
Par Tasnim Nazeer, le 15 décembre 2025
L'hiver s'est installé à Gaza, non pas comme un simple changement de saison, mais une nouvelle étape mortelle dans la souffrance. Alors que de fortes pluies et des vents polaires balayent la bande de Gaza, des milliers de Palestiniens déplacés sont confrontés à des conditions de lutte quotidienne pour la survie. Les tempêtes hivernales ajoutent aux épreuves déjà endurées par les femmes, victimes de génocide, de déplacements répétés et de terribles pertes, exposant leur vie aux plus grands dangers.
Gaza, 15 décembre 2025
Après des mois de bombardements, une grande partie de Gaza est réduite à néant. Les maisons, les écoles et les hôpitaux sont détruits, des quartiers entiers ont été rasés. La plupart des familles ont été contraintes de fuir à plusieurs reprises, souvent sous les tirs, emportant à peine plus que les vêtements qu'elles avaient sur elles. C'était l'été lorsqu'elles ont fui. Elles n'imaginaient pas être encore sans abri à l'arrivée de l'hiver, dormant dans des tentes, des abris de fortune ou à la belle étoile.
À Deir al-Balah, Baraa, une femme qui a fui Beit Lahia, raconte comment l'hiver amplifie la précarité de leur condition.
"Je voudrais parler de nos souffrances depuis l'arrivée de l'hiver", dit-elle. "Nous vivons sous une tente, mais elle n'est pas à nous. Elle appartient à mon oncle, et elle est en piteux état".
Sans accès aux matériaux de construction adéquats, Baraa et sa famille ont été contraints de sacrifier le peu qu'ils possèdent.
Chaque épisode de pluie aggrave l'état de la tente, l'eau froide s'infiltrant à travers la toile et s'accumulant au sol, là où ils dorment.
Baraa est en deuil. "Mon père a été tué", dit-elle. "Sans personne pour nous aider à réparer la tente, je me sers de nos couvertures pour colmater les trous, et nous manquons aussi de vêtements chauds".
Ces mêmes couvertures, censées leur tenir chaud la nuit, sont désormais l'unique protection contre la pluie. Comme tant d'autres femmes à Gaza, Baraa a fui en croyant à un exil temporaire.
Les Palestiniens luttent pour survivre dans des conditions extrêmes, alors que le froid s'abat sur leurs tentes et que les attaques israéliennes se poursuivent dans la ville de Gaza. [Crédit photo © Action Aid Partners]
"Nous avons été déplacés de Gaza et n'avons pas pris de vêtements d'hiver, car c'était l'été et nous n'avons pas eu le temps de préparer nos affaires", explique-t-elle."Nous pensions que cela ne durerait que quelques jours et que nous pourrions rentrer chez nous, mais le temps a passé et notre maison, nos affaires, tout a été réduit en cendres". Elle conclut simplement : "La situation est vraiment critique".
Dans la région d'Al-Sawarha, Halima Othman Saleh raconte une histoire similaire de perte et de précarité.
"Ma maison a été détruite par un tir de missile", dit-elle. Désormais sans abri et sans rien pour se protéger du froid, elle ajoute : "Je suis actuellement déplacée et je n'ai ni abri ni couvertures. Nous avons vraiment besoin d'aide".
Alors que les tempêtes hivernales s'intensifient, l'absence de toute protection, même minimale, constitue désormais un danger.
À deux pas de là, Taghreed Obeid, originaire du camp de Jdeed et aujourd'hui également déplacée à Al-Sawarha, décrit ce que l'hiver implique pour elle et ses enfants.
"Je suis mère de huit enfants", dit-elle. "Nous sommes déplacés et vivons dans une tente en piteux état. Nous n'avons pas de bâches. La pluie s'infiltre et nous n'avons ni couvertures, ni matelas, ni oreillers. Quand il pleut, la tente est inondée et ses enfants dorment dans le froid, mouillés et exposés aux intempéries".
Dans tout Gaza, les femmes racontent les mêmes scènes de tentes qui s'effondrent sous le poids des pluies torrentielles, d'enfants qui grelottent toute la nuit sur des paillasses détrempées, de familles qui se blottissent les unes contre les autres pour se réchauffer. Sans combustible ni moyen de chauffage fiable, certains parents brûlent des morceaux de plastique ou des débris pour lutter contre le froid, remplissant l'air d'une fumée toxique. L'humidité et la surpopulation ont entraîné une recrudescence des maladies, tandis que l'accès aux soins médicaux reste extrêmement limité.
Les organisations humanitaires avertissent que les tempêtes hivernales aggravent une situation déjà catastrophique due au génocide, au blocus et à l'effondrement quasi total des infrastructures civiles. L'aide humanitaire n'entre à Gaza qu'en petites quantités, bien en deçà des besoins. Les matériaux pour construire des abris, les vêtements d'hiver et le combustible font cruellement défaut.
Jamil Sawalmeh, directeur national d'ActionAid Palestine, a averti que l'hiver pourrait s'avérer fatal si des mesures immédiates ne sont pas prises. Il déclare que
"Les Palestiniens de Gaza sont privés de soutien et d'aide depuis bien trop longtemps. Un accès humanitaire fondé sur la dignité et les droits implique une prise de conscience des besoins spécifiques de chaque communauté : les femmes, les hommes, les enfants et les personnes handicapées vivent la crise différemment, et l'aide doit s'adapter à cette réalité."Mais aujourd'hui, les familles sont confrontées à une deuxième catastrophe : les tempêtes hivernales. Les enfants dorment dans des tentes inondées, les parents brûlent des morceaux de plastique pour se réchauffer, et des communautés entières sont ensevelies sous la boue. Nos partenaires et notre personnel voient les abris s'effondrer sous la pluie. Personne à Gaza n'est à l'abri des intempéries. Personne ne peut survivre à un hiver comme celui-ci sans refuge adéquat.
"Je tiens à être clair : sans l'acheminement immédiat de matériaux de construction à Gaza, cet hiver signera l'arrêt de mort de milliers de personnes. Les ONG palestiniennes et les organisations de la société civile, en particulier les femmes et les jeunes, jouent un rôle essentiel pour garantir l'acheminement de l'aide à ceux qui en ont le plus besoin".
Les organisations partenaires locales, dont beaucoup ont été créées par des femmes et des jeunes, travaillent au niveau communautaire pour apporter des réponses. Elles tentent de distribuer des couvertures, des bâches en plastique et des repas chauds, mais elles affirment que les besoins sont immenses et les ressources terriblement limitées.
Les experts en matière d'accès humanitaire soulignent les restrictions, l'insécurité et les destructions qui bloquent toujours l'acheminement de l'aide vers les groupes les plus vulnérables.
Pour des femmes comme Baraa, Halima et Taghreed, l'hiver n'est pas seulement synonyme de froid. C'est une souffrance supplémentaire imposée à des vies déjà brisées par la violence, le déplacement et le deuil. Alors que les tempêtes inondent les tentes et que les nuits glaciales semblent interminables, leurs témoignages révèlent une terrible évidence : sans un accès humanitaire urgent et significatif, l'hiver à Gaza fera des victimes longtemps après que les bombes auront cessé de tomber.
Traduit par Spirit of Free Speech