05 Avr 2018
Article de : Vijay Prashad
Si vous êtes un journaliste occidental et que vous devez faire un reportage à Gaza, la meilleure chose à faire est de traiter les Palestiniens comme une menace. Leurs corps sont des armes, leur existence est dangereuse. Si un Palestinien est tué par un soldat israélien, le terme le plus approprié pour qualifier cela est "affrontement". Normalement, des affrontements se produisent lorsque deux forces armées entrent en confrontation.
Mais les Palestiniens non armés sont armés du fait de leur existence. Si les soldats israéliens abattent 15 Palestiniens désarmés, la meilleure façon de raconter cette histoire est de dire que des "affrontements meurtriers" ont eu lieu à Gaza.
Si vous êtes un journaliste occidental et que vous devez couvrir Gaza, ne parlez à aucun responsable palestinien. Parlez seulement à l'armée israélienne et au gouvernement israélien. Quand l'armée israélienne dit que les Palestiniens ont commencé l'"affrontement" avec des pierres et des «pneus enflammés», répétez-le comme l'origine de l'usage par Israël de gaz lacrymogènes et de tirs réels.
Ne vous embêtez pas à rapporter ce que vous avez vu de vos propres yeux, ni à regarder des vidéos sur YouTube filmées des deux côtés de la clôture du périmètre. Pas besoin de voir cette vidéo d'hommes désarmés agenouillés pour prier, et tirés comme des lapins par les snipers israéliens. Mieux vaut jouer les sténographes de l'armée israélienne que d'être un journaliste qui rapporte des faits.
Si vous êtes un journaliste occidental et que vous devez couvrir Gaza, parlez à quelques Palestiniens disant qu'ils n'abandonneront jamais, qu'ils "n'ont rien à perdre." N'offrez aucun contexte à ces déclarations, rien qui puisse donner du sens à ces mots futiles, ou même les rendre sympathiques.
N'écrivez pas sur le siège permanent de Gaza - ses frontières terrestres et maritimes fermées par les autorités israéliennes. Ne vous tracassez pas avec la documentation du Centre palestinien pour les droits de l'homme, basé à Gaza.
Si vous lisez leurs rapports hebdomadaires, vous constaterez que la marine israélienne a bombardé à plusieurs reprises la côte de Gaza ces dernières semaines - avec notamment des attaques régulières contre des bateaux de pêche palestiniens au large d'Al-Sudaniya. Vous y trouverez des rapports sur les avions de combat israéliens qui ont frappé le stade Beit Hanoun Services Club au nord de Gaza. Vous trouverez des preuves que les soldats israéliens ont tiré à plusieurs reprises sur des bergers dans la partie orientale de la vallée de Gaza. Israël ne laissera pas les agences internationales des droits de l'homme entrer à Gaza. Israël ne veut pas de ce contexte.
Si vous êtes un journaliste occidental et que vous devez couvrir Gaza, ne posez pas de questions aux groupes politiques palestiniens sur les six semaines de manifestations non-armées prévues à la clôture du périmètre. Ne prenez pas la peine de signaler que c'est une manifestation pacifique, quelque chose que les libéraux ont souvent demandé aux Palestiniens. Ne vous embêtez pas à demander pourquoi la direction palestinienne a exhorté les gens à être pacifiques ni pourquoi ils ont demandé cette réunion à la frontière.
Pourquoi mentionner que le 30 mars est l'anniversaire des événements du Jour de la Terre en 1976 en Galilée, quand les Palestiniens se sont battus pour défendre leur mode de vie dans le nord d'Israël?
Pourquoi mentionner qu'il y a un programme politique à l'œuvre ici, et pas simplement l'instinct d'un peuple encagé?
Vijay Prashad, de Northampton, qui a réalisé des reportages en Palestine, est le directeur de l'Institut de recherche sociale de la Tricontinentale. Ils est également rédacteur en chef de "Letters to Palestine: Writers Respond to War and Occupation."
Source originale: Daily Hampshire Gazzette
Traduit de l'anglais par Invesig'Action
Source: Investig'Action