Article 10 : « Le scientifique chargé de l'expérience doit être prêt à l'interrompre à tout moment, s'il a une raison de croire que sa continuation pourrait entraîner des blessures, l'invalidité ou la mort pour le sujet expérimental. »
Code de Nuremberg
{"166205":{"id":"166205","parent":"163190","time":"1576659661","url":"http:\/\/newsnet.fr\/166205","source":"http:\/\/www.legrandsoir.info\/ce-ne-sont-pas-trente-pesos-ce-sont-trente-ans.html","category":"Latina","title":"Ce ne sont pas trente pesos, ce sont trente ans...","catalog-images":"newsnet_166205_5722b8.jpg","image":"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_166205_5722b8.jpg","hub":"newsnet","url-explicit":"http:\/\/newsnet.fr\/art\/ce-ne-sont-pas-trente-pesos-ce-sont-trente-ans","admin":"newsnet","views":"930","priority":"3","length":"16994","lang":"fr","content":"\u003Cp\u003E\u003Cimg style=\"max-width:100%\" src=\"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_166205_5722b8.jpg\" \/\u003E\u003Cbr \/\u003E\nSylvie R. Moulin\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EMon amie Sylvie R. Moulin est r\u00e9sidente au Chili depuis plus de 20 ans. Enseignante, universitaire, \u00e9crivaine, elle conna\u00eet le Chili dans tous les aspects de la diversit\u00e9 de sa population. Son t\u00e9moignage, dans toute sa fra\u00eecheur et sa sinc\u00e9rit\u00e9 issues de son v\u00e9cu, est un t\u00e9moignage de la r\u00e9alit\u00e9 de ce que vit le peuple chilien actuellement. Jean-Michel Hureau\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EJ'ai appris la nouvelle alors que je me trouvais au Costa Rica, par un appel t\u00e9l\u00e9phonique de ma fille qui se trouvait \u00e0 Santiago et qui avait d\u00fb marcher trois heures pour rentrer chez elle en raison de la fermeture intempestive du m\u00e9tro. Hors contexte, cela peut sembler burlesque, et d'ailleurs, au d\u00e9part, personne n'a tr\u00e8s bien compris ce qui se passait, ni soup\u00e7onn\u00e9 les proportions qu'allaient prendre les affrontements en l'espace de quelques jours.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa semaine, il est vrai, avait \u00e9t\u00e9 agit\u00e9e. Tout avait commenc\u00e9 le lundi 14 octobre, lorsque le prix du billet de m\u00e9tro avait de nouveau mont\u00e9. Durant les douze derni\u00e8res ann\u00e9es, il a augment\u00e9 de plus de 80%, et la part la plus significative de cette hausse a eu lieu en 2019. Il faut savoir que le m\u00e9tro de Santiago a trois tarifs selon les horaires, le plus \u00e9lev\u00e9 se situant entre sept et neuf heures le matin et dix-huit \u00e0 vingt heures le soir, c'est-\u00e0-dire aux heures de pointe. Le transport urbain de Santiago se confirmait ainsi comme l'un des plus co\u00fbteux d'Am\u00e9rique latine : d'apr\u00e8s une enqu\u00eate du journal argentin La Naci\u00f3n du 24 octobre, il constitue, apr\u00e8s l'alimentation, la d\u00e9pense la plus importante des familles chiliennes.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes mouvements de protestation ne se sont pas faits attendre, d'autant que le contexte g\u00e9n\u00e9ral \u00e9tait tendu. En effet, alors que l'effervescence grandissait de toutes parts en raison du prix des transports, une canalisation d'eau - qui s'\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 rompue en 2016 - avait d\u00e9cid\u00e9 d'exploser dans la commune de Providencia, affectant les d\u00e9placements de centaines d'usagers, mettant l'entreprise Aguas Andinas en tr\u00e8s mauvaise posture et intensifiant le m\u00e9contentement. Inutile de dire que plus personne n'a parl\u00e9 par la suite de cette canalisation fragile ni des inondations qu'elle avait provoqu\u00e9es !\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes habitu\u00e9s du m\u00e9tro, \u00e9l\u00e8ves de l'enseignement secondaire en t\u00eate, ont commenc\u00e9 par enjamber les tourniquets d'acc\u00e8s. Des heurts avec le personnel de s\u00e9curit\u00e9 se sont bient\u00f4t d\u00e9clench\u00e9s, d'abord sur la ligne 1, qui est la plus importante et traverse la capitale d'est en ouest, puis sur toutes les lignes du r\u00e9seau. Finalement, le vendredi 18 octobre, les manifestants ont d\u00e9cid\u00e9, pour exprimer leur exasp\u00e9ration, de s'asseoir au bord des quais en laissant pendre leurs jambes au-dessus des rails de mani\u00e8re \u00e0 paralyser la circulation des rames.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEt c'est \u00e0 ce moment que tout \u00e9clata. Les autorit\u00e9s gouvernementales d\u00e9cid\u00e8rent d'abord de boucler toutes les stations, obligeant les usagers \u00e0 rentrer chez eux comme ils le pouvaient, puis de maintenir cette fermeture jusqu'au lundi, et finalement de d\u00e9clarer \u00ab l'\u00e9tat d'urgence \u00bb. Un manque de sang-froid, lorsque l'on y pense : il s'agit l\u00e0 d'une mesure qu'un gouvernement ne prend qu'en cas de p\u00e9ril imminent et qui, d\u00e9cid\u00e9e de mani\u00e8re h\u00e2tive, risque fort de cr\u00e9er une panique g\u00e9n\u00e9rale plut\u00f4t que de susciter le dialogue. Surtout dans un pays qui a d\u00e9j\u00e0 connu des tremblements de terre d\u00e9vastateurs et v\u00e9cu un coup d'\u00e9tat militaire suivi de dix-sept ans de dictature...\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEn fait, l'augmentation du prix du ticket de m\u00e9tro n'a \u00e9t\u00e9 que la goutte d'eau qui a fait d\u00e9border le vase. La tension \u00e9tait accumul\u00e9e et ne cessait d'augmenter, pour des raisons diverses que nous allons voir plus loin, car les r\u00e9actions des autorit\u00e9s laissaient souvent sentir qu'ils ne prenaient pas au s\u00e9rieux les revendications qui se manifestaient pour ainsi dire quotidiennement dans la rue. Citons l'exemple de la solution, pour le moins maladroite, propos\u00e9e par la ministre de l'\u00e9conomie : aller travailler plus t\u00f4t ou rentrer chez soi plus tard, de mani\u00e8re \u00e0 profiter des horaires moins co\u00fbteux, sachant que cela n'entra\u00eenerait pas de r\u00e9mun\u00e9ration additionnelle pour les usagers.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes revendications fermentaient depuis longtemps et avaient aliment\u00e9 des manifestations r\u00e9guli\u00e8res au cours des derni\u00e8res ann\u00e9es. Tout d'abord le syst\u00e8me impos\u00e9 par les Administrations de Fonds de Pensions (AFP), qui permettent \u00e0 leurs gestionnaires d'accumuler des fortunes tandis que les b\u00e9n\u00e9ficiaires ne re\u00e7oivent que des miettes insuffisantes pour mener une vie d\u00e9cente. Install\u00e9 en 1982 en pleine dictature, ce principe de redistribution ne fait qu'accro\u00eetre les diff\u00e9rences sociales, mais il n'y a malheureusement pas moyen d'y \u00e9chapper.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe m\u00e9contentement se centre \u00e9galement sur le syst\u00e8me de sant\u00e9, toujours in\u00e9galitaire et caract\u00e9ris\u00e9 par un manque d'h\u00f4pitaux et de sp\u00e9cialistes, de sorte que les inscrits \u00e0 FONASA (Fond National de Sant\u00e9) se trouvent souvent sur des listes d'attente qui mettent leurs jours en danger. Je connais pour ma part deux personnes septuag\u00e9naires qui sont sur ces listes depuis deux ans, l'un pour une tumeur r\u00e9nale, l'autre pour une proth\u00e8se des deux hanches. La solution qui leur est offerte : s'armer de patience. En bref, les \u00e9tudes s'accordent \u00e0 dire qu'au Chili, seulement 20% de la population peut s'assurer une attention m\u00e9dicale de qualit\u00e9.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EL'\u00e9ducation ? Autre secteur de s\u00e9gr\u00e9gation. Demandant avant toute chose une \u00e9ducation publique de qualit\u00e9, et comme tant d'autres secteurs des salaires d\u00e9cents, le corps enseignant a \u00e9t\u00e9 en gr\u00e8ve une bonne partie de l'ann\u00e9e sans arriver \u00e0 se faire entendre. Autre \u00ab goutte d'eau \u00bb, le minist\u00e8re de l'\u00e9ducation a annonc\u00e9, \u00e0 partir de 2020, l'\u00e9limination de l'Histoire et de l'Education physique comme mati\u00e8res obligatoires pour les deux derni\u00e8res ann\u00e9es de secondaire. Quant \u00e0 l'enseignement sup\u00e9rieur du Chili, il se situe parmi les plus chers du monde, au m\u00eame niveau que le Royaume-Uni.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EParmi les causes de m\u00e9contentement se trouvent \u00e9galement la privatisation de l'eau, qui nous distingue elle aussi, tristement, du reste de la plan\u00e8te et constitue un autre h\u00e9ritage de la dictature. Un syst\u00e8me qui permet que des chefs d'entreprises priv\u00e9es construisent leur fortune sur la gestion d'un bien national d'usage public. Tout cela culminant en une augmentation vertigineuse du co\u00fbt de l'\u00e9lectricit\u00e9 cette derni\u00e8re ann\u00e9e, plus de 10%, et de nombreux scandales de corruption qui placent souvent le Chili \u00e0 la une de l'actualit\u00e9.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEn r\u00e9sum\u00e9, bien qu'\u00e9tant l'un des pays d'Am\u00e9rique latine ayant le plus haut revenu par habitant, le Chili n'en reste pas moins celui de la plus grande in\u00e9galit\u00e9 sociale. Alors que dire lorsqu'au milieu du d\u00e9lire g\u00e9n\u00e9ral, Ignacio Briones, ministre des Finances, d\u00e9clarait froidement sur une cha\u00eene de t\u00e9l\u00e9vision le dimanche 3 novembre : \u00ab Toutes les in\u00e9galit\u00e9s ne sont pas injustes, toutes les in\u00e9galit\u00e9s ne sont pas mauvaises \u00bb ?\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECette explosion massive des derni\u00e8res semaines, je l'ai v\u00e9cue d'abord de l'ext\u00e9rieur du pays, par des t\u00e9moignages directs, puis par les cha\u00eenes de t\u00e9l\u00e9vision qui ont commenc\u00e9 \u00e0 diffuser les informations minute par minute, sans faire preuve de discernement ni de l'objectivit\u00e9 que l'on serait en droit d'attendre d'elles en de telles circonstances, mais permettant tout de m\u00eame de se faire une id\u00e9e du chaos g\u00e9n\u00e9ral.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa premi\u00e8re erreur du Pr\u00e9sident, \u00e0 mon sens et pour beaucoup d'analystes, fut de d\u00e9clarer un couvre-feu et de mettre l'arm\u00e9e dans la rue. Chose \u00e0 \u00e9viter absolument dans un pays qui a connu quarante-six ans plus t\u00f4t un coup d'\u00e9tat suivi d'une dictature militaire de dix-sept ans, l'une des plus sanglantes d'Am\u00e9rique latine. Le 11 septembre, comme chaque ann\u00e9e, des manifestations s'\u00e9taient d\u00e9roul\u00e9es en hommage aux victimes et aux disparus. Les gens se souviennent, les blessures ne sont pas gu\u00e9ries et ne le seront jamais...\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EContinuant dans le style Gaston Lagaffe, le Pr\u00e9sident Pi\u00f1era d\u00e9clara ensuite le pays \u00ab en guerre \u00bb, quelques semaines seulement apr\u00e8s l'avoir d\u00e9fini comme \u00ab une v\u00e9ritable oasis au milieu d'une Am\u00e9rique latine convulsionn\u00e9e \u00bb, ajoutant que c'\u00e9tait \u00ab une d\u00e9mocratie stable, en pleine croissance \u00bb. (\u003Ca href=\"https:\/\/www.cooperativa.cl\/noticias\/pais\"\u003Ecooperativa.cl\u003C\/a\u003E). Faut-il aujourd'hui en rire ou en pleurer ? La gaffe n'a fait que s'ajouter \u00e0 la liste, au c\u00f4t\u00e9 de celles de l'\u00e9pouse du Pr\u00e9sident qui, d\u00e9rout\u00e9e par les \u00e9v\u00e9nements, a compar\u00e9 les manifestants \u00e0 des extra-terrestres, ce que personne ne lui a pardonn\u00e9, d'autant plus que les enfants chiliens et comme beaucoup d'autres, s'appr\u00eataient \u00e0 se promener dans les rues d\u00e9guis\u00e9s en monstres en c\u00e9l\u00e9bration d'Halloween !\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ETout cela est d'autant plus mal tomb\u00e9 que le Chili s'appr\u00eatait \u00e0 recevoir les principaux leaders mondiaux pour les sommets de l'APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) et de la COP (Conf\u00e9rence des Parties). Les deux conf\u00e9rences furent tout simplement annul\u00e9es le 30 octobre, d\u00e9cision que Pi\u00f1era d\u00e9clara \u00ab bas\u00e9e sur un sage principe de sens commun \u00bb.\u003Cbr \/\u003E\nAlors il a fallu accuser tout le monde et n'importe qui d'avoir provoqu\u00e9 cette explosion populaire : Castro, Maduro, Poutine, l'important \u00e9tait d'accuser quelqu'un et de ne pas reconna\u00eetre les erreurs. On a parl\u00e9 de pr\u00e9paration de coup d'Etat, les astrologues s'en sont m\u00eal\u00e9s... A l'ext\u00e9rieur, les d\u00e9clarations \u00e9taient prudentes et peu engag\u00e9es, comme si personne ne comprenait bien ce qui se passait.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEntre temps, je suis revenue du Costa Rica. Un vol loin d'\u00eatre rempli, l'arriv\u00e9e \u00e0 trois heures du matin dans un a\u00e9roport en \u00e9tat de l\u00e9thargie, un retour au centre-ville dans un \u00ab transfer \u00bb (mini bus qui fonctionnent par quartiers) presque vide. J'habite dans la commune de Santiago, pr\u00e8s du \u00ab Cerro Santa Lucia \u00bb, colline verdoyante pris\u00e9e des touristes, et de la Biblioth\u00e8que Nationale, \u00e0 \u00e9gale distance entre l'Universit\u00e9 Catholique et l'Universit\u00e9 du Chili. Un secteur bien tranquille, rempli de petits commerces sympathiques et de restaurants offrant toutes les sp\u00e9cialit\u00e9s du continent.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECe matin-l\u00e0, alors que les rues \u00e9taient encore d\u00e9sertes, je d\u00e9couvrais un spectacle apocalyptique, toutes les fa\u00e7ades couvertes de graffiti, partout des restes de barricades et de tas d'ordures incendi\u00e9s, plus un feu de circulation en fonctionnement, plus un arr\u00eat de bus. En arrivant dans la rue San Isidro o\u00f9 j'habite, plus de station de m\u00e9tro, un centre m\u00e9dical et la pharmacie attenante compl\u00e8tement br\u00fbl\u00e9s, des commerces de toutes tailles et de tous styles d\u00e9truits. Arriv\u00e9e devant l'entr\u00e9e de mon b\u00e2timent, j'ai remerci\u00e9 le chauffeur et me suis h\u00e2t\u00e9e de rentrer chez moi, en \u00e9tat de choc.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEn revanche, dans d'autres secteurs de la capitale, qui semblent r\u00e9fugi\u00e9s dans une bulle miraculeuse - du moins pour le moment, tous les commerces sont approvisionn\u00e9s et fonctionnent sans histoires, les murs sont propres, la circulation fluide. Les communes de Providencia, Vitacura et Las Condes, entre autres, sont en dehors des \u00e9v\u00e9nements. Si les habitants ne regardaient pas le journal t\u00e9l\u00e9vis\u00e9 du soir, ils ne soup\u00e7onneraient m\u00eame pas ce qui se passe dans le pays. Je dis bien dans le pays, car si tout a commenc\u00e9 \u00e0 Santiago, les manifestations se sont diffus\u00e9es rapidement dans toutes les villes, depuis Iquique au Nord jusqu'\u00e0 Punta Arenas au Sud.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl s'est cr\u00e9\u00e9 une sorte de psychose, une peur qui empoigne l'estomac et fait perdre le sommeil, mais il est difficile de d\u00e9finir cette peur et de dire ce que l'on craint. La violence bien s\u00fbr, parce que les manifestations commencent dans le calme et terminent par des attaques brutales des forces de l'ordre, avec bombes lacrymog\u00e8nes et camions anti-\u00e9meute qui lancent des jets d'eau corrosive sur les manifestants. Les policiers chiliens sont connus pour leur brutalit\u00e9, il y a eu des pertes de contr\u00f4le de part et d'autre, des manifestants qui ont perdu la vue \u00e0 cause des gaz de d\u00e9fense lanc\u00e9s sur eux. Quand tout explose, c'est le tour des \u00ab infiltr\u00e9s \u00bb, sans id\u00e9ologie, qui ne repr\u00e9sentent aucune cause pr\u00e9cise et d\u00e9truisent pour le plaisir de la destruction. Au petit jour, les secteurs touch\u00e9s semblent se r\u00e9veiller d'un bombardement.\u003Cbr \/\u003E\nChaque soir, vers vingt heures, se d\u00e9clenche un \u00ab cacerolazo \u00bb, concert de coups de cuill\u00e8res sur des casseroles, une sp\u00e9cialit\u00e9 latino-am\u00e9ricaine pour exprimer le m\u00e9contentement des participants, qui se poursuit jusqu'\u00e0 ce que les acteurs se fatiguent ou que la police les disperse. La manifestation la plus impressionnante fut sans aucun doute celle du 25 octobre, qui s'est d\u00e9roul\u00e9e dans toutes les villes du pays, et a r\u00e9uni dans Santiago seule 1 200 000 personnes selon les autorit\u00e9s, un record dans l'histoire du Chili. Un rassemblement qui fait fr\u00e9mir d'\u00e9motion. On peut toutefois se demander si les personnes qui descendent aujourd'hui dans la rue sont all\u00e9es voter aux \u00e9lections pr\u00e9sidentielles de 2017, qui n'ont pas atteint 50% de suffrages exprim\u00e9s.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EJ'ai particip\u00e9 pour ma part \u00e0 plusieurs manifestations, mais deux d'entre elles resteront grav\u00e9es dans ma m\u00e9moire. La premi\u00e8re, c'\u00e9tait au Costa Rica, un rassemblement qui s'est form\u00e9 devant l'ambassade du Chili, avec un \u00ab cacerolazo \u00bb bien s\u00fbr, et aussi une sorte de repr\u00e9sentation th\u00e9\u00e2trale \u00e9voquant les sombres souvenirs de la dictature pour ensuite marcher jusqu'au si\u00e8ge de la Cour Interam\u00e9ricaine des Droits de l'Homme. J'y ai rencontr\u00e9 des gens de tous les \u00e2ges et de tous les styles, mais je me souviendrai toujours d'un couple de Chiliens qui s'\u00e9tait r\u00e9fugi\u00e9 \u00e0 San Jos\u00e9 peu apr\u00e8s le coup d'\u00e9tat de 1973 et avait ensuite d\u00e9cid\u00e9 de rester dans leur pays d'accueil. Jamais ils n'auraient pens\u00e9 vivre de pareilles circonstances alors que tout semblait si tranquille...\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa deuxi\u00e8me manifestation, c'\u00e9tait \u00e0 mon retour \u00e0 Santiago, le 1er novembre, la Marche des Femmes en Deuil, un cort\u00e8ge silencieux qui a suivi l'art\u00e8re centrale de la ville depuis le m\u00e9tro Salvador jusqu'au palais pr\u00e9sidentiel de la Moneda. Nos v\u00eatements noirs accompagn\u00e9s d'une fleur ou d'un foulard blanc exprimaient clairement leur message. Certaines femmes avaient un œil couvert pour \u00e9voquer les mutilations provoqu\u00e9es par les forces de l'ordre les jours ant\u00e9rieurs. Sur les trottoirs, les policiers \u00e9taient pr\u00eats \u00e0 agir, esp\u00e9rant une petite faille pour justifier leur attaque. Mais ils n'ont pas eu cette chance...\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EPartout, il se cr\u00e9e des \u00ab cabildos \u00bb, groupes informels qui se rassemblent au niveau de quartier pour commenter la situation qui les angoissent mais dont ils ne comprennent pas encore l'ampleur ni la port\u00e9e. Ils sont directement inspir\u00e9s d'une instance officielle de l'\u00e9poque de la colonie qui \u00e9tait compos\u00e9e par les propri\u00e9taires de terrains auxquels le gouverneur demandait conseil sur certaines affaires publiques. Partout, des artistes sont descendus dans la rue, danseurs et chanteurs classiques du Th\u00e9\u00e2tre Municipal, acteurs, musiciens en tout genre. Partout, la chanson El derecho de vivir en paz (Le droit de vivre en paix) compos\u00e9e en 1971 par Victor Jara, victime embl\u00e9matique du coup d'Etat, \u00e0 l'occasion de la guerre au Vietnam, puis actualis\u00e9e sous la dictature et toujours reprise en symbole de libert\u00e9 et de d\u00e9mocratie.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECe mouvement est loin d'\u00eatre termin\u00e9. Il s'agit d'une secousse profonde, un s\u00e9isme qui a d\u00e9j\u00e0 fait des victimes et qui aura des r\u00e9percussions \u00e9normes. Le gouvernement a cru qu'il lui suffirait de revenir en arri\u00e8re sur l'augmentation du ticket de m\u00e9tro pour que les gens rentrent chez eux et se taisent. Il se rend compte aujourd'hui que le probl\u00e8me est beaucoup plus complexe, plus s\u00e9v\u00e8re, et qu'il ne s'est pas cr\u00e9\u00e9 en quelques jours, ni m\u00eame en quelques d\u00e9cennies. Il s'est creus\u00e9 peu \u00e0 peu une br\u00e8che profonde entre les deux extr\u00eames de la soci\u00e9t\u00e9 et la classe moyenne est chaque jour plus vuln\u00e9rable. Les Chiliens demandent un changement important dans plusieurs domaines, et surtout une nouvelle Constitution, car celle qui r\u00e9git actuellement le pays date de 1980 et a \u00e9t\u00e9 impos\u00e9e sous la dictature par les militaires et leurs alli\u00e9s civils...\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EOn a parl\u00e9 d'abord de la \u00ab R\u00e9volution des 30 pesos \u00bb, mais maintenant la devise est : \u00ab Ce ne sont pas 30 pesos, ce sont 30 ans \u00bb.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ESylvie R. MOULIN\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"http:\/\/www.legrandsoir.info\/ce-ne-sont-pas-trente-pesos-ce-sont-trente-ans.html\"\u003Elegrandsoir.info\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E","_links":{"parent_art":[{"title":"Chili : l'\u00e9tat d'urgence apr\u00e8s des manifestations violemment r\u00e9prim\u00e9es","url":"http:\/\/newsnet.fr\/apicom\/id:163190,json:1"}]}}}