Source : Consortium News, Jessica Corbett
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Jessica Corbett rend compte des efforts déployés par Washington et les alliés de l'OTAN pour bloquer le premier traité mondial juridiquement contraignant, visant à interdire totalement les armes nucléaires.
En août 2020, l'Irlande, le Nigeria et Niue ont marqué le 75e anniversaire de l'attaque nucléaire d'Hiroshima en ratifiant le traité des Nations Unies qui interdit toute activité liée aux armes nucléaires. (ICAN/Facebook) [Niue /nju.e/, plus rarement Niué ou Nioué, est un pays insulaire de l'Ouest de l'océan Pacifique sud. Il est situé à 2 400 km au nord-est de la Nouvelle-Zélande, au centre d'un triangle formé par les îles Tonga, Samoa et Cook]
NOTE : Le traité international interdisant les armes nucléaires (TIAN) a été ratifié samedi 24 octobre par un 50e pays, le Honduras. Il devrait donc pouvoir entrer en vigueur dans un délai de 90 jours.
Les défenseurs du désarmement et les experts du nucléaire ont réagi avec inquiétude ce mercredi à une annonce, l'administration Trump exhorte les pays, qui soutiennent un traité des Nations unies visant à interdire les armes nucléaires, à abandonner le pacte avant qu'il n'atteigne les 50 ratifications nécessaires à son entrée en vigueur.
Depuis 2017, 47 pays ont ratifié le traité. Associated Press dispose d'une lettre des États-Unis aux signataires qui, selon certaines informations, « affirme que les cinq puissances nucléaires originelles - les États-Unis, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne et la France - ainsi que les alliés des États-Unis au sein de l'OTAN « nous montrons unis et déterminés dans notre opposition quand aux conséquences éventuelles » du traité. »
Selon l'agence de presse :
« On dit que le traité « est un 'retour en arrière quant aux inspections et au désarmement, de plus il est dangereux'par rapport au Traité de non-prolifération nucléaire, vieux d'un demi-siècle, considéré comme la pierre angulaire des efforts mondiaux de non-prolifération. »
« Bien que nous reconnaissions votre droit souverain de ratifier le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) ou d'y adhérer, nous pensons que vous avez commis une erreur stratégique et que vous devriez retirer votre acte de ratification ou d'adhésion », indique la lettre.
Officiellement adopté au siège des Nations Unies à New York en juillet 2017, après des mois de négociations, le TIAN a été proposé à la signature en septembre de la même année. Il s'agit du premier traité mondial juridiquement contraignant, interdisant complètement les armes nucléaires, avec pour objectif ultime leur élimination totale. Il est interdit aux États signataires de développer, faire des essais, produire, acquérir, posséder, accumuler, utiliser ou menacer d'utiliser de telles armes.
Les partisans du TIAN - notamment la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN), qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2017 « pour son travail visant à attirer l'attention sur les conséquences humanitaires catastrophiques de toute utilisation d'armes nucléaires et pour ses efforts novateurs en vue de parvenir à une interdiction de ces armes fondée sur un traité » - ont vivement condamné les efforts de l'administration Trump pour saper le pacte.
La « nervosité croissante, et peut-être même la panique pure et simple, de certains États dotés de l'arme nucléaire et en particulier de l'administration Trump » montrent qu'ils « semblent vraiment comprendre que c'est une réalité : les armes nucléaires vont bientôt être interdites en vertu du droit international », a déclaré à l'AP Beatrice Fihn, directrice exécutive d'ICAN.
« Il est scandaleux de demander aux gouvernements de se retirer de ce traité multilatéral de l'ONU, mais cela montre aussi que les États-Unis savent que cela aura un impact », a ajouté B. Fihn sur Twitter. « La dernière fois qu'un pays s'est retiré d'un traité multilatéral sur les armes nucléaires, c'est lorsque la Corée du Nord a quitté le TNP afin de développer des armes nucléaires. »
Dénonçant les efforts de l'administration Trump pour bloquer le TNP comme « désespérés », elle a déclaré : « C'est irresponsable et montre à quel niveau ils en sont rendus. »
Fihn n'a pas été la seule, loin de là, à publier une critique cinglante de la lettre américaine. « C'est carrément scandaleux et cependant nullement surprenant », a tweeté John Carl Baker, coordinateur pour le nucléaire et responsable du programme au Ploughshares Fund, qui soutient la réduction et l'élimination éventuelle des armes nucléaires.
Daryl Kimball, directeur de l'Association pour le contrôle des armes, a répondu par un fil de discussion sur Twitter qui s'adressait également aux autres nations mentionnées dans la lettre. « Oahou », a-t-il écrit. « Dès qu'il s'agit des armes nucléaires et de la sécurité internationale, les dirigeants actuels du 'P5'sont arrogants, déconnectés, incompétents, ils sèment la discorde et sont complètement dans l'erreur. »
Rappelant qu'il ne manque plus que trois ratifications pour que le traité entre en vigueur, Ray Acheson, directrice du programme de désarmement de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, a déclaré dans une série de tweets que « lorsqu'une soi-disant « puissance militaire » a aussi peur du droit international, vous savez que ce que vous avez fait est bien ».
« Il est incroyable d'imaginer qu'un État doté de l'arme nucléaire demande à d'autres pays de se retirer d'un traité interdisant les armes nucléaires », a ajouté Acheson, qui a également des liens avec plusieurs autres groupes militants antinucléaires. « Des milliards ont été englouti dans la « prévention de la prolifération » ; sous le hashtag #nuclearban sont renforcées les normes contre ces armes qui viennent appuyer les objectifs de non-prolifération. »
« Il est clair, une fois de plus, que les prétendues objections des États nucléaires à #nuclearban sont basées sur des dissimulations », a conclu Acheson. « Leur véritable préoccupation est que ce traité, pour paraphraser Setsuko Thurlow, survivante d'Hiroshima, rend illégales des armes qui sont déjà immorales. »
Jessica Corbett est rédactrice pour Common Dreams. Suivez-la sur Twitter : @corbett_jessica.
Source : Consortium News, Jessica Corbett, 22-10-2020
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises