06/06/2024 les-crises.fr  5min #249942

 À Gaza, les enfants de moins de 5 ans sont privés de nourriture au moins un jour sur trois

Bientôt une épidémie de choléra et d'hépatite A à Gaza ? Les conditions sont réunies selon un rapport d'Oxfam

Les systèmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement sont proches de « l'effondrement total », a averti un responsable.

Source :  Truthout, Sharon Zhang
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des familles palestiniennes déplacées vivent sous des tentes dans le quartier Al-Mawasi de Rafah, situé au sud de la bande de Gaza et près de la frontière avec l'Égypte, le 7 décembre 2023. LOAY AYYOUB / FOR THE WASHINGTON POST VIA GETTY IMAGES

La majeure partie du système d'assainissement de Gaza ayant été détruite par les forces israéliennes, les conditions sont « mûres » pour une épidémie, a constaté Oxfam dans un rapport publié alors qu'Israël force des centaines de milliers de Palestiniens à fuir Rafah dans une zone que les travailleurs humanitaires ont qualifiée d'« inhabitable ».

Dans un rapport publié lundi, Oxfam a constaté qu'Israël avait endommagé des infrastructures sanitaires d'une valeur d'au moins 210 millions de dollars dans la bande de Gaza, et qu'il était probable que les dégâts soient encore plus importants dans les zones inaccessibles aux travailleurs de la Coastal Municipalities Water Utility (CMWU), qui gère l'eau et l'assainissement dans la bande de Gaza et qui a fourni les évaluations nécessaires à l'analyse.

« L'ensemble des systèmes d'approvisionnement en eau et de gestion des eaux usées est proche de l'effondrement total en raison de l'ampleur des dégâts », a déclaré Monther Shoblaq, PDG de la CMWU, dans un communiqué. « Il n'y a plus d'électricité pour faire fonctionner les puits d'eau, les usines de dessalement et les stations d'épuration restantes, et les eaux usées débordent. Nous faisons tout ce que nous pouvons, mais la situation est désespérée. »

La destruction par Israël des infrastructures d'assainissement a provoqué des conditions nauséabondes et dangereuses. Selon la municipalité de Gaza, plus de 270 000 tonnes de déchets solides, y compris des déchets sanitaires, s'entassent dans les rues. Ces déchets attirent les mouches, qui pullulent dans les zones déjà surpeuplées, et d'autres insectes qui piquent les habitants et provoquent des symptômes tels que des vomissements et de la fièvre pendant plusieurs jours. Les eaux usées débordent dans les rues, provoquant non seulement une recrudescence des maladies, mais menaçant également de polluer des nappes phréatiques cruciales et la mer Méditerranée.

Le blocus de l'eau imposé par Israël oblige depuis des mois les Palestiniens à boire de l'eau contaminée ou saumâtre.

Des experts, y compris des experts des Nations unies cités par Oxfam, ont déclaré que l'utilisation de l'eau par Israël comme arme de guerre pourrait constituer un crime de guerre. Le droit international interdit de prendre pour cible des infrastructures civiles telles que les services d'eau et d'assainissement dans le cadre d'une action militaire.

Oxfam a indiqué qu'Israël avait détruit ou endommagé au moins cinq de ses projets d'approvisionnement en eau et d'assainissement depuis octobre, des installations qui permettaient de desservir plus de 180 000 personnes par jour. Dans la ville de Gaza et ses environs, les forces israéliennes ont détruit 87 % des installations d'eau et d'assainissement, selon une analyse de l'imagerie satellite de l'UNICEF, tandis que la municipalité de Gaza signale qu'Israël a détruit 42 kilomètres de réseaux d'approvisionnement en eau et la moitié des puits d'eau à Gaza.

La crise de l'assainissement, combinée à la surpopulation extrême, à la chaleur alimentée par la crise climatique et à la famine qui se répand dans la région, a créé un « cocktail mortel », écrit Oxfam, avec des conditions « mûres » pour l'apparition de maladies telles que l'hépatite A et le choléra. En effet, le Dr Rana Dawoud, chercheuse environnementale de terrain à Rafah, a récemment déclaré à Mondoweiss qu'elle pensait que tous les habitants des centres de déplacés dans lesquels elle avait travaillé étaient atteints d'une hépatite.

EuroMed Monitor a déclaré que les crises environnementales et sanitaires sont « sans précédent ». Les autorités sanitaires de Gaza ont détecté un million de cas de maladies infectieuses, tandis qu'on estime que 90 % des enfants de moins de cinq ans ont été touchés ; et il y a probablement davantage de maladies non signalées, car la destruction du système de santé par Israël rend extrêmement difficile, voire impossible, l'évaluation de la propagation des maladies.

À cela s'ajoute le fait qu'Israël oblige actuellement les Palestiniens à évacuer Rafah, le dernier endroit de Gaza à peu près intact, vers une autre parcelle de terre extrêmement petite connue sous le nom d'Al-Mawasi, dont les travailleurs humanitaires ont déclaré qu'elle était essentiellement « invivable » avant même le mois d'octobre.

« Il s'agit essentiellement de dunes de sable sur la côte méditerranéenne où s'entassent des centaines de milliers de personnes qui ont déjà été forcées de se déplacer. Il s'agit donc de personnes vivant dans des cabanes, des tentes, au bord d'une route de plage sablonneuse », a déclaré Sam Rose, directeur de la planification de l'UNRWA, dans une interview accordée à la BBC. « Il n'y a pas de réseau d'eau, pas d'infrastructure, pas d'égouts, pas d'assainissement. »

Gaza est déjà l'un des endroits les plus densément peuplés de la planète, et des centaines de milliers de personnes sont maintenant forcées de chercher refuge à Al-Mawasi, qui héberge actuellement 450 000 Palestiniens évacués, alors qu'elle comptait environ 6 000 habitants avant le génocide israélien. L'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a déclaré qu'Al-Mawasi était à pleine capacité et qu'il restait probablement un million de personnes à Rafah qui n'avaient pas encore reçu d'ordre d'évacuation.

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Sharon Zhang est rédactrice à Truthout et couvre la politique, le climat et le travail. Avant de rejoindre Truthout, Sharon a écrit des articles pour Pacific Standard, The New Republic, etc. Elle est titulaire d'un master en études environnementales. On peut la trouver sur Twitter : @zhang_sharon.

Source :  Truthout, Sharon Zhang, 13-05-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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