27/10/2020 2 articles tlaxcala-int.org  6min #180885

Big Brother is protecting you : en Sicile, on déploie la police et l'armée contre les attroupements d'écoliers

 Antonio Mazzeo

En punir dix pour en éduquer cent*. C'est le principe « pédagogique » que le gouvernement italien et les forces de l'ordre entendent expérimenter dans les écoles siciliennes en temps de pandémie de Covid-19. Dans une note adressée le 6 octobre dernier au Directeur général du Bureau Académique Régional (USR) pour la Sicile, dont l'objet est : « Mesures d'endiguement anti-coronavirus », la Préfecture de Palerme a annoncé le lancement d'une campagne de contrôles anti-attroupements aux abords des établissements scolaires à grand renfort d'amendes et sanctions pénales pour les jeunes « coupables » de ne pas respecter les innombrables et parfois discordantes ordonnances anti-Covid.

« Monsieur le Directeur, nous vous informons qu'afin de mettre en application les récentes dispositions réglementaires concernant l'endiguement de la diffusion du Covid-19, par lesquelles on introduit des mesures plus rigoureuses du fait de l'aggravation de la situation sanitaire due à l'évolution de la courbe épidémiologique constatée sur le territoire national, notre Bureau a décidé de mettre en place des activités de contrôle spécifiques confiées aux Forces de l'ordre, à réaliser à l'extérieur des établissements scolaires », écrit le Préfet du chef-lieu sicilien, Giuseppe Forlani.

Dans la note à l'USR Sicile, on précise également que les surveillances et interventions répressives éventuelles seront confiées aux « représentants des Forces de l'ordre déjà employés devant les établissements secondaires dans les tâches de contrôle anti-drogue ».

« Les activités mentionnées serviront donc à lutter ainsi qu'à prendre des sanctions contre les attroupements illicites de scolaires susceptibles de constituer un agent de transmission du coronavirus ; on cherchera à sensibiliser en même temps les scolaires à l'importance que revêt, pour la préservation de notre système sanitaire, le respect des règles concernant surtout la distanciation sociale », ajoute le Préfet Forlani. « De la même façon, les Forces de l'ordre veilleront, au cours du déroulement des contrôles auxquels elles sont affectées, à vérifier le respect par les scolaires de l'utilisation correcte des dispositifs de protection individuelle, autre moyen considéré comme essentiel pour contenir la diffusion de la contagion. Cela étant, vous voudrez bien, Monsieur le Directeur, informer la direction de chaque établissement concerné et, à travers elle, tous les scolaires, des activités de contrôle qui seront sous peu réalisées, en sensibilisant ces mêmes destinataires à l'obligation de se conformer scrupuleusement aux dispositions réglementaires introduites ainsi qu'aux sanctions qui pourront en résulter, auxquelles s'exposeront ceux qui ne s'y conforment pas ».

Par ces incroyables formulations, le Préfet de Palerme absout les autorités académiques nationales, la Régions et les organismes locaux pour les graves carences dans leur comportement de ces dernières semaines, qui ont empêché scolaires, enseignants et personnel administratif d'effectuer leur rentrée en sécurité. Par contre, le Bureau Territorial du gouvernement fait retomber sur les jeunes qui font la queue à l'entrée des écoles presque toutes les responsabilités de la deuxième vague de la pandémie.

Bien que cette note ait été diffusée par de nombreuses directions d'établissements, on ne constate pas jusqu'à aujourd'hui d'interventions critiques de la part d'enseignants ou de syndicats professionnels, entièrement court-circuités et délégitimés dans leurs fonctions de formation et d 'éducation par les argousins, carabiniers, gardes de finance et, vraisemblablement, même, par les militaires de l'Armée engagés dans l'Opération Rues Sûres. Une nouvelle et inacceptable poussée autoritaro-sécuritaire qui s'ajoute à l'occupation du système scolaire par les forces armées nationales et même par celles des USA et de l'OTAN qu'on a constatée dans l'île ces dernières années.

C'est Antonio Rampolla, du Comité No MUOS [mouvement de protestation contre la base US de Niscemi, en Sicile, où est établi un système militaire de surveillance électronique, NdlT] de Palerme qui stigmatise l'intervention du Préfet Giuseppe Forlani :

« La communication adressée aux proviseurs palermitains nous donne une bonne idée de la façon dont l'État et le gouvernement entendent se comporter dans leurs rapports avec le monde de l'école et plus largement avec la société tout entière », déclare Rampolla. « On mise encore une fois sur la punition et la surveillance en tant que régulatrices des rapports sociaux et sur la pandémie en tant qu'agent d'accélération des dynamiques répressives ». Des militaires qui se substituent aux personnels sanitaire et enseignant, cela nous fait comprendre sous quel signe est placée notre époque ; nous risquons de devenir ainsi une foule de serfs volontaires, effrayés par la possibilité de la mort. La protection de notre vie ne peut et ne doit pas être confiée à ceux qui, tous les jours, s'avèrent porteurs d'une culture fondée sur l'obéissance et l'abus de pouvoir. Notre devoir est de repousser cette tentative de l'État de réglementer notre existence ».

« Nous regardons avec une extrême préoccupation la présence envahissante des forces armées et de police à l'intérieur des écoles italiennes », rapporte Francesco lo Cascio du Conseil de la Paix de Palerme. « C'est pourquoi nous estimons nécessaire de nous engager aux côtés de la Campagne Écoles Démilitarisées promue par le MIR - Mouvement International de la Réconciliation et Pax Christi - pour réaffirmer l'importance de l'éducation à la paix et à la non-violence, en tant que modèle pédagogique propre à transmettre à tous les élèves les valeurs de solidarité, justice et coexistence pacifique ».

Du reste, les choses ne vont pas mieux, en temps d'urgence coronavirus, dans la ville de Messine. Ces jours derniers, le maire Cateno De Luca a annoncé sur son profil facebook un nouvel accord pour la « sécurité urbaine » entre la Préfecture et l'administration municipale. On développera, en particulier, aux frais de la municipalité, le système actuel de vidéo-surveillance grâce à l'installation de 70 nouvelles caméras dans les zones urbaines « qui connaissent le taux le plus élevé de micro-criminalité, repérées par la police d'État ». L'accord, ajoute le maire-shérif, « est complémentaire avec le projet Mesmart qui prévoit l'acquisition de plus de 700 équipements de vidéo-surveillance à déployer sur tout le territoire urbain ».

Sous le prétexte du Covid-19, le modèle Orwell est bel et bien assuré...

NdE

* Allusion au dicton latin "Unum castigabis, centum emendabis" («Tu en puniras un, tu en corrigeras cent»), popularisé dans sa version moderne en Italie en 1972 par les Brigades rouges, qui diffusèrent une photo de l'ingénieur Idalgo Macchiarini, dirigeant de la Sit-Siemens qu'elles avaient enlevé, avec un panneau proclamant : « Mords et fuis. Rien ne restera impuni. Frappes-en un pour en éduquer cent. Tout le pouvoir au peuple armé !» Elles reprenaient ainsi le slogan des Gardes rouges de Révolution culturelle et attribué à tort à Mao (il datait en fait de la dynastie des Han et caractérisait l'itinéraire du fonctionnaire exemplaire Yin Wenggui) : « En frapper un pour en éduquer cent »

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  antoniomazzeoblog.blogspot.com
Publication date of original article: 15/10/2020

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