25/08/2023 infomigrants.net  5min #232981

Allemagne : les réfugiés sont employés en dessous de leurs capacités

|Le taux d'emploi des réfugiés est encourageant mais les inégalités persistent
Photo : Ingo Wagner / dpa / picture alliance

Policier de formation, Obada Hijjo travaillait pour les forces de l'ordre en Cisjordanie. Menacé de mort, ce Palestinien de 30 ans et sa femme ont quitté le pays pour rejoindre l'Allemagne il y a quatre ans. Il est aujourd'hui bloqué avec un "statut toléré", ce qui signifie qu'ils n'a pas de permis de séjour officiel mais qu'il est autorisé à rester en Allemagne.

Au-delà de sa formation de policier qu'il a suivie en Turquie, Obada est également diplômé en sciences politiques et dans l'administration publique.

Toutefois, ces qualifications ne lui ont pour le moment pas servi en Allemagne, où il travaille actuellement comme chauffeur de taxi à Berlin. Auparavant, il a été livreur de colis.

|Obada Hijjo travaille comme chauffeur de taxi à Berlin
Photo : Ben Knight/DW

S'il ne remplit pas les contions requises pour pouvoir travailler comme policier en Allemagne, Obada a réussi il y a deux mois à faire reconnaître son diplôme de sciences politiques après une longue bataille avec la bureaucratie allemande.

"Les autorités ont confirmé que j'avais obtenu un diplôme dans ce domaine dans un pays étranger", explique-t-il. "J'ai maintenant rendez-vous à l'agence pour l'emploi à la fin du mois. J'aimerais trouver un travail dans l'administration publique".

La validation de son diplôme a pris bien plus de temps que prévu. "Je devais sans cesse obtenir d'autres documents de la part de l'université. Ils voulaient ceci, puis cela, et ensuite le document n'était pas le bon. Ils ne comprenaient pas que je suis palestinien et non pas turc. Comment suis-je censé me rendre en Turquie ? Je n'ai qu'un statut de résidence tolérée, je ne peux pas quitter l'Allemagne. J'ai eu quelques problèmes avec les autorités".

Sanaa Abukalam connaît bien ces difficultés d'intégration. Après avoir fui la Syrie il y a cinq ans, elle s'est retrouvée à Dresde, dans l'est de l'Allemagne, où elle a été victime de racisme au quotidien et d'insultes dans la rue. "Une femme portant un foulard a beaucoup de problèmes", raconte-t-elle. "Le racisme est un véritable problème ici", se désole Sanaa.

La Syrienne a passé plusieurs années à apprendre l'allemand, mais n'a pas réussi à faire reconnaître ses qualifications en médecine alternative en Allemagne. "Les choses prennent tellement de temps", constate-t-elle. Sanaa a fini par trouver du travail dans un magasin de chaussures en début d'année. Bien qu'elle se dit reconnaissante, elle vise un poste d'assistante sociale.

|Sanaa Abukalam a été victime de racisme en Allemagne, où elle ne trouve pas d'emploi correspondant à sa qualification
Photo : privée

Un potentiel inutilisé

Une récente étude de l'Institut de recherche sur l'emploi (IAB) révèle que 41 % des réfugiés présents en Allemagne depuis six ans disent avoir un emploi moins qualifié que celui qu'ils occupaient avant leur arrivée.

Ce chiffre est encore plus élevé pour les réfugiés ukrainiens, dont plus de la moitié occupent des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés, selon l'IAB.

Pour Philipp Jaschke, chercheur à l'IAB et coauteur de l'étude, cette inadéquation "s'explique en partie par le fait que de nombreux emplois peuvent être exercés dans d'autres pays sans qualification professionnelle officielle, alors qu'en Allemagne de nombreux emplois requièrent une qualification de trois ans."

Une autre raison est que les réfugiés manquent souvent de compétences linguistiques lorsqu'ils arrivent dans un pays étranger. "Par rapport à d'autres groupes de migrants, les réfugiés ont souvent fui très spontanément, parce qu'ils ont fui la guerre, l'enrôlement forcé dans une armée ou encore la persécution. Cela signifie qu'ils sont souvent très mal préparés pour le pays dans lequel ils sont arrivés."

Une intégration réussie...

Herbert Brücker, également chercheur à l'IAB, rappelle néanmoins que le taux d'emploi global des réfugiés reste très encourageant. "Nous nous sommes dit en 2015 qu'atteindre un taux d'emploi de 50 % après cinq ou six ans serait déjà très bien. Or nous étions à 54 % en 2021, malgré la pandémie de Covid-19. Nous avons donc dépassé les attentes", se félicite Herbert Brücker.

Les chances d'avoir un emploi augmente avec les années passés en Allemagne. "Parmi les personnes qui sont ici depuis sept ou huit ans, nous avons un taux d'emploi de 62 %. C'est très bien. Ce n'est qu'environ dix ou douze pour-cent de moins que pour la population allemande."

... mais des revenus inférieurs

65 % des réfugiés employés vivant en Allemagne depuis six ans travaillaient à temps plein en 2021. Leur salaire mensuel brut médian est passé de 1 660 € au cours des deux premières années suivant leur arrivée en Allemagne à 2 037 € au cours de la sixième année.

Les réfugiés ont tendance à être nettement plus jeunes que l'âge moyen des salariés allemands, et ceux qui débutent leur vie professionnelle gagnent en règle générale moins que les plus expérimentés.

"Parmi les 18-25 ans, les revenus des réfugiés se situent à 75 % de ce que gagnent leurs collègues allemand du même âge. L'écart n'est pas si important et il se stabilisera avec le temps. Mais il y a encore beaucoup de potentiel d'amélioration", conclut Herbert Brücker.

Auteur : Ben Knight et Thomas Kohlmann

Source :  dw.com

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