{"164677":{"id":"164677","parent":"164435","time":"1574164066","url":"http:\/\/newsnet.fr\/164677","source":"http:\/\/www.les-crises.fr\/?p=234667","category":"documentaires","title":"Les Gilets Jaunes, un an apr\u00e8s - Par Eric Juillot","catalog-images":"1\/newsnet_164677_7325fb.jpg","image":"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_164677_7325fb.jpg","hub":"newsnet","url-explicit":"http:\/\/newsnet.fr\/art\/les-gilets-jaunes-un-an-apres-par-eric-juillot","admin":"newsnet","views":"611","priority":"3","length":"18168","lang":"fr","content":"\u003Cp\u003ELe 17 novembre 2018, l'irruption des gilets jaunes dans la vie publique de la France constitua un \u00e9v\u00e9nement de premi\u00e8re importance vou\u00e9 \u00e0 marquer son \u00e9poque.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cb\u003EUn moment politique\u003C\/b\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe mouvement des gilets jaunes fit conna\u00eetre \u00e0 notre pays durant quelques mois un authentique moment politique, comme il n'en avait pas connu depuis un demi-si\u00e8cle. Il faut en effet remonter aux \u00e9v\u00e9nements de mai-68 pour observer dans notre histoire r\u00e9cente une effervescence politique comparable par son ampleur et sa port\u00e9e, tout en gardant \u00e0 l'esprit que les ressorts de la mobilisation populaire de l'ann\u00e9e derni\u00e8re n'ont rien avoir avec ceux des soixante-huitards, quand ils ne s'y opposent pas frontalement. Le fonds culturel de mai-68 par-del\u00e0 la dimension socio-\u00e9conomique de la r\u00e9volte qui \u00e9tait seconde \u00e9tait individualiste et h\u00e9doniste. Le mouvement des gilets-jaunes \u00e9tait, \u00e0 l'inverse, puissamment collectif et tourn\u00e9 vers toute autre chose que l'espoir de permettre \u00e0 chacun de s'\u00e9panouir dans la sph\u00e8re priv\u00e9e contre le conservatisme d'une certaine morale bourgeoise.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl n'a jamais \u00e9t\u00e9 question du peuple en mai-68, quand ce mot \u00e9tait sur toutes les l\u00e8vres des manifestants l'ann\u00e9e derni\u00e8re. Car c'est en effet le peuple incarn\u00e9, le plus puissant des acteurs collectifs donnant \u00e0 la d\u00e9mocratie sa substance, qui s'est soulev\u00e9 avec les gilets-jaunes. La foule ordinaire des individus consommateurs, la soci\u00e9t\u00e9 atomis\u00e9e par le march\u00e9, la population fractur\u00e9e par les diff\u00e9rences de classe ou d'origine ont \u00e9t\u00e9 en un instant subverties, balay\u00e9es par la red\u00e9couverte soudaine et prodigieusement vivifiante de l'essence politique qui rend possible l'existence du corps social, du ciment civique - et non pas \u00ab citoyen \u00bb - qui lie puissamment tous ses membres, m\u00eame lorsque ceux-ci se querellent. Le Peuple, donc, auquel Michelet pouvait consacrer un livre entier en plein XIXe si\u00e8cle, mais dont il \u00e9tait bon ton depuis quelques d\u00e9cennies de se gausser, sinon de nier l'existence. Le peuple, surtout, dans son sens total, plein et entier : pas le peuple sociologique des prol\u00e9taires exploit\u00e9s, ni le peuple \u00e9lectoral vou\u00e9 \u00e0 faire sagement un choix tous les cinq ans \u00e0 l'int\u00e9rieur du petit monde r\u00e9siduel o\u00f9 l'id\u00e9ologie n\u00e9olib\u00e9rale confine le politique. Le peuple total, c'est-\u00e0-dire le peuple politique, l'ensemble des citoyens, soulev\u00e9 soudain par un imp\u00e9rieux besoin d'agir d\u00e9cisivement en imprimant au cours des choses leur marque profonde, profonde, car l\u00e9gitime.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EOui, les Gilets jaunes, quelques mois durant, ont \u00e9t\u00e9 le peuple ! [1]. Ils l'ont \u00e9t\u00e9 par le pouvoir d'incarnation que leur conf\u00e9raient leur nombre, leur qualit\u00e9 de citoyens ordinaires, la diversit\u00e9 de leurs origines sociales, leur renouvellement constant, leur engagement collectif dans une action de haute politique, et en raison du soutien massif, attest\u00e9 par des dizaines de sondages, du reste du pays. Et l'invincible l\u00e9gitimit\u00e9 qui d\u00e9coulait de cette incarnation a effray\u00e9 le pouvoir en place, au moins autant que la col\u00e8re et la violence qui animaient une partie des manifestants. La perspective de voir s'\u00e9crouler tout \u00e0 coup un r\u00e9gime de domination id\u00e9ologique vieux de presque quatre d\u00e9cennies a litt\u00e9ralement sid\u00e9r\u00e9 les dirigeants du pays, comme si le sol s'\u00e9tait brusquement ouvert sous leurs pieds. Il lui a fallu admettre l'impensable : l'inexorable d\u00e9politisation des esprits accomplie m\u00e9thodiquement au fil des ans par le n\u00e9olib\u00e9ralisme triomphant n'\u00e9tait pas parvenue \u00e0 \u00e9radiquer la possibilit\u00e9 d'un surgissement du peuple comme force politique brut dans l'espace public. Pire, elle avait m\u00eame fini par le provoquer. Il avait fallu, pour cela, un \u00e9l\u00e9ment structurel : arriv\u00e9e au stade ultime de son d\u00e9ploiement et victime de ses contradictions, l'id\u00e9ologie n\u00e9olib\u00e9rale devait d\u00e9sormais attaquer, plus fortement encore qu'elle n'avait os\u00e9 le faire jusque-l\u00e0, la r\u00e9publique sociale dans son ensemble (syst\u00e8me des retraites et niveau des pensions, code du travail, aides au logement, allocations familiales, traitement social du ch\u00f4mage...) ; il en allait de son triomphe tout autant que paradoxalement de sa survie la politique \u00e9conomique unique et inepte appliqu\u00e9e avec constance depuis le d\u00e9but des ann\u00e9es 1980 entra\u00eenant une baisse tendancielle de la croissance, un ch\u00f4mage de masse, et une augmentation du co\u00fbt de la protection sociale au financement de plus en plus probl\u00e9matique. Au plan conjoncturel, ce sont les qualit\u00e9s propres au nouveau pr\u00e9sident, missionn\u00e9 pour liquider avec le sourire les ultimes vestiges du pass\u00e9, qui ont permis \u00e0 la crise d'\u00e9clater. Il n'a pas fallu plus de quelques mois pour que tout le monde constate que sa conduite \u00e0 la t\u00eate de l'\u00c9tat proc\u00e9dait d'un m\u00e9lange d'amateurisme, d'impudence et de dogmatisme au fort pouvoir d\u00e9tonnant. Il fallait vraiment \u00eatre persuad\u00e9 de la victoire d\u00e9finitive du n\u00e9olib\u00e9ralisme, de son incrustation au cœur des esprits les plus r\u00e9calcitrants pour s'autoriser autant de l\u00e9g\u00e8ret\u00e9 et d'incons\u00e9quence. La prise de conscience survint lorsqu'il \u00e9tait trop tard, apr\u00e8s que le peuple ulc\u00e9r\u00e9 fut entr\u00e9 en \u00e9bullition.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cb\u003EUne souverainet\u00e9 r\u00e9appropri\u00e9e\u003C\/b\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EC'est la signification la plus profonde du mouvement des Gilets-Jaunes : \u00e0 travers lui, le peuple s'est r\u00e9appropri\u00e9 sa souverainet\u00e9 ; il l'a exerc\u00e9e pratiquement, contre des repr\u00e9sentants un peu trop habitu\u00e9s \u00e0 s'en croire les d\u00e9positaires entre deux rituels \u00e9lectoraux m\u00e9diatiquement verrouill\u00e9s ; contre une th\u00e9orie politique de la repr\u00e9sentation qui d\u00e8s les premiers d\u00e9bats \u00e0 ce sujet en 1789, ne reconna\u00eet au peuple sa qualit\u00e9 de souverain que de mani\u00e8re formelle, pour mieux le d\u00e9poss\u00e9der du pouvoir au nom de l'efficacit\u00e9 et de la responsabilit\u00e9 ; contre, enfin, le lib\u00e9ralisme contemporain dont le d\u00e9ploiement a comprim\u00e9 jusqu'\u00e0 l'\u00e9crasement les mots de \u00ab peuple \u00bb, de \u00ab nation \u00bb, de \u00ab souverainet\u00e9 \u00bb avec tout l'imaginaire et toute la formidable puissance d'action qu'ils charriaient historiquement.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ETel est le principal acquis du mouvement, et cet acquis est inestimable : avec les Gilets jaunes, le peuple a manifest\u00e9 spectaculairement et avec force son existence et sa puissance. Il n'est plus possible d\u00e9sormais de le consid\u00e9rer comme l'h\u00e9ritage d\u00e9suet et folklorique d'une \u00e9poque r\u00e9volue, comme un ornement rh\u00e9torique de discours \u00e9lectoral o\u00f9 il convient ponctuellement de faire semblant d'y croire. Les repr\u00e9sentants du peuple n'en sont que les d\u00e9l\u00e9gataires \u00e9ph\u00e9m\u00e8res, et le g\u00e9ant qui leur confie temporairement le pouvoir peut les balayer soudain d'un revers de la main s'il estime qu'ils manquent \u00e0 leurs devoirs \u00e9l\u00e9mentaires vis-\u00e0-vis de lui. C'est cette id\u00e9e vertigineuse qu'ont d\u00fb red\u00e9couvrir dans l'urgence ceux qui dominent le monde politico-m\u00e9diatique, et qui avaient fini par se croire inexpugnables apr\u00e8s des d\u00e9cennies d'atonie civique par eux savamment entretenue.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECe processus de r\u00e9cup\u00e9ration de la souverainet\u00e9 a suscit\u00e9 une telle euphorie dans les rangs des manifestants, il leur a rendu une conscience si aigu\u00eb de leur dignit\u00e9 civique qu'ils n'auraient laiss\u00e9 personne tenter de les en priver en prenant la t\u00eate du mouvement ou en s'en faisant le porte-parole. Toutes les structures politiciennes en place \u00e9taient d'embl\u00e9e et instinctivement per\u00e7ues comme ill\u00e9gitimes, potentiellement spoliatrices et coresponsables de la crise. Les Gilets jaunes ne voulaient brandir aucun autre \u00e9tendard que le leur. Les membres des partis d'opposition, des syndicats, des associations n'\u00e9taient pas les bienvenus en tant que tels sur les ronds-points ; pour y \u00eatre fraternellement accueilli, il fallait au pr\u00e9alable se d\u00e9pouiller de ses oripeaux et se pr\u00e9valoir de sa seule qualit\u00e9 de citoyen de la R\u00e9publique. De la sorte, on renon\u00e7ait \u00e0 la petite politique pour embrasser la grande, et l'on pouvait participer dans l'enthousiasme \u00e0 ce grand mouvement de renaissance populaire.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEn cons\u00e9quence, il \u00e9tait impossible que le mouvement se structur\u00e2t, qu'il se donn\u00e2t des repr\u00e9sentants susceptibles de parler en son nom et de se pr\u00e9senter aux \u00e9lections. La nature m\u00eame du mouvement interdisait une telle \u00e9volution. Le peuple nouvellement incarn\u00e9 ne pouvait pas accepter l'id\u00e9e de sa d\u00e9sincarnation imm\u00e9diate par concentration de son pouvoir dans la personne de quelques-uns. Les \u00ab assembl\u00e9es \u00bb et \u00ab assembl\u00e9es des assembl\u00e9es \u00bb diverses qui ont tent\u00e9 de prendre la t\u00eate du mouvement \u00e9taient vou\u00e9es \u00e0 l'\u00e9chec, m\u00eame avec les meilleures intentions d\u00e9mocratiques du monde. Cela a bien s\u00fbr emp\u00each\u00e9 la r\u00e9volte des Gilets jaunes de d\u00e9boucher concr\u00e8tement et \u00e0 court terme sur un programme d'action politique, mais l\u00e0 ne r\u00e9sidait pas l'essentiel. Il fallait impulser un changement profond, une r\u00e9orientation du cours des choses sur des bases nouvelles ; c'est de cela que la France avait besoin, c'est cela que les Gilets jaunes ont r\u00e9ussi \u00e0 r\u00e9aliser, sans m\u00eame avoir \u00e0 l'exprimer. Par le seul fait de leur existence, ils ont tremp\u00e9 la France enti\u00e8re dans un bain de jouvence d\u00e9mocratique, tout en faisant appara\u00eetre au grand jour l'urgente n\u00e9cessit\u00e9 d'un changement radical de politique \u00e9conomique et sociale. Une fois cette œuvre r\u00e9alis\u00e9e, le mouvement s'est en toute logique \u00e9tiol\u00e9, mais ses effets colossaux vont se r\u00e9v\u00e9ler dans les ann\u00e9es qui viennent.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cb\u003EUn tournant?\u003C\/b\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ESalir, abaisser, avilir : tel a \u00e9t\u00e9 le souci constant des d\u00e9fenseurs acharn\u00e9es de l'id\u00e9ologie dominante au sein des mondes politique et m\u00e9diatique. Ministres, d\u00e9put\u00e9s, maires, journalistes, intellectuels organiques... Tous ont particip\u00e9 spontan\u00e9ment, dans un r\u00e9flexe panique, \u00e0 une entreprise de \u003Ci\u003Ereductio ad plebem\u003C\/i\u003E des Gilets jaunes, renon\u00e7ant plus encore qu'\u00e0 l'accoutum\u00e9e \u00e0 certaines consid\u00e9rations d\u00e9ontologiques \u00e9l\u00e9mentaires. Ils devaient \u00e0 tout prix se convaincre, et convaincre avec eux le pays, que la r\u00e9volte populaire n'\u00e9tait le fait que d'un ramassis de cr\u00e9tins incultes et avin\u00e9s, rendus violents par auto-combustion plut\u00f4t qu'en raison de l'injustice du syst\u00e8me en place. Il s'agissait l\u00e0 d'une tactique classique, dict\u00e9e par la peur et par la haine, utilis\u00e9e syst\u00e9matiquement de 1789 \u00e0 la fin du IIe Empire par les factions oligarchiques et conservatrices install\u00e9es au sommet de l'\u00c9tat, \u00e0 chaque fois que l'ordre inique dont elles profitaient \u00e9tait menac\u00e9 par des r\u00e9voltes populaires [2]. Ce fut d'ailleurs l'un des aspects les plus troublants de la crise : elle rendit possible la r\u00e9surgence de jugements et de r\u00e9flexions antipopulaires qu'un si\u00e8cle et demi de construction r\u00e9publicaine avait fait dispara\u00eetre, et cette r\u00e9surgence en dit long sur le degr\u00e9 de corruption morale auquel le n\u00e9olib\u00e9ralisme condamne ses partisans inconditionnels lorsqu'ils sentent leur monde vaciller.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EMais cette tentative de diabolisation, destin\u00e9e \u00e0 enfoncer un coin entre le mouvement populaire et le reste du pays, a \u00e9chou\u00e9. Il a donc fallu s'en remettre \u00e0 l'appareil d'\u00c9tat en l'esp\u00e8ce, \u00e0 ses organes judiciaires et policiers pour contenir la col\u00e8re des Gilets jaunes, au prix d'un autoritarisme violent, qui a ab\u00eem\u00e9 la R\u00e9publique autant que les visages des manifestants.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes dirigeants affectent aujourd'hui de croire que c'est cette violence, per\u00e7ue comme une fermet\u00e9 n\u00e9cessaire, qui, ajout\u00e9e aux quelques milliards mobilis\u00e9s par le pr\u00e9sident pour r\u00e9pondre \u00e0 \u00ab l'urgence sociale absolue \u00bb [3] a permis de sortir de la crise. Mais ils ne savent pertinemment, en leur for int\u00e9rieur, que le feu couve, aucune des causes de la r\u00e9volte n'ayant \u00e9t\u00e9 trait\u00e9es en profondeur. Pour ce faire, il faudrait mettre en œuvre une politique \u00e9conomique radicalement diff\u00e9rente de celle qu'imposent \u00e0 la France les trait\u00e9s europ\u00e9istes voulus et d\u00e9fendus bec et ongle par tous les partis de gouvernement depuis 1992. C'est sur ce point capital que le mouvement des Gilets jaunes a atteint sa limite. Trente ann\u00e9es de matraquage id\u00e9ologico-m\u00e9diatique en faveur de l'europ\u00e9isme ont produit leur effet ; si une majorit\u00e9 de Fran\u00e7ais est critique \u00e0 l'\u00e9gard de l'UE, peu ont conscience que c'est en son cœur que les z\u00e9lotes de \u00ab l'Europe \u00bb ont plac\u00e9 des pans entiers de notre souverainet\u00e9, pour en d\u00e9poss\u00e9der le peuple plus s\u00fbrement que s'ils l'avaient simplement capt\u00e9e \u00e0 leur profit au sommet de l'\u00c9tat. Il est donc impossible de se r\u00e9approprier collectivement la souverainet\u00e9 populaire et nationale sans poser la question d'une l'UE spoliatrice \u003Ci\u003Edans son principe m\u00eame\u003C\/i\u003E sur ce sujet essentiel entre tous. Les Gilets-jaunes ont exerc\u00e9 une pression forte sur l'\u00c9tat, comme si ceux qui l'incarnent ne s'\u00e9taient pas volontairement li\u00e9s pieds et poings \u00e0 Bruxelles.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl n'en reste pas moins, cependant, qu'accul\u00e9, le pouvoir en place a d\u00fb dans l'urgence s'asseoir un peu sur la doxa bruxelloise en mati\u00e8re de politique budg\u00e9taire pour calmer la col\u00e8re populaire. Pour lui et pour tous ceux qui exerce \u00e0 des titres et des degr\u00e9s divers une part de responsabilit\u00e9 dans la direction politique du pays, la crise aura \u00e9t\u00e9 l'occasion d'une prise de conscience douloureuse. Le n\u00e9olib\u00e9ralisme qu'ils imposent dogmatiquement depuis si longtemps \u00e0 la France n'a plus seulement pour cons\u00e9quences les innombrables manifestations d'opposition populaires, le ch\u00f4mage de masse, les vagues de suicides au cœur de nombreuses professions, le d\u00e9clin \u00e9conomique, le d\u00e9litement social ou le recul des fonctions r\u00e9galiennes de l'\u00c9tat. Tous ces effets n\u00e9fastes et catastrophiques, l'oligarchie en place est parvenue \u00e0 les g\u00e9rer et \u00e0 les contenir dans la dur\u00e9e. Mais le point de rupture est d\u00e9sormais atteint. Et la crise des Gilets jaunes, par sa dimension globale et spectaculaire faire figure d'ultime avertissement populaire. Ceux qui jusque-l\u00e0 d\u00e9fendaient le syst\u00e8me euro-lib\u00e9ral comme le meilleur des mondes possibles n'ont d\u00e9sormais pas d'autres choix que d'y renoncer ou de dispara\u00eetre avec lui \u00e0 l'occasion d'une prochaine r\u00e9volte. Il est trop t\u00f4t pour affirmer que la crise des Gilets jaunes a repr\u00e9sent\u00e9 un tournant, m\u00eame si c'est l'hypoth\u00e8se la plus probable. Il est acquis en revanche qu'elle a agi comme un formidable coup de boutoir de nature \u00e0 \u00e9branler l'\u00e9difice id\u00e9ologique en place, dont la fa\u00e7ade \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 bien l\u00e9zard\u00e9e.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEntre l'UE et le peuple, il faut choisir ! Telle est la v\u00e9rit\u00e9 \u00e0 laquelle les dirigeants fran\u00e7ais devront rapidement se soumettre. Ils ne disposent que de quelques ann\u00e9es pour proc\u00e9der au vaste aggiornamento id\u00e9ologique dont le pays a besoin. Peut-\u00eatre le pr\u00e9sident Macron est-il en train de s'en rendre compte, un an apr\u00e8s le d\u00e9but du mouvement des Gilets jaunes et alors que toutes ses tentatives de relance du projet europ\u00e9iste ont \u00e9chou\u00e9 [4] ? C'est ce que semble montrer sa r\u00e9cente d\u00e9nonciation officielle de l'absurde dogme bruxellois des 3 % de d\u00e9ficit budg\u00e9taire [5]. Sa d\u00e9claration peut sembler anecdotique, mais il faut se souvenir que le nouveau pr\u00e9sident, europ\u00e9iste forcen\u00e9 pendant sa campagne, avait fait au d\u00e9but de son mandat du respect des r\u00e8gles une condition indispensable \u00e0 l'approfondissement de l'UE.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u00ab Lorsque l'\u00e9go\u00efsme aura contribu\u00e9 \u00e0 la solitude de tous, il ne restera que de la poussi\u00e8re et, au premier orage, rien d'autre que de la boue. \u00bb C'est pour contrer cette pr\u00e9diction funeste, formul\u00e9e il y a deux si\u00e8cles par Benjamin Constant, que les Gilets jaunes se sont soulev\u00e9s. Ils ont rendu \u00e0 la France sa fiert\u00e9, et \u00e0 la R\u00e9publique l'esp\u00e9rance qui l'avait d\u00e9sert\u00e9e ; ils ont prouv\u00e9 au reste du monde que notre pays restait, envers et contre tout, politique dans ses tr\u00e9fonds, exprimant ainsi un message \u00e0 port\u00e9e universelle, prompts \u00e0 susciter l'enthousiasme et l'espoir de tous ceux qui aspirent pour leur pays \u00e0 un ordre socio-\u00e9conomique plus juste et \u00e0 une authentique d\u00e9mocratie.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cb\u003EEric Juillot\u003C\/b\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cb\u003ESources\u003C\/b\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E[1] L'affirmation semblera peut-\u00eatre excessive et pr\u00e9somptueuse \u00e0 certains, mais s'il faut attendre que l'ensemble des membres nominaux du peuple se manifestent unanimement de surcro\u00eet pour que le recours \u00e0 ce grand mot soit consid\u00e9r\u00e9 comme valide, alors il n'y a plus qu'\u00e0 renoncer \u00e0 son emploi, bien qu'il exprime une cat\u00e9gorie politique fondamentale. Le terme \u00ab nation \u00bb, magnifique lui aussi, semble plus \u00e0 m\u00eame d'exprimer, par Sa Majest\u00e9 solennelle, l'id\u00e9e d'un corps civique consid\u00e9r\u00e9 dans sa totalit\u00e9 et il faut l'esp\u00e9rer dans son unit\u00e9. [2] C'est-\u00e0-dire en 1789, 1795, 1830, lors des r\u00e9voltes r\u00e9publicaines et ouvri\u00e8res des ann\u00e9es 1830, en f\u00e9vrier et en juin 1848, et au printemps 1871 avec la Commune. [3] Soudainement d\u00e9couverte par Muriel P\u00e9nicaud : \u003Ca href=\"https:\/\/www.lefigaro.fr\/flash-eco\/2018\/12\/07\/97002-20181207FILWWW00054-nous-sommes-en-urgence-sociale-absolue-penicaud.php\"\u003Elefigaro.fr\u003C\/a\u003E [4] \u003Ca href=\"https:\/\/www.les-crises.fr\/emmanuel-macron-et-leurope-par-eric-juillot-4-4\"\u003Eles-crises.fr\u003C\/a\u003E [5] \u003Ca href=\"https:\/\/www.lefigaro.fr\/conjoncture\/macron-sur-le-deficit-public-la-regle-des-3-du-pib-est-un-debat-d-un-autre-siecle-20191107\"\u003Elefigaro.fr\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cspan class=\"philum ic-img2\"\u003E\u003C\/span\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"http:\/\/www.les-crises.fr\/?p=234667\"\u003Eles-crises.fr\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E","_links":{"parent_art":[{"title":"Un an des Gilets jaunes : malgr\u00e9 l'\u00e9puisement, les forces de l'ordre mobilis\u00e9es en nombre","url":"http:\/\/newsnet.fr\/apicom\/id:164435,json:1"}]}}}