E en 2018, qui a failli entra\u00eener la chute du r\u00e9gime. \u00c0 l'\u00e9poque, les Iraniens, comme \u00e0 leur habitude, \u00e9taient intervenus pour l'\u00e9touffer par l'interm\u00e9diaire de leurs groupes arm\u00e9s. Ces nouvelles manifestations surviennent 85 ans apr\u00e8s la proclamation par la Soci\u00e9t\u00e9 des Nations (SDN), en 1932, de la fin du mandat britannique et d'un Irak ind\u00e9pendant.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003ELe feu aux poudres\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EL'\u00e9t\u00e9 avait \u00e9t\u00e9 tranquille. La vague de col\u00e8re populaire qui a secou\u00e9 le pays en 2018 semblait n'\u00eatre plus qu'un souvenir effrayant pour le pouvoir. La rue \u00e9tait en attente d'un nouveau sursaut \u00e0 l'ombre du gouvernement faible de Adel Abdel Mahdi, l'homme aux all\u00e9geances changeantes. Les manifestations \u00e0 Bagdad, le 1\u003Csup\u003Eer\u003C\/sup\u003E octobre, \u00e9taient inattendues. Elles sont venues \u00e0 la fin de la traditionnelle saison des manifestations estivales, car l'automne, moment de la rentr\u00e9e scolaire, s'accompagne en g\u00e9n\u00e9ral d'une baisse de la pression sur l'\u00e9lectricit\u00e9.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECette fois-ci, ces protestations ont \u00e9t\u00e9 provoqu\u00e9es, contrairement \u00e0 toutes les pr\u00e9visions, par une \u00e9tincelle jaillie, cinq jours auparavant, dans la matin\u00e9e du 26 septembre, \u00e0 partir d'un rassemblement de dipl\u00f4m\u00e9s universitaires devant le si\u00e8ge du chef du gouvernement hors de la \u00ab zone verte \u00bb. Un rassemblement dispers\u00e9 avec une violence injustifi\u00e9e physique et verbale contre les manifestants, l'usage de canons \u00e0 eau chaude et de gaz lacrymog\u00e8nes.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe lendemain, 27 septembre, le cabinet d'Abdel Mahdi annon\u00e7ait en sa qualit\u00e9 de commandant en chef des forces arm\u00e9es, le limogeage du lieutenant-g\u00e9n\u00e9ral Abdel Wahab Al-Saadi, commandant du service irakien de lutte contre le terrorisme, soutenu par les Am\u00e9ricains, et sa mise \u00e0 disposition du d\u00e9partement des retraites au minist\u00e8re de la d\u00e9fense.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa d\u00e9cision d'Abdel Mahdi et la r\u00e9pression du sit-in des jeunes dipl\u00f4m\u00e9s de l'enseignement sup\u00e9rieur ont incit\u00e9 des activistes \u00e0 lancer un appel \u00e0 manifester le 1\u003Csup\u003Eer\u003C\/sup\u003E octobre sur la place Tahrir. Les autorit\u00e9s n'avaient pas accord\u00e9 grand int\u00e9r\u00eat \u00e0 cet appel tandis que la rue, habitu\u00e9e \u00e0 ce genre de proclamation sur les r\u00e9seaux sociaux, n'avait pas elle-m\u00eame montr\u00e9 grand enthousiasme.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003EUne mentalit\u00e9 s\u00e9curitaire\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECependant, la mentalit\u00e9 s\u00e9curitaire consid\u00e8re toute invitation \u00e0 manifester comme un \u00ab complot \u00bb. Quand les activistes, peu nombreux quelques dizaines tout au plus sont arriv\u00e9s place Tahrir, ils ont \u00e9t\u00e9 encercl\u00e9s par des forces lourdement arm\u00e9es. En quelques instants, les charges ont lieu, la sombre f\u00eate de la mort s'est enclench\u00e9e ce soir-l\u00e0 : gaz, tirs \u00e0 balles r\u00e9elles et manifestants \u00e9cras\u00e9s par les v\u00e9hicules.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECe jour-l\u00e0, Bassora, bastion permanent de la contestation, \u00e9tait sous tension, mais silencieuse. Mais la ville voisine de Nassiriya s'est alors soulev\u00e9e, suivie par d'autres villes proches. La surprise est venue de Najaf, la ville sainte o\u00f9 sont install\u00e9s les grands dignitaires religieux chiites (les \u003Ci\u003Emarja\u003C\/i\u003E, r\u00e9f\u00e9rents) dont l'ayatollah \u003Ca href=\"https:\/\/orientxxi.info\/magazine\/magazine\/l-ayatollah-al-sistani-porte-parole-d-un-nationalisme-chiite-irakien,1225\"\u003EAl-Sistani\u003C\/a\u003E, tels des dieux attendant les offrandes des fid\u00e8les. Najaf a ainsi connu de vastes manifestations \u00e9galement r\u00e9prim\u00e9es avec violence.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EAu cours des quatre derni\u00e8res ann\u00e9es, les manifestations avaient souvent \u00e9clat\u00e9 \u00e0 partir de Bassora, dans le sud de l'Irak. Cette fois-ci, c'est de Bagdad qu'elles ont \u00e9t\u00e9 enclench\u00e9es et \u00e0 un moment inattendu. Elles ont \u00e9t\u00e9 le fait de groupes non traditionnels, sans leadership ni liens avec des organisations politiques. Habituellement, ce sont des \u00ab courtiers des manifestations \u00bb qui se chargent d'appeler \u00e0 protester sur la sc\u00e8ne publique. Cette fois-ci, ils ont compl\u00e8tement disparu face \u00e0 l'authenticit\u00e9 de la col\u00e8re.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes indicateurs d'une explosion de la situation en Irak se sont accumul\u00e9s avec le recul des spectres d'Al-Qaida et de l'organisation de l'\u00c9tat islamique (OEI), des groupes arm\u00e9s terroristes et des milices criminelles. Les Irakiens se sont retrouv\u00e9s confront\u00e9s \u00e0 des dangers tout aussi d\u00e9vastateurs, tels que l'effondrement des services publics, le manque d'\u00e9lectricit\u00e9, la chute du pouvoir d'achat et l'inflation. Un d\u00e9ficit budg\u00e9taire qui se creuse alors que les recettes diminuent, le tout baignant dans une vaste corruption qui semble s'\u00e9tendre encore et une \u00e9conomie parall\u00e8le g\u00e9r\u00e9e par des partis et des groupes arm\u00e9s.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003E\u00ab La mort pour fuir la mort \u00bb\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EL'id\u00e9e essentielle que le pouvoir ne parvient pas \u00e0 comprendre est que l'Irak est un pays jeune. Sa structure d\u00e9mographique est compos\u00e9e d'une jeunesse dynamique et mouvante. La proportion des personnes \u00e2g\u00e9es d\u00e9cro\u00eet alors que celle des jeunes de 15-30 ans augmente. Pr\u00e8s de 80 % de ces jeunes subissent le ch\u00f4mage, connaissent la mis\u00e8re et m\u00e8nent une vie sombre sans perspectives, d'o\u00f9 l'accroissement rapide, sans pr\u00e9c\u00e9dent, du taux de suicide. Au cours des neuf premiers mois de 2019, 275 jeunes se sont suicid\u00e9s selon le bureau de la Commission des droits de l'homme. Les autorit\u00e9s ont tu\u00e9 plus de 300 jeunes en un mois durant les manifestations. Bien entendu, ce chiffre des suicides n'est pas v\u00e9ritablement repr\u00e9sentatif, car les familles et les commissariats de police sur instruction du pouvoir n'enregistrent pas la plupart des d\u00e9c\u00e8s comme \u00e9tant des suicides. Les familles ne le font pas en raison de la \u00ab honte sociale \u00bb associ\u00e9e au suicide. Le pouvoir, lui, est anim\u00e9 du souci de masquer l'\u00e9chec du gouvernement.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa psychologie des Irakiens n'admet pas le suicide, mais cela constitue un choix pr\u00e9f\u00e9rable pour ceux qui fuient la mort lente \u00e0 l'ombre d'un pouvoir corrompu. L'\u00e9quation m\u00eame d'un d\u00e9sespoir social accablant. \u00ab La mort pour fuir la mort \u00bb est devenue d\u00e9sormais une \u00e9quation plus \u00e9vidente.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EBien que le pouvoir tente d'\u00e9touffer l'information pour couvrir ses crimes, l'examen des vid\u00e9os des manifestations d'octobre qui font rage jusqu'\u00e0 ce jour montre une d\u00e9termination des jeunes \u00e0 faire face aux balles r\u00e9elles avec un courage qui fait peur. La r\u00e9pression a \u00e9t\u00e9 d'une brutalit\u00e9 inou\u00efe : durant la premi\u00e8re semaine (du 1\u003Csup\u003Eer\u003C\/sup\u003E au 7 octobre), 100 jeunes ont \u00e9t\u00e9 tu\u00e9s, et il y a eu pr\u00e8s de 4 000 bless\u00e9s. Certaines de ces blessures occasionnent une invalidit\u00e9 permanente. En 30 jours de protestation, le bilan est de 370 morts et plus de 10 000 bless\u00e9s. Des massacres ont \u00e9t\u00e9 commis avec une brutalit\u00e9 sans nom \u00e0 Maysan, Kerbala et Bagdad.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EDurant les quinze premiers jours de la protestation, le pouvoir a plong\u00e9 le pays dans l'obscurit\u00e9, Internet a \u00e9t\u00e9 coup\u00e9 et les communications brouill\u00e9es, l'Irak a \u00e9t\u00e9 ainsi totalement isol\u00e9 du reste du monde. En m\u00eame temps que la vague montante de meurtres pour endiguer la protestation, les milices du pouvoir, soutenues par des \u00e9l\u00e9ments iraniens, ont attaqu\u00e9 les cha\u00eenes de TV satellitaires, ainsi que les soci\u00e9t\u00e9s de radiodiffusion en direct. Un certain nombre de bureaux et de locaux ont \u00e9t\u00e9 incendi\u00e9s.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EFace \u00e0 ce pari despotique sur le meurtre pour stopper les protestations qui font vaciller le r\u00e9gime, les jeunes ont affront\u00e9 la machine barbare de la mort, d\u00e9boulant vers les places et les rues, d\u00e9sarm\u00e9s, pacifiques, tandis que diss\u00e9min\u00e9s sur les toits des snipers cueillaient sans piti\u00e9 leurs vies et leurs r\u00eaves.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003EUne solution s\u00e9curitaire sanglante\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EAu-del\u00e0 de l'empathie que l'on ressent en regardant ces vid\u00e9os d'assassinats, la question qui pr\u00e9vaut est celle-ci : pourquoi ces jeunes ne reculent-ils pas, pourquoi ne rentrent-ils pas chez eux d\u00e8s lors que le pouvoir les tue sans piti\u00e9 par le biais de groupes et des milices non irakiennes ? Pourquoi ne le font-ils pas alors qu'ils ont la certitude que le r\u00e9gime ne r\u00e9pondra pas \u00e0 leur exigence de le voir partir ou m\u00eame de r\u00e9former sa structure corrompue ?\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa r\u00e9ponse est pr\u00e9cis\u00e9ment dans ce d\u00e9sespoir d\u00e9sormais ancr\u00e9. Le choix s'offre d\u00e9sormais entre le suicide comme geste individuel de protestation et le suicide de masse face \u00e0 la brutalit\u00e9 de la r\u00e9pression, dans un rejet total du maintien du r\u00e9gime et de son emprise sur le pouvoir.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EFace \u00e0 l'intensification de la vague de protestation et son extension \u00e0 d'autres villes comme Nassiriya, Najaf, Kerbala et aussi \u00e0 Babel (Babylone), Diwaniya, Muthanna, Maysan, Wassit et Bassora, la peur est devenue le moteur du pouvoir alors qu'il aurait fallu prendre des mesures urgentes pour contenir la situation : traduire en justice quelques gros poissons de la corruption, engager une campagne de lutte contre le crime partisan organis\u00e9, assainir les institutions de l'\u00c9tat des mafias qui pillent le bien public, d\u00e9ployer l'arm\u00e9e dans les rues pour emp\u00eacher tout contre-mouvement des milices des partis et des factions du Hachd Al-Chaabi (Unit\u00e9s de mobilisation populaire) li\u00e9s \u00e0 l'Iran.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EMais la r\u00e9ponse, froide et totalement d\u00e9connect\u00e9e de la r\u00e9alit\u00e9, a \u00e9t\u00e9 un recours \u00e0 la solution s\u00e9curitaire sanglante, aux discours provocateurs du premier ministre Adel Abdel Mahdi, son obstination \u00e0 ne pas d\u00e9missionner ; de m\u00eame que des discours similaires des dignitaires religieux chiites de Najaf, qui n'\u00e9taient pas moins provocateurs, ni moins coup\u00e9s de la r\u00e9alit\u00e9.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003E\u00ab La marja'iyya ne me repr\u00e9sente pas \u00bb.\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EDurant 16 ans, la \u003Ci\u003Emarja'iyya\u003C\/i\u003E \u003Csup\u003E\u003Ca href=\"#nb1\" id=\"nh1\"\u003E1\u003C\/a\u003E\u003C\/sup\u003E religieuse du Najaf jouissait d'un respect qui n'a cess\u00e9 de refluer d'une ann\u00e9e sur l'autre et d'une g\u00e9n\u00e9ration \u00e0 l'autre. Les fid\u00e8les \u00e2g\u00e9s de Sistani ont \u00e9t\u00e9 pouss\u00e9s par une g\u00e9n\u00e9ration tr\u00e8s jeune qui ne regarde pas le turban noir avec d\u00e9f\u00e9rence, mais consid\u00e8re au contraire que les religieux sont au cœur du r\u00e9gime et de sa corruption.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECes jeunes ont lanc\u00e9 le hashtag \u00ab la marja'iyya ne me repr\u00e9sente pas \u00bb. Le rejet des jeunes de la \u003Ci\u003Emarja'iyya\u003C\/i\u003E du Najaf a \u00e9t\u00e9 embarrassant et il est venu \u00e0 un moment d\u00e9licat. Deux semaines avant le d\u00e9clenchement de la protestation d'octobre, 33 personnes ont \u00e9t\u00e9 tu\u00e9es et des centaines d'autres au moins ont \u00e9t\u00e9 bless\u00e9es dans une bousculade \u00e0 l'entr\u00e9e du mausol\u00e9e de l'imam Hussein \u00e0 Karbala durant les c\u00e9r\u00e9monies de l'Achoura.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes autorit\u00e9s gouvernementales et religieuses ont consid\u00e9r\u00e9 que la \u00ab bousculade \u00bb \u00e9tait un accident, mais des participants au rituel ont affirm\u00e9 que c'est un affaissement du sol \u00e0 l'entr\u00e9e du mausol\u00e9e, au niveau de Bab Al-Raja (la Porte de l'esp\u00e9rance) qui a caus\u00e9 la catastrophe. Que ce soit une \u00ab bousculade \u00bb ou un \u00ab affaissement du sol \u00bb, l'affaire a \u00e9t\u00e9 class\u00e9e sans questionnements.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003EUne catastrophe, mais aucune sanction\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes autorit\u00e9s religieuses investissent de mani\u00e8re opaque et hors de tout contr\u00f4le gouvernemental des fonds consid\u00e9rables dans des projets \u00e9conomiques et immobiliers en Irak et \u00e0 l'ext\u00e9rieur, en lien avec le renforcement de leur poids financier et de leur pouvoir politique et militaire (elles disposent d'au moins deux divisions militaires). Elles pr\u00e9tendent que ces fonds viennent de l'imp\u00f4t du \u003Ci\u003Ekhoms\u003C\/i\u003E (litt\u00e9ralement \u00ab le cinqui\u00e8me) dont s'acquittent annuellement les chiites pour affirmer leur loyaut\u00e9 et leur foi et b\u00e9n\u00e9ficier de l'intercession apr\u00e8s la mort.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECes fonds sont investis par le biais d'organismes \u00e9conomiques, d'entreprises et de groupes familiaux, et une partie est consacr\u00e9e \u00e0 l'extension de la zone sacr\u00e9e des sanctuaires par des constructions souterraines sur le mod\u00e8le des extensions faites en Iran. Le plus grand investisseur y est le groupe Khatam Al-Anbiya'a (Sceau des proph\u00e8tes), branche d'investissement des Gardiens de la r\u00e9volution iraniens.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa catastrophe de Bab Al-Raja est ainsi pass\u00e9e sans la moindre sanction, les organismes religieux n'ont pas eu \u00e0 rendre des comptes. Aucune enqu\u00eate n'a \u00e9t\u00e9 ouverte et aucune partie n'a assum\u00e9 de responsabilit\u00e9, ni \u00ab l'\u00c9tat \u00bb ni le gouvernement n'ont os\u00e9 poser des questions. La \u003Ci\u003Emarja'iyya\u003C\/i\u003E de Sistani a justifi\u00e9 la mort des visiteurs par la \u003Ci\u003E\u00ab ferveur des fid\u00e8les pour rejoindre leur saint \u00bb\u003C\/i\u003E !\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EApr\u00e8s des discours d'apaisement de Abdel Mahdi et de Sistani et malgr\u00e9 des appels \u00e0 ne pas tirer sur les manifestants, les portes de l'enfer ont \u00e9t\u00e9 ouvertes devant les protestataires, le rythme des assassinats a pris une folle dimension \u00e0 travers le d\u00e9ploiement de snipers embusqu\u00e9s, l'utilisation de grenades et le bombardement au mortier de certains quartiers pauvres comme Sadr City. Moqtada Al-Sadr est alors intervenu pour prot\u00e9ger ses partisans et a menac\u00e9 le r\u00e9gime de faire bouger sa milice si les assassinats de protestataires se poursuivaient.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003EPlus de capacit\u00e9 \u00e0 diriger le pays\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa l\u00e9gitimit\u00e9 du r\u00e9gime a pris fin en Irak. Les manifestations de col\u00e8re, devenues quotidiennes, indiquent que le r\u00e9gime est au bord de la d\u00e9faite. Avec tant de sang irakien vers\u00e9, le r\u00e9gime n'a plus de l\u00e9gitimit\u00e9. D'autres indicateurs le montrent : lors des l\u00e9gislatives de 2018, les jeunes ont lanc\u00e9 une campagne de boycott des \u00e9lections. Seulement 32 % des \u00e9lecteurs ont particip\u00e9 au vote \u00e0 travers l'ensemble de l'Irak bien que la commission \u00e9lectorale ait d\u00e9clar\u00e9 un taux de participation de 48 %. Un chiffre trompeur, car il calcule le pourcentage de vote \u00e0 l'\u00e9tranger comme un taux parall\u00e8le au vote \u00e0 l'int\u00e9rieur. On comptabilise ainsi les 800 000 voix de l'ext\u00e9rieur avec les 8 millions de voix \u00e0 l'int\u00e9rieur et ainsi le taux de participation se trouve gonfl\u00e9. Le r\u00e9gime n'a donc pas r\u00e9ussi \u00e0 pr\u00e9server sa l\u00e9gitimit\u00e9 par la pratique d\u00e9mocratique avant tout.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EFait remarquable, un aveu timide de la faillite du r\u00e9gime est venu de l'ancien chef de gouvernement, Ha\u00efdar Al-Abadi, qui a admis que \u003Ci\u003E\u00ab le gouvernement a perdu la capacit\u00e9 de diriger le pays \u00bb\u003C\/i\u003E. Cela signifie que le groupe dirigeant est conscient du rejet populaire et que le r\u00e9gime n'est pas en mesure de combattre la mort pacifique des gens par la r\u00e9pression sauvage. Moqtada Al-Sadr s'est empar\u00e9 du sang des victimes pour r\u00e9gler des comptes avec ses adversaires, annoncer qu'il d\u00e9savoue le gouvernement d'Abdel Mahdi et exige son d\u00e9part. Des annonces faites apr\u00e8s un retour soudain de T\u00e9h\u00e9ran, une capitale qui fustige avec col\u00e8re les protestations comme \u00e9tant une \u003Ci\u003Efitna\u003C\/i\u003E (s\u00e9dition) am\u00e9ricano-sioniste et consid\u00e8re que les \u00e9meutes doivent cesser.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003EUne corruption end\u00e9mique\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe r\u00e9gime combat les protestataires, mais ne se remet pas en cause. Ces derniers r\u00e9clament d'assainir le r\u00e9gime du fl\u00e9au de la corruption et de r\u00e9tablir l'autorit\u00e9 perdue de \u00ab l'\u00c9tat \u00bb du fait de l'h\u00e9g\u00e9monie des factions arm\u00e9es (Hachd Al-Chaabi) qui ob\u00e9issent \u00e0 T\u00e9h\u00e9ran et \u00e0 leur forte repr\u00e9sentation \u00e0 la chambre des d\u00e9put\u00e9s et au sein du gouvernement f\u00e9d\u00e9ral et des administrations locales. Sans oublier les partis et les courants religieux qui contr\u00f4lent les minist\u00e8res et d\u00e9pensent de l'argent public pour leur propre b\u00e9n\u00e9fice.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa dilapidation des deniers publics par la corruption est estim\u00e9e \u00e0 1 000 milliards de dollars (895 milliards d'euros) depuis 2003, ce qui explique l'extr\u00eame richesse des partis, leurs appareils \u00e9conomiques et leur force face \u00e0 la pauvret\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale dont souffre le peuple irakien.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EL'Irak a du mal \u00e0 s'acquitter du financement annuel du secteur public qui croule sous le poids d'un ch\u00f4mage d\u00e9guis\u00e9 en suremploi et de recrutements de nouveaux dipl\u00f4m\u00e9s selon des quotas politiques, destin\u00e9s \u00e0 contenir la col\u00e8re de la population face \u00e0 l'\u00e9chec du gouvernement, \u00e0 la corruption et la dilapidation croissante des ressources.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EChaque ann\u00e9e, le d\u00e9ficit budg\u00e9taire augmente tout comme l'endettement. Selon le Fonds mon\u00e9taire international (FMI), la dette irakienne qui s'\u00e9levait \u00e0 132,4 milliards de dollars (118,53 milliards d'euros) en 2018 atteindra un pic de 138 milliards de dollars (123,54 milliards d'euros) en 2020. L'an prochain, en 2020, l'Irak ne sera plus capable de r\u00e9aliser des projets de d\u00e9veloppement ou de modernisation des infrastructures. La seule facture des pensions de retraite atteindra les 60 milliards de dollars (53,71 milliards d'euros) alors que les recettes p\u00e9troli\u00e8res pourraient ne pas d\u00e9passer les 90 milliards de dollars (80,57 milliards d'euros) par an. Le d\u00e9ficit, lui, va se chiffrer \u00e0 45 milliards de dollars (40,29 milliards d'euros). Le gouvernement devra faire face \u00e0 un taux de ch\u00f4mage de 16 % au sein d'une population croissante alors que les niveaux de pauvret\u00e9 sont d\u00e9j\u00e0 \u00e9lev\u00e9s : 22,5 % \u00e0 l'\u00e9chelle nationale. Dans les provinces ravag\u00e9es par l'OEI, le taux est 41,2 %. L'Irak est class\u00e9 parmi les pays les plus corrompus, il occupe le 168\u003Csup\u003Ee\u003C\/sup\u003E rang sur 180 pays, selon le \u003Ca href=\"https:\/\/www.transparency.org\/country\/IRQ\"\u003Eclassement de Transparency International\u003C\/a\u003E.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe probl\u00e8me r\u00e9side dans la mani\u00e8re de penser du pouvoir qui cherche \u00e0 acheter la paix sociale par des promesses prodigu\u00e9es aux pauvres. Les pauvres, eux, savent parfaitement que le r\u00e9gime n'est pas capable de r\u00e9aliser ses promesses \u00e0 l'ombre de la pr\u00e9dation continue des richesses et de la terrible immunit\u00e9 dont jouissent les gros poissons de la corruption qui ne sont jamais poursuivis.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes mesures gouvernementales sont totalement infructueuses dans la lutte contre la corruption et sont soumises au chantage de milices influentes. Dans une mesure vaine, l'actuel premier ministre, Adel Abdel Mahdi, a annonc\u00e9, il y a un an, la formation d'un \u00ab Conseil supr\u00eame contre la corruption \u00bb. \u00c0 ce jour, aucun corrompu n'a \u00e9t\u00e9 traduit en justice.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ED\u00e9but d\u00e9cembre 2018, des hommes arm\u00e9s ont assassin\u00e9 Azhar Al-Yassiri, directeur g\u00e9n\u00e9ral du Bureau de surveillance financi\u00e8re. Il avait succ\u00e9d\u00e9 \u00e0 ce poste \u00e0 Ihsan Karim, \u00e9galement assassin\u00e9 devant son domicile en juillet 2018. Ces deux faits soulignent de mani\u00e8re \u00e9loquente la puissance de la corruption face \u00e0 la faiblesse de l'\u00c9tat irakien.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003ERenforcer les r\u00e9seaux client\u00e9listes\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa reprise des manifestations en Irak, avec cette ampleur et cette spontan\u00e9it\u00e9, refl\u00e8te un v\u00e9ritable rejet du r\u00e9gime et du pouvoir apr\u00e8s l'\u00e9chec d'une exp\u00e9rience de 16 ans. Cet \u00e9chec est devenu encore plus complexe du fait de la structure de la corruption, de la multiplicit\u00e9 des chefs qui pillent les richesses irakiennes et de l'appauvrissement des populations.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EL'absence de toute tentative r\u00e9elle de r\u00e9formes et la persistance du pouvoir dirigeant avec ses partis, ses courants et ses milices, \u00e0 tergiverser face aux revendications, \u00e0 d\u00e9tourner les ressources au profit de l'Iran et du r\u00e9gime de Bachar Al-Assad \u00e0 Damas, \u00e0 renforcer son oppression \u00e0 l'int\u00e9rieur, tout cela conforte la conviction qu'il ne veut pas d'un vrai changement. Bien au contraire, ce pouvoir ne fait que renforcer les r\u00e9seaux client\u00e9listes qui favorisent la corruption au sein de la soci\u00e9t\u00e9.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe soul\u00e8vement actuel exprime un profond d\u00e9sespoir quant \u00e0 la capacit\u00e9 du r\u00e9gime \u00e0 changer, une envie de suicide collectif par le biais des manifestations face \u00e0 la cruaut\u00e9 de la r\u00e9pression qui n'h\u00e9site pas \u00e0 faire usage de tirs \u00e0 balles r\u00e9elles. Le courage du d\u00e9sespoir pour \u00e9chapper \u00e0 une r\u00e9alit\u00e9 sinistre. La particularit\u00e9 de ces protestations est qu'elles ont \u00e9t\u00e9 enclench\u00e9es par des groupes de jeunes \u00e9clair\u00e9s, des dipl\u00f4m\u00e9s universitaires rejoints par de jeunes ch\u00f4meurs d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9s.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa population est d\u00e9sormais convaincue que le r\u00e9gime n'est pas r\u00e9formable. La jeune g\u00e9n\u00e9ration ne peut croire aux slogans de la r\u00e9forme alors qu'elle observe la corruption du pouvoir et de ses partis. Aussi, les nouvelles promesses seront le brasier dans lequel le r\u00e9gime s'est lui-m\u00eame jet\u00e9, permettant ainsi le passage vers une nouvelle R\u00e9publique.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"https:\/\/orientxxi.info\/magazine\/les-manifestations-en-irak-indice-d-un-suicide-du-pouvoir,3401\"\u003Eorientxxi.info\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E","_links":{"parent_art":[{"title":"Irak, la r\u00e9volution confisqu\u00e9e","url":"http:\/\/newsnet.fr\/apicom\/id:163643,json:1"}]}}}