13/04/2025 ssofidelis.substack.com  10min #274793

 Israël reprend son agression contre Gaza et rompt le cessez-le-feu

Blanchir le génocide, encore et encore. Comment l'Onu blanchit les atrocités à Gaza

Par  Story Ember Legaïe, le 12 avril 2025

Le 11 avril 2025, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) a publié un rapport 1-161167974documentant la campagne militaire en cours d'Israël à Gaza. Il décrit des centaines de frappes sur des bâtiments résidentiels et des abris de fortune, le massacre de femmes et d'enfants, et la famine d'une population assiégée. Il reconnaît même que les conditions à Gaza sont "de plus en plus incompatibles avec la survie [des Palestiniens] en tant que groupe".

Et pourtant, le terme "génocide" est introuvable.

On trouve plutôt des expressions telles que "soulève de graves préoccupations", "peut constituer une violation", et "ordres d'évacuation". Bureaucratie évasive. Brouillard diplomatique. Inertie légaliste. Le langage du contrôle des atrocités, et non de la prévention des atrocités.

Soyons clairs : il ne s'agit pas seulement d'un problème de formulation. C'est une trahison systémique, une forme de blanchiment institutionnel qui dissimule la violence génocidaire derrière un langage procédural, masque les intentions et, en fin de compte, protège les auteurs de leurs responsabilités. C'est de la lâcheté déguisée en sollicitude, de la complicité voilée d'impartialité.

Voici comment.

1. Du déplacement forcé aux "ordres d'évacuation"

"La multiplication des 'ordres d'évacuation' émis par les forces israéliennes - qui sont en réalité des ordres de déplacement - a entraîné le transfert forcé de Palestiniens..."

C'est ainsi que le HCDH décrit ce que le droit international qualifie de crime de guerre : le transfert forcé de civils sous la contrainte militaire. Le rapport reprend le terme utilisé par Israël - "ordres d'évacuation" - comme s'il s'agissait d'un souci logistique plutôt que d'une arme terroriste. Le terme "évacuation" évoque la sécurité, la protection, la coordination. Mais il ne s'agit pas de départs volontaires. Ce sont des expulsions, sous les tirs, sans eau, vers des zones qui seront ultérieurement bombardées de toute façon.

En privilégiant l'euphémisme, l'ONU reproduit le discours de l'occupant, permettant à la violence d'État de passer pour une préoccupation humanitaire. Il ne s'agit pas d'un rapport objectif, mais d'une collaboration linguistique avec un projet militaire de nettoyage ethnique.

Ce que dit la loi : l'article 49 de la quatrième Convention de Genève

interdit "les transferts forcés individuels ou massifs... quel qu'en soit le motif".

Ces déplacements ne sont pas juridiquement ambigus, ce sont des crimes.

2. Les "zones tampons" comme génocide bureaucratique

"... soulèvent de sérieuses préoccupations quant à l'intention d'Israël d'évacuer définitivement la population civile de ces zones afin de créer une 'zone tampon'".

Ici, le rapport reconnaît l'expulsion permanente de civils, mais en atténue immédiatement l'impact en désignant l'objectif comme une "zone tampon" - une expression empruntée à la doctrine militaire qui transforme le crime de dépeuplement en mesure de sécurité légitime.

Appelons un chat un chat : l'effacement délibéré d'un peuple de sa terre pour en faciliter le contrôle. Il ne s'agit pas seulement d'un transfert forcé, mais d'un redéploiement colonial par des moyens militaires.

Ce que dit la loi : en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le transfert forcé et le déplacement de population "dans l'intention de détruire" un groupe en tout ou en partie constituent un acte de génocide (article 6). Décrire cela comme une zone tampon n'est pas une analyse, c'est du révisionnisme génocidaire par diversion.

3. Tuer des enfants, compter les victimes

"Lors de quelque 36 frappes... les victimes enregistrées jusqu'à présent n'étaient que des femmes et des enfants".

Que signifie dire que "seuls" des femmes et des enfants sont morts, et le dire sans imputer de responsabilité ? C'est la grammaire de l'atrocité statistique : les civils sont transformés en chiffres fortuits, tandis que l'État qui les tue se fond dans la voix passive.

C'est une dissociation structurelle, un échec face à l'horreur psychologique et politique de ce qui est décrit. En psychologie des traumatismes, on appelle cela l'engourdissement émotionnel, un mécanisme de défense. Mais en politique internationale, cela devient même pire : une stratégie discursive pour absoudre le pouvoir.

Ce que dit la loi : les attaques indiscriminées ou délibérées contre des civils sont des crimes de guerre. En vertu du droit international humanitaire coutumier, il n'est jamais permis de prendre pour cible des civils, en particulier des populations protégées comme les enfants. Ce n'est pas une erreur de calcul. C'est bien une méthode.

4. La famine comme stratégie, la "préoccupation" comme couverture

"... suscitant de sérieuses préoccupations quant aux châtiments collectifs et au recours à la famine de la population civile comme méthode de guerre..."

Ici, l'ONU s'approche dangereusement de la qualification du crime, puis se retranche dans l'ambiguïté institutionnelle. Elle ne dit pas qu'Israël utilise la famine comme arme. Elle parle seulement de "sérieuses préoccupations". Cette formulation n'est pas neutre, c'est un déni plausible.

La réalité est claire : priver intentionnellement une population civile piégée de nourriture, d'eau, de carburant et de médicaments n'est pas le regrettable effet collatéral de la guerre, c'est une tactique de guerre. Et en vertu du droit international, cette tactique est illégale, immorale et génocidaire.

Ce que dit la loi : l'article 8(2)(b)(xxv) du Statut de Rome définit "le recours à la famine contre des civils comme arme de guerre" comme un crime de guerre. Aucun qualificatif. Aucune "préoccupation". Juste des actes criminels.

5. Éviter de qualifier les faits : le génocide

"... infliger aux Palestiniens de Gaza des conditions de vie de plus en plus incompatibles avec leur survie en tant que groupe..."

C'est la phrase la plus accablante du rapport, et aussi la plus lâche. Elle reprend exactement les termes de l'article II(c) de la Convention sur le génocide :

"imposer délibérément des conditions d'existence devant entraîner la destruction physique totale ou partielle d'un groupe".

Mais l'ONU s'arrête là. Elle enterre le génocide sous une syntaxe passive et des formulations bureaucratiques.

Ce que la clarté morale exige :

"Israël s'emploie délibérément à détruire les conditions nécessaires à la vie des Palestiniens à Gaza : nourriture, eau, abris, médicaments et sécurité. Ces agissements, pris dans leur ensemble, constituent un génocide au regard du droit international".

La psychologie du langage diplomatique : pourquoi cet échec de l'ONU

Alors, pourquoi l'ONU s'exprime-t-elle en ces termes ?

Parce que l'ONU n'est pas une institution morale. C'est une bureaucratie politique, conçue pour maintenir l'équilibre des pouvoirs étatiques, et non pour libérer les peuples colonisés.

Son langage illustre bien cette fonction :

  • la voix passive occulte l'action.

  • Les "préoccupations" remplacent la condamnation.
  • L'ambiguïté se substitue à l'action.

Telle est la psychologie coloniale du système international : voir l'hécatombe non pas comme une horreur, mais comme une donnée, interpréter l'extermination comme un débat politique, retarder la dénonciation des atrocités jusqu'à ce que les morts soient déjà enterrés.

Décoloniser le discours

Une véritable décolonisation exige de rejeter l'idée que le langage de l'empire est le langage de la justice. L'ONU ne peut continuer à centrer le récit sur les puissants tout en prétendant défendre les sans-pouvoir.

Nous devons exiger une nouvelle norme, fondée non pas sur la neutralité institutionnelle, mais sur les vérités éthiques :

  • Les déplacements forcés sont un nettoyage ethnique.
  • La famine est un crime de guerre.
  • La destruction systématique des infrastructures vitales est un génocide.
  • Et l'incapacité de l'ONU à nommer ces actes n'est pas de l'impartialité, c'est de la dissimulation institutionnelle.

Mot de la fin

L'histoire ne se souviendra pas de la minutie avec laquelle l'ONU a analysé sa terminologie. Elle se souviendra du nombre d'enfants calcinés pendant que les diplomates ont débattu des définitions. Nous n'avons pas besoin d'une autre déclaration de préoccupation. Nous avons besoin de courage moral, et nous en avons besoin maintenant. Appelons un chat un chat. C'est un génocide.

Marginalia :

La politique Marginalia : La responsabilité de protéger 2-161167974 n'est pas un idéal rhétorique, c'est un engagement international contraignant fondé sur le principe que la souveraineté n'accorde pas aux États le droit d'anéantir leurs populations. Lorsque la machine du droit international ne parvient pas à réagir face à des actes de génocide avérés, la responsabilité de protéger devient plus qu'une doctrine, elle devient une mise en accusation de la faillite morale de l'ordre mondial. Gaza est devenu un terrain expérimental non seulement pour l'impunité militaire, mais aussi pour le consentement de la communauté internationale à abandonner son obligation la plus fondamentale : intervenir lorsqu'une population est en train d'être exterminée. Si la R2P (Responsabilité de Protéger) a un sens, c'est bien celui-ci : pas demain, pas après un procès, mais ici et maintenant.

La R2P établit trois fondements de responsabilité

Premier fondement

Chaque État a la responsabilité de protéger ses populations de quatre crimes d'atrocités de masse : le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le nettoyage ethnique.

Deuxième fondement

La communauté internationale au sens large a la responsabilité d'encourager et d'aider les États à assumer cette responsabilité.

Troisième fondement

Si un État manque manifestement à son devoir de protection de ses populations, la communauté internationale doit être prête à prendre les mesures collectives qui s'imposent, en temps voulu et de manière décisive, conformément à la Charte des Nations Unies.

En outre, si la responsabilité de protéger était mise en œuvre avec un véritable engagement - non pas comme un geste symbolique mais comme un impératif opérationnel - elle prendrait la forme d'une action internationale immédiate et coordonnée pour mettre fin aux atrocités de masse à Gaza. Cela inclurait le déploiement d'une force de protection internationale indépendante pour garantir la sécurité des civils, l'imposition de sanctions et d'embargos sur les armes à l'État responsable, la mise en place de couloirs humanitaires d'urgence sous mandat international et le renvoi des responsables de l'État devant la Cour pénale internationale sans délai ni report. Cela impliquerait la suppression du droit de veto comme bouclier contre le génocide, et considérer la vie des Palestiniens comme étant tout aussi digne de protection que n'importe quelle autre. La R2P, si elle est sérieuse, exige une intervention non pas après un consensus, mais au seuil de l'anéantissement.

Appel à l'action : Exiger la R2P pour Gaza

  • Exiger la mise en œuvre immédiate de la R2P : La responsabilité de protéger doit être appliquée pour Gaza, où la violence génocidaire de masse est en cours et où la famine est utilisée comme punition collective, et pour la Cisjordanie, où la violence génocidaire systémique se poursuit.
  • Placer Gaza au centre de toutes les exigences : donner la priorité à Gaza, où plus de 600 000 personnes sont mortes ou meurent en raison d'un génocide direct et indirect.
  • Inonder les responsables d'appels, de courriels et de pétitions : tenir les gouvernements responsables de leur mépris des obligations de la R2P.
  • Briser le silence : occuper tous les espaces qui revendiquent une autorité morale mais refusent d'agir (milieux universitaires, ONG, médias et institutions religieuses). Une action subversive est nécessaire.
  • Refuser les euphémismes : Il ne s'agit pas d'un "conflit", mais d'un génocide. C'est pourquoi la responsabilité de protéger existe.
  • Faire entendre la voix des survivants : Mettre en avant les témoignages palestiniens, et non les discours édulcorés des ONG de sauvetage ou de "paix".
  • Faire de la responsabilité de protéger une exigence non négociable : pas seulement un cessez-le-feu. Pas seulement de l'aide. Une protection.

Traduit par  Spirit of Free Speech

1-161167974 -  ohchr.org

2-161167974 -  globalr2p.org

Marginalia Subversiva

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