{"169272":{"id":"169272","parent":"0","time":"1582219030","url":"http:\/\/newsnet.fr\/169272","source":"http:\/\/reporterre.net\/Les-travailleurs-du-soin-malades-du-neoliberalisme","category":"documentaires","title":"Les travailleurs du soin, malades du n\u00e9olib\u00e9ralisme","catalog-images":"6\/\/4\/newsnet_169272_815a30.jpg\/newsnet_169272_9e9292.jpg\/newsnet_169272_8ff43e.jpg\/newsnet_169272_d2ea94.jpg","image":"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_169272_d2ea94.jpg","hub":"newsnet","url-explicit":"http:\/\/newsnet.fr\/art\/les-travailleurs-du-soin-malades-du-neoliberalisme","admin":"newsnet","views":"361","priority":"3","length":"8662","lang":"fr","content":"\u003Cp\u003ESurtout, la r\u00e9forme des pensions inonde le vase d\u00e9j\u00e0 bien rempli de la contestation des blouses blanches. Depuis plus de dix mois, les h\u00f4pitaux bouillonnent : d\u00e9but\u00e9 aux urgences, le mouvement a rapidement gagn\u00e9 l'ensemble des soignants. Les manifestations se succ\u00e8dent partout en France, \u003Ca href=\"https:\/\/www.lefigaro.fr\/social\/l-hopital-public-de-retour-dans-la-rue-ce-vendredi-20200214\"\u003Ecomme celles organis\u00e9es le 14 f\u00e9vrier dernier\u003C\/a\u003E. Marche \u00e0 Paris pour \u003Ci\u003E\u00ab d\u00e9clarer leur amour \u00e0 l'h\u00f4pital public \u00bb\u003C\/i\u003E, cha\u00eene humaine \u00e0 Compi\u00e8gne (Oise), \u003Ci\u003E\u00ab cœur g\u00e9ant \u00bb\u003C\/i\u003E \u00e0 Poitiers (Vienne), l\u00e2cher de \u003Ci\u003E\u00ab ballons roses \u00bb\u003C\/i\u003E \u00e0 Douai (Nord)... \u003Ca href=\"https:\/\/www.francetvinfo.fr\/economie\/greve\/greve-aux-urgences\/hopital-public-les-annonces-gouvernementales-n-ont-pas-convaincu-le-personnel-se-mobilise-a-nouveau_3825907.html\"\u003E300 personnes qui ne pouvaient pas faire gr\u00e8ve\u003C\/a\u003E ont envoy\u00e9 symboliquement un avis d'arr\u00eat de travail fictif pour \u00e9puisement \u00e0 l'agence r\u00e9gionale de sant\u00e9. En janvier, 800 m\u00e9decins-chefs ont renonc\u00e9 \u00e0 leurs fonctions administratives, d\u00e9sertant les instances de direction pour se consacrer exclusivement aux soins. Certains praticiens m\u00e8nent aussi une \u003Ci\u003E\u00ab gr\u00e8ve du codage \u00bb\u003C\/i\u003E, et ne transmettent plus \u00e0 l'Assurance maladie les donn\u00e9es permettant d'\u00e9tablir les factures.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003E\u00ab J'ai le sentiment qu'on maltraite les \u00e9quipes et je me sens complice de cette maltraitance \u00bb\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ELa mobilisation, d'une ampleur in\u00e9dite, est \u00e0 la mesure de la col\u00e8re et du d\u00e9sarroi des soignants. Celles et ceux que nous avons interrog\u00e9es partagent tous le m\u00eame constat : celui d'une d\u00e9gradation sans fin de leurs conditions de travail, et donc de la qualit\u00e9 du soin. Ainsi, H\u00e9lo\u00efse Vall\u00e8s, aide-soignante dans un Ehpad (un \u00e9tablissement d'h\u00e9bergement pour personnes \u00e2g\u00e9es d\u00e9pendantes), \u003Ca href=\"https:\/\/reporterre.net\/Portraits-de-Francais-en-revolte\"\u003Erencontr\u00e9e lors d'une pr\u00e9c\u00e9dente manifestation\u003C\/a\u003E, raconte qu'\u003Ci\u003E\u00ab il n'y a plus assez de personnel pour combler tous les actes de la vie quotidienne des personnes \u00e2g\u00e9es, tr\u00e8s d\u00e9munies \u00bb.\u003C\/i\u003E Les employ\u00e9es \u003Ci\u003E\u00ab doivent faire au minimum une dizaine de toilettes par jour, donner \u00e0 manger, faire de l'animation... \u00bb\u003C\/i\u003E \u00c0 Montpellier, Fabien Gomez, aide-soignant, explique comment \u003Ci\u003E\u00ab l'activit\u00e9 a augment\u00e9 alors que les effectifs ont diminu\u00e9 \u00bb\u003C\/i\u003E : \u003Ci\u003E\u00ab 350 postes ont \u00e9t\u00e9 gel\u00e9s, ce qui a fait exploser les heures suppl\u00e9mentaires et le recours \u00e0 l'int\u00e9rim,\u003C\/i\u003E indique-t-il. \u003Ci\u003ELes personnels craquent, l'absent\u00e9isme s'\u00e9tend et plus de mille agents sont en disponibilit\u00e9. \u00bb\u003C\/i\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cfigure\u003E\u003Cspan class=\"philum ic-img2\"\u003E\u003C\/span\u003E\u003Cfigcaption\u003E\u003Cb\u003ELe 14 f\u00e9vrier, \u00e0 Paris.\u003C\/b\u003E\u003C\/figcaption\u003E\u003C\/figure\u003E\u003Cp\u003EDans le sud des Alpes, \u00c9milie a travaill\u00e9 treize ans comme infirmi\u00e8re. \u003Ci\u003E\u00ab J'ai vu les conditions de travail se d\u00e9grader,\u003C\/i\u003E se rappelle-t-elle. \u003Ci\u003EAu d\u00e9part, une infirmi\u00e8re et une aide-soignante prenaient en charge dix patients, d\u00e9sormais, on est entre quinze et vingt. \u00bb\u003C\/i\u003E \u00c9puis\u00e9e, elle est ensuite devenue cadre de sant\u00e9, charg\u00e9e de g\u00e9rer une \u00e9quipe dans un service de chirurgie. Mais la situation s'est r\u00e9v\u00e9l\u00e9e pire encore. \u003Ci\u003E\u00ab On passe nos journ\u00e9es \u00e0 faire des choses dingues faute de lits et faute de personnel,\u003C\/i\u003E d\u00e9nonce-t-elle. \u003Ci\u003EOn demande sans cesse aux gens de revenir bosser sur leurs cong\u00e9s, et un week-end sur deux, puis on leur demande de travailler en proc\u00e9dure d\u00e9grad\u00e9e, avec moins d'effectifs. \u00bb\u003C\/i\u003E Ce \u003Ci\u003E\u00ab mode d\u00e9grad\u00e9 \u00bb\u003C\/i\u003E, normalement r\u00e9serv\u00e9 aux moments de crise, tendrait \u00e0 devenir la norme. R\u00e9sultat, l\u00e0 aussi, \u003Ci\u003E\u00ab les arr\u00eats maladies se multiplient, sans compter que les cong\u00e9s maternit\u00e9 ne sont jamais pleinement remplac\u00e9s \u00bb\u003C\/i\u003E. \u003Ci\u003E\u00ab J'ai le sentiment qu'on maltraite les \u00e9quipes et je me sens complice de cette maltraitance \u00bb\u003C\/i\u003E, regrette \u00c9milie, qui a d\u00e9cid\u00e9 de d\u00e9missionner.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003ED'apr\u00e8s Philippe Peretti, cette d\u00e9gradation des conditions de travail est li\u00e9e au \u003Ci\u003E\u00ab passage d'une logique soignante \u00e0 une logique de performance \u00bb\u003C\/i\u003E. \u003Ci\u003E\u00ab L'h\u00f4pital est vu comme une entreprise, on ne parle plus que d'argent et de rentabilit\u00e9 \u00bb\u003C\/i\u003E, observe aussi \u00c9milie. \u00c0 l'autre bout de la cha\u00eene hospitali\u00e8re, le patient est lui aussi exhort\u00e9 \u00e0 l'efficacit\u00e9, comme l'explique \u003Ca href=\"https:\/\/reporterre.net\/Barbara-Stiegler-Le-neoliberalisme-est-confronte-a-un-mur-Meme-les-elites-commencent-a-douter\"\u003EBarbara Stiegler\u003C\/a\u003E : \u003Ci\u003E\u00ab On parle d\u00e9sormais d'autonomie du patient, qui consiste en fait \u00e0 nous rendre responsables de nos succ\u00e8s et de nos \u00e9checs, \u00e0 nous\u003C\/i\u003E \"responsabiliser\"\u003Ci\u003E. Chacun doit devenir un acteur responsable qui optimise le syst\u00e8me sanitaire en acqu\u00e9rant des comp\u00e9tences, dans la surveillance de soi, dans la gestion de ses risques. \u00bb\u003C\/i\u003E La philosophe voit l\u00e0 l'application de l'id\u00e9ologie n\u00e9olib\u00e9rale au domaine du soin.\u003C\/p\u003E\u003Cfigure\u003E\u003Cspan class=\"philum ic-img2\"\u003E\u003C\/span\u003E\u003Cfigcaption\u003E\u003Cb\u003ELe 14 f\u00e9vrier, \u00e0 Paris.\u003C\/b\u003E\u003C\/figcaption\u003E\u003C\/figure\u003E\u003Cp\u003EPour les soignants, cette \u003Ci\u003E\u00ab logique de performance \u00bb\u003C\/i\u003E a un effet tr\u00e8s concret : \u003Ci\u003E\u00ab On quantifie et on rationalise chaque acte de soin, ce qui entra\u00eene une intensification du travail \u00bb\u003C\/i\u003E, analyse M. Peretti. \u003Ci\u003E\u00ab On calcule chaque matin combien de piq\u00fbres, de comprim\u00e9s, de prises de sang il y a \u00e0 faire, et on calcule ainsi pr\u00e9cis\u00e9ment combien de patients une infirmi\u00e8re peut prendre en charge et de combien de temps elle disposera avec chacun,\u003C\/i\u003E dit \u00c9milie. \u003Ci\u003EMais la partie relationnelle du m\u00e9tier, essentielle, n'est pas prise en compte. \u00bb\u003C\/i\u003E D'o\u00f9 un sentiment, omnipr\u00e9sent, de \u003Ci\u003E\u00ab perte de sens \u00bb\u003C\/i\u003E chez les hospitaliers.\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cbig\u003E\u00ab Une soci\u00e9t\u00e9 \u00e9cologique prend soin du monde, et donc prend soin de ses citoyens \u00bb\u003C\/big\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003EPour Jean-Philippe Pierron, c'est l\u00e0 que la d\u00e9tresse des soignants rejoint les pr\u00e9occupations \u00e9cologiques. \u003Ci\u003E\u00ab Il ne peut y avoir d'\u00e9cologie attentive aux milieux sans \u00e9cologie sociale et \u00e9cologie psychique, autrement dit, il y a une articulation entre le soin qu'on prend de soi, des autres et du monde \u00bb\u003C\/i\u003E, dit le philosophe, qui a publi\u00e9 en 2019 un ouvrage intitul\u00e9, fort \u00e0 propos, \u003Ci\u003EPrendre soin de la nature et des humains. M\u00e9decine, travail et \u00e9cologie\u003C\/i\u003E (\u003Ca href=\"https:\/\/www.lesbelleslettres.com\/livre\/3929-prendre-soin-de-la-nature-et-des-humains\"\u003ELes Belles Lettres, 2019\u003C\/a\u003E). \u003Ci\u003E\u00ab La crise \u00e9cologique est li\u00e9e \u00e0 une alt\u00e9ration des liens que nous entretenons avec le vivant, au profit d'une approche productiviste, extractiviste,\u003C\/i\u003E poursuit-il. \u003Ci\u003ELe paradigme extractiviste \u00e9crase la dimension relationnelle, le soin ou le souci des autres, jusqu'\u00e0 \u00e9puiser les ressources physiques non renouvelables ou psychiques dans l'\u00e9puisement professionnel. \u00bb\u003C\/i\u003E D'apr\u00e8s le philosophe, \u003Ci\u003E\u00ab l'approche productiviste de la nature s'applique d\u00e9sormais \u00e0 la sant\u00e9, devenue l'objet d'une industrie. Avec l'agriculture industrielle, il s'agissait de ma\u00eetriser le vivant autour de nous, \u00e0 travers la zootechnie et les produits phytosanitaires. De m\u00eame, notre m\u00e9decine est devenue une biom\u00e9decine, qui vise \u00e0 ma\u00eetriser le vivant en nous \u00bb\u003C\/i\u003E.\u003C\/p\u003E\u003Cfigure\u003E\u003Cimg style=\"max-width:100%\" src=\"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_169272_8ff43e.jpg\" \/\u003E\u003Cfigcaption\u003E\u003Cb\u003ELe 14 f\u00e9vrier, \u00e0 Paris.\u003C\/b\u003E\u003C\/figcaption\u003E\u003C\/figure\u003E\u003Cp\u003EDans ce nouveau monde m\u00e9dical, il s'agit donc de produire de la sant\u00e9 - on parle m\u00eame de \u003Ci\u003E\u00ab capital sant\u00e9 \u00bb\u003C\/i\u003E - au meilleur prix. Or, \u003Ci\u003E\u00ab la partie relationnelle de nos m\u00e9tiers n'est pas quantifiable et donc pas quantifi\u00e9e, et tout est calcul\u00e9 comme si nous ne la faisions pas \u00bb\u003C\/i\u003E, t\u00e9moigne \u00c9milie. Ainsi, il n'y a plus de temps, plus de place pour le soin, entendu comme \u003Ci\u003E\u00ab l'attention \u00e0 autrui et aux plus vuln\u00e9rables \u00bb\u003C\/i\u003E, pr\u00e9cise Sandra Laugier, philosophe sp\u00e9cialiste du \u003Ci\u003Ecare\u003C\/i\u003E (soin). \u003Ci\u003E\u00ab \u00c0 l'h\u00f4pital, cette partie du travail qui consiste \u00e0 s'occuper d'un patient, \u00e0 prendre du temps avec lui, n'est ni reconnue, ni r\u00e9mun\u00e9r\u00e9e, ni valoris\u00e9e \u00bb\u003C\/i\u003E, observe-t-elle. Ces activit\u00e9s du \u003Ci\u003Ecare\u003C\/i\u003E ont \u003Ci\u003E\u00ab depuis toujours \u00e9t\u00e9 m\u00e9pris\u00e9es, car associ\u00e9es \u00e0 des activit\u00e9s f\u00e9minines et domestiques \u00bb\u003C\/i\u003E, rappelle la chercheuse. \u003Ci\u003E\u00ab Ce travail \u00e9tait fourni gratuitement. \u00c0 pr\u00e9sent, il s'est professionnalis\u00e9, mais il reste sous-valoris\u00e9, par rapport \u00e0 d'autres activit\u00e9s vues comme\u003C\/i\u003E \"masculines\" \u00bb.\u003C\/p\u003E\u003Cfigure\u003E\u003Cimg style=\"max-width:100%\" src=\"http:\/\/newsnet.fr\/img\/newsnet_169272_d2ea94.jpg\" \/\u003E\u003Cfigcaption\u003E\u003Cb\u003ELe 14 f\u00e9vrier, \u00e0 Paris.\u003C\/b\u003E\u003C\/figcaption\u003E\u003C\/figure\u003E\u003Cp\u003EPour la philosophe, la crise \u00e9cologique nous oblige \u00e0 remettre ces activit\u00e9s du soin au cœur de nos soci\u00e9t\u00e9s : \u003Ci\u003E\u00ab Une soci\u00e9t\u00e9 \u00e9cologique prend soin du monde, et donc prend soin de ses citoyens,\u003C\/i\u003E affirme-t-elle. \u003Ci\u003EUn authentique souci \u00e9cologique va de pair avec une attention et un soin aux membres les plus vuln\u00e9rables - enfants, personnes \u00e2g\u00e9es - de la soci\u00e9t\u00e9 \u00bb.\u003C\/i\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Cul\u003E\u003Cli\u003E\u003Cb\u003EEN PHOTO, LA MOBILISATION DES PERSONNELS DE SANT\u00c9\u003C\/b\u003E\u003C\/li\u003E\u003C\/ul\u003E\u003C\/p\u003E\u003Cp\u003E\u003Ca href=\"http:\/\/reporterre.net\/Les-travailleurs-du-soin-malades-du-neoliberalisme\"\u003Ereporterre.net\u003C\/a\u003E\u003C\/p\u003E","_links":[]}}