09/07/2022 mondialisation.ca  25 min #211804

Il y a 60 ans, « la révolution algérienne »

60 ans d'indépendance Etat des Lieux

Par  Chems Eddine Chitour

Articles Par :  Chems Eddine Chitour

«Force-les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu'ils se haïssent, jette-leur du grain." Antoine de Saint-Exupéry

«La lutte pour l'indépendance, c'est l'épopée! L'indépendance acquise, c'est la tragédie.»

Aimé Césaire

Résumé

Nous sommes à la veille de la commémoration du 60e anniversaire, Un premier miracle, l'Algérie n'a pas disparu, elle n'a pas été reshapée.. Elle a résisté jusqu'à présent au post colonialisme, aux printemps arabes. Elle organise à la façon d'un pays développé les Jeux Méditerranéens d'une façon professionnelle. Elle profite de l'embellie due au prix du pétrole et du gaz qui lui permettrait d'après l'aveu difficile du FMI une rente de Dame Nature de 58 milliards de dollars reculant le spectre de l'ajustement structurel Tout les signaux sont au vert ! Après le Rubicon des années 2020 et 2021 (Une rente minimale et l'épreuve du Covid au sortir d'une double décennie blanche qui nous avait fait rater notre entrée scientifique technologique économique dans le XXIe siècle

Et pourtant l'Algérie actuelle n'est pas encore sortie de l'insécurité multidimensionnelle malgré des efforts de redressement après la belle révolution du 22 février 2019 qui a montré plus que jamais que le peuple doit être acteur de son destin et par-dessus tout gouter à la liberté en luttant notamment contre toutes les ingérences par une vigilance de tout les jours non pas par des salamalecs sans lendemain mais par le savoir la connaissance et les nuits blanches. Plus que jamais nous devons nous rappeler la phrase prophétique de Mohamed Boudiaf d'un des architectes du premier novembre, un certain 29 juin 1992 il y a trente ans Parlant des pays développés occidentaux il eut ce cri du cœur : « Bache Fatouna ? Fatouna Bil al3ilm !! » Dans cette réflexion nous allons décrire à grand trait les principales étapes parcourues depuis soixante ans. Puis je décrirai ce que je crois être les chantiers importants du futur. Modèle énergétique, Hydrogène vert...

Quelques rappels de l'épopée de la Révolution

La Révolution algérienne fut en son temps une aventure humaine qui compte parmi les grandes épopées pour la liberté des peuples. Petit rappel qui permet de situer l'immense prestige de la Révolution algérienne où chaque algérien(ne) a fait son devoir mais pas seulement nous devons rassembler dans le même hommage tout les amies de la Révolution notamment européens d'Algérie mais aussi des Français et ceci pour bien faire la différence entre le pouvoir colonial et ses relais à Paris et toutes celles et ceux qui se sont engagés au nom de l'aspiration à la liberté du peuple algérien. Ceci devrait nous inciter à comprendre qu'à côté des colons possesseurs des terres, il y a avait tout un petit peuple d'Européens d'Algérie, nés en Algérie, sur même plusieurs générations, qui a quitté l'Algérie en catastrophe, aiguillonné par l'OAS. Cela a été un déchirement, l'équivalent d'un cataclysme analogue à celui qui a suivi la Reconquista et qui a vu l'afflux des Andalous, qu'ils soient musulmans ou juifs, accoster et être accueillis en Algérie. Il y eut cependant des Français qui sont restés et ils ont continué à vivre sans problème dans le pays.(1)

A l'Indépendance, nous étions tout feu, tout flamme et nous tirions notre légitimité internationale de l'aura de la glorieuse Révolution de Novembre. La flamme de la Révolution s'est refroidie en rites sans conviction, pour donner l'illusion de la continuité. Mieux encore, le moteur de la Révolution qu'était le FLN a été confisqué au profit d'une caste Pourtant, de par le monde, tous les partis uniques ont fait leur mue ou on disparu! Pour le regretté Boudiaf: «Le FLN est mort en 1962.» Le FLN qui a rempli son immense tâche historique qui a abouti à l'indépendance est la propriété de tous les Algériens sans exclusive

Ce qui aurait pu être l'Algérie post-indépendance

Le faux départ de 1962 a fait détourner le fleuve selon la belle expression de Rachid Mimouni. Sans faire de procès nous allons expliquer que la marche de la révolution aurait pu être tout autre si les dispositions de la Plate-forme du Congrès de la Soummam conçus par Abane Ramdane et Larbi Ben Mhidi, ont été appliquées. En fait, Quelques jours après l'indépendance, Ben Bella et Boumediene foncent sur Alger avec une force de frappe en canons qui n'avaient pas servi contre l'adversaire mais qui ont pris du service contre les moudjahed qui n'avaient que leur courage pour se battre. On connait la suite un pouvoir sans partage, une constitution adoptée à la hussarde comme l'a dénoncé Ferhat Abbas dans sa fameuse lettre de démission de la présidence de l'assemblée. Un FLN qui avait terminé sa mission historique mais qui fut annexé par les gouvernants. successifs.

Ce faux départ de l'Algérie est-ce une singularité? Il faut bien en convenir les décolonisations furent bâclées. L'Algérie n'échappe pas à la règle. Pourtant deux pays ont su intelligemment négocier le virage de l'indépendance en ne se vidant pas le pays de ses élites européennes. Il s'agit de l'Afrique du Sud et à un degré moindre la Tunisie. Pourtant si les dirigeants avaient eu la sagesse de s'inspirer de du texte fondateur de la Plate-forme de la Soummam réalisée dans des circonstances extraordinaires pour l'émergence de la démocratie, des droits de l'homme et aussi de l'alternance On en serait pas là !

Que prônait le Congrès de la Soummam? nous lisons :

« La lutte engagée est une «lutte pour la renaissance d un État algérien sous la forme d'une République démocratique et sociale garantissant une véritable égalité entre tous les citoyens d'une même patrie, sans discrimination. La ligne de démarcation de la Révolution ne passe pas entre les communautés religieuses qui peuplent l'Algérie, mais entre d'une part, les partisans de la liberté, de la justice, de la dignité humaine, et, d'autre part, les colonialistes et leurs soutiens, La citoyenneté algérienne signifie que l'Algérie de souche Européenne aura les mêmes droits et les mêmes devoirs que l'Algérien de souche autochtone, sur les plans politiques et civique dans le cadre d un état Algérien unitaire Cela n implique pas la négation des caractéristiques culturelles spirituelles et morales des Algériens de souche Européenne» (2).

On sait aussi que dans les Accords de Evian n'avaient pas prévu un exode aussi brutal. De fait tout s'est joué pendant les trois mois à partir du 19 mars 1962. Il eut comme on le sait une politique de la terre brûlée qui a tout fait pour élargir le fossé entre les communautés. Benyoucef Ben Khedda ancien président du GPRA regrettait que le chaos provoqué par l'OAS mais aussi par la prise de pouvoir violente de juin-septembre Il écrit : « (...) Lorsqu'une crise éclate dans un pays qui possède des structures, ce pays vit sur des réserves et sur son organisation et le conflit reste limité au sommet jusqu'à sa solution. Chez nous venant après tant de bouleversements le vide politique est aggravé dans certains endroits par un vide d'organisation sociale. L'action de certains dans les grandes villes surtout, à l'encontre d'étrangers, d'Européens dans le pays à besoin, de Français dont la présence est conforme aux Accords d'Evian nous cause un grave préjudice sur le plan moral et économique et risque de faire baisser le prestige de notre révolution à l'extérieur» (3)

L'écrivain Amine Maalouf membre de l'Académie française, ne dit pas autre chose dans son ouvrage : «Le naufrage des civilisations». Beaucoup de pays ont pu se développer quand ils ont fait preuve de lucidité pour rassembler les ethnies qui vivaient à un moment donné de l'histoire en bonne intelligence dans le même pays où ils sont nés.

«Je suis persuadé, écrit-il, que la bonne attitude en la matière c'est celle qu'a adoptée un autre grand dirigeant du continent africain : Nelson Mandela. Quand après avoir passé 26 ans de sa vie dans les geôles du régime ségrégationniste, il était sorti triomphant et s était retrouvé président de l'Afrique du Sud, il ne s'est pas demandé si les Blancs l'avaient soutenu lors du combat pour la libération. S'ils s'étaient départis de leur arrogance de colons et de leur sentiment de supériorité et s'ils avaient donc mérité de faire partie de la nouvelle nation. C'est une toute autre interrogation qu'il avait à l'esprit. Mon pays se porterait-il mieux si les Afrikaners y restaient au lieu de s en aller? Et la réponse lui paraissait évidente : pour la stabilité de l'Afrique du Sud, pour sa santé économique, pour le bon fonctionnement de ses institutions, pour son image dans le monde, il valait mieux retenir la minorité blanche quel qu'ait pu être son comportement jusque-là. Et le nouveau président fit ce qu'il fallait pour encourager ses ennemis d'hier à ne pas déserter son pays (4).

Amine Maalouf poursuit :

« On pourrait dire exactement la même chose de l'expulsion des musulmans et des juifs par les rois catholiques au lendemain de la prise de Grenade en 1492. A cause de cette mesure dictée par l'intolérance et la suffisance, l'Espagne se verra incapable de tirer les bénéfices de sa conquête des Amériques ; Elle mettra 500 ans à rattraper son retard sur les autres nations européennes (..) Que de pays ne s en sont jamais remis!» (4)

L'Algérie n'a pas eu son Mandela ! Elle a subi comme l'écrit si bien Aimé Césaire ; après l »épopée, la tragédie de la division pour une lutte sans merci pour le pouvoir.Si on doit faire brièvement un inventaire de cette période, la confiscation de la volonté du peuple a commencé avec le hold up du bureau politique légitimées par les canons de l'armée des frontières la période Boumediene vit une séquestration des libertés, les adversaires étaient réduits au silence. De ce fait, dès le départ il y eut un déficit de légitimité en face d'un peuple harassé par près de huit de malheur qui en avait plus qu'assez avec le fameux cri du coeur » Sab »a sinine barakat ». » Sept ans de malheur cela suffit ».

Cependant, si nous ne devons pas oublier et si le devoir d'inventaire de cette période est toujours d'actualité avec l'ancienne puissance coloniale, nous ne pouvons pas l'incriminer chaque fois que nous échouons dans la plus pure tradition de la théorie du complot Nous devons faire notre mea culpa L'indépendance nous a donné l'illusion que tout était permis, la misère morale et matérielle devait faire place à la liberté de parole, de travailler, bref, de donner la pleine mesure de son talent. Les espoirs furent rapidement confisqués par des dirigeants qui jouèrent le même rôle que l'ancien occupant tout en s'éliminant mutuellement

La période 1965-1978 avec Boumediene a démarré par la prise de pouvoir brutal mais il faut reconnaitre que l'Algérie malgré ses faibles moyens humains et matériels avait une vision notamment avec les trois plans triennal et quadriennal. Il serait honnête de reconnaître que des dizaines d'usines furent construites, l'Algérie tentait de se faire une place. La nationalisation des hydrocarbures, la construction de la trans-saharienne et aussi le Barrage vert dont on découvre les vertus trente ans après, furent des réussites L'essentiel de l'outil de raffinage date de cette période. Ensuite la période 1979-1992 avec le président Chadli, nous avons vécu la période «euphorique» du programme anti-pénurie (PAP). Du fait d'une conjoncture favorable, le baril était à 30 dollars et le dollar à cinq francs, l'Algérie découvrait la société de consommation. Sans mérite ni valeur ajoutée Les gouvernements successifs ont détricoté minutieusement tout ce qui a été construit. Dès 1984, le retournement du marché amena l'Algérie à s'endetter pour se nourrir, la dette grimpa avec l'incurie. Ce qui amena d'abord les événements de 1988 et là encore, l'ouverture proposée par le président Chadli fut de courte durée.

En janvier 1992, l'arrivée de Boudiaf remobilisa la jeunesse qui découvrait que l'amour du pays pouvait transcender les partis. En vain. La parenthèse de l'espoir dura 165 jours. Elle donna ensuite lieu au chaos de la tragédie nationale de la décennie rouge 200.000 morts plus tard le président Zeroual eut à se battre pour maintenir l'Etat debout et se battre contre le FMI qui nous a ajusté structurellement plusieurs fois...La dernière période avec Abdelaziz Bouteflika 1999 -2019 vit une baisse progressive du terrorisme, grâce notamment aux lois discutables de la rahma Une rente insolente de plus de 1000 milliards de dollars a permit de faire du social sans création de richesse. Les constructions de milliers d'écoles, de lycées, et d'universités permirent de répondre quantitativement mais l'acte pédagogique subit une détérioration lente 2014 le prix du baril chute brutalement les réserves de changes de 192 milliards de dollars ont fondu rapidement dans un contexte ou le pouvoir a utilisé tout les subterfuges pour pouvoir durer. Nous avons rater note entrée dans le XXIe siècle La révolution tranquille du 22 février 2019 mit brutalement fin à la gabegie du 5e mandat.

Le vide constitutionnel a amené l'armée à obliger le président bouteflika à la démission. Des élections ont été le 12 décembre 2019 Le président Tebboune a été élu avec une faible participation Il est encore trop tôt pour faire le bilan de ces deux ans et demie. Les anciens responsables aussi bien politiques que dans le milieu des affaires sont rattrapés par la justice. Certains purgent déjà leur peine Une nouvelle constitution, de nouvelles élections législatives et des textes lois décrets,consolident dans les textes l'Etat de droit gravé dans la constitution.

Un partie des engagements du président sont réalisées. Des chantiers sont lancés : GaraDjebilet, Port d'El Hamadia Phosphate de Djebel Onk.. De même Il nous faut être honnête, s'il faut dénoncer vigoureusement tout les travers, force est de reconnaître que des efforts ont été faits 4000 athlètes de 26 pays présents en ce moment à Oran.En tant qu'Algérien j'avais très peur que ces Jeux Méditerranéens risquent d'être annulés car en retards pour les préparatifs. Tout a fonctionné parfaitement ! C'est une réussite de l'Algérie qui refait surface sur le théâtre du monde en maîtrisant les technologies le savoir faire avec professionnalisme. Ceci pour la partie visible de l'iceberg qu'en est il en profondeur ? Sommes nous sortis des temps morts ? Avant nous régler tout les problèmes qui freinent l'essor réel du pays ? Non !! trois fois Non !!

Le projet de société qui ne doit pas être différé

Malgré les efforts, il reste avant tout et toujours la nécessité de réconcilier les Algériens avec leur pays, leurs cultures et leur histoire. Ce chantier crucial du pays est celui du vivre ensemble puis du faire ensemble. Il pourra être adopter par étape car cet « oubli » ouvre un boulevard à tout ceux tentés par l'aventure de tenter de fracturer un pays que 132 ans de colonisation abjecte n'ont pas pu réaliser. L'étendue du pays, sa richesse en hydrocarbures et en terres agricoles, sont autant de critères de vulnérabilité. On ne laissera pas tranquille un pays de 2387 642 km² - le premier pays d'Afrique après la partition du Soudan- avec sa profondeur stratégique, son potentiel énergétique, ses différents climats... son potentiel archéologique et touristique. Si rien n'est fait en termes de consolidation de l'Etat, notamment par la mise en place d'un projet de société basé sur un désir de vivre-ensemble nous irons au devant de problèmes existentiels La quête d'un récit national consensuel, qui fait siens aussi bien Massinissa que Jugurtha que l'Émir Abdelkader et qui se réfère à un Islam de 1 400 ans fait de tolérance, devrait être revendiqué par chacun de nous de l'Est ou de l'Ouest du Nord ou du Sud. Une algérianité assumée coupera la route à l'aventure de ceux qui cherchent leur légitimité soit auprès de l'ancien colonisateur ou d'une sphère moyen-orientale installée dans les temps morts. Des pays se créent ou sont défaits au gré de la volonté des puissants.

Les regards sont braqués sur l'Algérie. Nous ne sommes pas à l'abri d'un tsunami, nos frontières sont de plus en plus vulnérables. L'Algérie a besoin de tous ses fils et filles sans exclusive. Seul un ciment puissant permettra à l'Algérie de ne pas voler en éclats. Une contribution ancienne de Maâmar Farah, mais qui n'a pas pris un pli est plus que jamais d'actualité Il écrit : « le besoin de décentralisation est impérieux dans un pays de plus de deux millions de kilomètres carrés, Il vaut mieux parler de régionalisation dont les bienfaits sont évidents. (...) Le monde pullule d'exemple d'États forts et respectables s'appuyant sur une large décentralisation qui donne aux régions les moyens démocratiques de mettre en valeur leurs potentialités et d'assurer sécurité et prospérité à leurs habitants. La nation où ils vivent où tous les Algériens vivent est un legs précieux de leurs ancêtres. Ses contours ont été tracés par le sang, depuis les époques lointaines des résistants contre les envahisseurs romain, vandale, byzantin, arabe, espagnol, turc, jusqu'à la lutte contre l'occupant français. C'est cela l'idée de l'Algérie : une idée née autour des valeurs de luttes pour l'indépendance et de combats pour la dignité. (....)?» (5)

Il parait évident que la réussite de ce challenge de l'unité ne peut totalement être réussi que dans le temps long d'autant que c'est une construction toujours recommencée et que demande une veille permanente qui doit se traduire au quotidien dans chacune de nos actions on ait en tête constamment Llame Achamle (Réconcilier, rassembler) Ce vivre ensemble que nous devons concrétiser d'une façon multidimensionnelle Ainsi à titre d'exemple l'Apport du Service national a été un facteur important dans le brassage des régions du pays. Il serait important qu'il soit toujours en première ligne De même Une distribution intelligente des lycées et des Etablissements supérieurs peut favoriser le brassage La culture, peut favoriser le brassage, le sport peut favoriser le brassage et par dessus tout le rappel permanent d'un destin commun est la meilleure antidote contre les démons de la division qui, ne nous faisant pas d'illusion est un projet de certaines officines pour problématiser l'algérianité.

Le système éducatif devrait être la prunelle de nos yeux

Un autre chantier peut être le plus important est celui de l'éducation et de la formation Une école ouverte sur l'universel, qui tourne le dos à l'irrationalité est le meilleur garant d'une formation de qualité.Le monde avance et n'a que faire de nos états d'âme et de ses combats d'arrière-garde Il nous faut former une élite républicaine en commençant par des lycées d'excellence avec des Ecoles Normales d'excellence pour la formation des enseignants. Nous ne devons pas vivre dans l'illusion que nous sommes invulnérables. Il est temps de ré-étalonner notre rapport au monde. Un maître-mot : le savoir. Si nous décidons de donner une visibilité à l'Algérie. Nous devons former l'élite dans différentes disciplines Il serait présomptueux d'en attendre des résultats dans un futur immédiat. Nous ne pouvons entrer dans le développement par effraction, c'est une lente maturation, ce sont des nuits blanches, c'est une autre Révolution qu'il faut mener en rassemblant toutes les opportunités pour déceler l'élite à tout les niveaux. La formation professionnelle ne doit pas être vue comme le réceptacle des laissez pour compte. Elle doit être un maillon entre l'Education et l'Enseignement Supérieur

Dans l'Enseignement Supérieur, l'Université devrait former des créateurs de richesse et pas seulement des demandeurs d'emplois. Cependant quelle que soit la santé financière, il nous faut former une élite. Le campus de Sidi Abdallah à Alger devrait pouvoir avoir toutes les sollicitudes en termes de moyens. L'élite formée dans de bonnes conditions devrait pouvoir permettre de donner la pleine mesure de son talent en étant sécurisée du point de vue de l'emploi. Il nous faut former chaque année des dizaines de milliers d'informaticiens, d'ingénieurs en intelligence artificielle/an. Les écoles d'intelligence artificielle et de mathématiques devraient être complétées par les autres concernant les autres domaines. C'est le cas de la nanotechnologie l'informatique, de la robotique, de l'électronique, de la transition énergétique (ITEER)... ll faut mettre en place un campus de l'intelligence à Sidi Abdallah où nous devons former les futures troupes scientifiques capables de répondre d'une façon appropriée aux différentes challenges et agressions d'un nouveau type, où vous ne voyez plus votre adversaire «à l'ancienne». (6)

Un Haut Conseil de l'Energie Boussole stratégique

La configuration mondiale notamment de l'énergie des changements climatiques catastrophiques nous incitent à avoir une stratégie. Certes le Haut conseil d l'Energie a té créé ? Pour le rendre opérationnel il est plus que nécessaire qu'il soit adossé à un centre de réflexion sur la stratégie flexible et constamment adaptable de l'Algérie d'ici 2030 et même 2050. Ce qui implique une coordination des ministères concernés l'énergie, la transition énergétiques, l'environnement l'eau, l'agriculture et l'Enseignement supérieur. C'est une boussole qui permettra au Haut Conseil de l'Energie de décider en connaissance de cause S'il faut se féliciter que pour la première fois l'Algérie renoue avec les projets des années 70 avec le complexe phosphate, le port central et le complexe de Gara Djebilet ce qui est une prouesse après une léthargie de plus de 40 ans, Le chantier de la Transition énergétique gagnerait à être revitaliser en étant lucide quant à la rente passagère. Le kWh solaire moins cher que le kWh thermique,tout retard est de fait un gaspillage voulu du gaz naturel

De plus il parait de plus en plus que la Révolution de l'hydrogène vert va structurer l'énergie dans le futur. Nous ne devons pas perdre de temps. De plus le dossier des économies reste entier C'est le cas des textes visant les économies d'énergie dans l'habitat, dans les normes avec le Commerce et avec le transport et l'industrie s'agissant du plan sirghaz (GPL) et dual gaz et aussi de la locomotion électrique qui s'imposera de plus en plus et que nous avons intérêt à mettre en œuvre.

Nous devons connaitre nos intérêts : Nécessité d'un aggiornamento

S'agissant de nos rapports avec la France, notamment en ce qui concerne le rappel lancinant de l'exode brutal des européens d'Algérie qui avaient le choix entre la valise ou le cercueil, il est bon de rappeler ceci : « Dans une contribution à ce propos, Aurel et Pierre Daum expliquent que les Algériens ne sont pas rancuniers et que si les Européens sont partis (..) Si la raison véritable de cet exode massif n'était pas le risque encouru pour leur vie et leurs biens, qu'y a-t-il eu d'autre? (...) La grande majorité des pieds-noirs a quitté l'Algérie non parce qu'elle était directement menacée, mais parce qu'elle ne supportait pas la perspective de vivre à égalité avec les Algériens! Nous vivions de facto avec un sentiment de supériorité. Nous nous sentions plus civilisés. Et puis, surtout, nous n'avions aucun rapport normal avec les musulmans. Ils étaient là, autour de nous, mais en tant que simple décor. Ce sentiment de supériorité était une évidence ». (7)

Ceci écrit, l'OAS a certainement contribué à créer le chaos et que des dérapages dans cette période charnière sont à déplorer et qui se sont soldés par des pertes humaines qui ne sont pas le fait de l'ALN ou de l'embryon de gestion de la crise. Des exemples d'Européens sauvés par des Algériens existent mais sont ignorés sciemment. Le député FN qui lors de l'installation de l'Assemblée française début juillet 2022 vivant encore dans une utopie a plus parlé du « bon vieux temps des colonies » que de la réalité

Dans le même ordre de l'amnésie sélective et dans une interview Arnaud Montebourg, le président de l'Association France-Algérie nous conseille de ne pas regarder dans le rétroviseur, nous interdisant de faire l'inventaire de ce qui s'est passé en 132 ans. Ainsi et sans faire dans la concurrence victimaire il nous conseille d'effacer les six millions de morts en 132 an soit pour 48180 jours, l'équivalent de 120 morts par jour ! c'est assurément un génocide à bas bruit qui mérite mille Nuremberg ».

Arnaud Montebourg met sur le mêle plan l'agresseur sanguinaire et l'agressé. Il plaide pour la construction de projets communs entre les deux pays. «C'est en nous projetant déclare-t-il vers l'avenir, en bâtissant des projets communs que nous condamnerons le mieux l'erreur historique de la colonisation » Justement c'est de cela qu'il faut parler de ce devoir d'inventaire et de vérité évaluer et reconnaître non pas l'erreur mais la faute et discuter ensuite du contenu de la réconciliation. Il est vrai que nous avons beaucoup en partage Le président Chirac avait affirmé à l'époque qu'un Français sur dix avait des racines algérienne La France a plus besoin de l'Algérie que l'Algérie de la France Il est vrai aussi que dans la tourmente économique de la mondialisation, la globalisation sans morale la réorganisation du monde les défis climatiques sont autant de défis pour les deux pays qui peuvent les appréhender dans l'égale dignité des peuples. Nous pouvons inventer un nouveau dialogue, il faut pour cela être à deux. Si la France des «droits de l'Homme» en théorie à portée universelle fait son aggiornamento en reconnaissant que la colonisation est une suite de déni de la personne humaine, la torture, les enfumades sont autant de crimes imprescriptibles, alors rien ne s'oppose à un nouveau départ. pour regarder vers l'avenir une fois apuré le contentieux mémoriel ». (8)

Dans ce cadre il y a un dossier d'avenir pour les deux pays et qui devra être la préoccupation majeure des gouvernants est comment rentabiliser les élites expatriées et ralentir l'hémorragie qui fait que les meilleurs s'en vont et profitent aux pays réceptacles la France et à un degré moindre le Canada « L'Algérie n'a pas d'amis ou d'ennemis, elle n'a que des intérêts permanents. disait Winston Churchill. Nous aurons de plus ne plus de par la réalpolitk a tenir avec nos principes aussi respectables soient Ils Si au long de ces 60 ans d'indépendance nous avons montré que nous pouvons être résilients face au gouvernement du monde aux alliances qui se font et défont, peut être qu'il faille faire un aggiornamento pour redéfinir nos relations. A titre d'exemple, devons-nous continuer à faire porter la faute originelle de leurs pères aux enfants des harkis ? Ce sont des dizaines de milliers de jeunes Français, avec des racines algériennes. Allons-nous leur tourner le dos et ne pas répondre à leur désir de garder le lien avec l'Algérie de leurs pères? N'est-il pas venu le moment de lancer justement une réflexion sur le futur Imaginons que nous arrivons à regarder ensemble vers une coopération avec ces jeunes qui, sans avoir connu les affres de la guerre, souhaitent garder le lien avec le pays de leurs aïeux. (9)

Conclusion

Que reste-t-il de ce feu sacré qui animait l'Algérie au sortir de l'Indépendance? La révolution des Pères fondateurs doit être pour les jeunes une source de ressourcement Tout le miracle consiste à faire émerger une autre Révolution celle de de l'intelligence. Il nous faut chaque fois réinventer le sens de l'Indépendance nationale. Notre mimétisme de l'Occident ne concerne que la dimension consommation et non dans celle du travail, de l'effort, de l'intelligence et de l'endurance; L'Algérien veut, sans effort, tout et tout de suite. Nous donnons un très mauvais signal en distribuant la rente sans contrepartie, en termes de travail et de création de richesse N'est-il pas venu le moment de voter pour la vérité celle d un cap vers le futur nous devons en tirer les leçons dans notre rapport au monde dans ce XXIe siècle de tous les dangers. Nous devrons procéder à une déconstruction sans état d'âme de tout ce qui n'a pas marché, tenir compte de l'environnement international en continuelle reconfiguration où les ennemis d'hier sont les amis d'aujourd'hui Le peuple algérien «vacciné» contre les «ismes», socialisme de la mamelle, islamisme, capitalisme sauvage, et plus généralement dirigisme, souhaite être acteur de son destin.

Le nouveau langage n'est plus celui des armes classiques mais celui de la technologie du Web2.0, des nanotechnologies, du génome, de la lutte contre le réchauffement climatique et des nouvelles sources d'énergie du futur. Il faut tourner le dos à la rente, qui a fait de nous des paresseux Il faut faire émerger de nouvelles légitimités basées sur le savoir, bien dans leurs identités, pétries de leur histoire et fascinées par le futur. C'est un fait, nous avons des difficultés à être nous-mêmes et à réveiller la flamme du patriotisme que chacun, à des degrés divers, rêve de voir réanimer pour montrer que l'Algérie renaît chaque fois de ses cendres, Nous devons encore de tracer un destin pour ce pays. Ce peuple n'a pas besoin du m'as-tu-vu Le langage du parler vrai avec une justice de tout les instants pourra le remobiliser. Notre pays pourra alors libérer les énergies en réhabilitant les valeurs du travail, de l'effort et du mérite. Il n'y a pas d'autre issue. Le célèbre écrivain Antoine de Saint-Exupéry écrivait notamment: : «Force-les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu'ils se haïssent, jette-leur du grain." Saint-Exupéry nous met en garde contre la distribution d'une rente éphémère sans contrepartie. Nous pensons à tort que l'assistanat est générateur de paix sociale, rien n'est moins vrai. S'il existe des franges de la population qui méritent des aides ciblées. Nous devons arrêter de distribuer des subventions qui à 80 % profitent aux classes aisées, notamment dans l'énergie et l'eau qui vont nous amener à des situations intenables, si non ne met pas en place une stratégie de production d'énergie et de maîtrise de consommation. Cette stratégie sera la véritable boussole du pays et donnera alors son importance à la pertinence du Haut Conseil de l'Energie.

Nous avons plus que jamais besoin de nous mobiliser autour d'une utopie Mutatis mutandis, nous devons faire naître au sein de la jeunesse le désir d'être utile et d'être acteurs de leur destin, ce désir de construire, de se sentir responsable de l'avenir du pays et ceci par par des chantiers permanents. Le développement du Sud dans ses multiples dimensions : utilisant les énergies renouvelables, développant l'agriculture, créant des villes nouvelles autant de chantiers qui créeront une nouvelle utopie., celle de faire du Sahara une nouvelle Californie. Avec son Kararna taemime el mahroukate » Nous avons décidé de nationaliser nos ressources en hydrocarbures » Boumediene a mobilisé les jeunes universitaires du Service National Ce fut la création de Sonatrach par des ingénieurs trentenaires, le barrage vert, la transsaharienne. Les 1000 villages qui devaient remplacer les 10.000 villages brûlés au napalm. Si on explique aux Algériens la politique de grands travaux de la transition énergétique, la transsaharienne électrique le Sud « agricole » je suis convaincu que nous pourrions aller vers le développement durable avec la mobilisation de chacun, de l'écolier à l'imam au ministre.

Pour terminer à l'occasion de la fête de l'indépendance Le président pourrait amorcer la pompe du dialogue en réduisant les peines des détenus d'opinion Ce serait un beau geste qui montrerait que l'Algérie commence à maîtriser son destin pour barrer la route à l'aventure de ceux qui cherchent leurs légitimités à l'extérieur. La démocratie participative devrait de plus en plus être le cap.. Pour cela donner l'exemple et parler vrai et la seule façon de mobiliser à cette jeunesse en capable d'aller à la conquête du monde avec des réflexes de vainqueurs. Bonne fête aux Algériennes et Algériens. De grandes espérances sont à notre portée Nous allons enfin réhabiliter le travail bien fait et la satisfaction d'avoir accompli sa part du bien commun que représente cette immense Algérie qui nous tient tant à coeur  !

Professeur émérite Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

Note :

1.Chems Eddine Chitour   www. lexpression. dz/chroniques/l-analyse-du-professeur-chitour/les-oublies-de-lhistoire-288660

2.Lettre du FLN aux Européens d Algérie ; Journal El Moudjahid janvier 1961

3.Benyoucef Ben Khedda : L'Algérie à l'indépendance, la crise de 1962. Editions Dahlab. p. 155, 1997

4.Amine Maalouf le naufrage des civilisations p 49 2019 Editions Grasset Paris

5.Maamar Farah:  le soirdalgerie.com/haltes-estivales/lettre-a-un-independantiste-66493

6.  books.openedition.org  mondialisation.ca

7.Ni valise, ni cercueil. de Pierre Daum. Préface de Benjamin Stora. Ed. Média-Plus, 2012.

8.Lilia Benameur  tsa-algerie.dz 30 Juin 2022

9.C..E. Chitour:19-03-2022,  lesoirdalgerie.com  77521

Article de référence Numéro Spécial Le Soir d'Algérie page 17  lesoirdalgerie.com

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