Par Dmitry Orlov − Le 13 Février 2025 − Source Club Orlov
La nouvelle administration Trump agit aussi rapidement que possible pour réduire les dépenses publiques et augmenter les recettes publiques :
- De nombreux nouveaux droits de douane sont introduits pour réduire le déficit commercial tout en augmentant les recettes publiques.
- Des efforts sont déployés pour que les membres de l'OTAN paient plus cher les armes fabriquées aux États-Unis.
- Les ministères fédéraux sont soumis à des audits (l'USAID a déjà été démantelée ; d'autres ministères font la queue devant l'abattoir) à la recherche de corruption, de blanchiment d'argent et de gaspillage.
- Des milliers d'employés fédéraux ont reçu une généreuse prime pour démissionner volontairement, tandis que plusieurs autres ont déjà été licenciés.
- Les États-Unis ne soutiendront plus l'ancienne Ukraine, n'introduiront pas de troupes sur l'ancien territoire ukrainien, ne respecteront pas leurs engagements de défense mutuelle en vertu du chapitre 5 de la charte de l'OTAN et feront de leur mieux pour mettre fin à leur guerre par procuration contre la Russie. On parle encore de « contenir la Chine », mais cela ne devrait pas aller bien au-delà de quelques nouveaux droits de douane que la Chine peut ignorer (les échanges commerciaux avec les États-Unis ne représentent désormais que 5 % du total des échanges de la Chine).
Comme pour la plupart des choses américaines, la raison de ces mesures désespérées est d'ordre financier : le gouvernement fédéral américain est à court d'argent. Le problème n'est pas tant la dette à long terme que la dette à court terme, qui doit être refinancée immédiatement, ainsi que la tendance générale à la stagnation des recettes et à l'explosion du déficit budgétaire. Depuis le début de l'exercice (d'octobre à janvier), les recettes se sont élevées à 1 596 milliards de dollars, soit un montant nominalement supérieur aux 1 584 milliards de l'année dernière, mais qui, corrigé de l'inflation, représente en réalité une baisse.
Pendant ce temps, les dépenses augmentent à pas de géant, s'élevant à 2 435 milliards de dollars depuis le début de l'exercice contre 2 116 milliards de dollars il y a un an. Au cours des 12 derniers mois, les recettes se sont élevées à 4 929 milliards de dollars tandis que les dépenses ont atteint 7 064 milliards de dollars, soit un déficit budgétaire de 43 %. Le moment où le gouvernement américain dépensera deux fois plus qu'il ne gagne et empruntera le reste est proche ! Pendant ce temps, au cours des 12 derniers mois, il a dépensé 23,6 % du total en paiements d'intérêts. Le moment où un quart de toutes les dépenses sera consacré aux paiements d'intérêts sera bientôt atteint !
L'augmentation incessante de la dette fédérale américaine, qui a dépassé les 36 220 milliards de dollars, peut être comparée de manière allégorique à l'élévation du niveau de la mer le long de la côte est des États-Unis, causée, selon certains, par un ralentissement du Gulf Stream : les côtes sont inondées, les ondes de tempête deviennent plus violentes et, par endroits, l'érosion des plages sape les fondations des majestueuses demeures qui parsèment la côte. À ce rythme, le niveau de la mer peut continuer à monter pendant une ou deux générations, causant des milliards de dollars de dommages aux propriétés de personnes qui avaient fait des folies pour s'offrir une maison de vacances avec vue sur la mer. C'est, métaphoriquement, l'effet de la dette à long terme.
La dette à court terme est assez différente et une métaphore plus appropriée est celle du tsunami. Considérons : la part à court terme de la dette fédérale américaine a augmenté pour atteindre plus de 9 470 milliards de dollars, tandis que les paiements d'intérêts sur la dette fédérale ont atteint 1 160 milliards de dollars par an et ont dépassé le montant dépensé pour la défense nationale. Autrement dit, le montant de la dette à refinancer (en émettant de nouveaux titres de créance) au cours des 12 prochains mois s'élève à 9 476 milliards de dollars, ce qui équivaut aux recettes fédérales totales des États-Unis sur 23,1 mois. Ce tsunami de la dette ne cesse de croître : en 2019, le montant à refinancer n'était que de 4 297 milliards de dollars, soit deux fois moins.
Pendant ce temps, le plafond de la dette fédérale a de nouveau été dépassé, et il est prévu de le relever de 4 000 milliards de dollars, ce qui obligera le Trésor américain à continuer d'effectuer des paiements. C'est la fonction par excellence du gouvernement fédéral américain : s'il cesse d'effectuer les paiements dont dépend la moitié des ménages américains, les États-Unis cesseront effectivement d'exister en tant qu'État unifié et se désintégreront à mesure que chaque État cessera d'envoyer de l'argent à Washington et tentera de prendre soin des siens.
Que fait-on pour éviter ce scénario ? Le plan actuel consiste à raboter les dépenses de 1 500 milliards de dollars puis à les réduire... tenez-vous bien... de 2 000 milliards de dollars sur une période de 10 ans ! Personne de sensé ne penserait que cela suffirait.
Mais il y a aussi le problème à court terme : emprunter 4 000 milliards de dollars supplémentaires au cours de l'année prochaine tout en renouvelant près de 10 000 milliards de dollars de dette à court terme. Les paiements d'intérêts dépasseront le quart de toutes les dépenses fédérales. Les nouveaux droits de douane de Trump pourraient ajouter un petit quelque chose aux recettes fédérales, mais ils feront également grimper l'inflation du dollar. En retour, les taux d'intérêt devront augmenter pour compenser.
Que se passe-t-il lorsqu'un tsunami atteint le rivage ? Généralement, la panique s'ensuit. Certaines personnes courent vers les hauteurs tandis que d'autres se noient ou sont emportées par la mer sur des débris. Un tsunami de la dette est différent car la substance en question est différente : l'eau est physique tandis que l'argent est une construction mentale qui n'a aucune réalité physique. Une autre différence est que le niveau de panique sur le rivage n'a aucun effet sur le niveau d'un tsunami qui le frappe, alors qu'une panique financière est l'ingrédient clé qui fait d'un tsunami de la dette plus qu'une simple métaphore.
Mais le fait est que ni les efforts extraordinaires de Musk pour réduire le gaspillage et la fraude, ni ceux de Trump pour réduire les déficits commerciaux et augmenter les revenus en imposant des droits de douane, et certainement pas le plan visant à réduire les dépenses de 1 500 milliards de dollars tout en autorisant de nouveaux emprunts de 4 000 milliards de dollars, actuellement en cours d'examen par les différents comités de la Chambre des représentants des États-Unis, ne sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur le résultat final lorsque la panique financière finira par arriver.
(Remerciements : Alex)
Dmitry Orlov
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Le livre de Dmitry Orlov est l'un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l'on nomme aujourd'hui : « collapsologie » c'est à-dire l'étude de l'effondrement des sociétés ou des civilisations.
Il vient d'être réédité aux éditions Cultures & Racines.
Il vient aussi de publier son dernier livre, The Arctic Fox Cometh.
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone