{"166807":{"id":"166807","parent":"162910","time":"1577801580","url":"http:\/\/newsnet.fr\/166807","source":"http:\/\/logic.ovh\/art\/302","category":"philosophie","title":"L'\u00e9tat du monde - Eni\u00e8me critique du film \u00ab Joker \u00bb","catalog-images":"3\/\/1\/newsnet_166807_65dbac.jpg","image":"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_166807_65dbac.jpg","hub":"newsnet","url-explicit":"http:\/\/newsnet.fr\/art\/l-etat-du-monde-enieme-critique-du-film-joker","admin":"newsnet","views":"720","priority":"4","length":"21986","lang":"fr","content":"\u003Cp\u003E\u003Cspan class=\"philum ic-img2\"\u003E\u003C\/span\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl y a sept critiques du film \"Joker\" diffus\u00e9s sur newsnet.fr et d'autres articles qui y font r\u00e9f\u00e9rence, et pourtant ce n'est pas un site d\u00e9di\u00e9 au loisir\u00a0; il s'agit d'une base de donn\u00e9es permettant de mieux comprendre \"l'\u00e9tat du monde\" afin que les g\u00e9n\u00e9rations futures sachent comment ils en sont arriv\u00e9s l\u00e0 o\u00f9 ils seront, quand ils l\u00e8veront les yeux sur une panade noire et int\u00e9grale.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EDonc c'est surprenant qu'un film de cin\u00e9ma, bien que cela ne soit pas exceptionnel, fasse la une de la presse alternative, plut\u00f4t concern\u00e9e par les affaires de justice et d'intelligence, contrairement \u00e0 la t\u00e9l\u00e9.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EApr\u00e8s tout, ce n'est qu'un film, du \"cin\u00e9ma\", une com\u00e9die, qui appartient au domaine du loisir (de luxe), et les gars qui \u00e9crivent un article sur ce qu'ils ont vu \u00e0 la t\u00e9l\u00e9, apr\u00e8s avoir bien dormi, ne font qu'utiliser leur parole pour exprimer leur traumatisme.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EJe tiens \u00e0 \u00e9vacuer d\u00e8s le d\u00e9but la seule critique n\u00e9gative que j'aie \u00e0 faire de ce genre de films, dont les plagiats seront extr\u00eamement m\u00e9diocres voire totalement invers\u00e9s (permut\u00e9s est le terme exact, c'est comme cela que marche la propagande, en interchangeant de place les objets de la r\u00e9flexion pour les mettre sur une \u00e9chelle de valeurs qui soit enti\u00e8rement remodel\u00e9e afin de formater le gentil t\u00e9l\u00e9spectateur). Cette critique concerne la g\u00e9n\u00e9ration de films dont celui-ci fait parie, qui s'amusent \u00e0 faire du dr\u00f4le en se basant sur une contre-r\u00e9action \u00e0 un ph\u00e9nom\u00e8ne de mode devenu obsol\u00e8te, en utilisant un ph\u00e9nom\u00e8ne de mode un peu plus actuel quoique promis \u00e0 devenir lui aussi obsol\u00e8te tr\u00e8s rapidement. Par exemple on simule la tristesse des femmes grosses et moches et on les invite \u00e0 venir faire partie de l'empire du r\u00eave am\u00e9ricain. Enfin vous voyez ce que je veux dire. Il s'agit de r\u00e9soudre des pens\u00e9es n\u00e9gatives, ce qui est bien, en utilisant d'autres pens\u00e9es n\u00e9gatives, mais pas encore reconnues comme telles (ce qui est critiquable).\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIci la critique n\u00e9gative c'est de baser la tension du film sur un pr\u00e9misse qui est fauss\u00e9 \u00e0 la base, puisque le \"h\u00e9ros\" r\u00e9agit \u00e0 une somme cumul\u00e9e de traumatismes qui lui bouffent la vie et rend objectivement impossibles tous ses r\u00eaves et ses espoirs. Normalement dans la vraie vie les difficult\u00e9s sont autant d'opportunit\u00e9s pour apprendre et faire mieux la prochaine fois, pour progresser, et mettre son courage et sa foi \u00e0 l'\u00e9preuve\u00a0; \u00e7a ce n'est pas du cin\u00e9ma, c'est la r\u00e9alit\u00e9. La vie est difficile mais du bon arrive \u00e0 en sortir, car la vie gagne toujours. Les mauvais, les m\u00e9chants, les injustes, les fous et les imb\u00e9ciles n'ont qu'une dur\u00e9e de vie limit\u00e9e, leurs mensonges sont tr\u00e8s vite apparents, et leur violence n'obtient les effets escompt\u00e9s qu'\u00e0 court terme et en devenant de moins en moins efficace.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIci on est dans \"Gotham\" alors \u00e7a explique tout, un peu comme si on \u00e9tait dans le monde invers\u00e9 que \"Stranger Thing\" n'avait pas r\u00e9ussi \u00e0 exploiter intelligemment, n'y faisant r\u00e9f\u00e9rence qu'en la personne d'un monstre obscur absurde. Gotham c'est une ville comme il va y en avoir de plus en plus, \u003Cu\u003Esi le capitalisme et la privatisation sont pouss\u00e9s jusqu'au bout\u003C\/u\u003E, o\u00f9 les pauvres restent en bas toute leur vie, les rues sont sales, et les riches se pavoisent \u00e0 la t\u00e9l\u00e9 en laissant \u00e9chapper par m\u00e9garde des insultes contre les pauvres, les traitant de fain\u00e9ants qui m\u00e9ritent bien leur sort, puis en se ravisant sur les conseils de leur manager, en d\u00e9clarant ne pas avoir voulu dire ce qu'ils ont dit. Comme chez nous, direz-vous, \u00e0 part que dans Gotham les choses sont fig\u00e9es et que les gens, d'en bas et d'en haut, son d\u00e9finitivement et irr\u00e9m\u00e9diablement comme ils sont, empiriquement d\u00e9finis par la fa\u00e7on dont on les d\u00e9crit.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa m\u00e8re du Joker qui ne conna\u00eet du monde que ce qu'elle voit \u00e0 la t\u00e9l\u00e9 trouve que Thomas Wayne est un type tr\u00e8s bien et que c'est sur lui qu'il faut fonder l'espoir que le monde devienne meilleur. Elle est de droite parce qu'elle s'est ralli\u00e9e \u00e0 la critique des mis\u00e9rables dont elle fait partie pour s'imaginer un jour ne plus en faire partie. Elle est tomb\u00e9e dans le pi\u00e8ge le plus basique de la real-politique.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEt le fiston, qui r\u00eave de devenir comique, s'imagine en \u00e9tant l'invit\u00e9 de son \u00e9mission favorite o\u00f9 il sait d\u00e9j\u00e0 \u00e0 quel point il y ferait bonne figure. L'acteur r\u00e9p\u00e8te la gestuelle de son arriv\u00e9e triomphale sur le plateau t\u00e9l\u00e9, judicieusement heureux mais humble, souple et agile physiquement et mentalement, parfaitement ma\u00eetre de lui-m\u00eame, et laissant \u00e9chapper une sorte de bont\u00e9 naturelle ind\u00e9fectible.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEn faisant cela le r\u00e9alisateur envoie une attaque massive \u00e0 tous ces frimeurs qui ont fait cela pendant des d\u00e9cennies sur tous les plateaux t\u00e9l\u00e9 du monde, tourne en d\u00e9rision le sentiment pompeux d'avoir r\u00e9ussi dans la vie et met en lumi\u00e8re leur nullit\u00e9 int\u00e9rieure. C'est vraiment une tr\u00e8s belle sc\u00e8ne.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EL'acteur, qui s'est remarquablement entra\u00een\u00e9, active graduellement la gestuelle du Joker, qui danse sur la tombe de son ennemi de toujours, rouill\u00e9 et osseux comme un Gollum (du Seigneur des Anneaux), laissant exprimer une joie int\u00e9rieure qui est comme une \u00e9nergie qui circule mal en sortant de ses entailles endolories, comme \u00e9lectrocut\u00e9 au ralenti.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EDans ce film le \"Bien\" est du c\u00f4t\u00e9 du Joker tandis que Thomas Wayne, le p\u00e8re du futur d\u00e9bile d\u00e9guis\u00e9 en chauve-souris pour une raison mal dissimul\u00e9e de vengeance personnelle, fait partie de la clique des riches qui n'ont aucune humanit\u00e9 ni compr\u00e9hension des vraies choses de la vie. Ils sont ind\u00e9cents, menteurs, violents, \u00e9go\u00efstes, m\u00e9prisants, et refusent jusqu'au dialogue avec des gens qui ne sont pas de leur monde, comme on le voit dans la sc\u00e8ne o\u00f9 le Joker rencontre Thomas Wayne, son p\u00e8re selon toute vraisemblance, quoi qu'on puisse avoir des doutes. Mais dans ce contexte le rejet cat\u00e9gorique de toute affiliation par le p\u00e8re a plus l'air d'un mensonge habituel que d'autre chose, et on voit bien compar\u00e9 au Joker qui demande seulement \u00e0 en discuter, qu'il n'a aucune sinc\u00e9rit\u00e9, ni la moindre gentillesse.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EUne m\u00e9thode de tension nerveuse inflig\u00e9e au spectateur dans les films, qui est tr\u00e8s usit\u00e9e depuis longtemps, consiste \u00e0 cr\u00e9er des situations qui peuvent se r\u00e9soudre en une seule phrase d'explication, rendue possible apr\u00e8s une montagne de contretemps incroyables, et qui finalement ne vient jamais, laissant na\u00eetre l'injustice fatale bien connue sous le terme de l'\u00e9l\u00e9ment modificateur, le moment o\u00f9 on passe d'une situation \u00e0 un renversement de situation. Cette technique est utilis\u00e9e dans tous les films toutes les histoires et toutes les narrations, m\u00eame les plus mauvais. Et ceux qui n'en font pas usage sont jug\u00e9s encore plus mauvais. Donc il n'y a rien de surprenant \u00e0 ce que m\u00eame une fois arriv\u00e9 en position de r\u00e9soudre le probl\u00e8me, rien de bon ne sorte.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EUn autre aspect amusant du film est l'imaginaire du Joker, qui est assez d\u00e9bordant pour le lui faire confondre avec la r\u00e9alit\u00e9. Ceci sert \u00e0 montrer un \u00eatre perturb\u00e9, mais en m\u00eame temps c'est parlant de la malle \u00e0 espoirs enfouis o\u00f9 viennent se loger les vieux r\u00eaves comme dans un grenier poussi\u00e9reux. La r\u00e9alit\u00e9 imaginaire s'\u00e9croule vite face au poids de la r\u00e9alit\u00e9. C'est l\u00e0 qu'a lieu le renversement dans le film, quand ce qui est subit devient volontaire, suivant le processus le plus habituel de toutes choses\u00a0: peu lui importera de savoir si ce qu'il a fait \u00e9tait un r\u00eave ou la r\u00e9alit\u00e9. Peut-\u00eatre m\u00eame que toute cette histoire n'est que dans sa t\u00eate. (Et pour gagner sa vie il aura cr\u00e9\u00e9 Batman.)\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EJe trouve que dans ce film les causes de la frustration sont assez mal d\u00e9crites, elles sont justes superficielles, il y a des micro-\u00e9v\u00e9nements sporadiques, et \"un monde\" tout entier enseveli par des personnes mal intentionn\u00e9es, autant chez les pauvres que chez les riches. Cela est mensonger, les pauvres ont plus le sens de l'entraide, car ils savent de quoi on parle quand ils voient la souffrance. Et d'autre part les causes de la frustration sont bien plus vastes, car elles \u00e9mergent de bilans o\u00f9 on s'est faits avoir pendant des ann\u00e9es et o\u00f9 l'esp\u00e9rance ne fait que se heurter \u00e0 des mensonges et des manigances de plus en plus sophistiqu\u00e9es. Jusqu'au point d'ailleurs o\u00f9 m\u00eame ce film peut en faire partie.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EL'histoire est celle d'une masse tellement grande de souffrance et de mis\u00e8re, de chaos et de folie, de fragilit\u00e9 des apparences facile \u00e0 percer chez les pauvres (toujours accus\u00e9s de mentir) et jamais chez les riches (qui refusent le dialogue), que sur cette base se forme une pyramide de haine au sommet de laquelle se trouve un individu qui n'a particuli\u00e8rement pas eu de chance dans la vie. L'objet principal du film est qu'ayant fini de ne plus rire, le Joker a d\u00e9cid\u00e9 de trouver dr\u00f4les la mort des snobinards bourr\u00e9s et irrespectueux du m\u00e9tro, la mort des policiers ayant b\u00eatement commis une bavure en plein milieu d'une foule hostile, la mort en directe du pr\u00e9sentateur-t\u00e9l\u00e9 qui invite des gens pour se moquer d'eux, et la mort du politicien-p\u00e8re-de-Chauve-souris-Man alors qu'il d\u00e9ambulait fi\u00e8rement sans avoir rien \u00e0 craindre de la vie. Mais tout cela, dont le spectateur est t\u00e9moin, les riches dans le film ne le voient pas, ils ne voient que des meurtres m\u00e9chants et explicables seulement par la d\u00e9bilit\u00e9 mentale. Ils ne voient qu'une violence sans laquelle \"tout irait bien\". Ils n'acc\u00e8dent jamais aux explications qui font que les choses sont comme elles sont, puisqu'ils refusent obstin\u00e9ment tout dialogue. C'est parfaitement la description, et \u00e0 la fois une critique, de \u003Cu\u003Ela dictature moderne\u003C\/u\u003E.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl demande, sur le plateau-t\u00e9l\u00e9 o\u00f9 il a finalement \u00e9t\u00e9 invit\u00e9, ce qui aurait \u00e9t\u00e9 pour lui l'occasion de s'en servir positivement en faisant de la pub (\u00e7a marche toujours), le sens de la dr\u00f4lerie qui est la leur. Les blagues qu'il raconte ne sont pas des histoires avec un d\u00e9but et une chute, mais juste des faits terribles \u00e9nonc\u00e9s froidement. Un peu comme les titres du Gorafi (\"Le gars qui criait \u003Cq\u003E\u00c0 poil\u00a0!\u003C\/q\u003E dans les concerts est trouv\u00e9 mort\"). Pour trouver cela dr\u00f4le, il faut remonter \u00e0 la source du probl\u00e8me, la r\u00e9alit\u00e9, l'\u00e9tat du monde dans lequel on se trouve quand on habite \u00e0 Gotham (pays imaginaire, comme Metropolis, qui ressemble \u00e0 s'y m\u00e9prendre \u00e0 New York).\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe film r\u00e9sout deux tr\u00e8s grandes difficult\u00e9s avec un relatif brio, et qui sont parfaitement antinomiques. Il s'agit \u00e0 la fois d'expliquer comment, en poussant tous les traits du modernisme \u00e0 l'extr\u00eame, on arrive \u00e0 expliquer l'existence d'un personnage aussi absurde et aberrant que le Joker dans Batman, ce que les films ont souvent tendance \u00e0 devoir faire \u00e0 force de cr\u00e9er des suites, un peu comme la fa\u00e7on d'expliquer comme Dark Vador est apparu en tant que syndrome de la personnalit\u00e9 multiple (dont souffrait aussi le Gollum, cela dit en passant, parce que c'est assez r\u00e9current dans les films - am\u00e9ricains). Dans Star Wars c'est limite tir\u00e9 par les cheveux, mais enfin il faut ce qu'il faut, et parfois le soucis du raccord des films entre eux est un peu b\u00e2cl\u00e9. Il faut dire que ce n'est pas facile quand entre deux films on passe d'une \u00e9poque \u00e0 une autre. C'est aussi le m\u00eame probl\u00e8me auquel a d\u00fb \u00eatre confront\u00e9 un film sur le Joker, personnage n\u00e9 \u00e0 une toute autre \u00e9poque, dans un tout autre monde, presque incompr\u00e9hensible pour nous. Comment le rendre explicable\u00a0? Ce n'est pas facile parce qu'il est sp\u00e9cialement loufoque et anxiog\u00e8ne.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEt la deuxi\u00e8me contrainte \u00e0 laquelle le film r\u00e9pond, simultan\u00e9ment au premier exploit qui consiste \u00e0 cr\u00e9er un fou sur une montagne de fous, est de renverser compl\u00e8tement la posture bienfaitrice de ce connard aberrant de Bruce Wayne. Enfant, il \u00e9tait encore ouvert d'esprit, mais son tortionnaire de major-d'homme lui a bien vite expliqu\u00e9 qu'il ne fallait pas adresser la parole aux pauvres, parce que selon son exp\u00e9rience si pr\u00e9cieuse de la vie, ce sont tous des m\u00e9chants avec de mauvaises intentions.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEt finalement Chauve-souris-Man se retrouve dans la situation o\u00f9, pour combattre \"le crime\", personnifi\u00e9 par un criminel content de l'\u00eatre (comme le sont d'ailleurs les \u00e9lites de ce monde), il aurait aussi bien pu aller vers eux et leur demander paisiblement ce qui ne va pas, s'int\u00e9resser \u00e0 leur souffrance, leurs r\u00eaves et leurs espoirs, demander de quoi ils ont besoin, bref se montrer un minimum humain et pacifique. Le crime doit \u00eatre puni, OK, mais enfin il faudrait commencer par les plus gros et les plus monstrueux. Une fois le monde bien regl\u00e9, d\u00e9fait de toute injustice syst\u00e9mique, alors seulement on pourra juger que les petits d\u00e9lits sont un r\u00e9el probl\u00e8me, en tant que germe d'un monde vou\u00e9 \u00e0 l'effondrement. Mais l\u00e0 le probl\u00e8me, il vient d'en haut. C'est donc st\u00e9rile de n'en appr\u00e9hender que les sympt\u00f4mes.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe Bruce Wayne ne s'est jamais int\u00e9ress\u00e9 \u00e0 la vie des pauvres, \u00e0 ce qu'ils pensent et \u00e0 ce qu'ils sont forc\u00e9s de vivre chaque jour, \u00e0 chaque fois qu'une d\u00e9cision politique irresponsable est prise sans \u00e9gard pour quoi que ce soit d'autre que leur propre puissance. Il n'a jamais \u00e9t\u00e9 \u003Cu\u003Ecompassionnel\u003C\/u\u003E. C'est juste un connard de fils de riche qui vit dans son petit monde f\u00e9\u00e9rique et imaginaire, manich\u00e9en et extr\u00e9miste, et qui met sa fortune au service d'une lubie qui consiste \u00e0 se promener en pyjama dans les rues, en se payant une voiture de guerre sur-mesure, au lieu de donner le moindre centime \u00e0 quelqu'un qui fait la manche. C'est vraiment le pire connard de la terre\u00a0! C'est cela que dit le film. Il marque donc un tournant dans les films de cin\u00e9ma, o\u00f9 dor\u00e9navant les films de super-h\u00e9ros n'oseront plus exposer en public et avec insolence leur m\u00e9thode nazie fond\u00e9e sur \"la vengeance\", la violence, l'irritabilit\u00e9, le fait d'agir par r\u00e9flex conditionn\u00e9 en toutes choses, et l'auto-satisfaction \u00e0 propos de leur toute-puissance.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELes h\u00e9ros en prennent un coup\u00a0!\u003Cbr \/\u003E\nC'est la fin des h\u00e9ros, et la fin d'une \u00e9poque.\u003Cbr \/\u003E\nLes films qui marcheront devront maintenant adopter une vision panoptique du rapport \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9, qui ne cesse de grandir au fur et \u00e0 mesure qu'on veut bien s'y int\u00e9resser. Peut-\u00eatre m\u00eame que la strat\u00e9gie narrative va en \u00eatre boulevers\u00e9e, et qu'il faudra plus de notion de \"prise de conscience des choses\" l\u00e0 o\u00f9 avant il n'y avait qu'un simple \u00e9l\u00e9ment modificateur, fond\u00e9 sur un monde imaginaire superficiel.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl y a encore deux remarques que je veux faire sur ce film, c'est ce qui m'y a attir\u00e9 et comment j'en suis sorti. Comme on dit, on n'en sort pas indemne, m\u00eame si on se place comme celui qui a le mieux compris au monde l'intention de l'auteur. Les autres critiques font r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 Victor Hugo, d\u00e9tectent des blocages, font des comparaisons, mais ce n'est pas ce que je veux faire.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEn premier je suis d'accord avec l'id\u00e9e de fond du film, \u00e0 ceci pr\u00e8s que mon optique est diam\u00e9tralement inverse. En ce sens le film d\u00e9nigre totalement tout ce en quoi je crois et qui fonde ma pens\u00e9e (la contradiction est artistique donc acceptable). J'ai dit, un jour, apr\u00e8s avoir bien assez souffert, que tout n'\u00e9tait plus pour moi qu'une blague. Je le pense sinc\u00e8rement, dans la mesure o\u00f9 les le\u00e7ons de la vie tendent toujours \u00e0 apporter des explications apaisantes \u00e0 propos de la perception de la r\u00e9alit\u00e9. C'est la philosophie de la vie. Il y a des choses mauvaises mais elles sont explicables, et peuvent \u00eatre r\u00e9solues. Rien n'est vraiment grave, c'est juste que \u00e7a prendra plus de temps pour le r\u00e9soudre. Depuis ce jour j'ai obtenu la certitude compl\u00e8te et absolue, m\u00eame devant la mort, qu'il n'y avait jamais aucun probl\u00e8me insoluble. Et, Garcimore m'en est t\u00e9moin, je rigole \u00e0 chaque fin de phrase. Je voulais donc savoir comment \u00e9tait trait\u00e9e cette philosophie de la vie, qu'on retrouve aussi dans \"Rick et Morty\".\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EDans ce film c'est la position inverse qui est prise, si le Joker pend le parti de rire de tout, ce n'est pas pour une raison philosophique emplie de sagesse, en d\u00e9dramatisant pour se donner le courage de continuer, ceci afin de soigner les blessures de l'\u00e2me. Non, s'il rit de tout c'est parce qu'il est sous m\u00e9docs. Cela lui attire des ennuis d'ailleurs, mais au fond il ne trouve de bonheur, de joie de vivre, et de raison d'exister qu'en se laissant \u00eatre le jouet des circonstances et de l'\u00e9poque, un peu comme s'il vivait hors de lui-m\u00eame. Son soi doit tuer, car il en est arriv\u00e9 l\u00e0, et son \u00e2me observe ceci tel un spectateur qui n'a aucune compassion pour ce pi\u00e8tre et ridicule personnage d\u00e9guis\u00e9 en clown, et ne tente m\u00eame pas de l'en emp\u00eacher. Il a totalement d\u00e9croch\u00e9, comme on dit. En voulant voir ce film je voulais savoir comment ils avaient retourn\u00e9 la vraie sagesse afin de mieux l'occulter. En cela on ne s'\u00e9loigne pas tant que cela du ton l\u00e9ger caract\u00e9ristique du simple amusement cin\u00e9matographique.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EEn second il convient d'analyser la nature du rire ou du sourire qu'on a tout au long du film jusqu'\u00e0 la la toute derni\u00e8re sc\u00e8ne et encore pendant le g\u00e9n\u00e9rique.\u003Cbr \/\u003E\nD'abord, c'est bien s\u00fbr, le jeu d'acteur est absolument divin, d'une perfection et d'une justesse qui colle parfaitement \u00e0 l'histoire voulue, c'est du vrai g\u00e9nie. Dans le g\u00e9nie il y a ce qu'on arrive \u00e0 en capter et ce qui nous \u00e9chappe encore. On se donne alors tout entier pour le d\u00e9couvrir, le d\u00e9pecer, et le comprendre. La gestuelle de la danse du Joker est correcte par rapport \u00e0 ce qu'on s'imagine qu'elle est. En cela, c'est comme les films de zombies ou de vampires (d'autres chauves-souris mais n'y voyez aucun rapport), dont le cin\u00e9ma arrive \u00e0 retranscrire visuellement l'imaginaire qu'on s'est construits autour de ces fables\u00a0; et c'est toujours impressionnant.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELe rire, ce sourire, comme je l'ai dit au d\u00e9but (maladroitement) provient de l'inversion de valeurs qui positionne le spectateur selon une perspective nouvelle, o\u00f9 on rit de ce dont on ne devrait pas rire, \u00e0 part qu'on sait que \"tout \u00e7a, c'est pour de faux\" (donc on peut en rire). C'est une forme d'ato-mutilation des films de cette \u00e9poque orwellienne, ou pour le dire plus simplement, une sorte d'auto-d\u00e9rision.\u003Cbr \/\u003E\nMais le sourire qui reste \u00e0 la fin du film, lui est d'une nature assez extraordinaire. C'est \u00e0 cause de ce sourire que tant de gens comme moi se sont empress\u00e9s d'\u00e9crire un article au lendemain matin. \u00c0 la fois, il faut le dire, il est sadique, puisque la foule r\u00e9volutionnaire \u00e9rige en ic\u00f4ne le Joker au visage t\u00e2ch\u00e9 de sang, qui danse pour f\u00eater la victoire de l'av\u00e8nement de l'\u00e8re du crime, o\u00f9 v\u00e9ritablement, dans la conscience populaire, s'inaugure le jour o\u00f9 officiellement le sang vers\u00e9 est devenu la solution \u00e0 tous les probl\u00e8mes. Bienvenue en enfer.\u003Cbr \/\u003E\nC'est aussi, symboliquement, un message d'espoir pour ceux qui se battent contre l'injustice, disant qu'un jour les choses peuvent basculer, et qu'enfin les crimes dont ils sont victimes seront reconnus publiquement et d\u00e9nonc\u00e9s objectivement. Crimes parmi lesquels il y a tous ceux qui passent sous le radar de la justice, comme la violence du quotidien, et tous ceux qui passent largement au-dessus, en plongeant des peuples entiers dans la mis\u00e8re et la souffrance. Un jour, ce jour viendra, et c'est pour cela qu'on sourit.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EOn sourit aussi parce qu'on reconna\u00eet notre \u00e9poque, la future mis\u00e8re qui est promise par le capitalisme et la privatisation, l'individualisme et le m\u00e9pris qui existent aujourd'hui multipli\u00e9s par cinq ou dix, et le fait que ce monde \u00e0 la Gotham soit aussi impossible qu'on est \u00e0 peu pr\u00e8s s\u00fbr qu'il n'existera jamais, parce que la lumi\u00e8re et la justice auront r\u00e9ussi \u00e0 percer d'ici-l\u00e0.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EFinalement c'est normal que dans les histoires les h\u00e9ros aient leur ennemi sym\u00e9trique, puisque le monde qui \u00e9merge du premier personnage fait \u00e9merger le second par une simple d\u00e9duction. Ici le Joker va devoir lutter contre Bruce qui a vu ses parents mourir sous ses yeux. Il pourra m\u00eame lui faire la morale en lui disant que c'\u00e9tait pour son bien, et que \u00e7a l'a renforc\u00e9. Mais les deux sont issus d'un monde qui est le seul \u00e0 les rendre possibles, un monde d\u00e9peint avec des couleurs s\u00e9lectives (sombres).\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ECe que j'attendais d'un tel film, tel que celui que j'ai \u00e9crit \"Superman sauve le monde\" (et qui est rest\u00e9 une \u00e9bauche devant la difficult\u00e9 d'y parvenir), c'est d'immerger le personnage fictif dans le monde r\u00e9el, tel qu'il existe dans la r\u00e9alit\u00e9, avec tout ce qu'on peut y trouver de bon, de mauvais, de compliqu\u00e9 et de surprenant. J'avais pr\u00e9vu que mon h\u00e9ros, Clark, journaliste dans un m\u00e9dia de propagande, se rebelle en adoptant une identit\u00e9 virtuelle o\u00f9 il pourrait faire fuiter les informations vraiment importantes, de premi\u00e8re main. Son objectif de sauver le monde aurait \u00e9t\u00e9 sur une autre \u00e9chelle que celle qui consiste \u00e0 faire le flic des rues qui utilise des moyens surnaturels au service de la r\u00e9pression des mis\u00e9rables petits larcins. Pour accomplir ce miracle, Superman aura r\u00e9ussi \u00e0 toucher le cœur des gens en \u00e9tant le seul capable d'arr\u00eater la folie meurtri\u00e8re du business de la guerre et de la famine, en leur r\u00e9v\u00e9lant les mensonges auxquels ils ont \u00e9t\u00e9 conditionn\u00e9s volontairement par ces \"\u00e9lites\", et en leur prodiguant des principes et des m\u00e9thodes qui soient porteuses de paix et d'un avenir meilleur.\u003Cbr \/\u003E\nMais bon, l'histoire reste \u00e0 \u00e9crire. Et c'est bien moins marrant que la sym\u00e9trique inverse, o\u00f9 le cœur des gens est touch\u00e9 d'une traite par un meurtre symbolique en direct \u00e0 la t\u00e9l\u00e9. Au moins \u00e7a va plus vite\u00a0!\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EFinalement, et c'est une des clefs du succ\u00e8s des films de notre \u00e8re holiste, le spectateur se retrouve it\u00e9rativement dans le personnage du Joker dans la mesure o\u00f9 lui aussi acc\u00e8de \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 par le filtre tortueux du second degr\u00e9s. De la m\u00eame mani\u00e8re que le Joker n'est que le jouet du monde, dont le comportement est r\u00e9gl\u00e9 par les circonstances subies de fa\u00e7on cumulative, le spectateur assiste, impuissant mais enjou\u00e9, au moment o\u00f9 l'humanit\u00e9 sombre dans la bestialit\u00e9 et l'obscurantisme, motiv\u00e9e par une force vitale que leurs actes rendra caduque, c'est \u00e0 dire de mani\u00e8re suicidaire. Oui c'est cela aussi, le sourire du spectateur \u00e0 la fin du film, celui de l'absolution de la pulsion de mort.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EIl n'y a rien \u00e0 craindre, r\u00e9jouissez-vous, tout ce monde n'est qu'une vaste com\u00e9die\u00a0!\u003Cbr \/\u003E\nCe qui compte concr\u00e8tement ce sont vos choix, et non ce que vous \u00eates de fa\u00e7on abstraite.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"http:\/\/logic.ovh\/art\/302\"\u003Elogic.ovh\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E"}}