09/04/2025 francesoir.fr  6min #274420

 Trump enterre les mythes du libre-échange et de la mondialisation

Contre Trump, les caves se rebiffent

Marcel Monin pour France-Soir

Le président actuel des USA se propose de prendre diverses mesures (1) : instauration de droits de douane protecteurs, relocalisation de l'industrie… Et dans un autre registre : abandon du projet de pointer sur la Russie des armes qu'il était prévu que l'OTAN installerait en Ukraine en vue de préparer l'affaiblissement de ce pays.

Et… Surprise ! … La plupart des dirigeants européens en question, au lieu de conserver la même attitude de soumission vis à vis de l'Amérique, et de décider de faire la même chose que Trump, se rebiffent (2). En adoptant un langage… irrespectueux, voire hostile. En envisageant de prendre diverses mesures de « combat ». Le tout avec l'accompagnement des principaux médias (v. ci-dessous la question de leur contrôle) qui énumèrent déjà les conséquences désastreuses qu'ils attachent, forts de la science de leurs « spécialistes » pluridisciplinaires, auxdites mesures.

S'il est hasardeux de tenter de trouver la clef expliquant ce phénomène (ou ce paradoxe), (2), on peut au moins en rappeler le contexte.

Il y a évidemment les éléments qui sont nécessairement liés, ou qui s'inscrivent dans la logique de la psychologie propre à chaque individu. Ce qui est peu abordé dans l'étude des périodes historiques, au moins du vivant des dirigeants. Mais qui, en France, est devenu un système très utilisé d'explication des idées et des décisions d'Emmanuel Macron.

Changer de politique pour aller dans le sens de Trump (pour prendre en compte les besoins des citoyens qui ne sont ni des financiers, ni de gros industriels), exigerait, s'agissant de la plupart des dirigeants, de transformations dans les esprits, les habitudes et dans… le « niveau » (2).

Le changement ne permettrait plus en effet de se contenter de prendre mécaniquement des décisions d'exécution des traités et des directives européennes, dont le contenu, déjà arrêté ailleurs, n'a en réalité qu'à être recopié. Ce qui ne demande pas beaucoup de compétences.

Changer de politique supposerait aussi que l'« on » soit « capable » d'analyser les faits. Ce qui est également plus difficile intellectuellement que de répéter les phrases toutes faites sur les problèmes que l'on connait… après (pas avant) que les citoyens les ont soulevés - par exemple à l'occasion de manifestations dans la rue -, qu'on a déjà fait beaucoup depuis qu'on est aux affaires, et que l'on fera… plus encore un de ces jours -sic- !

Changer de politique suppose que l'« on » ait des connaissances en histoire, en économie. Pour pouvoir, sur ces bases, imaginer des remèdes (qui ne courent pas le risque d'être mécaniquement voués à l'échec et) qui aient une chance d'être efficaces pour assurer un niveau de vie décent à tout le monde.

Changer de politique, c'est aussi (et surtout ?) « se mettre à dos » potentiellement, avec les dangers et les inconvénients que cela comporte nécessairement, les gens de « l'État profond ».

Car si Trump est devenu président des États-Unis, les gens de « l'État profond » n'ont pas disparu pour autant. Et leurs intérêts non plus. Donc leurs méthodes non plus, puisque l'histoire enseigne qu'on n'en connait pas d'autres : délocaliser les productions, assurer la liberté de circulation des capitaux, peser - à la baisse - sur la masse salariale, faire baisser les impôts des plus favorisés… Et casser le contrôle effectif par le peuple des décisions le concernant en transformant les citoyens en « stock » de non citoyens, à gérer un peu à la manière dont on gère les stocks de marchandises.

Ceux qui ont été / sont / à la tête des Etats d'Europe de l'Ouest, dans les gouvernements, ont œuvré (et ont accepté de le faire) dans les faits pour ces gens (sous la couverture formelle de divers traités et décisions des institutions européennes).

Ils savent nécessairement qu'ils doivent souvent leur carrière à ces derniers. Lesquels ont les moyens d'investir suffisamment dans le financement des campagnes électorales. Dont les médias arrivent à créer le candidat sûr dont ils ont besoin, et guident méthodiquement, par des techniques de communication et de manipulations éprouvées et connues, la main des électeurs le jour du vote (voir les deux dernières élections présidentielles en France préparées, organisées et « gagnées » selon exactement le même processus).

Par ailleurs, l'observation des faits montre que, dans la durée, le gagne-pain de certains est fait de la porosité qui s'est installée, entre les fonctions politiques (et celles de la haute fonction publique) et les « jobs » ou les rémunérations offertes par le pôle économique et financier. Avec le développement des « pantouflages », des « rétro-pantouflages ». Sans parler de ce qu'on appelle poliment le « lobbying » qui est même institutionnalisé auprès des décideurs du système dit « Union européenne ».

Contrarier l'État profond comprend objectivement un double risque pour la partie équivoque ou interlope du milieu politique : 1/ Pour l'accès et pour la conservation de fonctions politiques « importantes » (qui procurent, outre le train de vie, des satisfactions d'égo surtout à ceux qui en ont psychologiquement besoin). 2/ Pour la constitution d'un capital, en exploitant les opportunités offertes par les gens de « l'Etat profond ». Bref, pour « faire du fric » -selon l'expression qui est attribuée à un porteur de belle montre puis de bracelet électronique : « Pour l'instant je fais président, mais un jour j'irai faire du fric ». Selon diverses techniques connues des intéressés et de leurs conseils, des chercheurs, des organisations de lutte contre la corruption, de certains journalistes, d'auteurs ayant consacré des ouvrages à ces questions, et que révèlent par ailleurs diverses affaires pénales.

Reste à savoir si l'idée de la restitution de la souveraineté - au peuple (dont ce dernier est le « propriétaire ») et à l'Etat (vis à vis de ce qui lui est extérieur), ce qui est sous-jacent à une partie au moins du discours de D. Trump (1), va déclencher à un moment quelconque, une sorte de réveil des opinions publiques actuellement engourdies. Réveil peut-être encouragé également par le fait que certains dirigeants de pays européens ont, eux, déjà ébranlé le mécanisme ? Citoyens qui obligeront (à la suite de quel évènement prévu ou survenant de manière inopinée ?) le cas échéant une partie de membres la classe politique actuelle à se retirer.

Avec des successeurs qui développeront, au moins pour un temps, des accords entre les États, visant, dans la concorde, donc dans la régulation des activités financières et économiques, à assurer le bienêtre des populations. Et qui n'auront plus le front (en arguant du fait qu'ils sont censés « représenter » le peuple au motif - dans les faits fallacieux- qu'ils ont réussi à avoir le poste par l'élection) d'imposer aux populations des décisions dont l'effet (et l'objet) ne va nullement dans ce sens.

Marcel-M. MONIN

Ancien maitre de conférence des universités.

(*) titre emprunté au film de Gilles Grangier, avec les dialogues de Michel Audiard.

(1) On ne sait pas, on ne peut pas savoir dans le moment présent, quel avenir sera réservé à ces mesures. Trump peut être assassiné. Des mouvements de bourse, des troubles sociaux ou des mouvements politiques peuvent être organisés qui le contraignent à faire machine arrière. Et puis des mesures peuvent être mal « calibrées » et avoir omis certains paramètres. Ce qui est pris en compte ici, c'est le fait que ces mesures portent en elles un changement de conception, au moins partiel, du fonctionnement de la société.

2) D'où le titre provocateur de cet article.

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