par Geraldina Colotti.
Plus de 40% de la population mondiale et presque un quart du produit intérieur brut mondial, c'est ce que représentent les cinq pays qui appartiennent au BRICS - acronyme d'un groupe de marchés émergeants formé par le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud - et se sont réunis à Pékin les 23 et 24 juin pour un sommaire intitulé « dialogue de haut niveau sur le développement mondial. »
Cette année, le commerce entre la Chine et les autres pays du groupe fondé en 2009 a augmenté de 12,1% par rapport à 2021. Le volume du commerce est en augmentation, a-t-on dit à la réunion inaugurale, sur la base de la coopération complémentaire dans plusieurs secteurs comme la santé, l'environnement, la science et la technologie, l'agriculture, la formation, la micro entreprise, la petite et moyenne entreprise.
Un domaine destiné à s'étendre encore plus parce que la Chine qui à présent occupe présidence, travaille à une plate-forme qui implique les économies émergentes et les principaux pays en développement comme alternative au bloc occidental dirigé par les États-Unis et au nom de la coopération dans le commerce et l'économie. Certains de ces pays comme le Kazakhstan, l'Arabie saoudite, l'Argentine, l'Iran, l'Égypte, l'Indonésie, le Nigeria, le Sénégal, les Émirats arabes unis, l'Algérie et la Thaïlande ont été invités à ce sommet comme éventuels nouveaux membres et ont assisté à la réunion des BRICS plus.
L'entrée la plus importante sera celle de l'Argentine qui cherche du soutien pour sortir du chantage du Fonds monétaire international et éviter les limitations à l'accès au crédit international. Les BRICS se transformeront alors en BRICSA. En attendant, Buenos Aires pourra rejoindre la nouvelle banque de développement BRICS (NDB) qui n'exige pas qu'on fasse partie du club pour accorder des prêts. Une option qu'utilisent déjà des pays comme l'Uruguay, les Émirats arabes unis et le Bangladesh. La banque NDB a son siège à Pékin et a été fondée en 2014.
Depuis, plus de 80 projets destinés à construire des infrastructures dans le monde entier ont été approuvés. Un financement que Pékin ne soumet pas à des changements de caractère politique comme c'est le propre des organismes internationaux gérées par les États-Unis. Depuis deux ans, l'Argentine se joint à la Banque Asiatique d'Investissement en Infrastructures (AIIB), une banque de développement créée en 2015 à l'initiative de la Chine. L'un des objectifs originaux de l'AIIB est de soutenir la construction d'infrastructures sous l'initiative China Belt and Road à laquelle l'Argentine s'est également jointe officiellement cette année quand le président Alberto Fernandez s'est rendu à Pékin.
En Argentine, l'attente de l'inflation, l'une des plus haute du continent, l'a éloignée encore plus des rangs prévus dans l'accord avec le FMI pour refinancer les dettes qui comprenait la possibilité de réviser cette hypothèse face au nouveaux choc dans l'économie mondiale : de 38 à 48% pour 2022 et de 34 à 42% pour 2023. Et la croissance pour cette année aussi sera en dessous du pronostic d'au moins 0,2%.
Fernández a dit que pour l'Argentine, les BRICS représentent « une excellente alternative coopérative face à un ordre mondial qui travaille au bénéfice de quelques-uns. » L'Argentine a aussi la présidence tournante de la CELAC. C'est pourquoi Fernandez a été invité en Allemagne pour participer au sommet du G7 composé par l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon, la France, l'Espagne, l'Italie et les États-Unis. Au G7, l'Argentine a été invité avec l'Inde, l'Indonésie, l'Afrique du Sud, le Sénégal et l'Ukraine. Avec eux, le G7 a organisé une session consacrée à la sécurité alimentaire du monde et à l'égalité des genres.
Malgré les désaccords à propos du MERCOSUR qui sont toujours à l'ordre du jour, l'Union européenne prétend « accélérer le dialogue politique » avec l'Argentine et préparer une réunion entre la CELAC et les représentants européens pour fin octobre. Auparavant, le 21 juillet, Fernandez ira à la réunion du MERCOSUR et une rencontre bilatérale avec le président des États-Unis Joe Biden est prévue.
L'Espagnol Javier Niño Perez, directeur du service européen d'action extérieure pour les Amériques, en faisant l'éloge de la politique des droits de l'homme de l'Argentine, n'a pas caché son aversion envers Cuba et le Venezuela. Mais il s'est montré ouvert à la proposition argentine d'une rencontre « inclusive » entre les deux blocs à laquelle participeraient également Cuba et le Venezuela. « Cette région est la région la plus compatible avec l'euro que nous connaissons. Dans le domaine énergétique, pour la première fois, l'Amérique latine a l'opportunité d'être considérée comme un partenaire stratégique, » a dit Niño Perez.
Face à la crise énergétique provoquée par le conflit en Ukraine, l'Union européenne se voit tentée par une réserve extraordinaire de gaz comme celle de Vache Morte en Argentine. Par contre, l'Europe offre à Buenos Aires un investissement dans des infrastructures pour la construction d'un gazoduc qui sans doute prendra du temps. Pendant ce temps, les pays du G7 cherchent des solutions à court terme à l'intérieur et à l'extérieur du camp occidental.
Le G7, qui a précédé le sommet de l'OTAN prévu à Madrid les 29 et 30 juin, a servi à faire la démonstration de la compacité du camp occidental autour de la défense de l'Ukraine avec la proposition de nouvelles sanctions contre la Russie : l'arrêt des importations d'or dans les pays du G7, la seconde source de revenus pour les exportations de la Russie et la possibilité de frapper aussi le pétrole de Moscou.
Le problème du multilatéralisme comme alternative à un ordre mondial dans lequel l'impérialisme nord-américain possède l'hégémonie était présent, par contre, dans toutes les interventions des BRICS. « Nous partageons tous une histoire commune de lutte contre l'impérialisme, le colonialisme, l'exploitation et le sous-développement, a dit le président de l'Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, nous partageons tous le désir d'une meilleure représentation et de meilleures perspectives de progrès dans les institutions qui gouvernent le monde. »
Le club BRICS a refusé de se joindre aux mesures coercitives unilatérales imposées à la Russie par les États-Unis et ses alliés. La Chine, l'Inde et l'Afrique du Sud se sont abstenus lors du vote sur la résolution de l'ONU qui condamne Moscou pour le conflit en Ukraine. Le seul pays qui ne l'a pas fait a été le Brésil de Bolsonaro qui, cependant, a continué à se montrer « neutre » pendant le sommet. Pékin et New Delhi ont des liens militaires et énergétiques forts avec Moscou et sont intéressés par l'achat de pétrole et de matières premières au rabais et l'Afrique du Sud aussi à des liens économiques importants avec la Russie.
Malgré les tensions territoriale entre la Chine et l'Inde (qui font partie du QUAD avec les États-Unis, le Japon est l'Australie), le projet d'une alternative monétaire contre l'hégémonie du dollar avance. Et même l'incohérent Bolsonaro a déclaré : « Le Brésil n'a pas l'intention de se fermer et il a besoin d'une meilleure intégration économique. » En parlant au BRICS Business Forum, le président russe, Vladimir Poutine, a dit qu'on était en train d'étudier la création d'une monnaie commune qui serait utilisée pour les réserves des États.
Une monnaie de compte BRICS qui produirait un système de paiement parallèle au système bancaire nord-américain, totalement découplée de Swift, capable de favoriser des transactions entre pays soumis à des sanctions et de plus, de permettre la triangulation des biens occidentaux grâce à des moyens de paiement simples et à coût compétitif. Ensuite, Poutine a dénoncé à nouveau les mesures coercitives unilatérales parce que, a-t-il dit, « elles ignorent les principes de base de l'économie de marché et l'inviolabilité de la propriété privée. »
Des sanctions également considérées comme « arbitraires » par son homologue chinois, Xi Jinping qui a souligné les répercussions qui pèsent sur les pays en développement et a prévenu « les principaux pays développés » de la nécessité d'adopter des politiques économiques « responsables. » Les faits, a ajouté Xi, « ont démontré de façon répétée que les sanctions sont un boomerang et une arme à double tranchan qui politisent, exploitent et arment l'économie mondiale en exploitant la domination du système financier et monétaire international pour imposer des sanctions arbitraires qui, en dernier recours, portent préjudice aux autres et au monde entier. »
Pour le président chinois, l'expansion des alliances militaires amènera de multiples risques et « inévitablement un dilemme de sécurité. » Le résultat ne sera qu'une augmentation de l'instabilité mondiale due à la « recherche de sa propre sécurité aux dépens d'autres pays. » La crise en Ukraine, pour Xi, doit être considérée comme « quelque chose qui attire l'attention » comme le projet d'expansion de l'OTAN à la Suède et à la Finlande, les liens de plus en plus étroits de l'Alliance Atlantique avec le Japon et la Corée-du-Sud et les manœuvres des États-Unis dans l'Indo-Pacifique (depuis les Akus au QUAD jusqu'à la vente d'armes à Taiwan) évidemment dirigée contre la Chine.
L'histoire, rappelle-t-il, « nous dit que ce n'est que quand tous se souviennent des douloureuses leçons de la guerre qu'on peut avoir l'espoir de la paix. » Par contre, les stimulations de « l'hégémonisme » et de la « politique de blocs opposés » ne provoqueront que « des guerres et des conflits. » Depuis quelques temps, a déclaré le président chinois, la mondialisation capitaliste subit « des vents contraires. Certains pays veulent s'en détacher, veulent rompre la chaîne de fournitures pour construire une petite cour intérieure avec de hauts murs. » Mais la mondialisation économique « est une nécessité objective pour le développement des forces de production et une tendance historique irrésistible. » Revenir en arrière « et tenter de bloquer le chemin des autres finira par bloquer notre propre chemin » en divisant l'économie mondiale en « régions isolées. »
La Chine, pour sa part, a affirmé le président, intensifiera les ajustements des macro politiques et adoptera des mesures plus efficaces, s'efforcera d'atteindre les défis annuels de développement économique et social et de réduire l'impact de la pandémie de COVID-19. Le 20ème congrès du parti communiste qui aura lieu au second semestre de cette année « définira un nouveau projet de développement basé sur de nouveaux concepts, un nouveau système d'économie ouverte de meilleur niveau et continuera à créer un environnement entrepreneurial » orienté vers le marché, l'État de droit et l'international. »
Xi a affirmé à son homologue russe que Pékin soutenait les intérêts fondamentaux de Moscou en terme de « souveraineté et de sécurité », ce qui a provoqué la réaction de Washington disant que la Chine courait le risque de finir « du mauvais côté de l'histoire. » Le « bon » côté serait celui que Washington est sur le point de proposer à ses alliés au sommet de l'OTAN en élargissant ses perspectives vers d'autres scénarios y compris la région de l'Arctique dont la superficie de glace se réduit peu à peu et montre ainsi la perspective que ses routes deviennent navigables.
La navigation sur l'Arctique qui connecterait 75% de la population mondiale en évitant des points de passage obligatoires pour le commerce mondial provoquerait des changements capables d'affecter l'équilibre général : aussi bien en terme économique qu'en considérant l'exploitation potentielle des réserves stratégiques qui se trouvent dans la zone (en particulier les terres rares, précieuses pour le développement des nouvelles technologies), qu'en terme alimentaire (pêche) et militaire.
8 nations ont des droits territoriaux sur l'Arctique : le Canada, le Danemark (qui représente le Groenland), la Finlande, l'Islande, la Norvège, la Suède, les États-Unis et la Russie, le seul pays hors de la sphère d'influence des États-Unis. En 2013, la Chine s'est vu attribuer le statut d'observateur. La plupart des pays appartiennent également à l'OTAN, maintenant soutenus par les aspirations de la Suède et de la Finlande à le rejoindre et ils ont déjà organisé des opérations conjointes.
Dans cette zone stratégique on est aussi en train de créer le blocus de la Russie dans la perspective d'un conflit mondial. Pendant les trois derniers mois, le Congrès étasunien a approuvé 54 000 000 000 d'aide civile et militaire à Kiev, plus de 80% du budget de la défense russe en montrant son intention de continuer dans la même voie : imposer sur cette base un nouveau concept stratégique pour la domination du monde. C'est pourquoi il le contre sommet organisé par différentes organisations et plate-formes populaires sous la consigne : « Plus d'OTAN. Dehors, les bases militaires ! » a pris de l'importance.
source : Resumen Latinoamericano
traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos