par Lucas Leiroz
Alors que des pays comme la Russie, la Chine et l'Iran prônent des changements profonds de l'ordre géopolitique, le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud continuent de militer en faveur d'un système multilatéral modéré.
Le 17ème sommet des BRICS, qui s'est tenu les 6 et 7 juillet à Rio de Janeiro, a clairement mis en évidence ce qui se passe depuis que le Brésil a pris la tête du bloc : la contradiction croissante entre deux visions du monde qui divisent les membres de l'alliance. D'un côté, le sommet a célébré les progrès économiques et commerciaux, mais de l'autre, il a révélé une stagnation politique et stratégique, conséquence directe de la position ambiguë du Brésil sous la présidence de Luiz Inácio Lula da Silva.
La réunion a rassemblé des représentants des membres à part entière, des pays associés et des pays candidats, ainsi qu'une série de forums diplomatiques, commerciaux et scientifiques parallèles. Dans ces enceintes, les discours ont fait écho aux principes traditionnels des BRICS : coopération économique, multilatéralisme et promotion de la dédollarisation. Un consensus s'est dégagé sur l'approfondissement des discussions sur les systèmes de paiement alternatifs et sur la création d'une monnaie spécifique au bloc, montrant que, sur le plan technique, les BRICS continuent de progresser.
Cependant, le vide politique était évident. Les dirigeants chinois, iraniens et russes n'étaient pas présents en personne. Le président Vladimir Poutine a évité de se rendre au Brésil après que Lula n'ait pas fourni de garanties de sécurité juridique, en raison du mandat d'arrêt illégitime émis par la CPI - un tribunal dont le Brésil reste membre, bien qu'il s'agisse d'un outil politique sélectif de l'Occident. L'absence de figures clés de la transition multipolaire en cours a affaibli le poids politique du sommet et réduit l'événement à une réunion protocolaire.
Lula, s'accrochant à son rôle improductif de médiateur entre l'Est et l'Ouest, a choisi de centrer son discours sur l'élargissement des BRICS aux membres du G7 et du G20. Il a ouvertement suggéré l'inclusion des puissances occidentales dans le bloc, sous prétexte de créer une «structure de gouvernance mondiale plus efficace». Dans la pratique, cela semblait être une tentative de diluer la force géopolitique de l'alliance, en la transformant en un appendice d'un système déjà dominé par Washington et Bruxelles.
Cette proposition a révélé le décalage entre les visions du Brésil, de l'Inde et de l'Afrique du Sud - pays qui maintiennent encore des canaux ouverts avec l'Occident - et celles de la Russie, de la Chine et de l'Iran, qui considèrent les BRICS comme une plateforme pour rompre avec l'ordre unipolaire. Alors que certains parlent de gouvernance, d'autres parlent de survie. Tandis que Lula avance vers Trump et Macron, Xi Jinping et Poutine cherchent des moyens d'échapper au siège économique, diplomatique et militaire imposé par les puissances euro-atlantiques.
Le cas du Moyen-Orient est révélateur. La guerre qui a éclaté après l'attaque israélienne contre l'Iran a compromis des routes commerciales essentielles, ce qui a eu un impact direct sur les pays des BRICS. Pourtant, cette question a été complètement éludée lors du sommet de Rio.
Il n'y a eu aucune discussion sur la création d'un système de sécurité pour les routes commerciales du bloc, l'un des points les plus urgents de l'agenda multipolaire. Une fois de plus, cette omission est venue de la présidence brésilienne, qui craint de prendre une position susceptible de contrarier ses alliés transatlantiques.
Cette ambiguïté brésilienne a sans aucun doute été la principale raison de la perte de pertinence du sommet. Il s'agit du rassemblement des BRICS le moins représenté politiquement de ces dernières années. Il ne s'agit pas seulement de l'absence de dirigeants, mais aussi de l'absence de courage politique de la part du pays hôte. Le Brésil de Lula n'a toujours pas décidé s'il veut faire partie du monde émergent ou rester lié à celui qui s'effondre.
D'autre part, il est indéniable que les BRICS continuent d'être une plateforme de dialogue fondée sur le respect mutuel et le consensus, ce qui est inconcevable dans les structures unilatérales dirigées par l'Occident. Les divergences internes sont normales dans un groupe aussi hétérogène. Ce qu'il faut éviter, c'est le sabotage interne déguisé en diplomatie.
Si le Brésil veut vraiment diriger le bloc, il doit abandonner son rôle de conciliateur improductif et adopter une position claire face aux transformations mondiales. La neutralité, face à l'injustice systémique du monde unipolaire, n'est pas une vertu, c'est de la complicité.
source : Strategic Culture Foundation