28/04/2025 chroniquepalestine.com  7min #276286

Conquérir Gaza est un mythe

31 mars 2025 - Des Palestiniens accomplissent leurs prières de l'Aïd dans une école accueillant des personnes déplacées à Khan Yunis, dans le sud de Gaza. Au moins 35 personnes, dont des enfants et des femmes, ont été tuées lors des bombardements incessants menés par Israël le premier jour de l'Aïd al-Fitr, tandis que la situation humanitaire dans la bande de Gaza continue de se détériorer, Israël ayant suspendu l'acheminement de l'aide humanitaire vers Gaza depuis début mars - Photo : Doaa Albaz / Activestills

Par  Ramzy Baroud

Conquérir un lieu, c'est soumettre radicalement sa population. Cette notion doit être clairement différenciée de celle d'« occupation », un terme juridique spécifique qui régit la relation entre une « puissance occupante » étrangère et la nation occupée en vertu du droit international, en particulier de la quatrième convention de Genève.

Lorsque les forces israéliennes ont finalement été contraintes de se retirer de la bande de Gaza en 2005, conséquence directe de la résistance persistante de la population palestinienne, les Nations unies ont fermement insisté sur le fait que la bande de Gaza  restait un territoire occupé au regard du droit international.

Cette position était en contradiction flagrante avec celle d'Israël, qui a alors produit ses propres textes juridiques désignant Gaza comme une «  entité hostile », et donc non comme un territoire occupé.

Essayons de comprendre ce qui semble être une logique difficile à suivre.

Israël s'est révélé incapable de maintenir son occupation militaire de Gaza, qui a  commencé en juin 1967. La raison principale du retrait final d'Israël était la résistance palestinienne, qui a rendu impossible la normalisation de son occupation militaire et, surtout, sa rentabilité, contrairement aux colonies illégales de Jérusalem-Est et de Cisjordanie.

Entre 1967 et le début des années 1970, lorsque Israël a commencé à investir dans la  construction de blocs de colonies illégales dans la bande de Gaza, l'armée israélienne, sous le commandement d'Ariel Sharon, s'est efforcée sans relâche de réprimer les Palestiniens.

Elle a recouru à une violence extrême, à la destruction massive et à des tactiques de nettoyage ethnique pour soumettre la bande de Gaza.

Pourtant, à aucun moment elle n'a atteint son objectif ultime et global, qui était la soumission totale.

26 avril 2025, via Al Manar - Dans le cadre de l'embuscade « Briser l'épée », le bras armé du Hamas, les Brigades Al-Qassam, a publié des images montrant des attaques de snipers contre plusieurs soldats de l'occupation israélienne à l'aide du fusil de précision « Ghoul » à l'est de Beit Hanoun, à l'extrême nord de la bande de Gaza.
Vendredi26 avril, le groupe a annoncé avoir mené une opération de tireurs d'élite contre des soldats et des officiers de l'occupation israélienne dans la rue Al-Auda, à l'est de Beit Hanoun, dans le nord de Gaza.
L'armée d'occupation israélienne a repris ses agressions et intensifié son siège sur la bande de Gaza à l'aube du 18 mars 2025, après une pause de deux mois en vertu d'un accord de cessez-le-feu entré en vigueur le 19 janvier. Cependant, pendant la période de cessez-le-feu, l'occupation a systématiquement violé les termes de l'accord.

Sharon a ensuite investi dans son plan tristement célèbre, mais qui a échoué, appelé «  Cinq doigts ».

A l'époque, alors qu'il était à la tête du commandement sud de l'armée israélienne - qui comprenait Gaza -, Shron croyait sans en démordre que la seule façon de vaincre les Gazaouis était de rompre la contiguïté de la bande de Gaza, empêchant ainsi toute résistance organisée.

Pour atteindre cet objectif, il a cherché à diviser Gaza en zones dites « de sécurité », où seraient construites les principales colonies juives israéliennes, fortifiées par un renforcement militaire massif.

À cela s'ajouterait le contrôle militaire israélien des routes principales et le blocage de la plupart des accès côtiers.

Cependant, ce plan ne s'est jamais pleinement concrétisé, car la création de ces « doigts » exigeait que les Palestiniens des deux côtés des « zones de sécurité » soient « pacifiés » dans une certaine mesure, une condition que la réalité sur le terrain n'a jamais remplie.

Ce qui a été réalisé, c'est la construction de blocs de colonies isolés : le plus grand se trouvait au sud-ouest de la bande de Gaza, près de la frontière avec l'Égypte, connu sous le nom de Gush Katif, suivi des colonies du nord et enfin de la colonie centrale de Netzarim.

Abritant quelques milliers de colons et nécessitant souvent la présence d'un nombre bien plus important de soldats chargés de les protéger, ces soi-disantes colonies étaient essentiellement des villes militaires fortifiées.

En raison de la  géographie limitée de Gaza (365 kilomètres carrés) et de la forte résistance, les colonies disposaient d'un espace limité pour s'étendre, restant ainsi une entreprise coloniale coûteuse.

Lorsque l'armée israélienne a  vidé la dernière colonie illégale de Gaza en 2005, les soldats se sont faufilés hors de la bande de Gaza au milieu de la nuit. Ils étaient poursuivis par des milliers de Gazaouis qui les ont chassés jusqu'à ce que le dernier d'entre eux ait fui cette scène dramatique.

Cet épisode singulier et puissant suffit à lui seul à affirmer avec une certitude inébranlable que Gaza n'a à aucun moment été véritablement conquise par Israël.

Bien qu'Israël ait retiré sa présence militaire permanente des principaux centres urbains de la bande de Gaza, il a continué à opérer dans des zones dites « tampons », qui constituaient souvent des incursions importantes en territoire palestinien, bien au-delà de la ligne d'armistice.

Il a également imposé un siège hermétique à Gaza, ce qui explique clairement pourquoi la majorité des Gazaouis n'ont jamais mis les pieds hors de la bande de Gaza.

Le  contrôle exercé par Israël sur l'espace aérien, les eaux territoriales, les ressources naturelles (principalement les gisements de gaz méditerranéens) et bien d'autres éléments encore a rapidement conduit l'ONU à une conclusion immédiate : Gaza reste un territoire occupé.

Sans surprise, Israël s'est vivement opposé à cette réalité. Le véritable désir de Tel-Aviv est d'exercer un contrôle absolu sur Gaza, tout en qualifiant ce territoire de perpétuellement hostile, ce qui lui est très commode et sert ses propres intérêts.

Cette logique tordue permettrait à l'armée israélienne de disposer d'un prétexte exploitable à l'infini pour déclencher des guerres dévastatrices contre la bande de Gaza, déjà assiégée et appauvrie, chaque fois qu'elle le jugerait opportun.

Cette pratique brutale et cynique est connue sous le nom effrayant de « tondre la pelouse » dans le jargon militaire israélien - un euphémisme déshumanisant qui désigne la dégradation périodique et délibérée des capacités militaires de la résistance palestinienne afin de garantir que Gaza ne puisse jamais contester efficacement ses geôliers israéliens ni se libérer de sa prison à ciel ouvert.

Le  7 octobre 2023, a mis fin à ce mythe, lorsque l'opération « Déluge Al-Aqsa » a remis en cause la doctrine militaire israélienne de longue date.

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