
Par Abdullah al-Ahsan, le 17 septembre 2025
Chicago - L'Assemblée générale des Nations unies vient (le 12 septembre) d' approuver la Déclaration de New York sur la solution à deux États entre Israël et la Palestine. La veille, le Premier ministre israélien Netanyahu a promis qu'"un État palestinien ne verrait jamais le jour". Israël a réussi à obtenir 10 voix, dont celles des États-Unis, sur les 193 membres que compte l'Assemblée générale. Où cette évolution nous mène-t-elle ? Examinons ce dilemme à la lumière de certains événements historiques.
L'assassinat du comte Bernadotte
La position de plus en plus agressive d'Israël à l'égard des Palestiniens et des autres États voisins a désormais convaincu la plupart des États européens de soutenir une solution à deux États pour résoudre la crise palestinienne qui dure depuis près d'un siècle. Dan Steinbock, analyste politique américain spécialisé dans les affaires internationales, a suggéré dans un article publié il y a quelques mois dans Modern Diplomacy que "la solution à deux États est morte à Jérusalem le 17 septembre 1948". Que signifie cette date vieille de 77 ans ?
Le 17 septembre 1948, des terroristes israéliens ont assassiné le diplomate suédois et chef de la Croix-Rouge, le comte Folke Bernadotte en plein jour à Jérusalem. Malheureusement, très peu de gens connaissent cet homme remarquable qui a consacré sa vie au service de l'humanité. Les trois assassins, dont l'un, Yitzhak Shamir, ancien mentor de Benjamin Netanyahu devenu plus tard Premier ministre d'Israël, considéraient Bernadotte comme un antisémite.
Bernadotte n'était pas un homme ordinaire. Il avait notamment négocié avec succès la libération d'environ 450 Juifs danois et de plus de 30 000 prisonniers non juifs d'un camp de concentration pendant les années de guerre. La plupart des dirigeants politiques et diplomates contemporains le tenaient en haute estime. Au sein des Nations unies nouvellement créées, il a élaboré certains principes d'action humanitaire au nom de l'organisation mondiale, principes qui ont ensuite jeté les bases de l'Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA), une institution admirée par la plupart des membres de la communauté internationale, mais accusée d'antisémitisme par Israël. Compte tenu de ses contributions remarquables durant la guerre, l'ONU lui a confié la tâche de rédiger un plan de partition du territoire en deux zones, l'une arabe/palestinienne et l'autre juive, afin d'assurer une paix durable dans la région.
Il était conscient du caractère sensible de sa mission : il était au fait du sort du peuple juif en Europe et des intentions des Britanniques de les implanter en Palestine. Il savait également que les États-Unis et l'Union soviétique soutenaient fortement la migration juive vers la Palestine. Après avoir été désigné par l'ONU comme médiateur entre Juifs et Palestiniens, il consigna dans son journal les difficultés auxquelles il était confronté :
"Il faut garder à l'esprit les aspirations des Juifs, les difficultés politiques et les divergences d'opinion des dirigeants arabes".
Il a également noté qu'il fallait tenir compte des intérêts stratégiques de la Grande-Bretagne, de l'engagement financier des États-Unis et de l'Union soviétique, de l'issue de la guerre et, enfin, de l'autorité et du prestige des Nations unies.
Le comte Bernadotte se montrait fier et confiant quant à sa mission. Il rejetait toute mesure de sécurité personnelle. Cependant, quatre hommes vêtus d'uniformes militaires israéliens l'ont tué dans le quartier juif de Jérusalem, le lendemain de la présentation de ses préconisations. Il rentrait à Jérusalem après une réunion au cours de laquelle il avait négocié avec diverses parties de la région. Pourquoi a-t-il été assassiné ? Qui l'a tué ? Quelles étaient les intentions de ses assassins ? Que voulaient-ils accomplir en l'éliminant ? Enfin, pourquoi Dan Steinbock pense-t-il que son assassinat a contribué à la faillite de la solution à deux États ? Soixante-dix-sept ans plus tard, les dirigeants européens redonnent toute leur pertinence à ces questions qui conditionnent aujourd'hui la paix mondiale.
Pourquoi Bernadotte a-t-il été assassiné ?
Conformément à la résolution de l'ONU, Bernadotte a recommandé le retour de tous les réfugiés palestiniens, y compris les déplacés de la première Nakba et ceux chassés pendant la guerre de 1948. Il a également préconisé l'internationalisation de la ville de Jérusalem, conformément à la résolution de l'ONU. Les Israéliens se sont fermement opposés à ces deux propositions. Bernadotte avait déjà amendé ses recommandations précédentes pour tenir compte des exigences juives. La plupart des Palestiniens et des Arabes voisins s'opposaient également à la fois à la résolution de l'ONU sur le partage et aux recommandations de Bernadotte, car les colons juifs, qui n'avaient acquis que 6 % des terres du mandat palestinien, se voyaient attribuer des territoires beaucoup plus importants. Cependant, ils n'avaient guère de poids dans le processus décisionnel de l'ONU. Les Israéliens bénéficiaient en effet d'un important soutien de la part des pays occidentaux, et Bernadotte tâchait de répondre au mieux à leurs revendications. C'est ainsi qu'est née l'idée d'une solution à deux États.
Tout d'abord, comment l'idée de deux États a-t-elle vu le jour ? Les autorités du mandat britannique n'étaient pas favorables à la partition. C'est le premier haut commissaire, Herbert Samuel, qui a souhaité favoriser la migration et l'installation des Juifs européens en Palestine. Cependant, les Palestiniens ont rapidement fait l'expérience d'une pression croissante, car l'administration favorisait les colons au détriment des droits de la population indigène. Face à l'intensification des protestations palestiniennes, les responsables du mandat ont fini par accepter de séparer les immigrants juifs des Palestiniens indigènes. À la suite d'une rébellion en 1936-1937, les autorités ont constitué la commission Peel, qui a recommandé de diviser le territoire entre Juifs et Palestiniens. En 1947, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution 181 officialisant l'idée de la partition de la Palestine sur la scène internationale. Moins d'un an plus tard, le médiateur de l'ONU chargé de cette affaire a été assassiné, ce que Steinbock a identifié comme la fin de la solution à deux États. L'Organisation mondiale s'est-elle bercée d'illusions en pensant qu'une solution à deux États pouvait résoudre la crise la plus grave à laquelle le monde est confronté aujourd'hui ?
Israël a étouffé l'assassinat de Bernadotte
Abba Eban, le représentant d'Israël auprès de l'ONU à l'époque, qui a ensuite occupé le poste de ministre des Affaires étrangères, a fait part au Conseil de sécurité de
"la vive émotion que ce crime a provoquée dans son gouvernement, car il a coûté la vie à un serviteur de l'ONU, initiateur d'un processus de médiation et de conciliation salutaire".
Il a également assuré le Conseil de sécurité que son gouvernement considérait cet assassinat comme un acte terroriste et qu'il traiterait les auteurs comme des criminels. Cependant, toutes ces assurances se sont évaporées. En réalité, les auteurs de cet assassinat ont été élevés au rang de héros par de nombreux Israéliens, favorisant ainsi leur ascension politique. Comme mentionné précédemment, l'un d'entre eux est devenu Premier ministre d'Israël.
La plupart des pays occidentaux soutenaient initialement l'idée de la partition de la Palestine. Cependant, certains intellectuels juifs américains influents, comme le rabbin Judah Leon Magnes, expert en études juives et premier chancelier puis président de l'université hébraïque de Jérusalem, estimaient que la partition de la Palestine n'était pas économiquement viable. Il prédisait également qu'elle engendrerait une guerre sans fin en Palestine. Seuls les événements historiques ultérieurs ont démontré le bien-fondé de ses propos ! De nombreux autres universitaires juifs, témoins du traitement réservé aux Palestiniens par Israël au cours des dernières décennies, tels qu'Ilan Pappe, Avi Salom et Jeffrey Sachs, ont exprimé leurs réserves quant à la viabilité d'un État palestinien faible et d'un État israélien puissant coexistant de manière pacifique.
De plus, la résolution de l'ONU du 29 novembre 1947 stipulait le retour de tous les réfugiés palestiniens dans leurs foyers d'origine ainsi que le maintien d'une coopération économique entre les deux États. L'ONU a-t-elle veillé à ce que cela se produise ? Toutes les conditions stipulées dans les recommandations initiales et ultérieures de l'ONU sur le sujet ont-elles été acceptées par Israël ? L'État hébreu a-t-il accepté l'idée d'une Jérusalem internationale sous contrôle international ? La solution à deux États requiert une réponse positive à ces questions.
Le discours erroné d'Israël
Au cours des dernières décennies, Israël a mené une campagne médiatique et institutionnelle agressive pour saper les droits des Palestiniens. Il a notamment introduit les slogans suivants : "Faire fleurir le désert", "Notre sécurité d'abord", "La terre contre la paix", "Pas de partenaire pour la paix", "Démocratie défensive", "Tous les Palestiniens sont des terroristes", "Jérusalem, capitale éternelle et indivisible", "Un conflit insoluble" ou encore "Normalisation sans la Palestine" et bien d'autres encore. Aucun de ces thèmes n'est en phase avec la réalité.
La propagande israélienne incessante a convaincu de nombreux Occidentaux, en particulier les Américains, d'adopter une vision biaisée de la situation en Palestine. Cependant, la guerre menée par Israël à Gaza révèle désormais ces tromperies au grand jour. Par conséquent, la solution à deux États semble vouée à l'échec.
Pourquoi le concept de deux États est-il voué à l'échec ?
Tout d'abord, le Premier ministre Netanyahu s'est engagé à faire échouer cette solution. Les institutions de l'ONU ne disposent actuellement d'aucun levier pour garantir le respect du droit international par Israël. La deuxième raison tient à la mentalité anarchique du gouvernement israélien actuel, qui semble croire pouvoir faire fi de toutes les résolutions des Nations unies sur le sujet. L'histoire montre qu'un tel dispositif a rarement été efficace, et qu'il ne le serait pas dans le cas d'Israël aujourd'hui. La troisième raison est la résilience des Palestiniens. Notre connaissance de l'histoire nous enseigne que l'oppression engendre la résistance, et de nouvelles puissances ont émergé de telles crises par le passé.
Toute solution durable à de pareils enjeux exige d'abord la reconnaissance de la dignité humaine fondamentale. Or, la solution à deux États préconisée aujourd'hui ne reconnaît pas la dignité des Palestiniens. À l'occasion du 77è anniversaire de l'assassinat du comte Bernadotte, les nations européennes seraient bien inspirées de renouer avec l'esprit de respect et d'engagement pour l'humanité incarné par sa vision.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Abdullah al-Ahsan a enseigné les sciences politiques et les relations internationales à l'université Şehir d'Istanbul et, avant cela, au département d'histoire et de civilisation de l'université islamique internationale de Malaisie. Son dernier ouvrage s'intitule Qur'anic Guidance for Good Governance: A Contemporary Perspective, 1st ed. (2017).