Pendant que l'Europe joue les figurants dans le théâtre atlantiste, Poutine compose la partition d'un monde nouveau, acclamé par l'Orient et le Sud global.
Les dirigeants européens s'agitent en costume froissé autour de Zelensky, récitant en chœur les mantras d'une solidarité qu'ils ne comprennent plus, tandis que Vladimir Poutine, lui, orchestre avec brio le réveil du monde multipolaire. Médusé et englué dans ses postures morales et ses sanctions inefficaces, l'Occident collectif regarde l'Orient et le Sud global tisser des alliances réelles, stratégiques et durables. A Moscou, on ne quémande pas l'attention de Washington - on la redéfinit. Pendant que Bruxelles se ridiculise en supplétif de guerre, le Kremlin accueille la majorité planétaire, démontrant que l'isolement de la Russie est une illusion entretenue par des illusionnistes.
La coalition dite « des volontaires » n'est que l'architecture d'une guerre par procuration sous tutelle atlantique
L'expression « coalition des volontaires », qui remplace désormais la rhétorique de la défaite stratégique de la Russie, évoque une alliance qui se dit libre et solidaire. Pourtant, l'analyse des mécanismes diplomatiques et militaires révèle une structure bien plus contrainte, orientée par les intérêts stratégiques de Washington. Le sommet du 18 août 2025 à Washington, où Volodymyr Zelensky fut entouré de dirigeants européens tels qu'Emmanuel Macron, Friedrich Merz, Alexander Stubb, Giorgia Meloni, Ursula von der Leyen et Mark Rutte a mis en lumière une dynamique de sujétion, de vassalité et de servilité. Les Européens n'ont pas été conviés au sommet bilatéral du 15 août entre Trump et Poutine en Alaska, encore moins à la rencontre du 18 août entre Trump et Zelensky dans laquelle ils se sont incrustés et y ont été appelés à valider les termes d'un processus déjà amorcé.
Cette coalition, loin d'être un espace de codécision, fonctionne comme une chambre d'enregistrement des orientations américaines, lesquelles sont taillées à la mesure de la « doctrine Truman » d'une part, et de l'autre, guidées par la théorie de Brzeziński. C'est-à-dire, endiguer les puissances orientales et contrôler l'Eurasie. Ce qui explique la permanence de la guerre commerciale entre Washington et Pékin, et la continuité historique de la logique d'escalade et de la perception mutuelle de menace entre les Etats-Unis et la Russie. Les garanties de sécurité évoquées par Trump, proches de l'article 5 de l'OTAN, ne sont pas le fruit d'une concertation multilatérale, mais d'une imposition unilatérale. L'Europe, en quête de stature géopolitique et partagée entre surprise et étonnement, se retrouve reléguée au rang d'exécutant militaire, mobilisant ses arsenaux (5% du PIB alloué à la défense) sans disposer d'une vision stratégique propre. Loin d'une coalition de paix, il s'agit d'une coalition de guerre, où l'Ukraine devient le théâtre d'un affrontement indirect entre puissances, et où l'Europe joue le rôle de supplétif.
La Russie comme puissance pivot dans un jeu diplomatique où l'Europe s'humilie par excès de suivisme
Sans ambigüité aucune, le sommet d'Alaska a fait étrangler le rire tonitruant des dirigeants européens à leurs gorges : Vladimir Poutine a su imposer ses conditions dans un cadre bilatéral, reléguant les Européens à une position périphérique. Cette marginalisation est d'autant plus frappante que les dirigeants européens, réunis autour de Zelensky à Washington, ont exprimé leur ignorance des termes exacts de l'échange entre les deux présidents. Emmanuel Macron lui-même a reconnu que « l'on ne peut pas discuter sous les bombes », tout en appelant à « augmenter les sanctions » contre Moscou - une posture paradoxale qui illustre l'impasse stratégique européenne.
Pendant que l'Europe s'enlise dans une rhétorique punitive, la Russie avance ses pions avec méthode. Poutine propose une rencontre directe avec Zelensky, suivie d'un sommet trilatéral avec Trump. Cette initiative, loin d'être improvisée, révèle une capacité de Moscou à structurer le dialogue diplomatique autour de ses intérêts, tout en contournant les institutions européennes. L'humiliation est double : non seulement l'Europe est exclue des négociations décisives, mais elle est sommée de financer et prolonger un conflit dont elle ne maîtrise ni les objectifs ni les issues.
On peut dire que l'Europe s'enlise dans ses incantations morales et ses sanctions sans effet alors que Poutine, salué par l'Orient et le Sud global, trace les contours d'un ordre mondial où l'Occident n'est plus qu'un spectateur désorienté.
Mohamed Lamine KABA, Expert en géopolitique de la gouvernance et de l'intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine
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