C'est là qu'il y a 40 ans, le parti communiste a décidé d'expérimenter les réformes et les ouvertures qui permettraient à l'économie socialiste de s'insérer dans le marché mondial. Le président Xi Jinping s'est rendu dans la ville pour célébrer cet anniversaire. Aujourd'hui, ce village de pêcheurs, devenu l'usine du monde et un atelier/laboratoire de haute technologie, doit assurer à Pékin le leadership dans les technologies de demain, dont Washington essaie de l'écarter.
Xi Jinping dépose une corbeille de fleurs aux pieds de la statue du défunt leader Deng Xiaoping au parc Lianhuashan de Shenzhen le 14 octobre 2020. Photo Xinhua
BEIJING - Shenzhen est l'endroit où la nouvelle Chine a commencé. Ici, en 1980, le Parti communiste a décidé d'expérimenter les « réformes et ouvertures » qui permettraient d'introduire l'économie socialiste dans le marché mondial, de transformer le Dragon en une superpuissance industrielle et de mettre les citoyens sur la voie de la prospérité. Quarante ans plus tard, alors que la renaissance nationale est à mi-chemin, Xi Jinping est venu à Shenzhen pour célébrer l'anniversaire des réformes, dans lesquelles son père Xi Zhongxun, fonctionnaire local, a joué un rôle central, mais aussi pour marquer le début d'une nouvelle époque, dont la métropole du sud doit être un modèle. « Le monde connaît de grands changements jamais vus depuis un siècle », a déclaré le président chinois à un auditoire masqué de 800 fonctionnaires et entrepreneurs réunis pour l'occasion, en utilisant une formule qui fait allusion, sans le mentionner, à la grande confrontation avec les USA. Un affrontement dans lequel la mission de Shenzhen, village de pêcheurs devenu l'usine du monde puis un laboratoire de haute technologie, foyer de Huawei, Tencent et de nombreux autres champions du numérique, est d'assurer le leadership de la Chine dans les technologies de demain, dont Washington tente de l'éliminer.
Cela ne signifie pas que les termes clés des 40 dernières années, à savoir les réformes et les ouvertures, soient dépassés. Dans les discours prononcés lors du voyage de trois jours dans le Sud, Xi a repris cette leçon, rendant explicitement hommage à la mémoire du leader Deng Xiaoping (et omettant de mentionner son père Xi Zhongxun, si ce n'est indirectement). La volonté de réforme demeure, bien que dans le vocabulaire du président ce mot ne signifie pas l'adhésion aux modèles occidentaux, mais l'efficacité de la machine Parti-État. L'ouverture sur le monde demeure également, car la Chine doit encore vendre ses produits sur le marché mondial et importer des compétences et des innovations. Mais à côté de cela, et face au « contre-courant anti-mondialisation », au « protectionnisme et à l'unilatéralisme » des boycotts usaméricains, il y a un nouvel impératif clé, la recherche de l'autosuffisance : « Nous devons marcher sur la voie d'un niveau d'autosuffisance plus élevé », a déclaré Xi mardi, en visite dans une entreprise de fabrication de puces. Ce n'est pas du tout un choix aléatoire, comme dans chaque apparition publique du président, car les microprocesseurs sont l'un des domaines où le retard de la Chine, et donc sa vulnérabilité, sont les plus évidents.
La zone de Shekou, à Shenzhen, pendant les travaux de construction au début des années 1980...
et aujourd'hui
Selon les analystes, ce voyage du président à Shenzhen est une anticipation plastique et une illustration de ce qui sera discuté dans une dizaine de jours à Pékin lors de la cinquième session plénière du Parti, qui fixera les lignes générales du prochain plan économique quinquennal du pays, 2021-2025, période décisive pour la réussite, ou l'échec, du rêve de « rajeunissement national » promu par Xi. L'un des axes du plan sera le concept de « double circulation » : entre les deux moteurs du développement chinois, les exportations et la consommation intérieure, le second devra être renforcé, rendant le pays moins exposé aux turbulences internationales. Et pour la même raison, le deuxième axe du plan, il sera nécessaire de multiplier les efforts pour développer les technologies clés chez nous afin de maintenir la centralité de la Chine dans les chaînes de production mondiales et d'assurer son leadership dans les secteurs clés de demain. Cela signifie la recherche de l'autarcie dans les matières premières essentielles, industrielles et agricoles, mais surtout de nouveaux investissements milliardaires dans des secteurs tels que le cloud, l'intelligence artificielle, les télécommunications et les puces, vers lesquels des milliers d'entreprises chinoises se convertissent déjà, anticipant les riches stimulants de l'État qui viendront.
C'est là qu'on retrouve le rôle de Shenzhen, à qui Xi, durant sa visite, a promis de nouveaux privilèges réglementaires, une mise à jour du statut économique spécial qui l'a rendue grande et riche au cours des 40 dernières années. La métropole aura droit à une utilisation plus libre des terrains, pour la construction de logements et d'usines, mais aussi à des politiques d'attraction des talents plus ouvertes. Shenzhen est le symbole de la capacité d'entreprendre et d'innover de la Chine, c'est un laboratoire de technologies et de leur application à la société, la Silicon Valley et Big Brother 2.0, l'alter ego urbain et géographique de Pékin dans le Sud profond, mais elle doit aller plus loin, en absorbant dans son développement (la zone de la Grande Baie) également Hong Kong et en réduisant ainsi le rôle de cette dernière. Elle doit devenir, selon Xi, « une zone pilote du socialisme aux caractéristiques chinoises, un exemple pour les villes d'un pays socialiste moderne ». Elle doit montrer que la Chine est forte, qu'elle peut résister aux boycotts usaméricains, qu'elle peut s'en sortir seule. La ville qui a ouvert la Chine au monde doit maintenant la protéger de ce monde.
Courtesy of Tlaxcala
Source: rep.repubblica.it
Publication date of original article: 17/10/2020