{"164763":{"id":"164763","parent":"164435","time":"1574334554","url":"http:\/\/newsnet.fr\/164763","source":"http:\/\/www.investigaction.net\/fr\/les-gilets-jaunes-objet-politique-non-identifie\/","category":"documentaires","title":"Les \u00abgilets jaunes\u00bb, objet politique non identifi\u00e9","catalog-images":"1\/newsnet_164763_7a9651.png","image":"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_164763_7a9651.png","hub":"newsnet","url-explicit":"http:\/\/newsnet.fr\/art\/les-gilets-jaunes-objet-politique-non-identifie","admin":"newsnet","views":"791","priority":"4","length":"43259","lang":"fr","content":"\u003Cp\u003E21 Nov 2019\u003Cbr \/\u003E\nArticle de : \u003Ca href=\"https:\/\/www.investigaction.net\/fr\/author\/didier-fassin\"\u003EDidier Fassin\u003C\/a\u003E \/ \u003Ca href=\"https:\/\/www.investigaction.net\/fr\/author\/anne-claire-defossez\"\u003EAnne-Claire Defossez\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cimg style=\"max-width:100%\" src=\"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_164763_7a9651.png\" \/\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003EVoil\u00e0 un an que le mouvement des gilets jaunes a fait irruption. A cette occasion, nous vous proposons cet article de Didier Fassin et Anne-Claire Defossez qui brosse une analyse d'ensemble du mouvement, depuis ses revendications jusqu'\u00e0 sa couverture m\u00e9diatique en passant par la r\u00e9action des autorit\u00e9s et les violences polici\u00e8res. Alors que le mouvement n'est pas tomb\u00e9 du ciel, cette analyse est particuli\u00e8rement utile pour comprendre pourquoi la France de Macron a produit les gilets jaunes. (IGA)\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe 22 novembre 2018, cinq jours apr\u00e8s le d\u00e9but de ce qu'il est convenu d'appeler le mouvement des \u00abgilets jaunes\u00bb, alors que 2000 routes et ronds-points \u00e9taient bloqu\u00e9s dans le pays, que 280 000 manifestants \u00e9taient descendus dans les rues des grandes villes, et que 75% des Fran\u00e7ais d\u00e9claraient soutenir cette protestation, Emmanuel Macron convia des journalistes du Monde \u00e0 l'\u00c9lys\u00e9e. L'objet de cette invitation n'\u00e9tait toutefois pas de leur faire part de ses r\u00e9flexions sur le m\u00e9contentement croissant qui s'exprimait dans le pays, mais de leur faire visiter la salle des f\u00eates du palais pr\u00e9sidentiel dans laquelle il avait entrepris d'importants travaux de r\u00e9novation. Il leur expliqua que la Premi\u00e8re dame les supervisait elle-m\u00eame et vanta son choix d'un \u00abtapis de laine en d\u00e9grad\u00e9 de gris\u00bb, d'un co\u00fbt de 300 000 euros, tiss\u00e9 \u00e0 la Manufacture royale du Parc d'Aubusson. \u00abNous sommes \u00e0 un moment de la vie de la nation o\u00f9 il faut investir\u00bb, indiqua-t-il, ajoutant que l'\u00c9lys\u00e9e \u00e9tant la vitrine de la France, il s'agissait pour lui d'une priorit\u00e9. De la part d'un chef de l'\u00c9tat qui consid\u00e9rait que la mort du roi pendant la R\u00e9volution fran\u00e7aise repr\u00e9sentait un traumatisme durable pour le peuple et que sa mission sup\u00e9rieure \u00e9tait d'occuper le lieu du pouvoir laiss\u00e9 vide par l'ex\u00e9cution du monarque, un tel d\u00e9calage entre ses pr\u00e9occupations et celles du pays illustrait ce qu'on pourrait appeler son \u00abmoment Louis XVI\u00bb, en r\u00e9f\u00e9rence non pas aux simulacres de d\u00e9capitation de son effigie par des \u00abgilets jaunes\u00bb, mais \u00e0 la note laiss\u00e9e par le souverain dans son journal le 14 juillet 1789: \u00abRien\u00bb.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EAu-del\u00e0 de l'anecdote, il est clair en effet que, des semaines durant, l'ex\u00e9cutif n'a pas pris la mesure de l'ampleur de la mobilisation et de la profondeur du malaise qu'il refl\u00e9tait. D'une part, il le voyait comme le nouvel \u00e9pisode d'une s\u00e9rie de protestations, demeur\u00e9es vaines, contre ses r\u00e9formes n\u00e9olib\u00e9rales. L'exp\u00e9rience des \u00e9checs r\u00e9p\u00e9t\u00e9s de manifestations, souvent plus nombreuses, contre la r\u00e9vision du Code du travail, contre la baisse des retraites et contre la r\u00e9forme de la SNCF lui laissait croire qu'il serait une fois encore en mesure de briser le mouvement simplement en l'ignorant. D'autre part, il consid\u00e9rait comme d\u00e9risoire ce qui semblait en \u00eatre la principale revendication, \u00e0 savoir l'augmentation des taxes de 6,5 centimes sur le diesel et de 2,9 centimes sur l'essence, qui s'ajoutait aux 7,6 et 3,9 centimes de hausses respectives des prix de ces deux carburants au cours de l'ann\u00e9e 2018. Cette \u00abtaxe carbone\u00bb \u00e9tait pr\u00e9sent\u00e9e comme justifi\u00e9e par la r\u00e9duction de la consommation d'\u00e9nergies fossiles et semblait un geste \u00e9cologique juste, visant \u00e0 corriger la mauvaise impression laiss\u00e9e par la d\u00e9mission du populaire ministre de l'Environnement, Nicolas Hulot, qui s'\u00e9tait d\u00e9clar\u00e9 d\u00e9\u00e7u par le manque de volont\u00e9 politique dans ce domaine.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECes deux analyses firent long feu, mais gris\u00e9s par leur r\u00e9ussite dans l'imposition \u00e0 marche forc\u00e9e de leur politique, Emmanuel Macron et son gouvernement refus\u00e8rent longtemps d'entendre les dol\u00e9ances des manifestants. Le Pr\u00e9sident s'\u00e9vertua plut\u00f4t \u00e0 les discr\u00e9diter, parlant de \u00abpoujadisme\u00bb, contestant qu'ils puissent se r\u00e9clamer du \u00abpeuple\u00bb et les assimilant \u00e0 \u00abune foule haineuse\u00bb qui s'en prendrait \u00abaux juifs, aux \u00e9trangers, aux homosexuels\u00bb. De son c\u00f4t\u00e9, le ministre de l'Int\u00e9rieur, Christophe Castaner, les d\u00e9crivait comme des \u00abs\u00e9ditieux\u00bb infiltr\u00e9s par \u00abl'ultra-droite\u00bb, en d\u00e9pit du refus des manifestants de toute instrumentalisation politique, et, \u00e0 la suite de l'incendie possiblement accidentel d'une statue contemporaine sur un rond-point \u00e0 Ch\u00e2tellerault, n'h\u00e9sitait pas \u00e0 les comparer aux \u00abtalibans\u00bb destructeurs des Bouddhas de B\u00e2miy\u00e2n. Pourtant, malgr\u00e9 ces tentatives de disqualification, la popularit\u00e9 du mouvement dans l'opinion ne se d\u00e9mentait pas.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003ECondescendances\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u00c0 vrai dire, peu de responsables politiques et m\u00eame d'experts attitr\u00e9s des m\u00e9dias avaient \u00e9t\u00e9 capables de pr\u00e9dire son succ\u00e8s et, une fois celui-ci av\u00e9r\u00e9, d'en donner une interpr\u00e9tation convaincante. Comment la protestation de quelques dizaines de milliers de personnes pouvait-elle monopoliser l'attention des m\u00e9dias pendant plus de trois mois, d\u00e9stabiliser le gouvernement jusqu'alors si s\u00fbr de lui et susciter l'int\u00e9r\u00eat du monde entier? En fait, comme Jacques Ranci\u00e8re le sugg\u00e8re, quand les gens sont confront\u00e9s \u00e0 ce qu'ils consid\u00e8rent comme inacceptable, il est aussi difficile de comprendre pourquoi ils se mobilisent que pourquoi ils ne le font pas, et il y a au fond s\u00fbrement quelque \u00abvertu\u00bb \u00e0 l'inexplicable. Tel est particuli\u00e8rement le cas quand la plupart de ceux qui rejoignent le mouvement disent n'avoir jamais particip\u00e9 \u00e0 une manifestation et rejettent toute all\u00e9geance partisane ou syndicale. Dans ces conditions, il faut certainement faire preuve de prudence dans l'analyse d'un \u00e9v\u00e9nement qui a pu \u00eatre alternativement d\u00e9crit comme sans pr\u00e9c\u00e9dent et compar\u00e9 \u00e0 l'insurrection des sans-culottes ou au mouvement Cinq \u00c9toiles.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EComme des analyses sociologiques l'ont donn\u00e9 \u00e0 comprendre, les commentateurs qui ironisaient sur le caract\u00e8re insignifiant des revendications \u00e0 l'origine de la mobilisation m\u00e9connaissaient le fait que l'opposition \u00e0 l'augmentation de la taxe sur les carburants traduisait des transformations profondes, pourtant pass\u00e9es inaper\u00e7ues, de la soci\u00e9t\u00e9 fran\u00e7aise au cours des derni\u00e8res d\u00e9cennies. Ces transformations avaient d'ailleurs \u00e9t\u00e9 acc\u00e9l\u00e9r\u00e9es par les mesures r\u00e9centes du gouvernement. Ainsi, les in\u00e9galit\u00e9s \u00e9conomiques, qui s'\u00e9taient creus\u00e9es depuis les ann\u00e9es 1980, avaient-elles \u00e9t\u00e9 relativement bien tol\u00e9r\u00e9es tant que les niveaux de vie continuaient de progresser pour toutes les cat\u00e9gories sociales, f\u00fbt-ce \u00e0 un rythme diff\u00e9rent. Mais apr\u00e8s la crise financi\u00e8re de 2008, le revenu des 40% les moins bien lotis avait diminu\u00e9, cet appauvrissement \u00e9tant d'autant plus marqu\u00e9 pour les m\u00e9nages modestes, souvent affect\u00e9s par le ch\u00f4mage et les emplois \u00e0 temps partiel. Dans le m\u00eame temps, les d\u00e9penses contraintes pour le logement, l'\u00e9lectricit\u00e9, le gaz, l'eau et les frais scolaires avaient progress\u00e9 plus rapidement que l'inflation. Cette \u00e9volution inverse des revenus et des d\u00e9penses avait ainsi eu pour cons\u00e9quence que le segment inf\u00e9rieur de la population disposait d'un budget moindre pour ses autres besoins.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EParall\u00e8lement, le co\u00fbt croissant du foncier, surtout dans les grandes villes, avait conduit nombre de m\u00e9nages \u00e0 s'\u00e9loigner des centres urbains o\u00f9 se trouvent leur lieu de travail et \u00e0 louer ou acheter un logement dans des banlieues plus ou moins lointaines dont l'\u00e9quipement en transports en commun demeure insuffisamment d\u00e9velopp\u00e9. Dans ce nouvel environnement, les d\u00e9penses en carburant constituent une part importante du budget familial. C'est \u00e9videmment plus encore le cas dans les zones rurales, avec pour facteur aggravant l'extinction progressive des services publics jug\u00e9s peu rentables, lignes ferroviaires, bureaux de poste, h\u00f4pitaux, \u00e9coles, ce qui g\u00e9n\u00e8re des co\u00fbts suppl\u00e9mentaires en d\u00e9placements indispensables. Ainsi, tandis que les cat\u00e9gories privil\u00e9gi\u00e9es demeuraient peu impact\u00e9es par les nouvelles taxes dans la mesure o\u00f9 les d\u00e9penses de carburant repr\u00e9sentent une portion modeste de leur budget, les mesures r\u00e9centes impliquaient une charge financi\u00e8re significative pour les personnes habitant loin des grandes villes.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EOn estime que la taxe carbone p\u00e8se cinq fois plus sur le d\u00e9cile inf\u00e9rieur que sur le d\u00e9cile sup\u00e9rieur, alors m\u00eame que celui-ci produit une pollution bien sup\u00e9rieure \u00e0 celui-l\u00e0. Injustice suppl\u00e9mentaire, l'industrie automobile se trouve exclue de l'effort national en faveur de la cause environnementale alors m\u00eame qu'elle n'a cess\u00e9 de d\u00e9velopper, gr\u00e2ce \u00e0 des aides gouvernementales, les moteurs diesel dont sont \u00e9quip\u00e9s six v\u00e9hicules personnels sur dix en France, les plus anciens appartenant aux personnes aux revenus modestes. Lesquelles, dans le langage m\u00e9prisant du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, sont \u00abdes gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel\u00bb, donc des arch\u00e9types du \u00abbeauf\u00bb. Les politiciens qui vivent dans la capitale disposent d'un chauffeur ou bien se d\u00e9placent avec Uber, voire en m\u00e9tro, et poss\u00e8dent une voiture hybride dans leur maison de campagne: ils ont donc du mal \u00e0 s'imaginer que quelques centimes de plus sur le prix du carburant puisse devenir un probl\u00e8me et susciter la col\u00e8re de certains.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECette attitude hautaine, largement partag\u00e9e et ouvertement exprim\u00e9e dans la haute fonction publique dont, selon l'un d'eux, les membres tiennent les \u00abgilets jaunes\u00bb pour des \u00abimb\u00e9ciles, brutaux, voyous, fascistes, r\u00e9actionnaires, illumin\u00e9s, pass\u00e9istes, poujadistes, primaires, vulgaires\u00bb, a renforc\u00e9 le sentiment de rel\u00e9gation de cat\u00e9gories sociales d\u00e9j\u00e0 objectivement marginalis\u00e9es et qui se voient ainsi stigmatis\u00e9es par l'\u00e9lite administrative et politique. Le Pr\u00e9sident lui-m\u00eame a multipli\u00e9, avant et apr\u00e8s son \u00e9lection, les interventions publiques condescendantes, voire insultantes, \u00e0 leur \u00e9gard, les d\u00e9crivant comme \u00abfain\u00e9ants ou cyniques\u00bb, opposant \u00ables gens qui r\u00e9ussissent et ceux qui ne sont rien\u00bb, d\u00e9plorant qu'on mette \u00abun pognon de dingue dans les minima sociaux\u00bb, affirmant \u00e0 un jeune en recherche d'emploi \u00abje traverse la rue et je vous trouve un emploi\u00bb et disant, au sujet des personnes en difficult\u00e9, qu'il faut \u00abdavantage les responsabiliser car il y en a qui font bien et il y en a qui d\u00e9connent\u00bb.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EAbondamment comment\u00e9es, ces petites phrases, qu'un acte de contrition tardif \u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision n'a pas suffi \u00e0 effacer de la m\u00e9moire des Fran\u00e7ais plus ou moins directement concern\u00e9s, expliquent probablement en bonne part pourquoi 68% de la population trouve le chef de l'\u00c9tat arrogant, et en font l'un des pr\u00e9sidents les plus impopulaires de la cinqui\u00e8me R\u00e9publique moins de deux ans apr\u00e8s son \u00e9lection. Comme le note G\u00e9rard Noiriel: \u00abLa d\u00e9nonciation du m\u00e9pris des puissants revient presque toujours dans les grandes luttes populaires, et celle des \u00abgilets jaunes\u00bb n'a fait que confirmer la r\u00e8gle\u00bb. Mais la superbe d'Emmanuel Macron n'est pas la seule cause du spectaculaire d\u00e9clin de sa popularit\u00e9 et de l'hostilit\u00e9 croissante des Fran\u00e7ais \u00e0 son encontre. Plus que ses mots, ce sont ses actes qui manifestent son indiff\u00e9rence.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes premi\u00e8res d\u00e9cisions du Pr\u00e9sident nouvellement \u00e9lu n'ont, \u00e0 cet \u00e9gard, gu\u00e8re laiss\u00e9 de doute sur l'orientation qu'il entendait donner \u00e0 sa politique. Outre la r\u00e9\u00e9criture du Code du travail dans des termes proches des demandes du Medef, la suppression de l'imp\u00f4t de solidarit\u00e9 sur la fortune, remplac\u00e9 par un imp\u00f4t exon\u00e9rant les actifs financiers, et la baisse de l'imp\u00f4t sur les soci\u00e9t\u00e9s, doubl\u00e9e d'une diminution programm\u00e9e des charges sociales patronales, avec en regard, une r\u00e9duction de la valeur r\u00e9elle des allocations personnalis\u00e9es au logement, des prestations familiales et des pensions de retraite ont fait d'Emmanuel Macron le \u00abPr\u00e9sident des riches\u00bb. Le bilan de ces diff\u00e9rentes mesures s'av\u00e8re en effet, selon l'OFCE, essentiellement favorable aux 5% des m\u00e9nages les plus ais\u00e9s. Pour les justifier, l'ancien banquier a initialement invoqu\u00e9 le principe de ruissellement, pourtant abandonn\u00e9 par la plupart des \u00e9conomistes, selon lequel la baisse des imp\u00f4ts pour les plus ais\u00e9s et des pr\u00e9l\u00e8vements pour les entreprises stimulerait l'investissement, cr\u00e9erait des emplois et, \u00e0 terme, serait b\u00e9n\u00e9fique pour tous. Parall\u00e8lement, il a certes annonc\u00e9 une suppression de la taxe d'habitation, mais faute de pr\u00e9cision sur les modalit\u00e9s de la compensation du manque \u00e0 gagner pour les collectivit\u00e9s locales, il est \u00e0 craindre que cette d\u00e9cision entra\u00eenera de nouvelles coupes dans les services publics.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ETandis que ces mesures ont \u00e9t\u00e9 favorablement re\u00e7ues par le patronat, la majorit\u00e9 de la population a compris que celui qui s'\u00e9tait proclam\u00e9 \u00abni de droite ni de gauche\u00bb menait en r\u00e9alit\u00e9 une politique n\u00e9olib\u00e9rale traditionnelle bien \u00e9loign\u00e9e de la promesse de r\u00e9novation \u00e0 laquelle il s'\u00e9tait engag\u00e9 pendant la campagne pr\u00e9sidentielle, et il appara\u00eet donc d\u00e9sormais \u00e0 beaucoup, sur le plan \u00e9conomique, comme un repr\u00e9sentant de l'ancien monde. Probablement est-ce ce qui explique en partie le large soutien imm\u00e9diatement apport\u00e9 \u00e0 la mobilisation des \u00abgilets jaunes\u00bb, beaucoup exprimant ainsi par procuration leur m\u00e9contentement.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003EObjet Politique Non Identifi\u00e9\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EMais peut-on v\u00e9ritablement parler de mouvement social au sens habituellement donn\u00e9 \u00e0 cette qualification? Plusieurs \u00e9l\u00e9ments semblent aller \u00e0 l'encontre de cette caract\u00e9risation, du moins au regard de la mani\u00e8re dont les choses se sont pass\u00e9es au cours des deux premiers mois (car elles n'ont cess\u00e9 d'\u00e9voluer dans le temps). Premi\u00e8rement, plut\u00f4t qu'une protestation organis\u00e9e, on a eu affaire au d\u00e9part \u00e0 un soul\u00e8vement spontan\u00e9, avec des blocages d\u00e9cid\u00e9s entre amis et voisins et des appels \u00e0 descendre dans la rue lanc\u00e9s sur les r\u00e9seaux sociaux. Deuxi\u00e8mement, aucun leader ou porte-parole n'est clairement identifiable, et m\u00eame si certains semblent exercer une influence durable, celles et ceux qui se sont pr\u00e9sent\u00e9s comme interlocuteurs des autorit\u00e9s ou ont accept\u00e9 des invitations sur les plateaux de t\u00e9l\u00e9vision ont souvent \u00e9t\u00e9 critiqu\u00e9s et parfois m\u00eame malmen\u00e9s. Troisi\u00e8mement, les manifestations adoptent une forme inhabituelle, avec fr\u00e9quemment des rassemblements convoqu\u00e9s tardivement sans toujours avoir recueilli les habituelles autorisations des pr\u00e9fectures. Quatri\u00e8mement, les mots d'ordre sont demeur\u00e9s multiples, le refus de d\u00e9finir un programme r\u00e9formiste ayant m\u00eame \u00e9t\u00e9 une mani\u00e8re de s'opposer aux pratiques partisanes ou syndicales. Rien n'emp\u00eache cependant de penser qu'avec le temps, ces traits puissent \u00e9voluer diff\u00e9remment, notamment dans le sens d'une plus grande structuration, comme on a pu l'observer dans d'autres contextes.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EDans ces conditions, on ne s'\u00e9tonnera pas que partis et syndicats aient d'abord \u00e9t\u00e9 d\u00e9concert\u00e9s par l'irruption de cet objet politique non identifi\u00e9 qui rencontrait plus de succ\u00e8s que leurs traditionnelles mobilisations. Parmi les partis d'opposition, les premiers \u00e0 s'\u00eatre exprim\u00e9s en faveur des \u00abgilets jaunes\u00bb sont, sans surprise, situ\u00e9s aux extr\u00eames de l'\u00e9chiquier politique, \u00e0 savoir le Rassemblement national et Debout la France, d'un c\u00f4t\u00e9, la France Insoumise et le Nouveau Parti Anticapitaliste, de l'autre. Au regard de l'\u00e9volution des intentions de vote pour les prochaines \u00e9lections europ\u00e9ennes, il semble que les premiers b\u00e9n\u00e9ficient toutefois plus que les seconds de leur soutien au mouvement. Pour ce qui est des syndicats, l'embarras a initialement pr\u00e9domin\u00e9. Tandis qu'au niveau national, la CGT, la CFDT, la CFE-CGC et FO refusaient pour des raisons diverses de s'associer au mouvement, des invitations \u00e0 le rejoindre \u00e9taient lanc\u00e9es par des branches locales, \u00e0 Saint-\u00c9tienne, \u00e0 Toulouse ou Marseille par exemple. Ce n'est que dans un second temps que des convergences se sont op\u00e9r\u00e9es de fa\u00e7on plus syst\u00e9matique sous la pression de la base et \u00e0 mesure que se dessinaient avec plus de nettet\u00e9 les contours de la mobilisation.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EPendant longtemps en effet, sa composition sociod\u00e9mographique et son orientation id\u00e9ologique ont \u00e9t\u00e9 difficiles \u00e0 appr\u00e9hender. Gr\u00e2ce \u00e0 des observations ponctuelles de journalistes et de sociologues et gr\u00e2ce \u00e0 des enqu\u00eates statistiques conduites par des instituts de sondage et des organismes de recherche, il est possible d'en pr\u00e9ciser quelques traits, tout en consid\u00e9rant avec prudence des r\u00e9sultats, dont certains ont \u00e9t\u00e9 obtenus sur des ronds-points, d'autres gr\u00e2ce \u00e0 des enqu\u00eates aupr\u00e8s d'usagers de r\u00e9seaux sociaux, d'autres encore par des sondages d'opinion aupr\u00e8s d'\u00e9chantillons de la population (1).\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EPremi\u00e8rement, la majorit\u00e9 des \u00abgilets jaunes\u00bb d\u00e9clare ne pas se positionner sur une \u00e9chelle droite-gauche, ceux qui le font se situant g\u00e9n\u00e9ralement aux deux extr\u00eames. Deuxi\u00e8mement, la mobilisation associe des hommes et des femmes (dont la pr\u00e9sence est remarquablement \u00e9lev\u00e9e), des retrait\u00e9s et des \u00e9tudiants, des travailleurs et des ch\u00f4meurs, des artisans et des commer\u00e7ants, des infirmi\u00e8res et des aide-m\u00e9nag\u00e8res qui partagent une m\u00eame pr\u00e9carisation avec des revenus progressivement r\u00e9duits par l'augmentation des d\u00e9penses contraintes et des pr\u00e9l\u00e8vements obligatoires. Troisi\u00e8mement, beaucoup vivent hors des grands centres urbains (m\u00eame s'il serait r\u00e9ducteur de les d\u00e9crire comme une France p\u00e9riph\u00e9rique), ainsi que dans des zones rurales, le point commun de ces territoires \u00e9tant la n\u00e9cessit\u00e9 d'utiliser un v\u00e9hicule pour se d\u00e9placer et, souvent, le recul des services de l'\u00c9tat. Dans une certaine mesure, on peut donc les d\u00e9crire comme triplement marginalis\u00e9s - politiquement, \u00e9conomiquement et spatialement - et correspondant \u00e0 ces \u00abinvisibles\u00bb dont parle Serge Paugam. Ils n'incluent pourtant pas les segments les plus pauvres de la soci\u00e9t\u00e9.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEn effet, alors m\u00eame que les banlieues dites en difficult\u00e9 ont \u00e9t\u00e9 le th\u00e9\u00e2tre de soul\u00e8vements r\u00e9p\u00e9t\u00e9s au cours des derni\u00e8res d\u00e9cennies, \u00e0 l'occasion g\u00e9n\u00e9ralement de la mort de jeunes hommes lors d'interactions avec la police, leurs habitants, souvent d'origine immigr\u00e9e, ne se retrouvent gu\u00e8re parmi les \u00abgilets jaunes\u00bb. Pr\u00e9sentant des taux de ch\u00f4mage et des niveaux de pauvret\u00e9 \u00e9lev\u00e9s, souffrant du d\u00e9sinvestissement des services publics, ayant plus souvent affaire aux forces de l'ordre qu'aux travailleurs sociaux, ils se sont n\u00e9anmoins rarement joints au mouvement. Les raisons en sont probablement multiples: l'exp\u00e9rience des promesses non tenues des gouvernements successifs lors de leurs propres mobilisations, le sentiment de n'avoir eux-m\u00eames jamais re\u00e7u de soutiens dans ces occasions et la crainte de se faire interpeller s'ils se rendent aux manifestations \u00e9tant donn\u00e9 les discriminations dont ils sont coutumiers. Il est toutefois important de relever que des convergences se sont faites assez t\u00f4t sur le terrain entre les \u00abgilets jaunes\u00bb et les groupes en lutte contre les violences polici\u00e8res, tel le Comit\u00e9 V\u00e9rit\u00e9 pour Adama.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes r\u00e9actions du gouvernement \u00e0 cette mobilisation aussi durable que populaire se sont r\u00e9v\u00e9l\u00e9es \u00e0 la fois erratiques et contradictoires. Probablement est-ce en partie le fait de la pr\u00e9sence aux postes cl\u00e9s du gouvernement d'une garde rapproch\u00e9e du Pr\u00e9sident sans exp\u00e9rience politique d'\u00e9lu, ce qui est aussi le cas du chef de l'\u00c9tat lui-m\u00eame. Mais on ne doit pas sous-estimer non plus les effets de la marginalisation des corps interm\u00e9diaires qui a constitu\u00e9 un \u00e9l\u00e9ment central de la strat\u00e9gie d'Emmanuel Macron depuis son accession au pouvoir: outre les partis traditionnels, lamin\u00e9s lors de l'\u00e9lection pr\u00e9sidentielle en dehors du Rassemblement national et \u00e0 un moindre degr\u00e9 de la France insoumise, ce sont les syndicats, affaiblis par la vague de r\u00e9formes conduites sans qu'ils y soient associ\u00e9s, et les autorit\u00e9s ind\u00e9pendantes, qui se voient simplement ignor\u00e9es. Soutenu par une majorit\u00e9 confortable de d\u00e9put\u00e9s qui savent lui devoir leur poste et ne faisant face \u00e0 presque aucun des contre-pouvoirs d'une soci\u00e9t\u00e9 d\u00e9mocratique, le Pr\u00e9sident se pr\u00e9sente, conform\u00e9ment \u00e0 sa vision du souverain, comme le seul interlocuteur du \u00abpeuple\u00bb. Or, avec seulement 28% de la population qui d\u00e9clare lui faire confiance, score le plus faible jamais obtenu par un Pr\u00e9sident, il se trouv\u00e9 pris au pi\u00e8ge de sa propre strat\u00e9gie.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ETrois moments se sont dessin\u00e9s dans la tentative pr\u00e9sidentielle de sortir de cette nasse. Durant les premi\u00e8res semaines, esp\u00e9rant que la mobilisation s'\u00e9teindrait lors des f\u00eates de fin d'ann\u00e9e, le chef de l'\u00c9tat est demeur\u00e9 silencieux suffisamment longtemps pour m\u00eame susciter des inqui\u00e9tudes sur une possible vacance du pouvoir. Pendant ce temps, le Premier ministre se montrait ferme sur les deux revendications les plus fortement exprim\u00e9es, refusant de renoncer \u00e0 la taxe sur les carburants au nom de la protection de l'environnement, et d'augmenter le salaire minimum pour ne pas contrarier l'effet de la baisse de l'imp\u00f4t sur les soci\u00e9t\u00e9s et des charges patronales. Dans ce que certains pr\u00e9sentaient comme un dilemme entre d\u00e9fense des fins de mois et lutte contre la fin du monde, le gouvernement affirmait clairement son opposition \u00e0 la premi\u00e8re sans pour autant parvenir \u00e0 convaincre de son engagement en faveur de la seconde au regard des d\u00e9cisions prises en mati\u00e8re de pesticides, d'industrie nucl\u00e9aire et de production de charbon.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECette approche s'\u00e9tant av\u00e9r\u00e9e peu efficace et certains responsables politiques de la majorit\u00e9 pr\u00e9sidentielle s'inqui\u00e9tant de la tournure prise par les \u00e9v\u00e9nements, une s\u00e9rie de concessions ont ensuite \u00e9t\u00e9 annonc\u00e9es par le Pr\u00e9sident. Une analyse pr\u00e9cise en r\u00e9v\u00e8le cependant les limites et les ambigu\u00eft\u00e9s. D'abord report\u00e9, l'imp\u00f4t sur les carburants a finalement \u00e9t\u00e9 supprim\u00e9, sans b\u00e9n\u00e9fice pour pr\u00e8s de la moiti\u00e9 des personnes du d\u00e9cile inf\u00e9rieur qui n'ont pas de v\u00e9hicule personnel. Une prime sp\u00e9ciale a \u00e9t\u00e9 accord\u00e9e aux travailleurs percevant un salaire minimum, mais il s'agit en r\u00e9alit\u00e9 d'une avance sur des augmentations pr\u00e9vues et surtout la prise en charge en est int\u00e9gralement assum\u00e9e par l'\u00c9tat, autrement dit par les contribuables, et non par les employeurs qui peuvent ainsi profiter de cette situation pour retarder d'\u00e9ventuelles augmentations de salaire. Les heures suppl\u00e9mentaires sont d\u00e9socialis\u00e9es et d\u00e9fiscalis\u00e9es, ce dernier \u00e9l\u00e9ment ne b\u00e9n\u00e9ficiant \u00e9videmment pas \u00e0 la moiti\u00e9 des m\u00e9nages ne payant pas d'imp\u00f4t sur les revenus. Quant aux retrait\u00e9s, si les plus pauvres b\u00e9n\u00e9ficient de l'annulation annonc\u00e9e de la hausse de la CSG, l'absence d'indexation des retraites sur le taux de l'inflation conduit automatiquement \u00e0 leur d\u00e9valuation. Par ailleurs, l'imp\u00f4t de solidarit\u00e9 sur la fortune et la revalorisation des minima sociaux, deux exigences fortes des \u00abgilets jaunes\u00bb, ne sont pas \u00e9voqu\u00e9s. En somme, pour les analystes, le \u00abtournant social\u00bb \u00e9voqu\u00e9 par le Pr\u00e9sident n'a pas eu lieu: les cat\u00e9gories les plus modestes ne b\u00e9n\u00e9ficient pas des mesures annonc\u00e9es, les m\u00e9nages les plus ais\u00e9s se voient \u00e9pargn\u00e9s, et c'est l'\u00c9tat qui prend en charge la hausse du salaire minimum. Enfin, l'ensemble de ce dispositif creusant significativement le budget de l'\u00c9tat, cela laisse entrevoir dans un futur proche de nouvelles amputations des services publics.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EFinalement, confront\u00e9 \u00e0 la poursuite du mouvement malgr\u00e9 ses concessions, Emmanuel Macron a tent\u00e9 d'en briser la dynamique en promettant la tenue d'un \u00abgrand d\u00e9bat national\u00bb, pr\u00e9sent\u00e9 comme un remplacement de la logique verticale du pouvoir jupit\u00e9rien par une logique horizontale de participation d\u00e9mocratique. Dans les faits, il est tr\u00e8s vite apparu que le Pr\u00e9sident lui-m\u00eame contr\u00f4lerait le processus en d\u00e9cidant de ses modalit\u00e9s, des th\u00e8mes abord\u00e9s, des questions pos\u00e9es, du dispositif d'analyse des r\u00e9ponses, enfin de sa restitution publique et de sa traduction en termes de r\u00e9formes soumises ou non \u00e0 r\u00e9f\u00e9rendum.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ENaturellement consult\u00e9s pour la pr\u00e9paration de ces \u00e9v\u00e9nements, les membres de la Commission nationale du d\u00e9bat public d\u00e9cid\u00e8rent de se retirer du processus apr\u00e8s avoir constat\u00e9 que leurs recommandations n'\u00e9taient aucunement suivies. La pr\u00e9sidente de cette autorit\u00e9 ind\u00e9pendante critiqua pour sa part le caract\u00e8re paternaliste et le manque d'impartialit\u00e9 du d\u00e9bat tel que con\u00e7u par le gouvernement. Sur le premier point en effet, certaines questions d'importance cruciale pour les \u00abgilets jaunes\u00bb se trouvent d'embl\u00e9e exclues (le r\u00e9f\u00e9rendum d'initiative citoyenne ou le r\u00e9tablissement de l'imp\u00f4t de solidarit\u00e9 sur la fortune, par exemple) tandis que d'autres sont formul\u00e9es pour clairement sugg\u00e9rer les r\u00e9ponses (lorsqu'on demande quels services publics doivent \u00eatre supprim\u00e9s pour pouvoir diminuer les imp\u00f4ts et r\u00e9duire la dette en \u00e9ludant l'alternative d'une r\u00e9forme fiscale). Sur le second point, il existe une volont\u00e9 de r\u00e9activer des divisions sur des sujets sensibles que les \u00abgilets jaunes\u00bb avaient justement \u00e9vit\u00e9s, qu'il s'agisse de l'immigration (en sugg\u00e9rant l'\u00e9tablissement de quotas, th\u00e8me port\u00e9 par les droites radicales) ou de la la\u00efcit\u00e9 (en invitant \u00e0 la renforcer, proposition visant \u00e0 l'\u00e9vidence la population musulmane, principale cible du discours sur la la\u00efcit\u00e9). Interrog\u00e9s en janvier 2019 alors que se mettait en place le d\u00e9bat, 67% des Fran\u00e7ais se r\u00e9jouissaient de sa tenue, mais 62% d'entre eux pr\u00e9disaient que le gouvernement ne tiendrait pas compte de ce qui en ressortirait. C'\u00e9tait aussi l'avis de 79% de ceux qui d\u00e9claraient apporter leur soutien aux \u00abgilets jaunes\u00bb.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003E\u00c9tat de r\u00e9pression\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ESi la position du Pr\u00e9sident et du gouvernement a pu \u00e9voluer sur la r\u00e9ponse \u00e0 apporter \u00e0 cette crise, il est un \u00e9l\u00e9ment sur lequel elle est demeur\u00e9e constante: la duret\u00e9 de la r\u00e9pression \u00e0 l'encontre des manifestants. Pour Fabien Jobard, le bilan des blessures occasionn\u00e9es par les forces de l'ordre \u00abd\u00e9passe tout ce que l'on a pu conna\u00eetre en m\u00e9tropole depuis Mai 68, lorsque le niveau de violence et l'armement des manifestants \u00e9taient autrement plus \u00e9lev\u00e9s\u00bb. Plus de personnes ont en effet \u00e9t\u00e9 mutil\u00e9es par des policiers au cours des deux premiers mois du mouvement que pendant les dix ann\u00e9es pr\u00e9c\u00e9dentes. Un d\u00e9compte non exhaustif des bless\u00e9s r\u00e9alis\u00e9 par le collectif D\u00e9sarmons-les et par le journaliste ind\u00e9pendant Daniel Dufresne - travail rendu n\u00e9cessaire par le fait que le minist\u00e8re de l'Int\u00e9rieur non seulement n'en donne pas communication mais s'est m\u00eame longtemps content\u00e9 de nier leur existence - \u00e9tablit que 522 individus avaient \u00e9t\u00e9 s\u00e9rieusement bless\u00e9s \u00e0 la date du 10 mars 2019, soit moins de quatre mois apr\u00e8s le d\u00e9but des manifestations (2).\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa plupart des accidents sont dus \u00e0 l'usage de lanceurs de balle de d\u00e9fense et de grenades lacrymog\u00e8nes ou de d\u00e9sencerclement, armes souvent qualifi\u00e9es de \u00absubl\u00e9tales\u00bb et qui ne sont pas en usage dans la plupart des pays europ\u00e9ens. Une octog\u00e9naire est morte des suites d'une intervention pour des blessures graves au visage. Trois individus ont pr\u00e9sent\u00e9 un coma. Cinq ont eu une main arrach\u00e9e. Vingt-deux ont perdu un œil. Les deux tiers des victimes ont \u00e9t\u00e9 touch\u00e9es \u00e0 la t\u00eate, ce qui explique la fr\u00e9quence des traumatismes faciaux et cr\u00e2niens, alors m\u00eame que ces armes sont suppos\u00e9es \u00eatre dirig\u00e9es exclusivement vers le tronc et les membres. Un reporter de guerre, qui n'avait jamais \u00e9t\u00e9 bless\u00e9 alors qu'il couvrait les sc\u00e8nes de conflit en Bosnie, en Afghanistan, en Libye, au Tchad, en Irak et en Syrie, dit l'avoir \u00e9t\u00e9 pour la premi\u00e8re fois \u00e0 Paris. Les personnes filmant les violences polici\u00e8res se sont trouv\u00e9es en effet particuli\u00e8rement expos\u00e9es, notamment les journalistes dont cinquante-six ont \u00e9t\u00e9 bless\u00e9s, de m\u00eame que les personnes portant secours aux victimes, quatorze soignants, aussi appel\u00e9s \u00abstreet medics\u00bb, ayant eux-m\u00eames \u00e9t\u00e9 touch\u00e9s.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EContre l'\u00e9vidence des faits, y compris de ceux enregistr\u00e9s par ses propres services, et alors que le nombre de personnes s\u00e9rieusement touch\u00e9es par les forces de l'ordre d\u00e9passait la centaine, le ministre de l'Int\u00e9rieur affirma le 15 janvier ne conna\u00eetre \u00abaucun policier, aucun gendarme, qui ait attaqu\u00e9 un manifestant\u00bb. Une telle d\u00e9n\u00e9gation m\u00e9rite d'\u00eatre prise au s\u00e9rieux. Comme l'\u00e9crivait Hannah Arendt au d\u00e9but des ann\u00e9es 1970, \u00abl'insinc\u00e9rit\u00e9 en mati\u00e8re politique au plus haut niveau du gouvernement\u00bb, ou ce qu'on appelle parfois le mensonge d'\u00c9tat, \u00abne s'est pas introduite dans la politique \u00e0 la suite de quelque accident d\u00fb \u00e0 l'humanit\u00e9 p\u00e9cheresse\u00bb et, par cons\u00e9quent, \u00abl'indignation morale n'est pas susceptible de la faire dispara\u00eetre\u00bb (3). Il ne suffit pas de la d\u00e9noncer, il importe de la comprendre. En affirmant qu'il n'avait rien vu et que donc rien ne s'\u00e9tait pass\u00e9, Christophe Castaner envoyait un message clair \u00e0 ses agents: le gouvernement les soutenait et ne serait pas regardant - litt\u00e9ralement - sur leurs d\u00e9viances et leurs violences.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl y a l\u00e0 une continuit\u00e9 dans l'action de l'\u00c9tat depuis plus de trois d\u00e9cennies, mais la tendance semble s'\u00eatre amplifi\u00e9e sous l'actuelle pr\u00e9sidence. D\u00e9j\u00e0, l'\u00e9tat d'urgence d\u00e9clar\u00e9 en novembre 2015 apr\u00e8s les attentats de Paris avait consid\u00e9rablement \u00e9largi les pr\u00e9rogatives des forces de l'ordre tout en restreignant le droit de manifester. Lorsque Emmanuel Macron en annon\u00e7a avec \u00e9clat la fin le 1er novembre 2017, ce ne fut toutefois qu'apr\u00e8s avoir fait voter deux jours plus t\u00f4t une loi qui inscrivait dans le droit les principales mesures de l'\u00e9tat d'urgence. (4) L'exception est ainsi devenue la nouvelle norme. Ce qui avait \u00e9t\u00e9 justifi\u00e9 au nom de la lutte contre le terrorisme fait d\u00e9sormais partie de l'arsenal l\u00e9gislatif dont la police peut se pr\u00e9valoir aussi bien en mati\u00e8re de s\u00e9curit\u00e9 publique dans les quartiers populaires qu'en mati\u00e8re de maintien de l'ordre dans les manifestations de rue. S'agissant de ces derni\u00e8res, la pr\u00e9sence de snipers sur les toits, le port de fusils d'assaut semi-automatiques et l'usage d'armes mutilantes deviennent l\u00e9gitimes et, selon un syndicat des forces de l'ordre, la hi\u00e9rarchie donne elle-m\u00eame l'ordre de \u00abtirs tendus\u00bb avec les lanceurs de balle de d\u00e9fense.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EOn comprend que, dans ce contexte, les d\u00e9clarations publiques de membres du gouvernement parlant de \u00abceux qui cassent les policiers\u00bb et d'une \u00abvolont\u00e9 de tuer\u00bb au sein des \u00abgilets jaunes\u00bb visent \u00e0 galvaniser les troupes et \u00e0 justifier par anticipation les violences. Du reste, le Pr\u00e9sident a d\u00e9cid\u00e9 de ne plus \u00e9tablir de diff\u00e9rence entre manifestants pacifiques et \u00e9l\u00e9ments violents lorsqu'il a affirm\u00e9 le 26 f\u00e9vrier que \u00ablorsqu'on va dans des manifestions violentes, on est complice du pire\u00bb. C'est dans cette logique qu'une loi restreignant le droit de manifester a \u00e9t\u00e9 soumise au Parlement, donnant lieu \u00e0 une mise en garde de la Commissaire europ\u00e9enne aux droits de l'homme. Pour ce qui est des violences polici\u00e8res, ni l'intervention du D\u00e9fenseur des droits, ni l'avertissement du Conseil de l'Europe, ni la demande d'enqu\u00eate du Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme des Nations Unies n'ont eu raison de la d\u00e9termination du gouvernement \u00e0 utiliser la force contre les manifestants et les observateurs. Et en r\u00e9ponse \u00e0 cette derni\u00e8re requ\u00eate internationale, le porte-parole du gouvernement a pu se contenter de marquer son \u00e9tonnement, plut\u00f4t que son embarras, en constatant que la France \u00e9tait le seul pays occidental, aux c\u00f4t\u00e9s du Venezuela et d'Ha\u00efti, dans la liste des pays o\u00f9 la police faisait montre d'un \u00abusage excessif de la force\u00bb lors de manifestations. (5) Une telle d\u00e9sinvolte assurance tient en partie \u00e0 ce que le gouvernement a longtemps r\u00e9ussi \u00e0 imposer dans les m\u00e9dias sa version des faits, stigmatisant les violences des \u00abgilets jaunes\u00bb pour couvrir celles de ses agents. Il n'a cependant pas r\u00e9alis\u00e9 que, dans la mani\u00e8re dont la situation est per\u00e7ue dans le pays comme \u00e0 l'\u00e9tranger, les choses ont commenc\u00e9 \u00e0 changer.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003ESpectacle de violence\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ERemarquablement, en effet, pendant les premi\u00e8res semaines de la mobilisation, la presse nationale et internationale n'a rien dit des personnes bless\u00e9es par les tirs des policiers et des gendarmes. Elle \u00e9tait en revanche fascin\u00e9e par les images de barricades en feu, de d\u00e9gradation de monuments publics et de pillage de magasins de luxe, d\u00e9crivant des sc\u00e8nes de chaos. Non sans complaisance \u00e0 l'\u00e9gard du gouvernement mais aussi m\u00e9pris ouvertement exprim\u00e9 \u00e0 l'endroit des \u00abgilets jaunes\u00bb, certains m\u00e9dias reproduisaient simplement la version officielle du minist\u00e8re de l'Int\u00e9rieur, s'indignant des dommages occasionn\u00e9s, ne se donnant gu\u00e8re les moyens de distinguer manifestants et casseurs, et citant les statistiques des bless\u00e9s parmi les forces de l'ordre mais jamais parmi les personnes pr\u00e9sentes dans les rassemblements et les d\u00e9fil\u00e9s.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIllustration de cette vision s\u00e9lective, le 5 janvier, la vid\u00e9o d'un ancien champion de boxe frappant un policier qui se prot\u00e9geait derri\u00e8re son bouclier a fait pendant quarante-huit heures le tour des cha\u00eenes d'information continue et des journaux t\u00e9l\u00e9vis\u00e9s, g\u00e9n\u00e9rant des r\u00e9actions de col\u00e8re comme celle d'un ancien ministre appelant les policiers \u00ab\u00e0 se servir de leurs armes\u00bb, sans que soient m\u00eame mentionn\u00e9es les sept personnes gri\u00e8vement bless\u00e9es ce jour-l\u00e0 par des tirs des forces de l'ordre et pr\u00e9sentant divers traumatismes cr\u00e2niens et destructions faciales ainsi que, pour l'une d'elles, la perte d'un œil. Dans les semaines qui suivirent, gr\u00e2ce au travail de collectifs et de journalistes, le regard sur les violences s'inversa et, au niveau national comme international, l'indignation, initialement dirig\u00e9e contre les manifestants, se d\u00e9pla\u00e7a vers les policiers et les gendarmes.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes cons\u00e9quences de cette repr\u00e9sentation m\u00e9diatique biais\u00e9e qui a pr\u00e9valu pendant pratiquement les deux premiers mois de la mobilisation sont contradictoires. L'insistance \u00e0 montrer les violences des \u00abgilets jaunes\u00bb a conduit, d'un c\u00f4t\u00e9, \u00e0 ignorer le fait qu'elles \u00e9taient le fait d'un petit nombre tandis que la grande majorit\u00e9 des manifestants se rassemblaient et d\u00e9filaient dans le calme, et de l'autre, \u00e0 normaliser les brutalit\u00e9s des forces de l'ordre en les escamotant dans un premier temps et en les pr\u00e9sentant comme une r\u00e9action l\u00e9gitime dans un second.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u00c0 cet \u00e9gard, il est remarquable que le Pr\u00e9sident ait pu d\u00e9clarer le 31 janvier \u00e0 des journalistes que les manifestants \u00e9taient infiltr\u00e9s par \u00ab40 000 \u00e0 50 000 ultras qui veulent la destruction des institutions\u00bb, les uns appartenant \u00e0 la \u00abfachosph\u00e8re\u00bb et les autres \u00e0 la \u00abgauchosph\u00e8re\u00bb, alors m\u00eame que des notes confidentielles des services de renseignement affirmaient quelques jours plus t\u00f4t que les ultras avaient quasiment disparu des cort\u00e8ges - une d\u00e9connexion entre la parole pr\u00e9sidentielle et le renseignement int\u00e9rieur qu'on imaginerait plus facilement de l'autre c\u00f4t\u00e9 de l'Atlantique. Mais paradoxalement, les images des violences commises par certains ont aussi contribu\u00e9 \u00e0 rendre la mobilisation visible, aussi bien dans le pays qu'\u00e0 l'\u00e9tranger. Si, au cours des derni\u00e8res ann\u00e9es, d'autres mouvements sociaux avaient fait descendre les gens dans la rue, parfois en plus grand nombre, aucun n'avait eu un tel \u00e9cho dans les m\u00e9dias ni un tel effet sur l'action du gouvernement.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EQue pendant plus de trois mois, malgr\u00e9 les efforts du pouvoir pour la discr\u00e9diter, malgr\u00e9 les pr\u00e9sentations souvent peu avantageuses faites dans les m\u00e9dias, malgr\u00e9 la r\u00e9alit\u00e9 des d\u00e9gradations et des destructions provoqu\u00e9es, cette mobilisation ait pu continuer \u00e0 b\u00e9n\u00e9ficier d'un soutien majoritaire dans la population est en soi remarquable. On peut faire l'hypoth\u00e8se que les violences qui ont \u00e9maill\u00e9 le cours des manifestations apparaissent \u00e0 beaucoup comme une r\u00e9ponse compr\u00e9hensible, sinon justifiable, \u00e0 la violence structurelle de la soci\u00e9t\u00e9 qu'elles rendent soudain manifeste.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003ESens et incertitude\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl est encore trop t\u00f4t pour tirer des conclusions d\u00e9finitives sur le sens et a fortiori sur l'avenir de la mobilisation des \u00abgilets jaunes\u00bb. Les comparaisons historiques ou contemporaines peuvent s'av\u00e9rer utiles \u00e0 la recherche, \u00e0 condition n\u00e9anmoins qu'elles ne proc\u00e8dent pas simplement de la projection de sch\u00e9mas, de d\u00e9sirs ou d'attentes des chercheurs ou des intellectuels qui se livrent \u00e0 ces exercices. Il semble toutefois possible de formuler deux constats.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ED'une part, cette mobilisation constitue un \u00e9v\u00e9nement au sens fort du terme, \u00e0 savoir une rupture temporelle avec le cours normal de l'Histoire. Il y aura un avant et un apr\u00e8s, et toute tentative de diminuer la port\u00e9e de cet \u00e9v\u00e9nement dans la vie politique fran\u00e7aise ne peut que confirmer sa signification et renforcer sa justification. Il importe au contraire de saisir l'originalit\u00e9 de ce moment, en particulier la mani\u00e8re dont les \u00abgilets jaunes\u00bb, dans leur diversit\u00e9, ont pos\u00e9 les questions de la justice sociale et des pratiques d\u00e9mocratiques, bousculant la suffisance des gouvernants.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ED'autre part, la l\u00e9gitimit\u00e9 dont ils ont d'embl\u00e9e b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 dans la population et la r\u00e9sonance qu'y ont eue leurs revendications indiquent qu'au-del\u00e0 de leurs dol\u00e9ances sp\u00e9cifiques, que des commentateurs ont t\u00f4t fait de r\u00e9duire \u00e0 de banales requ\u00eates individuelles, la demande de reconnaissance des manifestants et leur aspiration \u00e0 une vie digne trouvent un \u00e9cho dans de larges segments de la soci\u00e9t\u00e9, ceux-l\u00e0 m\u00eames dont les responsables politiques font peu de cas, quand ils ne les m\u00e9prisent pas. On a parl\u00e9 de populisme au regard de la d\u00e9nonciation des \u00e9lites. Bien plus pourtant que de se pr\u00e9senter comme le peuple, les \u00abgilets jaunes\u00bb rappellent aux dirigeants l'existence d'une cat\u00e9gorie qui avait disparu de leur vocabulaire: les classes populaires.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ESource: \u003Ca href=\"https:\/\/lavamedia.be\/fr\/les-gilets-jaunes-objet-politique-non-identifie\"\u003ELava\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003EUne version ant\u00e9rieure de ce texte a \u00e9t\u00e9 publi\u00e9e dans le num\u00e9ro de janvier-f\u00e9vrier 2019 (n\u00b0 115, p. 77-92) de la \u003Ci\u003E\u003Ci\u003ENew Left Review\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E sous le titre: \u00abAn Improbable Movement? Macron and the Rise of the Gilets Jaunes\u00bb. Les auteurs voulaient faire comprendre \u00e0 un public international les enjeux d'une mobilisation souvent caricatur\u00e9e dans les journaux \u00e9trangers, \u00e0 l'instar du \u003Ci\u003E\u003Ci\u003ENew York Times\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E qui, le 15 janvier 2019, comparait la situation en France \u00e0 \u00abcelle des ann\u00e9es 1930, quand les ligues fascistes marchaient sur l'Assembl\u00e9e nationale, mena\u00e7ant la d\u00e9mocratie fran\u00e7aise\u00bb. Pour les lecteurs francophones, familiers de la r\u00e9alit\u00e9 fran\u00e7aise, l'int\u00e9r\u00eat du pr\u00e9sent article, qui est une version substantiellement r\u00e9vis\u00e9e et actualis\u00e9e, est qu'il tente de proposer une vision d'ensemble, quoique n\u00e9cessairement inachev\u00e9e, de ce qui s'est jou\u00e9 entre novembre 2018 et mars 2019. Les auteurs esp\u00e8rent que l'analyse appara\u00eetra de pertinence \u00e0 la veille de la convergence des marches des \u00abgilets jaunes\u00bb contre les violences polici\u00e8res et pour le climat.\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ENotes:\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Col\u003E\u003Cli\u003EBeno\u00eet Coquard, \u00abDes femmes, des abstentionnistes, des bandes de copains... Un sociologue raconte les \"gilets jaunes\"\u00bb, \u003Ci\u003E\u003Ci\u003EBiblioObs\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E, 1 d\u00e9cembre 2018; Collectif Quantit\u00e9 critique, \u00abEnqu\u00eate. Les \"gilets jaunes\" ont-ils une couleur politique?\u00bb, \u003Ci\u003EL'Humanit\u00e9\u003C\/i\u003E, 19 d\u00e9cembre 2018; Collectif, \u00abQui sont vraiment les \"gilets jaunes\"? R\u00e9sultat d'une enqu\u00eate sociologique\u00bb, \u003Ci\u003E\u003Ci\u003ELe Monde\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E, 26 janvier 2019; Luc Rouban, \u00abLes \"gilets jaunes\", une transition populiste de droite\u00bb, \u003Ci\u003E\u003Ci\u003EThe Conversation\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E, 28 janvier 2019, voir \u003Ca href=\"https:\/\/theconversation.com\/les-gilets-jaunes-une-transition-populiste-de-droite-110612\"\u003Ehttp:\/\/theconversation.com\/les-gilets-jaunes-une-transition-populiste-de-droite-110612\u003C\/a\u003E.|\u003C\/li\u003E\u003Cli\u003E\u003Ci\u003ED\u003C\/i\u003E\u003Ci\u003E\u00e9sarmons-les\u003C\/i\u003E, \u00abRecensement provisoire des bless\u00e9-e-s des manifestations des mois de novembre-d\u00e9cembre 2018\u00bb, \u003Ca href=\"https:\/\/desarmons.net\/index.php\/2019\/01\/04\/recensement-provisoire-des-blesses-graves-des-manifestations-du-mois-de-decembre-2018\"\u003Ehttp:\/\/desarmons.net\/index.php\/2019\/01\/04\/recensement-provisoire-des-blesses-graves-des-manifestations-du-mois-de-decembre-2018\/\u003C\/a\u003E ; \u003Ci\u003E\u003Ci\u003EMediapart Panoramique\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E, \u00abAll\u00f4, Place Beauvau?\u00bb, \u003Ca href=\"https:\/\/www.mediapart.fr\/studio\/panoramique\/allo-place-beauvau-cest-pour-un-bilan\"\u003Ewww.mediapart.fr\/studio\/panoramique\/allo-place-beauvau-cest-pour-un-bilan\u003C\/a\u003E|\u003C\/li\u003E\u003Cli\u003EHannah Arendt, \u00abDu mensonge en politique. R\u00e9flexions sur les documents du Pentagone\u00bb, \u003Ci\u003E\u003Ci\u003EDu mensonge \u00e0 la violence. Essais de politique contemporaine\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E, Paris, Calmann-L\u00e9vy, 1972, p. 8 et 10.|\u003C\/li\u003E\u003Cli\u003E\u003Ci\u003E\u003Ci\u003EJournal Officiel\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E, \u00abLoi n\u00b0 2017-1510 du 30 octobre 2017 renfor\u00e7ant la s\u00e9curit\u00e9 int\u00e9rieure et la lutte contre le terrorisme\u00bb, voir \u003Ca href=\"http:\/\/www.legifrance.gouv.fr\/eli\/loi\/2017\/10\/30\/INTX1716370L\/jo\/texte\"\u003Ewww.legifrance.gouv.fr\/eli\/loi\/2017\/10\/30\/INTX1716370L\/jo\/texte\u003C\/a\u003E; Paul Cassia, \u00abSortie de l'\u00e9tat d'urgence temporaire, entr\u00e9e dans l'\u00e9tat d'urgence permanent\u00bb, \u003Ci\u003E\u003Ci\u003EMediapart\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E, 31 octobre 2017.|\u003C\/li\u003E\u003Cli\u003E\u003Ci\u003EAFP\u003C\/i\u003E, \u00abLe D\u00e9fenseur des droits demande la \"suspension\" de l'usage des lanceurs de balle de d\u00e9fense\u00bb, \u003Ci\u003E\u003Ci\u003EL'Obs\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E, 17 janvier 2019; Karl Laske, \u00abR\u00e9pression des \"gilets jaunes\": l'avertissement du Conseil de l'Europe\u00bb, \u003Ci\u003E\u003Ci\u003EMediapart\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E, 26 f\u00e9vrier 2019; \u003Ci\u003E\u003Ci\u003EAFP\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E, \u00abGilets jaunes: l'ONU r\u00e9clame une enqu\u00eate sur \"l'usage excessif de la force\", le gouvernement r\u00e9plique\u00bb, \u003Ci\u003E\u003Ci\u003ELib\u00e9ration\u003C\/i\u003E\u003C\/i\u003E, 6 mars 2019.|\u003C\/li\u003E\u003C\/ol\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"http:\/\/www.investigaction.net\/fr\/les-gilets-jaunes-objet-politique-non-identifie\/\"\u003Einvestigaction.net\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E"}}