{"166587":{"id":"166587","parent":"162910","time":"1577279803","url":"http:\/\/newsnet.fr\/166587","source":"http:\/\/www.legrandsoir.info\/joker-le-clown-sans-pere-sinistrainrete-info.html","category":"philosophie","title":"Joker : Le clown sans p\u00e8re (sinistrainrete.info)","catalog-images":"3\/\/1\/newsnet_166587_4f7083.jpg","image":"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_166587_4f7083.jpg","hub":"newsnet","url-explicit":"http:\/\/newsnet.fr\/art\/joker-le-clown-sans-pere-sinistrainreteinfo","admin":"newsnet","views":"470","priority":"3","length":"15051","lang":"fr","content":"\u003Cp\u003E\u003Cimg style=\"max-width:100%\" src=\"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_166587_4f7083.jpg\" \/\u003E\u003Cbr \/\u003E\nSergio Benvenuto\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EVoici une analyse qui n'essaie pas de nous faire croire que Joker est un film subversif.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIntervention pr\u00e9sent\u00e9e au congr\u00e8s sur Le p\u00e8re aujourd'hui, 26-27 octobre 2019, \u00e0 la Facult\u00e9 de M\u00e9decine et Psychologie de l'Universit\u00e9 La Sapienza de Rome. Le congr\u00e8s a \u00e9t\u00e9 organis\u00e9 par l'IPRS (Institut Psychanalytique pour le Recherche Sociale) et l'IREP.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E1.\u003Cbr \/\u003E\nLe film \u003Ci\u003EJoker\u003C\/i\u003E de Todd Phillips, qui tourne actuellement en Italie, est tir\u00e9 des BD de \u003Ci\u003EBatman\u003C\/i\u003E, mais est en r\u00e9alit\u00e9 inspir\u00e9 aussi bien par le roman de Victor Hugo \u003Ci\u003EL'Homme qui rit\u003C\/i\u003E, que par le film \u003Ci\u003EV for Vendetta\u003C\/i\u003E de James MacTeigue.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe h\u00e9ros de \u003Ci\u003EJoker\u003C\/i\u003E, Arthur, est un jeune acteur comique rat\u00e9, dont le curriculum comporte des internements psychiatriques, qui se r\u00e9sout \u00e0 travailler comme clown de rue. Ce quasi-psychotique vit depuis toujours avec une m\u00e8re instable, et n'a jamais connu son p\u00e8re. A un certain moment, Arthur, d'apr\u00e8s des r\u00e9v\u00e9lations de sa m\u00e8re, se persuade qu'il est le fils d'un grand magnat, Thomas Wayne (c'est le nom du p\u00e8re de Bruce Wayne, alias Batman, dans la c\u00e9l\u00e8bre BD - un p\u00e8re assassin\u00e9). Wayne pose sa candidature \u00e0 la mairie de Gotham, pseudonyme de New York dans la BD. La m\u00e8re soutient qu'elle a \u00e9t\u00e9, dans sa jeunesse la ma\u00eetresse de Wayne et qu'elle a eu de lui Arthur, un fils que le p\u00e8re n'a pas reconnu. Mais, selon une autre version, Arthur aurait \u00e9t\u00e9 adopt\u00e9 par sa m\u00e8re, qui l'aurait maltrait\u00e9 quand il \u00e9tait petit, jusqu'\u00e0 ce qu'elle finisse dans un asile de fous. Nous ne saurons jamais, jusqu'\u00e0 la fin du film, si Wayne est vraiment le p\u00e8re d'Arthur ou non. Arthur est marqu\u00e9 par son statut de fils de p\u00e8re inconnu.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EUn soir, Arthur tire sur trois \u003Ci\u003Eyuppies\u003C\/i\u003E qui l'ont attaqu\u00e9 dans le m\u00e9tro et les tue. La rumeur se r\u00e9pand dans toute l'Am\u00e9rique qu'un homme portant un masque de clown est l'assassin des trois traders. Tr\u00e8s vite, ce clown justicier devient un h\u00e9ros pour la masse des d\u00e9sh\u00e9rit\u00e9s de Gotham, qui protestent contre le pouvoir en mettant tous un masque de clown qui rit. Il est int\u00e9ressant de noter que tous ceux qui portent le masque de clown sont des hommes. Toute la ville est mise \u00e0 feu et \u00e0 sang par des milliers de clowns. Arthur qui, entre-temps, a tu\u00e9 sa m\u00e8re et plusieurs autres personnes, est identifi\u00e9 comme l'assassin des trois yuppies et glorifi\u00e9 par les clowns r\u00e9volt\u00e9s. Entre-temps, un homme, portant lui aussi un masque de clown, tue Wayne. Je ne raconterai pas la fin.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EJe me suis arr\u00eat\u00e9 sur ce film parce qu'il me semble qu'il exprime \u00e0 sa fa\u00e7on le passage du p\u00e8re œdipien freudien \u00e0 ce que j'appellerai le nouvel Œdipe, dans lequel la figure du P\u00e8re est remplac\u00e9e par une nouvelle figure omnipr\u00e9sente : celle du \u00ab pouvoir \u00bb. Ou, comme on dit en Am\u00e9rique, \u00ab the system \u00bb. Paolo Sorrentino, dans un film r\u00e9cent [\u003Ci\u003ESilvio et les autres\u003C\/i\u003E, titre fran\u00e7ais], l'a appel\u00e9 \u00ab Eux \u00bb [\u003Ci\u003ELoro\u003C\/i\u003E, titre italien]. Qui sont ces \u00ab Eux \u00bb ? Ce sont tous ceux qui ont du pouvoir : les hommes politiques surtout, les riches, les grands entrepreneurs, les stars... Peut-\u00eatre, un jour, nous aussi, les psychanalystes... Tous ceux qu'on appelle aujourd'hui des \u003Ci\u003Ewinners\u003C\/i\u003E, en face desquels souffre et se ronge la masse des \u003Ci\u003Elosers\u003C\/i\u003E.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E2.\u003Cbr \/\u003E\nLa figure du clown m\u00e9lancolique a une histoire s\u00e9culaire. Les \u003Ci\u003Efools\u003C\/i\u003E de Shakespeare ont pour mission de faire rire le roi, mais en fait ils suivent le roi dans sa chute. Ils disent au roi des v\u00e9rit\u00e9s qu'on n'\u00e9coute pas parce qu'am\u00e8res. Le \u003Ci\u003Efool\u003C\/i\u003E d\u00e9nonce la folie des rois.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EGwynplaine est le h\u00e9ros de \u003Ci\u003EL'Homme qui rit\u003C\/i\u003E de Hugo, publi\u00e9 en 1869. Enfant, Gwynplaine a \u00e9t\u00e9 enlev\u00e9, en Angleterre, par des brigands qui lui ont fait subir une op\u00e9ration au visage qui lui donne l'air de toujours rire. Il est adopt\u00e9 par un vagabond qui met ensuite en sc\u00e8ne un spectacle comique ambulant centr\u00e9 sur le r\u00f4le rieur de Gwynplaine.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EVient ensuite la \u00ab reconnaissance \u00bb : on d\u00e9couvre \u00e0 un moment donn\u00e9 que le saltimbanque est en r\u00e9alit\u00e9 le fils d'un lord d'Angleterre. Le lord de Hugo correspond au magnat Wayne de Joker. Gwynplaine, reconnu comme noble, prononcera \u00e0 la Chambre des Lords un discours o\u00f9 il attaquera leurs privil\u00e8ges, qui ne fera que susciter le rire...\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa diff\u00e9rence importante entre le roman de Hugo et le film de 2019, c'est que chez Hugo, on d\u00e9couvre que Gwynplaine est vraiment le fils d'un lord, tandis que dans Joker, on a l'impression que le p\u00e8re \u003Ci\u003Etycoon\u003C\/i\u003E n'est qu'un d\u00e9lire de la m\u00e8re. En outre, dans Joker, s'accomplit un parricide qui n'a pas lieu dans le roman de Hugo, m\u00eame s'il est accompli par un myst\u00e9rieux tueur porteur d'un masque de clown. La r\u00e9volte des d\u00e9sh\u00e9rit\u00e9s aux masques de clown, dans Joker, rappelle fortement la r\u00e9volte aveugle, sans but et sans fin, des gilets jaunes fran\u00e7ais.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe film de 2016 \u003Ci\u003EV for Vendetta\u003C\/i\u003E est une variation sur ce th\u00e8me. Dans un futur dystopique, un myst\u00e9rieux radical anarchisant, v\u00eatu comme Guy Fawkes et portant un masque fix\u00e9 en un rire permanent, soul\u00e8ve les Britanniques contre un r\u00e9gime fasciste oppresseur. Guy Fawkes fut l'artisan de la conjuration rat\u00e9e des Poudres en 1606, \u00e9v\u00e9nement rest\u00e9 m\u00e9morable dans la tradition populaire anglaise : le complot avait pour but de faire sauter le roi James Ier d'Angleterre et les membres du Parlement, bref tout le syst\u00e8me politique anglais. Aujourd'hui encore, en Angleterre, on br\u00fble l'effigie de Guy Fawkes le 5 novembre. \u00c9videmment, dans ces derni\u00e8res ann\u00e9es, cette figure de r\u00e9gicide hyperbolique s'est retourn\u00e9e en un personnage positif - bref, aujourd'hui, on est du c\u00f4t\u00e9 du fils \u00ab parricide \u00bb. Le masque et le logo \u00ab V for Vendetta \u00bb ont \u00e9t\u00e9 adopt\u00e9s par divers mouvements populistes, parmi lesquels notre Mouvement 5 Etoiles, dirig\u00e9 justement par un \u00ab joker \u00bb, Beppe Grillo.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E3.\u003Cbr \/\u003E\nDe fa\u00e7ons diverses, toutes ces œuvres tournent autour du th\u00e8me du parricide, ou du meurtre d'une figure de pouvoir. Le parricide : la grande obsession de Freud. Presque chacun de nous a une obsession spirituelle ; celle de Freud \u00e9tait le parricide. C'est l\u00e0 le sens ultime de l'Œdipe.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EFreud consid\u00e9rait comme \u00e9tant parmi les plus grands chefs-d'œuvres de la litt\u00e9rature occidentale trois œuvres : l'Œdipe-Roi de Sophocle, Hamlet, et Les Fr\u00e8res Karamazov de Dosto\u00efevsky. Il les pr\u00e9f\u00e9rait parce que toutes trois traitent du meurtre du p\u00e8re ; en outre, le parricide, direct ou indirect, est li\u00e9 \u00e0 la rivalit\u00e9 entre p\u00e8re et fils pour la possession d'une femme. Le parricide est toujours le fils, c'est pourquoi Freud a parl\u00e9 d'Œdipe et non d'Œdipe-Electre, par exemple, comme quelqu'un a propos\u00e9 de le faire. C'est-\u00e0-dire que la femme aussi est \u00ab œdipienne \u00bb - ce qui n'a pas plu \u00e0 beaucoup de f\u00e9ministes. Or, Freud fait du parricide non seulement le r\u00eave fondamental de tout sujet, mais m\u00eame l'acte inaugural de la Kultur, de la civilisation, c'est-\u00e0-dire de la vie sociale, qui marque aussi pour lui le d\u00e9but de la psych\u00e9 individuelle. La psych\u00e9, l'inconscient, est pour Freud le fruit d'un \u00e9v\u00e9nement historique, et cet \u00e9v\u00e9nement est le parricide. Ne pouvant pas le d\u00e9montrer, Freud a eu recours \u00e0 des reconstructions ouvertement mythiques qui, aujourd'hui, ne peuvent manquer de nous faire sourire - beaucoup d'eau a coul\u00e9 sous les ponts de nos m\u00e9thodes historiographiques.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EDans \u003Ci\u003ETotem et tabou\u003C\/i\u003E, il a imagin\u00e9 l'assassinat du p\u00e8re de la horde primitive par ses fils coalis\u00e9s, dans le but de se partager \u00e9quitablement les femmes de la horde, jusque-l\u00e0 toutes accapar\u00e9es par le p\u00e8re-patron. Dans Mo\u00efse et le monoth\u00e9isme, le testament visionnaire de Freud, il veut nous persuader que Mo\u00efse, qui n'aurait pas \u00e9t\u00e9 juif mais \u00e9gyptien, a \u00e9t\u00e9 tu\u00e9 par les juifs eux-m\u00eames, qui ne voulaient pas se soumettre aux r\u00e8gles s\u00e9v\u00e8res du monoth\u00e9isme impos\u00e9 par Freud. Dans ce cas, le parricide, ou, pourrions-nous dire le r\u00e9gicide, n'est pas provoqu\u00e9 par une rivalit\u00e9 pour la conqu\u00eate des femmes, mais par un refus, que nous appelons aujourd'hui \u00ab populiste \u00bb, du pouvoir monoth\u00e9iste. Derri\u00e8re la religion juive, Freud voit une sorte de Guy Fawkes h\u00e9breu qui rit derri\u00e8re le dos de Mo\u00efse.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EOn a dit bien des fois que cette centralit\u00e9 du p\u00e8re, et donc du parricide, dans la vision de Freud, n'est plus d'actualit\u00e9 aujourd'hui, parce qu'elle refl\u00e9tait une soci\u00e9t\u00e9 encore patriarcale, qui, au cours de ce dernier si\u00e8cle, s'est en grande partie dissoute. En r\u00e9alit\u00e9, comme nous l'avons dit, pour Freud le p\u00e8re est une figure centrale de l'inconscient du fait d'un v\u00e9ritable p\u00e9ch\u00e9 originel, un crime inaugural auquel est li\u00e9e toute notre histoire, et qui est pr\u00e9cis\u00e9ment le parricide. C'est-\u00e0-dire que, loin de pr\u00e9senter s\u00e9rieusement le primat de la soci\u00e9t\u00e9 patriarcale, Freud en met en sc\u00e8ne le d\u00e9clin et la disparition. Son obsession th\u00e9orique du parricide fait \u00e9cho au th\u00e8me nietzsch\u00e9en de la mort de Dieu. Nietzsche pensait que Dieu, tu\u00e9 par les humains, \u00e9tait un \u00e9v\u00e9nement historique, comme, pour Freud, la mise \u00e0 mort du p\u00e8re est un \u00e9v\u00e9nement historique. La diff\u00e9rence, c'est que, tandis que le meurtre de Dieu est, pour Nietzsche, un \u00e9v\u00e9nement moderne qui ouvre la modernit\u00e9, le meurtre du p\u00e8re est, pour Freud, un \u00e9v\u00e9nement archa\u00efque, c'est l'acte primordial qui ouvre en m\u00eame temps la vie sociale et l'inconscient individuel. Pour Freud, avant cet \u00e9v\u00e9nement, il n'y a pas de psych\u00e9 individuelle, mais seulement collective.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EComme l'a ensuite dit explicitement Lacan, le p\u00e8re dont s'occupe la psychanalyse est toujours le p\u00e8re mort - m\u00eame si le p\u00e8re r\u00e9el est toujours vivant et en pleine forme. Ce n'est pas la mort de notre p\u00e8re, mais la mort du P\u00e8re, c'est-\u00e0-dire la fonction structurante symbolique de la paternit\u00e9. En d'autres termes, notre adversaire n'a plus un caract\u00e8re phallique, ce n'est plus notre g\u00e9niteur, c'est un autre collectif, appel\u00e9, comme chez Sorrentino, Eux, le Syst\u00e8me, \u00ab les pouvoirs forts \u00bb, comme on dit aujourd'hui. C'est comme si la psych\u00e9 humaine s'\u00e9tait re-collectivis\u00e9e : le p\u00e8re individuel une fois mort, c'est le P\u00e8re symbolique qui nous \u00e9crase, qui, d'une certaine fa\u00e7on, nous ch\u00e2tre tous en tant que peuple impuissant. Bref, ce n'est plus le p\u00e8re de famille qui explique une certaine haine \u00e0 l'\u00e9gard du pouvoir politique, c'est la haine du pouvoir politique qui se refl\u00e8te parfois dans la haine du p\u00e8re de famille.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E4.\u003Cbr \/\u003E\nPourquoi, de Shakespeare au Joker, le pauvre diable, le domin\u00e9, le perdant rev\u00eat-il souvent la forme comique du saltimbanque, du bouffon, comme Rigoletto ou comme Canio, le clown de Leoncavallo (1) ? D'o\u00f9 vient cette superposition antinomique du bouffon et du tragique ? Rappelons que dans les trag\u00e9dies antiques les personnages humbles, les gens du peuple, \u00e9taient le plus souvent des figures comiques, ridicules, tandis que rois et reines \u00e9taient les figures tragiques. Le clown, le pitre est la figure m\u00eame du fils - pas de la fille. Je crois que les clowns femmes sont rares. Les clowns sont les fils ch\u00e2tr\u00e9s, dirait Freud, le Gwynplaine de Hugo est, m\u00e9taphoriquement, ch\u00e2tr\u00e9. Le domin\u00e9 rit, mais son rire est gel\u00e9, il rev\u00eat la fixit\u00e9 d'une grimace d\u00e9rangeante. Les masses, on le sait, veulent rire, rire toujours, c'est pourquoi elles ne font pas du tout rire, mais sont m\u00e9pris\u00e9es. Mais le clown est le fils fou, fool justement, fou parce que sans p\u00e8re. Si l'on me permet cette licence m\u00e9taphorique, nous pouvons voir le flot furieux des clowns de Joker comme une masse sans p\u00e8re. L'\u00e9trange th\u00e9orie lacanienne de la psychose comme forclusion, confiscation, du Nom-du-P\u00e8re me semble provenir pr\u00e9cis\u00e9ment de cette figure s\u00e9culaire et m\u00e9taphysique du jongleur sans p\u00e8re et sans patrie, et donc fou, qui rit du pouvoir justement parce qu'il est domin\u00e9 par lui - l'\u00e9ternel carnaval des faibles.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EAujourd'hui, on parle sans cesse de populisme. En particulier de populisme de droite, qui exalte, contre la globalisation, contre le cosmopolitisme, le narcissisme patriotique et vernaculaire de sa Heimat. Le populisme, dit-on, est hargneux, c'est la rage des marginaux contre les \u00e9lites prestigieuses, hommes politiques et scientifiques, financiers, partis de gauche et intellectuels. La fonction paternelle est aujourd'hui socialis\u00e9e, disions-nous, et prend la forme pers\u00e9cutrice d'un pouvoir qui semble nous pers\u00e9cuter. Apr\u00e8s le d\u00e9clin de l'Œdipe familial, c'est l'Œdipe politique qui se d\u00e9cha\u00eene.\u003Cbr \/\u003E\nLa figure du P\u00e8re et de sa mort chez Freud est bien s\u00fbr une construction mythique. Mais les mythes sont des sympt\u00f4mes, ils sont une fa\u00e7on de mi-dire, dire \u00e0 moiti\u00e9, la v\u00e9rit\u00e9. La v\u00e9rit\u00e9, c'est que, avec le d\u00e9clin de la culture patriarcale, on ne rencontre plus tellement aujourd'hui le p\u00e8re tyran \u00e0 la maison, mais dans la projection hyperbolique d'une organisation sociale. Le p\u00e8re œdipien s'est d\u00e9p\u00eatr\u00e9 de ce pauvre type qu'est, en r\u00e9alit\u00e9, tout p\u00e8re - aujourd'hui, mes patients voient les m\u00e8res, plut\u00f4t que les p\u00e8res, comme des instances du sur-moi. Le p\u00e8re \u00e0 tuer est l'Autre imp\u00e9n\u00e9trable du pouvoir, le kal\u00e9idoscope diffract\u00e9 des innombrables figures de la domination.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECette ann\u00e9e, les Ukrainiens ont \u00e9lu comme pr\u00e9sident de leur pays, par une d\u00e9ferlante de votes, Volodymyr Zelensky, un acteur comique, un clown en fait, sans aucune exp\u00e9rience politique. Dans son pays, on m'appelait joker. Le film Joker, tourn\u00e9 avant cette \u00e9lection, montre que, comme le disait Wilde, la vie imite l'art. Du reste, actuellement, nous aussi, en Italie, nous sommes gouvern\u00e9s par une force con\u00e7ue par un acteur comique. Et, apr\u00e8s tout, Boris Johnson lui-m\u00eame, le Premier Ministre britannique, ne semble-t-il pas une imitation de clown ? En Ukraine, en Grande-Bretagne et en Italie, on porte au pouvoir des fils perdants, insignifiants, ch\u00e2tr\u00e9s, des clowns, contre le s\u00e9rieux r\u00e9barbatif d' Eux. L'heure du renversement, celle du pouvoir des bouffons, est arriv\u00e9e. Mais le fils-qui-rit risque de devenir, \u00e0 son tour, le nouveau despote, un despote \u00e9lu par les fils eux-m\u00eames.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cb\u003ESergio Benvenuto\u003C\/b\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ENdt\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E(1) Dans l'op\u00e9ra I Pagliacci [Paillasse].\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"https:\/\/www.sinistrainrete.info\/cultura\/16388-sergio-benvenuto-il-clown-senza-padre-html\"\u003Ehttps:\/\/www.sinistrainrete.info\/cultura\/16388-sergio-benvenuto-il-clow\u003C\/a\u003E...\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"http:\/\/www.legrandsoir.info\/joker-le-clown-sans-pere-sinistrainrete-info.html\"\u003Elegrandsoir.info\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E"}}