11/09/2023 dedefensa.org  8min #233607

 Le philosophe et activiste social Alexandre Douguine: « Le satanisme revient à faire primer la matière sur l'esprit »

A l'ombre de Satan

 Ouverture libre

A l'ombre de Satan

• Cette époque sans précédent, qui offre le spectacle de tant de malheurs, de tant d'infamies et de tant de néantisations, a besoin d'une appréciation universelle et collective de cette situation, - où d'ailleurs elle trouverait peut-être le germe de la renaissance. • Toutes les habiletés de la raison-subvertie pour nous satisfaire par des subterfuges sont aujourd'hui abandonnées. • Ainsi réapparaissent de grands mythes et des visions qui transcendent nos réflexions. • Celle-ci, très brillante, d'Alexander Douguine sur le satanisme et son maître Satan.

Il est bien entendu évident que personne n'aurait pu prévoir raisonnablement la marche précipitée des évènements jusqu'à février 2022 et la crise ' Ukrisis', même en se plaçant du point de vue des évènements depuis février 2014 et le " coup de Kiev". Il est bien autant évident, et cela est encore plus remarquable, que nul n'aurait pu prévoir raisonnablement cette "marche précipitée" suivant une accélération supplémentaire, du point de vue de ces mêmes évènements depuis février 2022.

Il y a là un constat délicat à faire, que nous avons abordé déjà sous divers angles, et  il y a quatre jours encore, qui concerne la substance de ces évènements, leur importance fondamental, les forces qui les régissent et d'une manière générale ce que nous jugeons être leur nécessaire eschatologisation. Cette fois, nous abordons la question de la cause fondamentale de ce qui est, selon notre auteur ci-dessous, passé de l'interprétation d'un "simple" affrontement pour la souveraineté, à un ébranlement civilisationnel d'une immense grandeur, peut-être d'une grandeur inédite et inconnue dans la civilisation courante qui est nôtre, peut-être aussi colossal et important que la chute de l'Empire romain... Et encore ! Avec la différence extraordinairement aggravante d'un événement qui nous apparaît extrêmement rapide, que nous réalisons et observons quasiment en temps réel, identifié directement pour ce qu'il est ; et ce facteur essentiel de la rapidité semblant lui donner un "supplément d'âme", c'est-à-dire une métaphysique encore plus impérative, dépassant celle de la chute de l'Empire de Rome.

Notre "auteur ci-dessous", c'est Alexander Douguine, dont nous jugeons, que l'on soit ou non en accord avec lui, qu'il apporte la vision la plus ample et la plus haute, le regard du "philosophe de la spiritualité", c'est-à-dire le philosophe qui cherche l'explication centrale dans les matières les plus extrêmes dans l'ordre de l'ontologie et au-delà des interdits du rationnel. Douguine, lui aussi, chose extrêmement rare, décrit "en temps réel" des évènements eschatologiques qu'il interprète dans l'instant pour ce qu'ils sont. Alors, voici ce qu'il dit à propos de ce conflit d'Ukraine, de son évolution, de sa transformation - non, de sa transmutation, à partir de son constat radical et terrible qui structure toute sa réflexion, - ce constat que l'Occident est "monstrueux" et qu'il rompt avec une violence horrible « avec l'espèce humaine » :

« Ayant découvert que l'Occident est monstrueux et se sépare sous nos yeux de l'espèce humaine, la Russie s'en est éloignée. Un problème local, le conflit avec l'Ukraine, nous a soudain conduits à des conclusions fondamentales : l'Occident fait fausse route, il entraîne l'humanité dans l'abîme et nous devons l'affronter. C'est la nouvelle la plus importante, quelque chose d'absolument incroyable, car auparavant nous nous étions modestement limités à la lutte pour la souveraineté. »

Ainsi Douguine entame-t-il son analyse de la crise que nous connaissons en la situant aussitôt, d'ailleurs selon le thème de la conversation qui nous est proposée, à propos et selon la présence, l'influence et les pressions de Satan, - un Satan en référence à la théologie religieuse, et non plus une simple imagerie passepartout. Pour Douguine, Satan est une entité essentielle du drame cosmique que nous vivons.

On le comprend donc clairement : cette démarche de Douguine n'est pas simplement symbolique, ni une parabole, ni une analogie, ni une illustration de convenance ou un excès compréhensible de langage, elle exprime clairement et directement ce qu'elle entend décrire. C'est dire combien il est nécessaire d'avoir l'esprit ouvert et le jugement large, car son exposé sur un "concept" (?) si profondément irrationnel, nous renvoyant à la fois dans les anciens temps de la Tradition, dans les mystères de l'Unité originelle et dans des célébrations considérées comme primitives par rapport aux festivités du wokenisme, - car cet exposé-là est chez Douguine tout à fait rationnel.

Bien entendu, dans le style, les images, les perspectives, il y a le feu et la fièvre du slave et dans le regard de son âme l'immensité des horizons russes. Mais la pensée n'est pas déformée par une expression si souvent mise à l'index, qui permet dans ce cas d'autant mieux et au contraire de mesurer la puissance de la vision. On le comprend aisément lorsqu'on voit que Douguine travaille pour une part non négligeable sous le magistère de l'un des métaphysiciens les plus rigoureux, les plis férus d'une logique de fer : le Français René Guénon, qui nous a déjà averti de la présence du satanisme et du simulacre auquel il conduit.

« René Guénon, philosophe, partisan d'une société spirituelle traditionnelle, l'a appelée la Grande Parodie. C'est à cela que conduit la civilisation satanique. Si, au premier stade du matérialisme, il s'agissait de nier toute spiritualité, [...] progressivement, au fur et à mesure que cette Grande Parodie prend forme, un nouveau projet émerge : non seulement le rejet de l'Église, mais la construction d'une anti-Église, non seulement l'oubli de l'esprit, mais la création d'une nouvelle spiritualité, inversée.. »

Ainsi sommes-nous convié à cette pensée qui tient Satan comme un facteur essentiel et d'une réelle et puissante existence de la terrible réalité de notre malheur, voire, opérationnellement comme son facteur exclusif, - Satan, maître du Mal et de "notre malheur". Ne pas accepter cette hypothèse, c'est justement tomber dans le piège diabolique de cette entité qui sait si bien faire usage de son arme principale, cette "Grande-Parodie", qui est également le montage du simulacre, l'opérationnalité de cette méthode infâme avec ses narrative, toutes ces tromperies qui nous accablent, nous serrent à la gorge, qui font la circonstance essentielle, proche de la folie, de notre bataille.

La  GrandeCrise est si bien devenue elle-même, si 'Grande' dans le sens d'universel et collectif, si semeuse de malheur et de chaos, que nous avons le besoin vital d'une explication universelle et collective. Il n'y en a aujourd'hui plus aucune qui soit disponible. Plus encore, les derniers évènements ont rendu caducs, inopérants, dépassés, les divers projets universels et collectifs, réduisant à néant toute perspective sérieuse d'une organisation humaine acceptable, les remplaçant par l'actuel chaos qui est pourtant lui-même l'enfant d'efforts d'organisations humaines ambitieuses. La même chaos peut être dit, bien entendu, sur les nombreux aspects insupportables du monde actuel qui orientent le jugement vers le constat de l'existence du Mal sans en donner la moindre explication, justification, description, logique, etc.

Même l'Ukraine a joué un rôle très concret à cet égard, en relativisant complètement la symbolique jusqu'alors triomphante du 'Mal' [Hitler et le nazisme], tant utilisée et brandie avec une sorte de soulagement puisque cantonnée à une idéologie contraire au catéchisme progressiste. On n'a pas encore mesuré la catastrophe symbolique et communicationnelle qu'a constitué ce sacrilège du Camp du Bien vis-à-vis du Camp du Bien ; ce sacrilège, celui de retrouver dans les quartiers de Mister Z, personnage devenu iconique de Camp du Bien, nombre d'orientations et d'échappées vers le nazisme qui perdurent officiellement, à ciel ouvert, sans aucune difficulté, sous les applaudissements des multitudes antirusses de nos élites.

Tout cela, qui traduit une inconscience et un désordre extraordinaire de la  raison-subvertie qui prétend régenter le monde, explique que des conceptions jusqu'ici mises à l'index par le mépris et le sarcasme retrouvent la possibilité d'une exposition richement documentée. Ainsi en est-il du travail, d'une haute tenue intellectuelle, d'Alexander Douguine. Avec lui, le diable n'est plus seulement "dans les détails" ; il est bel et bien Satan, au centre d'un monde perverti, d'une civilisation aux abois et sombrant sous le poids de son infamie. Cela est remarquablement exposé par un esprit vigoureux et fiévreux, armé d'une culture dévastatrice pour le troupeau des nains qui prétendent nous mener... Nous sommes "à l'ombre de Satan" et de la  GrandeCrise.

L'intervention de Douguine se fait sous la forme d'une interview pour le magazine 'Kultura', n°3/202, du 31 août 2023. Elle est menée par Peter Vlasov selon le thème du numéro, - « Qu'est-ce qui ne va pas avec l'Occident ? ». (Version traduite  en français.)

 dedefensa.org