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 Comment se prépare la spoliation de l'épargne et des épargnants - Par Ruptures

Bienvenue aux fonds de pension : pourquoi la réforme des retraites va favoriser les systèmes par capitalisation

Emmanuel Macron avec Thomas Buberl, le DG d'Axa, en 2016. Le géant de l'assurance propose de nombreux produits d'épargne-retraite par capitalisation. - ERIC PIERMONT / AFP

BlackRock and co

Par  Mathias Thépot Publié le 02/01/2020 à 16:42

Qu'il le veuille ou non, le gouvernement met tout en place pour développer la retraite par capitalisation au détriment du système par répartition.

Réforme des retraites, loi Pacte, baisse des pensions... Mis bout-à-bout, plusieurs indices laissent penser que la retraite par capitalisation va prendre de plus en plus d'ampleur en France dans les années à venir, au détriment du système par répartition. Explications en quatre points.

Retraites par points : l'acclimatation à l'épargne-retraite individualisée

C'est la mesure phare annoncée par Edouard Philippe le 11 décembre sur les retraites : le passage d'un système en trimestres à un système par points à partir de 2025 pour les générations nées après 1975. Un système où « chaque heure cotisée permettra d'acquérir des points, qui augmenteront la pension », explique Matignon. C'est là un véritable tournant : on s'éloigne d'un système qui fonctionne majoritairement par répartition où chacun cotise selon ses moyens, et reçoit selon ses besoins. Un système où l'âge du taux plein est fixe et connu, et où la prestation finale est prédéfinie. Las, à l'avenir, le niveau des pensions dépendra des efforts individuels du cotisant tout au long de sa carrière. Avec sa future réforme, le gouvernement acclimate donc les ménages à une épargne retraite plus individualisée, et pose, de fait, les bases d'un système de retraite par capitalisation.

Les riches n'auront plus à payer pour les autres

Autre changement sur les retraites : au-delà de 120.000 euros de revenus bruts par an, les plus riches ne cotiseront qu'à hauteur de 2,81% au régime des retraites, soit 10 fois moins que le reste de la population. Pire, cette menue cotisation dite « de solidarité » ne générera pas de droits pour eux ! Deux conséquences à ce choix politique : d'abord, l'assiette étant réduite, le montant des ressources du future régime sera amputé des cotisations au dessus de 120.000 euros bruts. Un manque à gagner  évalué à 2,8 milliards d'euros par an. Mais surtout, en sortant les plus aisés du système de solidarité, on ouvre un véritable boulevard aux assureurs privés et autres gérants de fonds pour récupérer leurs cotisations.

La loi Pacte, le « bon plan retraite » selon BlackRock

Mieux, la solution de repli pour ces ménages aisés est déjà toute trouvée grâce à la loi « relative à la croissance et la transformation des entreprises », dite loi Pacte, votée au printemps dernier. Qualifiée de « bon plan retraite » par la très influente société de gestion d'actifs BlackRock, Pacte fait la part belle à l'épargne retraite individuelle, qui englobe des produits d'épargne par capitalisation où le ménage, via sa banque ou son assureur, économise pendant toute sa vie active pour obtenir un capital ou une rente à sa retraite. Objectif affiché par le gouvernement : accroître les encours de l'épargne-retraite individuelle de 230 à 300 milliards d'euros d'ici à 2022. Pour ce faire, il met sur la table plus d'un milliard d'euros d'allégements fiscaux, en rendant notamment déductibles, dans la limite de 10% du revenu net imposable, les versements effectués sur le nouveau « Plan épargne retraite » créé par la loi Pacte.

Des pensions de plus en plus petites pour les générations futures

Du reste, il n'est pas impossible que les produits par capitalisation s'imposent naturellement comme un recours à la dégradation des sources de revenu des retraités. D'abord parce que le régime général des retraites sera de moins en moins généreux, à en croire les prévisions du Conseil d'orientation des retraites (Cor) : pour un salarié non-cadre du privé né en 2000, la pension moyenne perçue sur l'ensemble de la durée de retraite ne représentera plus qu'entre 54 % et 63 % du salaire moyen de l'ensemble de la carrière, contre près de 75 % pour celui né en 1940. La faute, comme  l'explique l'économiste de Xerfi Alexandre Mirlicourtois, aux effets négatifs des réformes des retraites successives depuis 1993 qui n'ont fait que réduire le niveau des pensions.

Ensuite, l'immobilier, qui phagocyte 70 % de l'épargne des Français, pourrait être de moins en moins accessible.« Les retraités de demain devraient être moins chanceux que leurs aînés parce que la constitution d'un patrimoine immobilier est rendue plus complexe par la flambée des prix de la pierre »,  estime l'économiste. Enfin, « les carrières sont moins linéaires avec la montée du chômage », obérant d'autant le niveau des cotisations. Dès lors, « ce sont donc bien les différentes sources de revenus des retraités et futurs retraités qui vont être sous pression », résume-t-il. D'ailleurs selon les différents scénarios économiques envisagés, le niveau de vie des retraités « s'établirait entre 82 et 89 % de celui de la population en 2060 ». Alors qu'il était 106 % en 2016... Bref, si l'Etat ne revient pas à un système des retraites plus généreux, les actifs vont devoir envisager d'autres moyens pour assurer leurs vieux jours.

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