Ben Norton
Le président iranien, Ebrahim Raisi, est décédé dans un accident d'hélicoptère le 19 mai. Conservateur sur le plan sociétal, il a notamment présidé à l'écrasement du mouvement de jeunes Iraniennes qui protestaient contre le port du foulard et la répression de la police des mœurs. Autoritaire, Raisi était déjà connu pour la répression d'opposants politiques avant son élection à la présidence en 2021. Mais comme le rappelle Ben Norton, sur le plan international, Raisi a multiplié les efforts pour mettre fin à l'hégémonie de l'impérialisme US et développer les relations Sud-Sud.
Le président iranien Ebrahim Raisi est décédé dans un accident d'hélicoptère le 19 mai. Il laisse en héritage d'importants efforts pour construire un monde plus multipolaire.
Sous la présidence de Raisi, l'Iran a rejoint les BRICS et l'Organisation de coopération de Shanghai, des institutions dirigées par le Sud qui, selon lui, pourraient remettre en cause l'unilatéralisme et l'hégémonie des États-Unis.
Le dirigeant iranien prônait une stratégie "tournée vers l'Est", renforçant les relations avec la Chine, la Russie et d'autres pays d'Asie.
Raisi représentait une aile plus nationaliste de la classe politique à Téhéran. Ce courant considère qu'il est inutile d'essayer de gagner l'approbation de l'Occident et considère plutôt que l'avenir politique et économique de l'Iran réside dans l'approfondissement de l'intégration avec le Sud global.
"Nous ne lierons pas l'économie du pays et la vie du peuple à la volonté [de l'Occident]", avait déclaré Raisi.
Il a donc cherché à renforcer les relations avec l'Amérique latine et l'Afrique, mettant en avant une lutte commune contre l'impérialisme occidental.
En 2023, Raisi s'est rendu à Cuba, au Venezuela et au Nicaragua. Malgré ses divergences politiques, il s'est montré solidaire des gouvernements socialistes de ces pays d'Amérique latine qui, comme l'Iran, souffrent des sanctions unilatérales illégales imposées par les États-Unis.
À La Havane, Raisi a déclaré : "L'un des principaux points communs entre nos deux pays est la lutte contre la voracité du système colonial. Cuba s'oppose à l'hégémonie et à la voracité américaines depuis de nombreuses années, et cette résistance du peuple et du gouvernement cubains est louable".
Le ministère iranien des Affaires étrangères a écrit dans son compte-rendu diplomatique que, lorsqu'il était à Caracas, "l'ayatollah Seyyed Ebrahim Raisi a fait l'éloge des années de résistance du peuple vénézuélien contre l'impérialisme".
À Managua, Raisi avait déclaré : "L'Amérique voulait stopper notre nation avec des sanctions et des menaces, mais non seulement notre nation ne s'est pas arrêtée, mais elle a au contraire utilisé les menaces et les sanctions pour construire et progresser".
"Nous sommes certains que le Nicaragua peut lui aussi surmonter les menaces et les sanctions américaines, car les États-Unis sont aujourd'hui en déclin et s'affaiblissent de jour en jour", avait déclaré le dirigeant iranien au président Daniel Ortega.
Lors de sa rencontre avec le ministre des Affaires étrangères du gouvernement révolutionnaire du Burkina Faso, Raisi avait salué « la position et la résistance des pays africains face au colonialisme et au terrorisme », la décrivant comme « le signe d'un éveil ».
" L'Afrique est le principal moteur du développement du Sud", avait souligné Raisi lors du sommet des BRICS en août 2023. "Heureusement, le poids politique et économique de l'Afrique, qui est une partie inséparable du monde en développement, ne cesse de croître".
Le dirigeant iranien était également un fervent défenseur de la dédollarisation. Il encourageait l'utilisation de monnaies locales dans les échanges bilatéraux, afin de renforcer la souveraineté économique du Sud et de saper la domination du dollar US.
"L'hégémonie du monde occidental contribue à l'hégémonie du dollar", avait relevé Raisi lors d'une réunion de l'Organisation de coopération de Shanghai. "Pour créer un nouvel ordre économique, il est nécessaire de supprimer cet instrument d'hégémonie dans la pratique mondiale et d'utiliser les monnaies nationales dans les règlements entre pays. »
Lors d'une visite à Jakarta en 2023, Raisi a signé un accord prévoyant la dédollarisation des échanges bilatéraux entre l'Iran et l'Indonésie au profit de leurs propres monnaies.
En acceptant l'invitation à rejoindre les BRICS, le dirigeant iranien avait commenté : "La République islamique d'Iran soutient résolument les efforts fructueux des BRICS en faveur de la dédollarisation des relations économiques entre ses membres, ainsi que de l'utilisation des monnaies nationales et du renforcement des mécanismes de paiement et de règlement financier des BRICS".
S'exprimant devant les BRICS, il avait également souligné que "l'un des défis auquel le "monde du Sud" est confronté est la poursuite des politiques racistes, l'insécurité découlant de l'oppression, de l'occupation, de l'hégémonie et du terrorisme d'État, en particulier de la part du régime sioniste, qui a non seulement empêché le peuple palestinien d'exercer son droit à l'autodétermination, mais l'a également privé du droit au développement".
Par-dessus tout, Raisi a démontré le soutien indéfectible de Téhéran à la lutte de libération nationale palestinienne contre le colonialisme israélien.
En décembre, Raisi organisait une conférence mondiale de soutien à la Palestine, à laquelle ont participé des représentants de plus de 50 pays.
Lors de cette réunion internationale, le dirigeant iranien avait condamné les États-Unis, qualifiés de "premier et plus grand violateur de la démocratie dans le monde". Il a reconnu que la guerre génocidaire d'Israël contre Gaza n'était possible que grâce au soutien substantiel fourni par l'empire américain, qu'il a condamné comme un "système hégémonique mondial" fondé sur l'oppression impériale.
Source originale: Geopolitical Economy
Traduit de l'anglais par GL pour Investig'Action