{"165896":{"id":"165896","parent":"165791","time":"1576145886","url":"http:\/\/newsnet.fr\/165896","source":"http:\/\/reporterre.net\/La-bataille-pour-les-retraites-est-une-bataille-ecologique","category":"\u00e9cologie","title":"La bataille pour les retraites est une bataille \u00e9cologique","catalog-images":"6\/\/4\/newsnet_165896_57b6cb.jpg\/newsnet_165896_5d10f9.jpg\/newsnet_165896_99fb27.jpg\/newsnet_165896_e9c4e8.jpg\/newsnet_165896_36f70b.png","image":"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_165896_e9c4e8.jpg","hub":"newsnet","url-explicit":"http:\/\/newsnet.fr\/art\/la-bataille-pour-les-retraites-est-une-bataille-ecologique","admin":"newsnet","views":"556","priority":"2","length":"20501","lang":"fr","content":"\u003Cp\u003EDans cette tribune, Fran\u00e7ois Ruffin rappelle l'enjeu de la bataille des retraites : r\u00e9duire la place du travail dans nos vies. Et comment ce projet d'\u00e9mancipation est \u00e9minemment \u00e9cologique.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ci\u003EFran\u00e7ois Ruffin est d\u00e9put\u00e9 France insoumise de la 1\u003Csup\u003Ere\u003C\/sup\u003E circonscription de la Somme. Dans son livre\u003C\/i\u003E Il est o\u00f9, le bonheur, \u003Ci\u003E(\u00e9d. Les Liens qui lib\u00e8rent, novembre 2019) le d\u00e9put\u00e9 appelle \u00e0 former un\u003C\/i\u003E \u00ab Front populaire \u00e9cologique \u00bb.\u003C\/p\u003E\u003Cfigure\u003E\u003Cspan class=\"philum ic-img2\"\u003E\u003C\/span\u003E\u003Cfigcaption\u003E\u003Cb\u003EFran\u00e7ois Ruffin.\u003C\/b\u003E\u003C\/figcaption\u003E\u003C\/figure\u003E\u003Cp\u003E\u003Ci\u003E\u00ab J'ai chang\u00e9 \u00bb\u003C\/i\u003E, proclamait le pr\u00e9sident \u00e0 la rentr\u00e9e. Lui s'\u00e9tait mis au vert, et tout le gouvernement avec, et le Premier ministre \u00e0 l'\u003Ci\u003E\u00ab \u00e9cologie souriante \u00bb\u003C\/i\u003E. Mais alors, o\u00f9 est-elle, l'\u00e9cologie, dans la \u00ab r\u00e9forme phare du quinquennat \u00bb : les retraites ? Fini, silence, eux n'en parlent plus. Comme si ce projet, de soci\u00e9t\u00e9, ne touchait pas la plan\u00e8te. Comme si c'\u00e9tait juste \u003Ci\u003E\u00ab technique \u00bb\u003C\/i\u003E, et le d\u00e9bat sur les retraites, en effet, avec ses experts, ses \u00e9conomistes, tourne vite au dossier techno.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EOn se jette \u00e0 la figure des chiffres, des pourcentages, des rapports du Conseil d'orientation des retraites et de la Cour des comptes, remplis de milliards et de d\u00e9ficits. Mais on entend peu parler du bonheur, ou m\u00eame de nos peurs. La fin s'efface derri\u00e8re les moyens. Le \u003Ci\u003E\u00ab non \u00bb\u003C\/i\u003E \u00e0 la contre-r\u00e9forme Macron \u00e9clipse tout \u003Ci\u003E\u00ab oui \u00bb\u003C\/i\u003E \u00e0 autre chose. On en oublie l'id\u00e9al social voulu \u00e0 la Lib\u00e9ration, par Ambroise Croizat et ses camarades, mais surtout l'id\u00e9al \u00e9cologique que nous poursuivons pour demain. Deux id\u00e9aux, la protection sociale et la protection de l'environnement, qui vont de pair.\u003C\/p\u003E\u003Cfigure\u003E\u003Cspan class=\"philum ic-img2\"\u003E\u003C\/span\u003E\u003Cfigcaption\u003E\u003Cb\u003EAmbroize Croizat, ministre du travail entre 1946 et 1947, \u00ab p\u00e8re \u00bb de la S\u00e9curit\u00e9 sociale et du syst\u00e8me des retraites.\u003C\/b\u003E\u003C\/figcaption\u003E\u003C\/figure\u003E\u003Cp\u003EUne \u00e9vidence, en pr\u00e9alable : nous devons vivre sans croissance. \u003Ci\u003E\u00ab Produire plus, pour consommer plus, pour produire plus, pour consommer plus \u00bb\u003C\/i\u003E, comme le hamster dans sa roue, m\u00e8ne la plan\u00e8te droit dans le mur. Et les hommes \u00e0 l'usure.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECe week-end, je me suis replong\u00e9 dans \u003Ci\u003EProsp\u00e9rit\u00e9 sans croissance\u003C\/i\u003E, le livre de l'\u00e9conomiste \u003Ca href=\"https:\/\/reporterre.net\/La-croissance-est-limitee\"\u003ETim Jackson\u003C\/a\u003E. Il cite une \u00e9tude, prospective, r\u00e9alis\u00e9e par l'\u00e9conomiste canadien Peter Victor : \u00ab Dans ce sc\u00e9nario, le ch\u00f4mage et la pauvret\u00e9 sont tous deux r\u00e9duits de moiti\u00e9 gr\u00e2ce \u00e0 des politiques sociales et de temps de travail. Et l'on obtient une baisse de 20 % des \u00e9missions de gaz \u00e0 effet de serre au Canada.La r\u00e9duction du temps de travail est l'intervention politique cl\u00e9 qui emp\u00eache le ch\u00f4mage de masse. La productivit\u00e9 du travail est cens\u00e9e augmenter \u00e0 peu pr\u00e8s au m\u00eame rythme qu'elle l'a fait dans le pass\u00e9 au Canada, ce qui devrait logiquement entra\u00eener une diminution de l'emploi. Mais, dans ce cas-ci, le ch\u00f4mage est \u00e9vit\u00e9 par un partage du travail disponible plus \u00e9quitable au sein de la main d'œuvre.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ER\u00e9duire la dur\u00e9e du temps de travail hebdomadaire est la solution la plus simple et la plus souvent cit\u00e9e au d\u00e9fi du maintien du plein emploi sans augmentation de la production. Mais cette r\u00e9duction du temps de travail ne peut r\u00e9ussir que sous certaines conditions : la distribution stable et relativement \u00e9quitable des revenus. \u00bb\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003ELes retraites, c'est un combat sur le temps de travail\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EC'est la question cl\u00e9, depuis le XIX\u003Csup\u003Ee\u003C\/sup\u003E si\u00e8cle : la lib\u00e9ration du travail. La fin du travail des enfants, le recul \u00e0 12 ans, puis 14 ans, puis 16 ans, de leur entr\u00e9e \u00e0 la mine ou \u00e0 l'usine, c'est un combat sur le temps de travail. Le dimanche ch\u00f4m\u00e9, puis le \u003Ci\u003E\u00ab samedi anglais \u00bb\u003C\/i\u003E, comme on l'a appel\u00e9, c'est un combat sur le temps de travail. Le cong\u00e9 maternit\u00e9, les cong\u00e9s pay\u00e9s, c'est un combat sur le temps de travail. La loi des \u003Ci\u003E\u00ab huit heures \u00bb\u003C\/i\u003E, huit heures de travail, huit heures de repos, huit heures de loisir, c'est un combat sur le temps de travail. Les heures de formation, ou de d\u00e9l\u00e9gation, c'est un combat sur le temps de travail. Et bien s\u00fbr, les retraites, c'est un combat sur le temps de travail.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E1982, en France, est le dernier moment de partielle lib\u00e9ration. Par les 39 h \u00e0 la place de 40. Par la cinqui\u00e8me semaine de cong\u00e9s pay\u00e9s. Et surtout, par la retraite \u00e0 60 ans (\u00e0 la place de 65).\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECette p\u00e9riode, entre 1981 et 1983, me passionne, les soubresauts d'une gauche qui \u003Ci\u003E\u00ab va basculer \u00e0 droite \u00bb\u003C\/i\u003E. Aussi ai-je \u00e9pluch\u00e9 la presse de ces deux ann\u00e9es : l'\u00e2ge de la retraite venait donc d'\u00eatre baiss\u00e9 \u00e0 60 ans, et dans un sondage, que pensaient les Fran\u00e7ais, \u00e0 l'\u00e9poque, majoritairement ? Qu'il passerait bient\u00f4t \u00e0 55 ans ! Tant cela semblait le sens de l'histoire.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ED'ailleurs, l'\u00e9conomiste John Maynard Keynes estimait qu'\u00e0 la fin du XX\u003Csup\u003Ee\u003C\/sup\u003E si\u00e8cle, les besoins \u00e9conomiques seraient satisfaits, au moins dans les pays d\u00e9velopp\u00e9s, que les humains exploreraient d'autres chemins pour le progr\u00e8s, et qu'ils consacreraient moins de vingt heures par semaine au travail.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EAlors, que s'est-il pass\u00e9 dans les ann\u00e9es 1980 ? Pourquoi avons-nous rebrouss\u00e9 chemin ? Pourquoi travaillons-nous plus longtemps ? Le dimanche, \u00e0 nouveau ? Des semaines de 35 h sur le papier, plus en v\u00e9rit\u00e9, et bien au-del\u00e0 des 20 h pr\u00e9vues par Keynes ? Et pourquoi, depuis pr\u00e8s de quarante ans, malgr\u00e9 les machines, l'informatique, Internet, bref, malgr\u00e9 les \u003Ci\u003E\u00ab gains de productivit\u00e9 \u00bb\u003C\/i\u003E, pourquoi n'avons-nous pas lib\u00e9r\u00e9 une sixi\u00e8me semaine de cong\u00e9s pay\u00e9s ?\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ED'abord \u00e0 cause des dividendes des actionnaires, dont la part a plus que tripl\u00e9 : en 1983, on travaillait en moyenne une semaine par an pour les actionnaires. Aujourd'hui plus de trois semaines.\u003C\/p\u003E\u003Cfigure\u003E\u003Cimg style=\"max-width:100%\" src=\"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_165896_99fb27.jpg\" \/\u003E\u003Cfigcaption\u003E\u003Cb\u003E\u00ab Pour acheter le iPhone 11, il faut 102 heures de travail. \u00bb\u003C\/b\u003E\u003C\/figcaption\u003E\u003C\/figure\u003E\u003Cp\u003EIl y a ensuite les \u003Ci\u003E\u00ab besoins artificiels \u00bb\u003C\/i\u003E, sans cesse renouvel\u00e9s. Le capital stimule les d\u00e9sirs, de la nouvelle Audi et du portable dernier cri \u00e0 la piscine dans le jardin, sans quoi nous ne sommes pas \u00e0 la hauteur. Sans quoi nous sommes largu\u00e9s. Sans quoi nous n'atteignons pas le bonheur conforme. Et il faut bien s\u00fbr travailler plus pour s'acheter le i-Phone 11 : 102 heures \u00e0 Paris, pr\u00e8s de trois semaines.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl y a, bien s\u00fbr, le ch\u00f4mage : d'une diminution du temps de travail choisie, organis\u00e9e, on est pass\u00e9 \u00e0 une diminution subie, sous contrainte. Et qui ne fait que des malheureux : le ch\u00f4meur, qui se regarde comme un \u00ab \u003Ci\u003Ed\u00e9chet \u00bb, \u00ab inutile au monde \u00bb\u003C\/i\u003E, qui \u003Ci\u003E\u00ab broie du noir \u00bb\u003C\/i\u003E, condamn\u00e9 \u00e0 une \u003Ci\u003E\u00ab agonie sociale \u00bb\u003C\/i\u003E [\u003Ca href=\"#nb1\" id=\"nh1\"\u003E1\u003C\/a\u003E], et des salari\u00e9s, qu'on use jusqu'\u00e0 la corde - le \u003Ci\u003Eburn-out\u003C\/i\u003E est devenue la maladie des temps modernes.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003EL'\u00e9conomie se porte bien, les hommes et les femmes se portent mal\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl y a, enfin, et \u00e7a englobe le reste : le lib\u00e9ralisme.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECar ce \u003Ci\u003E\u00ab grand bond en arri\u00e8re \u00bb\u003C\/i\u003E du temps de travail, nous est venu de Reagan et de Thatcher. Les Etats-Unis \u00e9taient, dans les ann\u00e9es 50, le pays de l'Ouest o\u00f9 l'on travaillait le moins, et le sont rest\u00e9s jusqu'en 1980 : moins que la France, moins que l'Italie, moins que l'Allemagne, moins que le Japon. Ils sont aujourd'hui la nation o\u00f9 l'on travaille le plus. Pour gagner le plus. Pour consommer le plus. En PIB par habitant, ind\u00e9niablement, ils font la course devant.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes indices de bien-\u00eatre, en revanche, n'ont pas suivi : taux d'ob\u00e9sit\u00e9, taux d'incarc\u00e9ration, taux de mortalit\u00e9 infantile, taux de suicide, taux de maladie mentale, taux d'homicides, sont les plus \u00e9lev\u00e9s des pays d\u00e9velopp\u00e9s. Tout comme le niveau d'in\u00e9galit\u00e9s. L'\u00e9conomie se porte bien, les hommes et les femmes se portent mal.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EQue s'est-il pass\u00e9 ? Dans les ann\u00e9es 80, les USA ont \u003Ci\u003E\u00ab lib\u00e9r\u00e9 les \u00e9nergies \u00bb\u003C\/i\u003E de la rivalit\u00e9 ostentatoire. En 1965, un patron am\u00e9ricain gagnait vingt fois le salaire de ses employ\u00e9s, on est d\u00e9sormais \u00e0 221 fois. Les revenus des financiers de Wall Street ont explos\u00e9. Le 1 % du sommet a encaiss\u00e9 tous les gains. Tandis qu'en bas, on multipliait les heures mal pay\u00e9es, pour survivre. Pour s'offrir, aussi, une consommation-consolation.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EJ'ai v\u00e9cu un an, au Texas. Et je me souviens, sur le parking des Wal-Mart, des personnes \u00e2g\u00e9es, vraiment \u00e2g\u00e9es, boitillant, mal en point, qui rassemblaient les caddies du supermarch\u00e9, pay\u00e9es pour des petits boulots. Cela faisait \u00e9cho \u00e0 un autre pays o\u00f9 j'avais s\u00e9journ\u00e9, bri\u00e8vement : la Bi\u00e9lorussie, et ses vieux qui vendaient des sacs en plastique \u00e0 la sortie du m\u00e9tro.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ENul hasard si les Etats-Unis sont aujourd'hui \u00e0 l'arri\u00e8re-garde de la bataille \u00e9cologique : le \u003Ci\u003E\u00ab chacun pour soi \u00bb\u003C\/i\u003E, la concurrence \u00e0 tout va, la guerre de tous contre tous, met les individus dans un tel p\u00e9ril, dans une crainte telle pour leur statut, pour leurs revenus, qu'elle les rend agressifs. Agressifs \u00e0 l'\u00e9gard de leurs voisins. Agressifs, \u00e9galement, \u00e0 l'\u00e9gard de la nature, en une pr\u00e9dation toujours accrue, cercle infernal du consum\u00e9risme et du productivisme.\u003C\/p\u003E\u003Cfigure\u003E\u003Cimg style=\"max-width:100%\" src=\"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_165896_e9c4e8.jpg\" \/\u003E\u003Cfigcaption\u003E\u003Cb\u003EDans le cort\u00e8ge parisien de la manifestation contre la loi sur le travail, le 9 mars 2016.\u003C\/b\u003E\u003C\/figcaption\u003E\u003C\/figure\u003E\u003Cp\u003E\u00c9videmment, avec leur puissance, leur influence, les Etats-Unis ont entra\u00een\u00e9 l'Europe dans cette course folle : nous ne pouvions rester \u003Ci\u003E\u00ab \u00e0 la tra\u00eene \u00bb\u003C\/i\u003E.\u003Cbr \/\u003E\nNous avons d'abord prolong\u00e9 notre histoire (presque) normalement : entre 1980 et 1995, le temps de travail a diminu\u00e9 de 3 %. C'\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 moins rapide que par le pass\u00e9, mais le mouvement se poursuivait. Il s'est arr\u00eat\u00e9 net, invers\u00e9 chez nous aussi : durant la d\u00e9cennie suivante, entre 1995 et 2005, il a augment\u00e9 de 8 %. Comme l'\u00e9crit Tim Jackson : \u003Ci\u003E\u00ab La croissance est d\u00e9sormais due au fait que les gens travaillent plus longtemps que dans le pass\u00e9... L'UE est notamment pr\u00e9occup\u00e9e par sa performance par rapport \u00e0 ses concurrents. \u00bb\u003C\/i\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEn France, les 35 heures de Jospin-Aubry se sont trouv\u00e9es prises dans cette contradiction. La \u003Ci\u003E\u00ab gauche plurielle \u00bb\u003C\/i\u003E continuait le mouvement ouvrier, un mouvement historique. Contre le ch\u00f4mage, cette mesure s'est av\u00e9r\u00e9e \u003Ci\u003E\u00ab la plus efficace et la moins co\u00fbteuse \u00bb\u003C\/i\u003E. Mais en m\u00eame temps, les ministres d'alors maintenaient un discours de \u003Ci\u003E\u00ab comp\u00e9titivit\u00e9 \u00bb\u003C\/i\u003E, validant le trait\u00e9 d'Amsterdam et la strat\u00e9gie de Lisbonne, la \u003Ci\u003E\u00ab performance \u00bb\u003C\/i\u003E \u00e9conomique comme fin. Ce conflit s'est traduit, d'abord, par une intensification du travail, par de l'annualisation, par de la flexibilit\u00e9. Puis, avec Sarkozy et Fillon, par un retour aux quarante heures et plus, via les heures suppl\u00e9mentaires. Les m\u00eames qui sont revenus sur le dimanche ch\u00f4m\u00e9. Les m\u00eames qui ont rallong\u00e9 la dur\u00e9e de cotisation, recul\u00e9 l'\u00e2ge de la retraite. Et Emmanuel Macron prolonge ce chemin am\u00e9ricain...\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EDans la foul\u00e9e, notre continent, notre pays, sont frapp\u00e9s des m\u00eames maux : ob\u00e9sit\u00e9, incarc\u00e9ration, suicide, maladie mentale... Le bien-\u00eatre ne progresse plus. Le mal-\u00eatre gagne la soci\u00e9t\u00e9, les esprits. Les in\u00e9galit\u00e9s augmentent. Le consum\u00e9risme \/ productivisme s'est install\u00e9 dans nos t\u00e9l\u00e9s, dans nos cerveaux, dans nos vies. Comme l'\u00e9nonce Alain Tanner, dans son film \u003Ci\u003ELa Salamandre\u003C\/i\u003E : \u003Ci\u003E\u00ab Le 20 d\u00e9cembre. Les '\u003C\/i\u003E'f\u00eates''\u003Ci\u003E, comme on dit, se faisaient mena\u00e7antes \u00e0 l'horizon. La marchandise imposait ses lois \u00e0 la foule qui partait \u00e0 l'assaut des magasins. C'\u00e9tait l'\u00e9poque de l'ann\u00e9e o\u00f9 se remarquait le mieux une tendance marqu\u00e9e \u00e0 la schizophr\u00e9nie, un ph\u00e9nom\u00e8ne qui tendait de plus en plus \u00e0 affecter le corps social tout entier. \u00bb\u003C\/i\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003ENous devons sortir nos vies de l'empire de la marchandise\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ENous devons sortir nos vies, des parcelles de nos vies d'abord, de cette emprise de la marchandise. Du productivisme. Du consum\u00e9risme. C'est un imp\u00e9ratif \u00e9cologique. Mais aussi humaniste.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe dimanche ch\u00f4m\u00e9 est un bout de cet enjeu. 24 heures hors de \u003Ci\u003E\"\u00e7a\"\u003C\/i\u003E. Hors de la cage. Autre chose que le m\u00e9tro-boulot-chariot : le repas en famille, la buvette du club de foot, la balade en v\u00e9lo, etc.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EMais le gros morceau reste la retraite. S'ils s'y attaquent avec ent\u00eatement, depuis, des ann\u00e9es, c'est pour gratter des \u00e9conomies, certes. Mais pour une autre raison, \u00e9galement : symbolique, id\u00e9ologique. La retraite, c'est une autre vie qui est d\u00e9j\u00e0 l\u00e0. C'est un possible, \u00e0 \u00e9tendre, qui nous tend les bras. C'est, pour eux, une menace.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EQue voulons-nous ? Quel mod\u00e8le de soci\u00e9t\u00e9 voulons-nous ? Les \u003Ci\u003E\u00ab besoins artificiels \u00bb\u003C\/i\u003E doivent-ils l'emporter sur les besoins essentiels ? Se loger dignement, se nourrir dignement, s'\u00e9duquer dignement, se soigner dignement, et vieillir dignement ? La d\u00e9cence commune, pour tous, ou les r\u00eaves de milliardaires pour quelques-uns ? Que doit-on r\u00e9duire d'urgence, pour la plan\u00e8te ? La pension du smicard, du m\u00e9tallo, du cheminot, de la secr\u00e9taire de mairie ? Ou la part de nos richesses consacr\u00e9e \u00e0 la t\u00e9l\u00e9phonie, \u00e0 l'aviation, \u00e0 l'automobile ?\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ci\u003E\u00ab Un euro cotis\u00e9 donnera lieu aux m\u00eames droits \u00bb\u003C\/i\u003E, r\u00e9p\u00e8te aujourd'hui la macronie. C'est faux : esp\u00e9rance de vie oblige, un ouvrier cotisera aussi longtemps, mais percevra sa pension dix ann\u00e9es de moins qu'un cadre.\u003Cbr \/\u003E\nMais au-del\u00e0 : est-ce la retraite que nous souhaitons ? Que nous portons ?\u003Cbr \/\u003E\n\u003Ci\u003E\u00ab Cotiser selon ses moyens, recevoir selon ses besoins \u00bb\u003C\/i\u003E, disait Ambroise Croizat, fondateur de la S\u00e9curit\u00e9 sociale. La volont\u00e9 redistributive \u00e9tait aux origines du projet. Elle a disparu, marginalis\u00e9e : la r\u00e9partition oui, la redistribution non.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EMais la retraite doit aussi assumer une vis\u00e9e redistributive, ne pas reproduire \u00e0 l'identique les in\u00e9galit\u00e9s salariales. Non pas, forc\u00e9ment, par un \u003Ci\u003E\u00ab apr\u00e8s 10.000 € par mois, \u00e7a n'ouvre plus aucun droit \u00bb\u003C\/i\u003E, qui invite les cadres sup\u00e9rieurs \u00e0 en passer par l'\u00e9pargne individuelle. Mais par un aplanissement des pensions : la mort met tous les humains \u00e0 \u00e9galit\u00e9, autant commencer avant, tant qu'on est vivants !\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl y a, dans tout cela, un enjeu social \u00e9vident : gr\u00e2ce \u00e0 la mise en œuvre des retraites, dans les ann\u00e9es 70, le taux de pauvret\u00e9 chez les personnes \u00e2g\u00e9es a \u00e9t\u00e9 diminu\u00e9 par quatre. Une mal\u00e9diction mill\u00e9naire \u00e9tait vaincue, vieillesse et mis\u00e8re n'allaient plus de pair dans les classes populaires. A pr\u00e9sent, apr\u00e8s les r\u00e9formes Balladur, Raffarin, Fillon Macron, et d\u00e9sormais Macron, le mouvement inverse s'amorce. La Cour des comptes a not\u00e9 une hausse du nombre de RSA chez les plus de 60 ans : + 157 % ! On glisse de la retraite m\u00e9rit\u00e9e \u00e0 l'allocation de pauvret\u00e9.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EMais c'est un enjeu \u00e9cologique, \u00e9galement : il faut tasser la pyramide sociale. La rivalit\u00e9 ostentatoire pousse au consum\u00e9risme, au productivisme, vers le gouffre. La remise en cause, n\u00e9cessaire, de tout notre syst\u00e8me, industrie, d\u00e9placements, \u00e9nergie, agriculture, ne sera pas support\u00e9e, pas tol\u00e9r\u00e9e, si \u003Ci\u003E\u00ab en haut ils se gavent \u00bb\u003C\/i\u003E, si \u003Ci\u003E\u00ab les gros ne paient pas gros et les petits petit \u00bb\u003C\/i\u003E, si l'effort ne porte pas d'abord sur les plus puissants. Ces changements, ces bouleversements \u00e0 venir, ne seront accept\u00e9s en paix que s'ils sont empreints de justice. Et si les hommes et les femmes se sentent en s\u00e9curit\u00e9, pas menac\u00e9s : protection sociale et protection de l'environnement vont de pair.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECes enjeux, jamais le gouvernement ne les pose, et pour cause. Comme s'il s'agissait juste de reboucher un trou, de colmater. Comme si, \u00e0 l'heure de l'effondrement, du r\u00e9chauffement, le Grand D\u00e9fi, c'\u00e9tait le d\u00e9ficit budg\u00e9taire \u00e0 l'horizon 2030. Comme si la retraite ne dessinait pas la soci\u00e9t\u00e9 qui va avec, et qui menace ou non la plan\u00e8te.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003ELe mot d'ordre ne varie pas : \u00ab Consommer moins, r\u00e9partir mieux \u00bb\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EConsommer moins est un imp\u00e9ratif, \u00e0 l'heure o\u00f9 un Fran\u00e7ais consume (en moyenne) trois plan\u00e8tes. Consommer moins pour des retrait\u00e9s, on peut y songer. Consommer moins pour des salari\u00e9s, oui, aussi, certains. Mais consommer moins, d'abord, pour les PDG, pour les actionnaires, pour le 1 %. Car le mot d'ordre ne varie pas : \u003Ci\u003E\u00ab Consommer moins, r\u00e9partir mieux. \u00bb\u003C\/i\u003E\u003Cbr \/\u003E\nR\u00e9partir mieux d\u00e8s l'enfance. R\u00e9partir mieux parmi les travailleurs. R\u00e9partir mieux parmi les retrait\u00e9s. R\u00e9partir mieux pour la retraite \u00e0 60 ans. R\u00e9partir mieux le travail restant.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EJe finirai avec John Stuart Mill, en 1848, le p\u00e8re de l'\u00e9conomie \u00e9cologique : \u003Ci\u003E\u00ab C'est seulement dans les pays retard\u00e9s du monde que l'accroissement de la production est un objectif important : dans les plus avanc\u00e9s, ce dont on a besoin sur le plan \u00e9conomique est une meilleure r\u00e9partition. \u00bb\u003C\/i\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EQue compl\u00e8te Keynes, un si\u00e8cle plus tard : \u003Ci\u003E\u00ab Il sera temps pour l'humanit\u00e9 d'apprendre comment consacrer son \u00e9nergie \u00e0 des buts autres qu'\u00e9conomiques... L'amour de l'argent sera reconnu pour ce qu'il est : un \u00e9tat morbide plut\u00f4t r\u00e9pugnant, l'une de ces inclinations \u00e0 demi-criminelles et \u00e0 demi-pathologiques dont on confie le soin en frissonnant aux sp\u00e9cialistes des maladies mentales ! \u00bb\u003C\/i\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ESoignons nos \u00e9lites obscurcissantes !\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cspan class=\"philum ic-img2\"\u003E\u003C\/span\u003E\u003Cbr \/\u003E\n\u003Cul\u003E\u003Cli\u003E\u003Cb\u003EIl est o\u00f9, le bonheur\u003C\/b\u003E, de Fran\u00e7ois Ruffin, \u003Ca href=\"http:\/\/www.editionslesliensquiliberent.fr\/livre-Il_est_o%C3%B9,_le_bonheur-586-1-1-0-1.html\"\u003E\u00e9ditions Les Liens qui lib\u00e8rent\u003C\/a\u003E, novembre 2019, 192 p., 14 €.\u003C\/li\u003E\u003C\/ul\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E[\u003Ca href=\"#nh1\" id=\"nb1\"\u003E1\u003C\/a\u003E] NOTE Je recommande ici le dernier film de Marie-Monique Robin, \u003Ci\u003ENouvelle cord\u00e9e\u003C\/i\u003E, avec des int\u00e9ress\u00e9s qui posent des mots lucides sur leur d\u00e9tresse.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cb\u003ESource :\u003C\/b\u003E Courriel \u00e0 \u003Ci\u003EReporterre\u003C\/i\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cb\u003EDessin :\u003C\/b\u003E \u00a9 \u003Ca href=\"http:\/\/cimeralbert.com\"\u003E\u00c9tienne Gendrin\u003C\/a\u003E\/\u003Ci\u003EReporterre\u003C\/i\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cb\u003EPhotos :\u003C\/b\u003E\u003Cbr \/\u003E\nFran\u00e7ois Ruffin : \u00a9 \u003Ca href=\"http:\/\/hanslucas.com\/mathieu\/series\"\u003EMathieu G\u00e9non\u003C\/a\u003E\/\u003Ci\u003EReporterre\u003C\/i\u003E\u003Cbr \/\u003E\nAmbroise Croizat : \u003Ca onclick=\"SaveBf('newsnet*165896*c527de.jpg___');\"\u003E\u003Cspan class=\"philum ic-img\"\u003E\u003C\/span\u003E Wikipedia\u003C\/a\u003E (Rouge Production\/CC0)\u003Cbr \/\u003E\nT\u00e9l\u00e9phones portables : \u003Ca href=\"https:\/\/unsplash.com\/photos\/N0g-deioHO4\"\u003EGian Cescon\u003C\/a\u003E\u003Cbr \/\u003E\nManifestation mars 2016 : \u00a9 Eric Coquelin\/\u003Ci\u003EReporterre\u003C\/i\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ci\u003E- Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n'est pas n\u00e9cessairement celui de la r\u00e9daction.\u003Cbr \/\u003E\n- Titre, chap\u00f4 et intertitres sont de la r\u00e9daction.\u003C\/i\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"http:\/\/reporterre.net\/La-bataille-pour-les-retraites-est-une-bataille-ecologique\"\u003Ereporterre.net\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E"}}