L'erreur la plus flagrante concernant le système démocratique est l'indiscernement entre le but et la méthode.
Sans cesse des politiciens prétendent faire quelque choses dans le but de faire quelque chose, comme s'ils étaient des maîtres à penser, alors qu'objectivement il n'y a aucune démarche scientifique et rationnelle qui permettent de relier le but comme étant une conséquence de la méthode.
Par définition, un sophisme est par l'usage de la propriété d'une chose pour l'assigner à une autre chose qui n'a rien à voir avec la première. Par exemple : « défendez votre pays ou vous perdrez votre liberté ». Sauf que c'est un peu tautologique quand même.
Cette définition du sophisme s'applique à l'indiscernement entre le but et la méthode. Le système démocratique qui consiste à voter pour quelqu'un dans l'espoir d'obtenir quelque chose, est en lui-même un sophisme.
*
La confusion sophiste la plus habituelle est commise lorsqu'une émotion est associée à un objectif. On espère de l'objectif qu'il produise l'émotion attendue, et dès lors l'émotion est instrumentalisée. Les gens votent pour leurs émotions, à travers le candidat qui la représente. Ils poursuivent des fantômes.
Que le candidat tienne ses promesses n'est simplement pas possible, puisqu'il a été élu pour un programme qui présente une méthode dont on espère qu'elle permettra de rejoindre des buts éventuels auxquels on a associé un sentiment sans liens entre eux.
Les buts projetés à partir des méthodes, et les sentiments figurés à partir des buts potentiels, sont propres à chacun et par définition tous les votant finissent par être déçus, ou pire, habitués à être déçus de leurs votes.
La seule chose qui maintient l'illusion d'une démocratie reste le combat contre un mal qui est pire, et qui est sans cesse agité au bout d'une ficelle pour justifier de se rabattre sur un candidat par dépit.
Mais cela se voit qu'il n'y a pas de réelle opposition entre les candidats. Ils tous sont d'accord sur la méthode électorale qui consiste à berner les peuples pour ensuite appliquer de toutes façons un même et unique programme, qui échappe à tout contrôle démocratique.
*
Une méthode proposée n'est pas nécessairement significative des buts auxquels elle est associée dans la rhétorique.
Les buts affichés peuvent être la lutte contre la pauvreté, l'immigration, ou n'importe quel sujet mettant en cause le sentiment de sécurité personnelle ou collective.
Tels des enfants maltraités, les peuples préfèrent quand même être maltraités que remettre en cause leur sentiment de sécurité, aussi contradictoire que cela paraisse. Le sentiment de sécurité, même s'il est illusoire, est la plus basique des volontés populaires.
Les méthodes proposées pour atteindre ces buts sont aussi irrationnelles qu'inconséquentes et contre-productives. Elles n'ont aucun rapport avec les buts affichés.
De plus aucune étude n'est faite pour établir l'efficacité des méthodes vis-à-vis des buts affichés. Aucun inconvénient des méthodes choisie n'a même le droit d'être exprimé. Pire, les décisions sont prises à l'emporte-pièce par les élus, sur la base de n'importe quel argument, sans aucune consultation sur la faisabilité ou la rationalité.
Ainsi voit-on un président soudainement s'alarmer qu'il faille interdire les réseaux sociaux pour une raison quelconque, ne s'embêtant qu'à peine à prétexter le bien des peuples, et la loi tomber comme un couperet alors qu'aucun examen sérieux n'a été fait, ni aucune correspondance prouvée entre le but et la méthode (tel que c'est prévisible à l'heure où on écrit ces lignes).
Les buts restent obscurs et confus. On peut juste observer que les mêmes lois apparaissent dans différents pays au même moment, sans réelle raison. Il est facile de spéculer qu'il y a une collusion, quand les coïncidences sont trop grandes. C'est ainsi que les dirigeants élus travaillent.
En étant élus, quelle que soit la tactique employée pour l'être, ils ont obtenu la légitimité d'argumenter n'importe quelle décision comme étant pour le bien du peuple même si c'est totalement faux, et sans aucun risque d'être contredits ni sans avoir aucune justification à donner quant à leurs décisions.
Et c'est normal que leur façon de procéder ne puisse être remise en cause, puisque c'est de cette manière qu'ils ont été élus, ce qu'on appelle le système démocratique, et personne jusqu'à preuve du contraire ne s'en est offusqué.
En résumé on associe à la définition du système démocratique le fait d'agir sans preuve et sur la foi d'opinions et de jugements qui ne peuvent être contrariés.
*
La question qui nous occupe est celle du système de vote et de l'expression de la volonté populaire au sein d'une mécanique rationnelle de démocratie, c'est à dire de réalisation des objectifs.
Il est certain qu'on ne peut pas confier au peuple, ni attendre de lui, qu'il soit aussi techniquement et scientifiquement aussi avancé qu'il le faudrait pour choisir les méthodes et les stratégies qui réaliseront des objectifs.
Cela ne peut se faire que dans une seconde sphère de sélection rationnelle des solutions, qui fonctionnera sur le modèle de la première que nous allons exposer.
De la sphère populaire, nous ne pouvons que vouloir récolter les souhaits. Ce sont les buts à atteindre. Ils sont indépendants des stratégies.
1. Le système de vote traditionnel est quantitatif. Ceci est un écueil brûlant. Avec tout système dysfonctionnel il est légitime de tricher. Le dysfonctionnement observé est qu'il est impossible de faire s'élever un candidat dont on a peur que les autres votants ne reconnaissent pas la qualité, en les supposant (avec raison) enfermés dans des bulles de filtres (Filter Bubbles), qui consistent en un isolement intellectuel dû aux groupes de préférences.
De ce fait les votants sont poussés à « voter utile » pour ne pas laisser un candidat ennemi atteindre des scores élevés, si tant est qu'il ne subirait pas cet effet, s'il se montre assez menaçant pour polariser les opinions.
C'est le système de vote quantitatif qui est responsable de la polarisation des opinions, des divisions sociétales, et des stratégies électorales qui consistent à manipuler les foules. En ce sens les candidats ne font que répondre de façon déterministe à une théorie du jeu.
Ou peut-être trouvent-ils simplement avantage à ce que ce jeu continue, puisqu'au final tous les politiciens sont du même bord, celui de la mise en esclavage et de la spoliation des peuples en respect du système capitaliste, sauf quelques prétendants minoritaires indépendants à qui ce système ôte toutes leurs chances.
Changer les règles du système de vote a le pouvoir de changer radicalement le paysage politique et finalement le terme-même de « démocratie » pour le rendre plus consistant et substantiel, de façon mesurable et objective.
2. Le système de vote qualitatif incite à s'exprimer sur l'ensemble des candidats, et à leur attribuer une note. Les deux systèmes de vote de type qualitatifs sont le scrutin de Condorcet et le Jugement majoritaire. Le premier impose d'ordonner ses préférences du plus souhaitable au moins souhaitable, et le second consiste à donner une note sur cinq étoiles à chaque candidat.
Le vote par jugement majoritaire a l'avantage sur le scrutin de Condorcet de permettre un vote blanc, c'est à dire un rejet de tous les candidats. L'Inde a constitutionnellement qualifié le droit de refuser des candidats (N.O.T.A. 1) comme faisant partie de la liberté d'expression, et en ce sens, qu'elle devait être permise par le système de vote.
L'intérêt d'un système de vote qualitatif est de permettre à des candidats prometteurs et pour lesquels on a une affection particulière, et qui bénéficient d'une reconnaissance publique, de rivaliser à armes égales avec des candidats qui s'offrent des campagnes onéreuses de propagande électorale et occupent toute la place médiatique.
Mais, dans cette seule perspective qui consiste à voter pour des candidats, nous n'avons pas encore résolu le principal écueil de la démocratie, qui est un système de « l'offre et la demande », qui incite à tricher à la fois sur l'offre et sur la demande. Le vote blanc réduit l'utilité de tricher sur l'offre, mais le vote en lui-même ne réduit pas l'utilité de manipuler les foules.
*
Le fait que les foules soient manipulables, est un sujet pour la psychologie. Elles ne devraient pas l'être et elles devraient apprendre à ne pas l'être. Cependant si pour cela on leur demande d'être des spécialistes en stratégie politique, on écarte la majorité des votants dont ce n'est pas la vocation. Pourtant nous avons le désir de récolter leurs souhaits et leurs besoins, et en même temps de stimuler l'initiative et l'implication en politique.
La communication non-violente, consiste à prendre soin de distinguer les besoins et les ressentis. Les besoins ne doivent pas traduire des ressentis. Les ressentis doivent être établis clairement, et les besoins, d'autre part, énoncé séparément. Ce n'est pas aussi facile qu'il n'y paraît. Sans cesse les reproches sont utilisés comme une traduction symbolique de besoins réels qu'il faut savoir isoler. Sans cesse les émotions sont instrumentalisées.
Il y a une éducation populaire à faire pour que les peuples sachent ne pas se faire manipuler, et pour cela faire usage du discernement qui consiste à séparer ce qu'ils veulent, et ce qu'ils veulent à travers ce qu'ils veulent. Mais cet exercice est impossible dans un système de vote qui leur demande de savoir déjouer des stratégies électorales complexes basées sur le neuro-marketing.
En revanche, il est plus aisé d'attendre de la population qu'elle s'abstienne d'évaluer, en la délégant à un autre processus, la question des méthodes, et qu'elle se concentre de façon sincère sur ses besoins et ses souhaits, sans s'interroger à ce stade sur la faisabilité. On confiera à un autre processus, dit de rationalisation, de se débrouiller pour faire advenir la volonté populaire qui a été exprimée.
Le référendum pourrait dès lors se faire en deux temps, un premier tour pour sonder les souhaits comme des buts à atteindre, et un second tour pour décider des stratégies proposées.
Dans ce cas il n'est plus vraiment utile d'utiliser un vote blanc. D'autant plus que le résultat du scrutin ne donne pas un résultat unique, un vainqueur, mais une priorisation des objectifs sociaux.
- Pour l'élection des représentants, on pourrait itérer les scrutins en quart de finale, demi-finale, et finale.
- Pour la résolution d'un problème spécifique, il s'agirait d'abord de sélectionner ce problème, puis de sélectionner les solutions à ce problème, et enfin de voter pour une des solutions proposées (trois étapes).
- Ce que nous proposons ici est encore un peu différent. Il s'agit de séparer les buts des moyens pour attendre ces buts en deux étapes.
Ce que nous attendons d'un peuple est qu'il exprime ses besoins, et ses souhaits. C'est à dire au fond ce pourquoi il offre sa force de travail. C'est son droit le plus strict.
Il n'est pas question, et il est malsain, de conditionner ces besoins et ces souhaits par des procédés ou des combats de popularité. Au final on voit ce que cela donne : les sociétés plongent vers la dictature et les guerres, et les problèmes s'aggravent et se multiplient sans jamais être résolus, au point d'être débordés par les problèmes mineurs et de ne plus savoir les prioriser. Et pourtant on ose appeler cela des démocraties. Mais ce n'est qu'un commentaire.
Le sujet qui nous occupe est d'avoir une stratégie de réalisation des objectifs.
Le référendum consiste à présenter les questions qui doivent être réglées par ordre de priorité, et non pas des candidats.
Un premier processus permet d'exprimer des volontés qui peuvent être très variées. Lorsqu'une volonté est exprimée elle doit être rendue visible à l'ensemble des votants qui n'en auraient pas eu l'idée. Il y a donc une itération qui a lieu sur une période électorale, où de nombreux thèmes sont abordés. Cela donne lieu à une effervescence, qui peut durer un mois.
À l'issue de ce premier tour, on connaît déjà l'essentiel, c'est à dire la direction qui veut être prise. Peu importe aux gens de comment les politiciens et les techniciens veulent s'y prendre, pourvu qu'ils soient mandatés pour atteindre ces objectifs.
- On peut [Solution A] demander en secret aux candidats de déposer leurs préférences politiques et leurs stratégies, en ensuite faire que l'élection des buts conduise à élire automatiquement et à l'aveugle le candidat qui correspond le mieux aux buts recherchés. On ne vote pas pour une personne mais pour un projet, et c'est ensuite seulement qu'émerge le candidat qui répond le mieux au projet désiré. Le candidat devra s'y soumettre ou pourra refuser ce poste.
- Ou on peut [Solution B] suite à la première consultation procéder à une démarche scientifique de sélection de la méthodologie pour atteindre ces objectifs, et non pas confier cela à une personne qui « se croit capable », anticipe hypocritement les désirs, ou n'importe quelle stratégie pour obtenir le pouvoir, et faire ensuite ce qu'il veut.
On sait déjà qu'un élu doit être élu sur un projet et un programme, des attentes, et qu'il doit présenter les avancées de son travail et de ses choix, en termes d'efficacité. Et on sait déjà qu'un candidat doit être démis de ses fonctions (pour toujours) s'ils ne travaille pas à ce pour quoi il a été élu.
Le seconde méthode de réalisation des objectifs, et c'est là que cela devient intéressant, consiste en un logiciel de décision rationnelle.
Dans un tel système, l'intervention humaine est nécessaire à toutes les étapes, mais en définitive il s'agit d'un processus déterministe, qui laisse peu de place aux spéculations, et qui requiert une réelle expertise.
Nous supposons qu'il est possible de s'aider d'une IA dans l'élaboration des propositions de stratégies de réalisation des objectifs. Elle permet de calculer les chaînes causales, les conséquences et la faisabilité d'une stratégie.
Un système de décision rationnelle consiste à :
- poser pour chaque proposition des stratégies,
- puis pour chacune d'entre elles d'en discuter des chaînes de conséquences, d'avancer des arguments,
- et de voter pour ou contre ces arguments.
Les arguments décident des chaînes causales souhaitées, et les chaînes causales décident des stratégies considérées comme rationnelles.
Ensuite, une fois le plan adopté, un suivi strict des prévisions et des conséquences est opéré, et les décisions sont sans cesses remaniées en fonction des imprévus et des obstacles qui surgissent.
Ce qui est particulièrement intéressant dans cette méthode est que le vote par Jugement majoritaire intervient à toutes les phases du processus. Il s'agit donc d'un vote chronique, sur les débats quant à l'élection des arguments d'une solution.
C'est à dire que, pour le dire clairement, toute la mécanique stratégique est sans cesse guidée par l'intervention humaine tout au long de la chaîne. Et pour cela il n'y a pas d'autre outil de quantification des jugements que les systèmes de votes qualitatifs.
En résumé les gens passent leur temps à mettre des petites étoiles et à rédiger des arguments qui seront évalués, au sein d'un système véritablement démocratique et scientifique.
*
Dans un tel contexte de travail, on se donne les moyens de réaliser des objectifs, et surtout on parvient à concilier les contraintes matérielles et logiques aux désidérata des peuples.
De cette manière, des solutions innovantes et des transformations structurelles peuvent être opérées sur la base d'arguments stratégiques. Et sans que cela ne semble sortir de la folie furieuse d'un politicien qui se croit plus fort qu'une démarche véritablement scientifique.
Par extension, un tel système peut s'étendre à toutes les sphères décisionnelles, à différentes échelles, et aux choix de société.
Enfin, par émergence, cela incite les peuples à s'intéresser de façon professionnelle aux choix de société (ou à s'abstenir sans risque de mal le faire) tout en leur laissant la satisfaction de voir leurs souhaits et leurs aspirations se réaliser, et ainsi d'avoir contribué favorablement et objectivement au bien commun.
-
1 NOTA : None of the above

