Par Joe Lauria pour Consortium News, le 12 mai 2025
La police britannique a transmis au Crown Prosecution Service (service des poursuites pénales) le dossier du journaliste Richard Medhurst, révélant ainsi jusqu'où les gouvernements occidentaux sont prêts à aller pour continuer à défendre les atrocités monstrueuses commises par Israël à Gaza.
Le journaliste britannique Richard Medhurst, arrêté l'année dernière et interrogé en vertu de la loi draconienne britannique sur le terrorisme, risque d'être poursuivi pour "terrorisme" pour avoir critiqué dans ses articles le génocide perpétré par Israël à Gaza.
Cette décision intervient alors que le mur de soutien indéfectible de l'establishment occidental à Israël, quelles que soient les atrocités commises par l'État hébreu, commence à se lézarder.
La décision du Crown Prosecution Service britannique de poursuivre ou non Medhurst sera révélatrice du degré de violation de leurs propres principes démocratiques que les dirigeants occidentaux sont prêts à envisager pour préserver leurs relations notoirement corrompues avec Tel Aviv.
Le Financial Times, l'ancien chef de la politique étrangère de l'Union européenne Josep Borrell, l'influent chroniqueur du New York Times Thomas Friedman, le député conservateur Mark Pritchard , plusieurs organes des Nations unies, de grandes organisations de défense des droits humains et des voix de plus en plus nombreuses au sein même d'Israël ont commencé à qualifier ouvertement les agissements d'Israël à Gaza de crime contre l'humanité, voire de génocide.
Tout portait à croire que même les politiciens occidentaux dépendants du soutien du lobby israélien ne franchiraient pas un certain cap si Israël allait trop loin, au nom de son impunité, dans le massacre de Palestiniens innocents faisant obstacle au projet du Grand Israël.
Après tout, c'est l'humanité même de ces personnalités politiques qui est remise en question par une partie de leurs concitoyens encore dotés d'une conscience morale - à l'exception, pour l'essentiel, des médias mainstream.
Le 7 octobre annoncé
Puis vint le génocide et le nettoyage ethnique total de Gaza, amorcé en octobre 2023, cadre de la solution finale au "problème palestinien" d'Israël, dont la mise en œuvre a en fait commencé en 1948. Dès le départ, la soi-disant "guerre contre le Hamas" s'est avérée n'être que l'exécution effrénée des projets sionistes conçus de longue date, conformément à l'avertissement lancé en 1956 par Moshe Dayan, l'un des "pères fondateurs" d'Israël :
"En quoi sommes-nous en droit de nous plaindre de la haine terrible qu'ils nous vouent ? Depuis huit ans, ils vivent dans leurs camps de réfugiés à Gaza, et sous leurs yeux, nous prenons possession de leur capitale et des villages où eux et leurs ancêtres ont vécu. (...) Nous sommes une génération de colons, et sans casque ni fusil, nous ne pourrons ni planter un arbre ni construire une maison. (...) Ne craignons pas la haine qui anime et ronge la vie de centaines de milliers d'Arabes vivant autour de nous, attendant l'heure où ils sauront nous atteindre".
Cette heure est venue le 7 octobre 2023, et ce fut l'occasion rêvée pour les extrémistes du gouvernement Netanyahu : le plan Dalet, version survitaminée.
Les preuves du génocide et de la dépravation israélienne sont désormais si accablantes que les dirigeants occidentaux, lâches et sournois, sortent de leur tanière pour sauver le peu de décence qui leur reste.
Josep Borrell accuse Israël de
"mener la plus grande opération de nettoyage ethnique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale afin de créer une somptueuse destination de vacances une fois que les millions de tonnes de décombres auront été déblayés de Gaza et que les Palestiniens seront morts ou auront disparu".
Vendredi dernier, l'ancien ministre espagnol des Affaires étrangères a déclaré devant un auditoire comprenant le roi d'Espagne :
"Nous savons tous ce qui se passe là-bas, et nous avons tous entendu les objectifs énoncés par les ministres de Netanyahou ? Il s'agit clairement de déclarations d'intention génocidaire. J'ai rarement entendu le dirigeant d'un État exposer aussi clairement un plan qui correspond à la définition juridique du génocide".
Dans une chronique également publiée vendredi dernier, Friedman a concentré sa colère sur Benjamin Netanyahu, sans toutefois perdre de vue la situation dans son ensemble, et a déclaré dans le journal le plus influent du pays :
"Netanyahu se prépare à réenvahir Gaza avec un plan visant à parquer la population palestinienne dans un coin minuscule, avec la mer Méditerranée d'un côté et la frontière égyptienne de l'autre, tout en poursuivant l'annexion de facto à un rythme et à une échelle toujours plus soutenus en Cisjordanie. Ce faisant, il va s'exposer à de nouvelles accusations de crimes de guerre contre Israël".
À la Chambre des communes, le député conservateur Pritchard a déclaré jeudi dernier :
"Je siège à cette Chambre depuis 20 ans. J'ai soutenu Israël pratiquement à tout prix, pour être franc. Mais aujourd'hui, je veux vous dire que je me suis trompé et que je condamne Israël pour ce qu'il est en train d'infliger au peuple palestinien à Gaza et, bien sûr, en Cisjordanie. Et je tiens à retirer dès maintenant mon soutien aux actions d'Israël".youtube-nocookie.com
Le Financial Times a écrit mercredi dernier dans un éditorial intitulé "Le silence honteux de l'Occident sur Gaza" que le dernier plan d'Israël
"pousse les Gazaouis dans des enclaves de plus en plus étroites de la bande de Gaza dévastée" sous "des bombardements toujours plus massifs, et le nettoyage comme le contrôle du territoire par les forces israéliennes, tout en détruisant les quelques structures encore debout à Gaza".
Le journal a répété ce que de nombreux médias indépendants, dont celui-ci, disent depuis le début, à savoir que
"chaque nouvelle offensive renforce les soupçons selon lesquels l'objectif ultime de la coalition d'extrême droite de Netanyahu est de rendre Gaza inhabitable et de chasser les Palestiniens de leur terre".
Le FT a déclaré que malgré la famine forcée et la destruction délibérée des hôpitaux,
"les États-Unis et les pays européens qui vantent Israël comme un allié partageant leurs valeurs n'ont pratiquement pas condamné ces actes. Ils devraient avoir honte de leur silence et cesser de permettre à Netanyahu d'agir en toute impunité".
Les vannes semblent s'ouvrir : des éditoriaux similaires ont ensuite été publiés dans The Independent, The Economistet The Guardian, qui posaient la question suivante : "Qu'est-ce que c'est, si ce n'est un génocide ?"
Pendant ce temps, les protestations contre les massacres s'intensifient en Israël même.
Keep growing.
For yourselves, for us, for Palestine.
To those asking, “Where were they?”—
Not now.
First, we end the killing, the starving, the ethnic cleansing.
Then, we reckon.
Les meurtres ne suffisent plus
Comme si la collaboration active de dirigeants tels que Joe Biden, Keir Starmer, Olaf Scholz, Donald Trump, Kamala Harris, Ursula von den Leyen et Friedrich Merz au génocide, avec l'argent et les armes - les pièces détachées pour la machine à tuer israélienne provenant d'aussi loin que l'Australie -, ne suffisait pas, les gouvernements occidentaux, en particulier aux États-Unis, en Allemagne et en Grande-Bretagne, persistent également à souiller leurs démocraties tant vantées en réduisant au silence les critiques de la folie d'Israël.
Pour la grande majorité des citoyens des démocraties, politiquement impuissants, une condamnation sans réserve des bouchers de Tel-Aviv et de leurs complices dans les capitales occidentales est tout ce qu'ils peuvent faire pour préserver leur humanité et leur santé mentale. Mais ces dirigeants dépravés veulent aussi mettre fin à cela.
Aux États-Unis, l'administration Biden a soutenu la répression policière contre la liberté des étudiants universitaires d'exprimer leur dignité et leur courage en dénonçant les atrocités de masse. Trump a surpassé Biden en lançant la police de l'immigration contre des résidents légaux pour avoir critiqué Israël lors de manifestations ou dans les journaux.
En Allemagne, la police a non seulement dispersé des manifestations étudiantes contre le génocide, mais elle a également fait irruption dans des réunions politiques et empêché des intervenants, dont l'ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, d'entrer dans le pays pour y participer.
Et en Grande-Bretagne, les politiciens et la police ont déclenché l'une des mesures les plus autoritaires jamais prises, sous couvert d'une loi visant à protéger la population contre le terrorisme, mais qui, en réalité, sert à la soustraire à la vérité sur Israël.
Parmi les personnes empêchées d'entrer en Grande-Bretagne pour être interrogées sur leur travail journalistique figuraient Asa Winstanley, rédacteur en chef d'Electronic Intifada, Craig Murray, écrivain et ancien diplomate britannique, et Richard Medhurst.
Medhurst fait l'objet d'une mise en scène spectaculaire. La loi criminalise le soutien à une organisation "interdite", et le Hamas est une organisation interdite au Royaume-Uni. Israël s'oppose au Hamas. Selon cette logique, toute personne qui s'oppose à Israël soutient donc le Hamas. Il est étonnant que ce sophisme passe pour une vérité. Cela signifie-t-il que Borrell et les rédacteurs du Financial Times enfreignent désormais eux aussi la loi sur le terrorisme ?
Voici les dispositions absurdes de la loi qui sont imposées à Medhurst :
L'article 12 de la loi britannique sur le terrorisme criminalise certaines opinions ou croyances. Il stipule :
"12. Soutien(1) Commet une infraction toute personne qui
(a) invite à soutenir une organisation interdite, et
(b) ce soutien ne consiste pas, ou ne se limite pas, à un apport financier ou à la fourniture d'autres biens (au sens de l'article 15).
( F1(1A) Une personne commet une infraction si elle
(a) exprime une opinion ou une croyance qui soutient une organisation interdite, et
(b) ce faisant, sans se soucier de savoir si l'expression de cette opinion ou croyance encouragera la personne à qui elle est destinée à soutenir une organisation interdite".
Il a été détenu pendant près de 24 heures à l'aéroport d'Heathrow pour être interrogé le 15 août 2024. En février, il a été arrêté par la police autrichienne et des agents des services du renseignement à Vienne, et accusé de soutien au terrorisme, de diffusion de propagande et d'implication dans le crime organisé, tout cela pour avoir rapporté des informations sur Israël.
"Je rejette catégoriquement toutes ces accusations portées par les gouvernements autrichien et britannique. Je suis journaliste, pas terroriste, et ils le savent très bien", a déclaré Medhurst dans une vidéo à l'époque. "C'est de la folie. C'est une attaque contre l'ensemble de la profession, contre la liberté d'expression, contre la démocratie elle-même".
Si le CPS décide de poursuivre, Medhurst a déclaré qu'il risque jusqu'à 14 ans de prison en Grande-Bretagne, plus 2 à 5 ans s'il ne leur donne pas les mots de passe de ses appareils. Le 3 mai, Medhurst a déclaré dans la vidéo ci-dessus que
"des courriels révèlent l'influence étrangère israélienne dans le système judiciaire britannique",
en particulier dans son cas. Ils montrent notamment des contacts entre l'ambassade d'Israël à Londres et les forces de l'ordre britanniques au moment de son arrestation.
Si la Grande-Bretagne et Israël veulent faire de lui un exemple, alors Medhurst sera le symbole de l'ultime combat pour préserver les derniers vestiges de la liberté d'expression et la conscience nécessaire pour s'opposer haut et fort aux atrocités d'un État criminel protégé par des dirigeants occidentaux serviles et leurs lois autoritaires.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Joe Lauria est rédacteur en chef de Consortium News et ancien correspondant à l'ONU pour The Wall Street Journal, le Boston Globe et d'autres journaux, dont The Montreal Gazette, le London Daily Mail et The Star de Johannesburg. Il a été journaliste d'investigation pour le Sunday Times de Londres, journaliste financier pour Bloomberg News et a commencé sa carrière professionnelle à l'âge de 19 ans comme pigiste pour The New York Times. Il est l'auteur de deux livres, 'A Political Odyssey, avec le sénateur Mike Gravel', préfacé par Daniel Ellsberg, et 'How I Lost By Hillary Clinton', préfacé par Julian Assange. Vous pouvez le contacter à l'adresse joelauria@consortiumnews.com et le suivre sur X sur @unjoe