La rivalité diplomatique s'intensifie autour de l'Inde. Après la rencontre à Washington entre les chefs de la diplomatie et de la défense américains et indiens, le premier ministre britannique Boris Johnson s'est rendu en visite à New Delhi, où devrait également venir cette semaine la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Comme l'a rapporté l'agence Reuters, la visite d'Ursula von der Leyen s'inscrit dans les efforts de l'Occident visant à inciter l'Inde à réduire ses liens avec la Russie, son principal fournisseur d'armes. Tout comme les États-Unis, l'UE déplore le fait que l'Inde n'a pas condamné la Russie et, au lieu de cela, a appelé à mettre immédiatement un terme aux violences en Ukraine.
Les aspirations de Bruxelles en ce sens ont échoué. Mais à l'issue des pourparlers, l'UE et l'Inde sont convenues de créer un conseil de commerce et de technologies. Cela pourrait être considéré comme un succès partiel de la présidente de la Commission européenne. Car une telle structure existe uniquement entre l'UE et les États-Unis.
Pendant sa rencontre avec le premier ministre indien Narendra Modi, Ursula von der Leyen a déclaré qu'une telle coopération était aujourd'hui nécessaire plus que jamais. Elle a également promis d'augmenter les livraisons d'armes à l'Inde. Les deux responsables ont notamment évoqué la proposition de créer une zone de libre-échange. Les négociations à ce sujet étaient menées encore en 2013 mais ont été suspendues à cause des divergences sur la réduction des taxes et la protection des brevets. Le sommet virtuel de 2021 n'a rien donné non plus.
L'UE considère l'importance de la zone non pas en relation avec la crise ukrainienne, mais du point de vue de la confrontation avec la Chine. L'Inde, avec sa population de presque 1,4 milliard d'habitants, est perçue comme un allié clé censé aider à stopper l'ascension de la Chine sur la scène mondiale. Mais les déclarations floues des dirigeants des deux côtés prêtent à conclure que la signature d'un accord sera de nouveau reportée.
Le ministre indien des Affaires étrangères Subrahmanyam Jaishankar a déclaré que les parties avaient échangé leurs avis sur les conséquences politiques et économiques du conflit en Ukraine. Un échange d'avis n'implique pas que les interlocuteurs partagent leurs approches. Ils ont simplement exprimé leur avis au partenaire. De toute évidence, l'Inde continuera de manœuvrer entre l'Occident et la Russie. L'Inde est prête à commercer avec tout le monde. Cela ne signifie pas qu'elle cède à la pression politique.
La ligne de la politique étrangère du pays a été confiée par la ministre des Finances Nirmala Sitharaman dans une interview à l'agence Bloomberg. « L'Inde veut être un ami fiable du monde libéral. Mais elle a besoin de l'aide de la Russie pour défendre ses frontières », a indiqué la ministre. Et d'ajouter que l'Inde était depuis longtemps impliquée dans des litiges frontaliers avec le Pakistan et la Chine. Il lui a fallu faire la guerre avec ces deux pays. D'autant que ces deux États agissent conjointement contre l'Inde. New Delhi ne peut pas se permettre d'être faible. Le pays doit rester fort pour pouvoir se défendre.
Alexandre Lemoine
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