© UNICEF/Eyad El Baba. Une jeune fille dans son abris détruit par une frappe israélienne à Deir al-Balah, à Gaza.
Par ONU Info
Source : ONU Info
Donia est allongée sur un lit d'hôpital, le corps meurtri. Elle serre dans sa main une minuscule chaussure - celle de son fils Mohammed, âgé d'à peine un an. Quelques heures plus tôt, confie-t-elle, il avait prononcé ses premiers mots. Elle ne savait pas encore que ce seraient les derniers.
Ce jeudi matin, ils étaient des dizaines à avoir fait le déplacement devant les portes de la clinique Altayara, dans l'espoir de recevoir des compléments nutritionnels. À Deir el-Balah, au cœur de la bande de Gaza, la chaleur était accablante. Donia et son bébé faisaient la queue devant ce centre de santé géré par Project Hope, une organisation américaine partenaire de l'Unicef, lorsque la foule a été touchée par une frappe israélienne.
Selon les autorités sanitaires locales, au moins 15 Palestiniens sont morts dans l'explosion, dont neuf enfants et quatre femmes. Une trentaine d'autres ont été blessés. Mohammed, lui, est mort sur le coup.
Dans un communiqué publié après l'incident, la directrice générale de l'Unicef, Catherine Russell, a dénoncé la cruauté de cette attaque. « Tuer des familles venues chercher une assistance vitale est inacceptable », a jugé la haute responsable. « Ces mères étaient venues chercher un souffle d'espoir pour leurs enfants, après des mois de faim et de détresse ».
Meurtres de femmes et d'enfants
L'armée israélienne, quant à elle, affirme avoir pris pour cible un membre du Hamas impliqué dans les attaques du 7 octobre. Mais Ravina Shamdasani, la porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits humains, s'interroge sur la légitimité de telles pratiques : « Une partie importante du nombre total de morts à Gaza sont des femmes et des enfants », indique-t-elle. « Ce constat soulève de sérieuses questions quant au respect des principes de distinction et de proportionnalité dans les attaques ».
Depuis le 27 mai, près de 800 personnes auraient été tuées à Gaza en tentant de se procurer de l'aide humanitaire, selon l'ONU. Parmi elles, 615 seraient mortes à proximité des sites de la Fondation humanitaire de Gaza, une structure soutenue par Israël et les États-Unis qui opère un système de distribution militarisé de l'aide, sans passer par les agences onusiennes. « Ces morts sont dues principalement à des blessures par balles », a précisé Ravina Shamdasani.
Du côté de l'Organisation mondiale de la santé, le porte-parole Christian Lindmeier peine à trouver les mots : « Des dizaines de femmes, d'enfants, d'hommes, de garçons, de filles sont tués alors qu'ils tentent d'obtenir de la nourriture, ou alors qu'ils se trouvent dans ce qui est censé être des abris sûrs, ou sur le chemin des cliniques de santé, voire à l'intérieur de ces cliniques - cela va bien au-delà de l'inacceptable ».
Les livraisons du PAM entravées
Parallèlement, les opérations humanitaires des Nations unies sont entravées sur presque tout le territoire.
De retour de Gaza, où il s'est notamment rendu à Deir el-Balah, le directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial ( PAM) n'a pas mâché ses mots. « La situation est pire que jamais auparavant », a affirmé vendredi Carl Skau, pour qui les besoins n'ont jamais été aussi importants - et la capacité d'action des Nations Unies aussi restreinte.
Selon les estimations de son agence, plus de 500.000 personnes souffrent actuellement de la faim dans l'enclave, et 90.000 enfants nécessitent un traitement urgent contre la malnutrition. Une personne sur trois passe plusieurs jours sans manger. « Des familles m'ont dit que certains jours, leurs enfants n'ont rien à manger », a-t-il confié. « Des mères m'ont dit qu'elles demandent à leurs enfants de ne pas jouer, pour ne pas gaspiller leur énergie ».
Quant aux déplacements forcés, ils se poursuivent à un rythme effréné. « Avant, je rencontrais des familles qui avaient été déplacées deux ou trois fois », a poursuivi M. Skau, dont il s'agissait de la quatrième visite dans l'enclave palestinienne. « Cette fois-ci, j'ai rencontré des familles qui avaient été déplacées deux ou trois fois dans les dix derniers jours ».
Dans ce contexte, les autorités israéliennes n'autorisent le PAM à acheminer qu'une fraction de l'aide nécessaire pour subvenir aux besoins de la population. Les opérations militaires s'étendent aujourd'hui sur 85 % du territoire de Gaza, rendant l'acheminement de l'aide qui parvient à passer quasi impossible. « Nos équipes passent parfois 15 à 20 heures d'affilée dans leurs véhicules en tentant d'escorter nos convois », a-t-il dit, avant de préciser que les camions du PAM manquent cruellement de carburant pour fonctionner.
Un système de santé détruit
Au milieu de la tragédie, une lueur d'espoir. Mercredi, 75.000 litres de carburant ont enfin pu entrer dans Gaza, après plus de 130 jours sans ravitaillement. « Aussi bienvenue que soit cette livraison, on ne devrait pas dépendre de nouvelles "exceptionnelles" concernant des livraisons exceptionnelles », a-t-il estimé. « Il devrait y avoir un approvisionnement régulier [...] pour maintenir en vie les ambulances, les hôpitaux, les usines de dessalement, les boulangeries... tout ce qui permet de faire tourner les couveuses ».
Aujourd'hui, 94 % des hôpitaux de la bande de Gaza sont endommagés ou détruits. Parallèlement, la famine progresse et les frappes israéliennes se poursuivent.
« Le droit international est clair », insiste Catherine Russell. « Toutes les parties au conflit ont l'obligation de protéger les civils et de garantir un accès humanitaire sûr et sans entrave ».
Sur son lit d'hôpital, Donia serre dans sa main la chaussure de Mohammed. Comme si, tant qu'elle ne la lâchait pas, son fils n'était pas tout à fait parti.
Source : ONU Info
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