Le géant pharmaceutique Gilead, qui cristallise des critiques depuis le début de l'épidémie de Covid-19, a fixé le prix de son antiviral remdesivir à 390 dollars par doses aux Etats-Unis et dans les pays développés.
L'antiviral remdesivir, jusqu'à présent présenté comme le seul à avoir démontré une efficacité contre le Covid-19 dans des essais cliniques, sera vendu 390 dollars (environ 348 euros) par doses aux Etats-Unis et dans les pays développés, a annoncé la multinationale Gilead dans un communiqué, le 29 juin. Le prix, a assuré le laboratoire dont le siège est en Californie, sera nettement inférieur dans les pays en voie de développement grâce à des partenariats avec des fabricants de médicaments génériques.
La durée moyenne d'un traitement au remdesivir contre le Covid-19 est estimée par le laboratoire à cinq jours avec six doses administrées, pour un coût de 2 340 dollars (2 090 euros environ) par patient.
«En prenant l'exemple des Etats-Unis, une sortie d'hôpital précoce entraînerait des économies d'environ 12 000 dollars [10 714 euros environ] par patient», justifie le laboratoire dans son communiqué, précisant que l'«étude NIAID» avait prouvé que les patients traités avec l'antiviral se rétablissaient en moyenne quatre jours avant les autres malades.
Bernie Sanders dénonce la «cupidité» de Gilead
Cependant, les entreprises de cette société ne sont pas du goût de tous aux Etats-Unis : «Leur cupidité doit être stoppée», a notamment tweeté l'ancien prétendant à l'investiture démocrate Bernie Sanders à l'égard du laboratoire.
Their greed must be stopped.
Le sénateur socialiste du Vermont s'est indigné que cette société vaille «désormais plus de 15 milliards de dollars de plus qu'avant la pandémie», par la prévision «d'énormes profits en facturant plus de 3 000 dollars pour un médicament qu'ils avaient déjà développé il y a des années». Business Insider rapporte de fait que la société pharmaceutique a vu sa capitalisation augmenter de 15, 7 milliards de dollars (13,98 milliards d'euros), depuis le début de la crise du Covid-19.
En France, le professeur Didier Raoult, promoteur d'un traitement à l'hydroxichloroquine contre le Covid-19 ( dont l'efficacité n'est pas reconnue selon plusieurs études internationales sur lesquelles se base l'OMS), a lui aussi directement mis en cause le géant américain lors de son audition par les députés le 24 juin : «Moi, j'ai été surpris de voir que le directeur de Gilead, devant le Premier ministre et devant le président de la République, tutoyait celui qui était en charge des essais thérapeutiques en France pour le Covid-19», a-t-il déclaré, évoquant un «écosystème» entre le laboratoire et certains scientifiques «dans lequel la vision qu'on a du monde est différente».
Il a par ailleurs invité les élus à se pencher sur le «listing» des infectiologues ayant des «conflits d'intérêts» avec le laboratoire et a dit n'avoir jamais vu un tel niveau «d'influence d'une seule compagnie» à l'occasion de cette crise.
Vers une autorisation de mise sur le marché en Union européenne ?
Initialement développé contre la fièvre hémorragique Ebola, le remdesivir, a été autorisé dans les cas d'urgences pour les malades du Covid-19 aux Etats-Unis, puis au Japon.
«Le remdesivir est le premier médicament contre le Covid-19 à être recommandé pour autorisation dans l'UE», a annoncé dans un communiqué l'Agence européenne des médicaments (EMA), le 25 juin. L'agence suggère d'utiliser ce médicament chez les adultes et les adolescents à partir de 12 ans, souffrant de pneumonie et ayant besoin d'un supplément d'oxygène, c'est-à-dire ceux «atteints d'une maladie grave».
La Commission européenne doit rendre dans les jours qui viennent une décision sur la mise sur le marché conditionnelle de l'antiviral.
L'efficacité relative du remdesivir a été mise en évidence par un essai clinique de l'Institut des allergies et des maladies infectieuses (NIAID) américain, sur un millier de malades dans 10 pays et dont les résultats ont été publiés dans le New England Journal of Medicine, le 23 juin.
Selon l'étude, le remdesivir, injecté quotidiennement par voie intraveineuse pendant 10 jours, a accéléré le rétablissement des malades hospitalisés du Covid-19, par rapport à un placebo : 11 jours contre 15 en durée médiane. Mais, ont conclu les auteurs, «il est clair qu'un traitement antiviral ne sera sans doute pas suffisant à lui seul». Ils ont, en outre, jugé que l'antiviral se révélait plus efficace si il était utilisé avant que le malade ne sois placé sous respiration artificielle.
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