25/11/2020 4 articles tlaxcala-int.org  5min #182108

Affaire Giulio Regeni : l'Italie s'impatiente, Sissi continue à faire le mort

 Tommaso Ciriaco
 Giuliano Foschini

Le Premier ministre italien : l'Égypte a deux semaines pour collaborer. Les Affaires étrangères : c'est le Premier ministre qui gère. La Commission d'enquête : en l'absence de tout signal égyptien, il faut rappeler notre ambassadeur

Un appel téléphonique dans la matinée entre le Premier ministre italien, Giuseppe Conte, et le président égyptien, Abdel Fattah Al Sissi. Avec un message très clair : « Il n'y a plus de temps ». La vérité sur l'enlèvement, la torture et la mort de Giulio Regeni se trouve à un carrefour crucial, presque 5 ans après ce 25 janvier 2016 où Giulio a disparu dans le néant au Caire. Le Procureur de Rome a en effet clos l'enquête sur le meurtre : d'ici le 4 décembre, date d'expiration des délais imposés par la loi, le procureur Sergio Colaiocco notifiera aux cinq agents de l'Agence de Sécurité Nationale, le service secret civil égyptien, accusés de l'enlèvement de Giulio, l'avis de clôture de l'enquête. Il le fera en dépit du fait qu'au cours de ces mois, la coopération égyptienne promise n'est jamais arrivée. Il le fera même si, à ce jour, nonobstant les engagements, les adresses des 5 agents auxquels notifier l'avis de clôture n'ont même pas été communiquées par l'Égypte, pas plus que les actes de ces 5 années d'enquête du côté égyptien, qui permettraient de documenter, au-delà de tout doute raisonnable, la responsabilité d'au moins 4 agents de la NSA.

C'est ce que Conte a expliqué à Al Sissi hier matin : « Il n'y a plus de temps », plus de dérobade possible, l'Egypte est à la preuve finale des faits : après avoir détourné, entravé l'enquête pendant toutes ces années, maintenant le gouvernement de Sissi va devoir décider s'il va offrir une marge, même minime, à l'Italie. Ou bien s'il va montrer ce qui était déjà évident depuis longtemps : malgré les promesses et les mensonges répétés hier (« Je sais que les rencontres entre les procureurs ont été fructueuses », a déclaré Sissi) il n'a aucune intention de coopérer au procès sur la mort de Giulio qui, inévitablement, se transformera en un procès non seulement contre cinq agents, mais, devant toute l'Europe, contre le gouvernement d'un pays accusé d'avoir tué un innocent doctorant italien de l'université de Cambridge.

-Nous voulons la vérité
-Nous sommes une dictature militaire
-Jure-le

Dessin de Mauro Biani

Au Palais Chigi (siège de la Présidence du Conseil), on connaît le risque auquel on s'expose Et, pour cela, ils sont toujours convaincus que d'ici le 3, ils pourront obtenir quelque chose. L'élection de domicile (pour le procès) serait un tout petit pas, mais toujours un geste en direction des alliés du gouvernement et de l'opposition. Conte est seul dans ce jeu : hier encore la Farnesina (ministère des Affaires étrangères) a fait remarquer que la communication avait eu lieu entre « présidents », sans avoir prévenu les ministères, et que c'est « Chigi » qui gère l'affaire. Tout comme l'été dernier, on avait signalé de toutes parts que la vente de frégates à Al Sissi était personnellement entre les mains de Conte. Il y a d'autres détails indicatifs de ce terrain glissant : ce n'est pas notre Premier ministre qui a fait connaître l'appel téléphonique d'hier, mais la nouvelle est venue du Caire, des bureaux de Sissi. Les premières voix qui se sont élevées, une fois que la nouvelle a été rendu publique, ont été celles de la majorité. « Conte doit immédiatement informer les citoyens du contenu de l'entretien avec Sissi », a déclaré la députée Giusy Occhionero. « Nous prenons une trop grande responsabilité : nous n'avons pas rappelé l'ambassadeur pour consultations », a expliqué hier soir un ministre, « faisant confiance aux Égyptiens. S'ils nous claquent la porte au nez, comment nous justifierons-nous ? » L'inquiétude règne également dans les milieux du renseignement où l'on attend les prochaines décisions concernant Patrick Zaki, l'étudiant égyptien qui étudiait à Bologne, détenu au Caire maintenant depuis 9 mois pour des raisons politiques : Zaki faisait partie de l'Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), dont les dirigeants ont été arrêtés ces jours-ci en Égypte. « Un geste d'apaisement est possible dans les prochaines heures sur ce front », a dit quelqu'un.

La question de Zaki est différente de celle du meurtre de Giulio. « C'est une voie obligatoire : nous avons besoin d'une réaction claire de l'Italie si rien ne se passe ces jours-ci. Le rappel de l'ambassadeur me semble évident, mais il nous faut aussi autre chose », déclare le président de la commission d'enquête sur la mort de Giulio, Erasmo Palazzotto, député de Liberi e Uguali (gauche gouvernementale).

La famille Regeni attend de voir ce qui va se passer : ces dernières semaines, elle a répété à plusieurs reprises sa déception face au comportement du gouvernement et la nécessité d'un rappel de l'ambassadeur pour envoyer un signal. Avec en tête un seul objectif : la vérité et la justice pour Giulio.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  rep.repubblica.it
Publication date of original article: 20/11/2020

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