Xavier Azalbert, France-Soir
Le député européen, vrai pro du cash-cash, sait aussi se rendre invisible aux séances du Parlement.
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EDITO - L'Union européenne est financée par les dotations de ses Etats membres.
Adopté conjointement le 11 novembre 2023 par le Conseil de l'Europe (1) et le Parlement européen, le budget 2024 de l'Union européenne est de 332 milliards d'euros (2).
Cinq pour cent de ce montant est consacré au financement du Parlement européen, soit 16,6 milliards d'euros. Or, excepté ce mot qu'il a à dire sur le montant de son propre financement, le Parlement européen n'a aucun pouvoir décisionnaire véritable. En pratique, toutes les décisions sont prises par le Conseil de l'Europe et par la Commission européenne. On peut donc affirmer que, concrètement, le Parlement européen ne sert pas à grand-chose. Notamment pour ce qui est d'assurer ce qui normalement est sa fonction première (inscrite dans ses statuts) : garantir aux peuples européens la transparence sur les décisions que le Conseil européen et la Commission européenne prennent en secret lors de leurs réunions privées interdites au public.
Je vous en ai fait état dans un édito précédent : A quel jeu jouent-ils ?
Le Parlement européen s'est notamment affranchi de cette fonction dans l'affaire des contrats passés entre Pfizer et la Commission européenne pour l'acquisition de milliards de doses de thérapies géniques. Un contrat conclu dans une grande opacité et constitué de clauses au bénéfice quasi exclusif des fabricants. Le tout étant bien évidemment facturé directement aux contribuables des pays de l'UE. Bénéfices nuls pour le contribuable et charges à eux de supporter les effets secondaires importants que nul n'arrive plus à cacher.
Pour le contribuable, le Parlement européen est une charge, et même disons-le, une dépense inutile.
À l'inverse, c'est évidemment tout "bénéf'" pour ceux qui en croquent.
Et ils sont nombreux à se goinfrer !
Sur les 16,6 milliards d'euros du budget annuel 2024 du Parlement européen, 34 % sont imputés à la case "personnel" (jardiniers, cuisiniers, vigiles, gardes du corps, infirmiers, voituriers, etc. : tous métiers confondus, on arrive à plusieurs milliers de personnes), soit 5,64 milliards.
A cela, il faut ajouter les traducteurs. Eux représentent 8 % du budget du Parlement européen : 1,33 milliard. Ensuite, l'informatique (équipement et techniciens), c'est 7 % du budget, soit 1,16 milliard. Puis l'entretien des bâtiments, c'est 12 %, soit 1,99 milliard. Et enfin l'administration, 3 %, soit 0,45 milliard.
34 % + 8 % + 7 % + 12 % + 3%, cela nous fait 63 %.
Question : à quoi sont utilisés les 37 % restants, soit 6,14 milliards d'euros ?
Dans ces 6,14 milliards d'euros, il y a ce que nous coûtent les 705 eurodéputés.
Chaque député européen perçoit chaque mois un salaire net de 6 825 € + une indemnité de 4 513 € pour "les frais de fonctionnement", à savoir 11 338 € par mois, 136 056 € par an...
S'ajoutent, à cette coquette rémunération, 304 € de "frais d'hébergement et d'entretien" pour chacune des 300 séances de l'Assemblée ordinaire organisées au Parlement européen (3), soit 91 200 € par an et par député.
Aucun des 705 eurodéputés n'étant présent à toutes les séances, je fais grâce ici de ces 304 € que chaque membre, lorsqu'il est présent au Parlement, perçoit pour chacune des quelques séances que comportent les sessions extraordinaires du Parlement européen. Il y en a toujours au moins une. Elle a lieu vers la fin de l'année. Une session extraordinaire au cours de laquelle le Parlement discute toujours du même sujet : le montant du budget du Parlement européen pour l'année suivante...
En revanche, chaque député perçoit une enveloppe annuelle de 24 943 € pour rémunérer ses assistants parlementaires.
Ceci nous fait donc un total annuel par député de : 136 056 + 91 200 + 24 943 = 252 199 €.
Allez, ne jouons pas les pousse-mégot : arrondissons à 252 000 €. Le tout multiplié par 705 eurodéputés nous donne un total général de 177,660 millions d'euros par an.
Ce qui est énorme !
Dès lors, on comprend pourquoi, de l'extrême droite à l'extrême gauche, en passant par les centristes, les écologistes, les Macronistes, les diverses droites, nos gentils politiciens se battent pour obtenir un siège de député européen et être payés grassement à ne rien faire d'autre, finalement, que blablater pour des nèfles. Et encore, nous parlons là d'élus ayant un minimum de conscience et présents de temps à autre au Parlement.
Toutefois, il y a plus grave. Nettement plus grave.
Souvenez-vous : ces 37 % du budget du Parlement européen, soit 6,14 milliards d'euros, qui ne sont pas consacrés aux personnels, aux traducteurs, à l'entretien des bâtiments, à l'informatique, et à l'administration.
Sur ces 6,14 milliards d'euros, c'est "à peine" 178 millions qui sont alloués aux 705 députés pour leur entretien à eux et pour leurs frais.
6,14 milliards moins 178 millions et 365 000 euros, cela nous fait 5 milliards 961 millions et 635 000 euros.
D'où la question posée en titre : où passent ces six milliards d'euros ?
On pourrait y ajouter les 192 milliards d'aides accordés à l'Ukraine depuis deux ans sans aucun vote des parlements. Et que la France surendettée supporte.
Enfin, comme si l'addition n'était pas assez salée, que dire de cette enquête d'une plateforme d'investigation baptisée Follow the Money, regroupant deux douzaines de médias européens, qui a révélé il y a quelques jours que près d'un quart des 700 députés européens en fonction ont été impliqués dans une affaire (corruption, fraude, détournements de fonds public et même complicité de meurtre...). L'enquête dénombre 253 affaires recensant 163 députés et souligne une "surreprésentation" des élus de la droite radicale.
(1) Le Conseil de l'Europe est composé des Chefs d'État ou de Gouvernement des 27 États membres.
(2) 189,39 milliards en "engagements" (investissements faits sur plusieurs années, quatre généralement) et 142,63 milliards "en paiements" (dépenses effectives sur l'année concernée), dont 26 milliards de dotation versée par la France.
(3) Si un député est absent en séance plus de la moitié du temps, son indemnité mensuelle est réduite de moitié. Il n'est pas obligatoire pour un député européen d'assister à la totalité d'une séance pour être considéré "présent" lors de celle-ci. Il lui suffit juste de pointer au Parlement durant le déroulement de la séance, qu'importe qu'il ne reste pas une seconde de plus au Parlement. Ainsi, il est courant de voir des députés venir pointer avant une séance avant de reprendre leur train ou leur avion vers leurs pays d'origine illico presto...