Pour la première fois, une vaste étude internationale révèle l'ampleur de la perte de la diversité génétique à travers le monde. Pour Catherine Gruber, coautrice de l'étude publiée dans la prestigieuse revue Nature, il s'agit sans conteste de « la plus grande crise de la biodiversité à laquelle la planète est confrontée ». Si le constat est tragique, l'étude révèle heureusement comment agir pour ne pas s'effondrer.
La diversité génétique animale et végétale est en baisse à l'échelle mondiale. C'est le constat alarmant d' une nouvelle étude publiée dans la revue scientifique Nature le 29 janvier 2025. L'analyse, portant sur plus de 600 espèces d'animaux, de végétaux et de champignons, révèle le déclin génétique des 2/3 des populations étudiées, alors que moins de la moitié d'entre elles bénéficient de mesures de conservation.
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L'enquête la plus complète à ce jour
Coordonnés par la professeure Catherine Gruber de l'Université de Sydney (Australie), les travaux ont été menés par une équipe internationale de chercheurs provenant de Pologne, d'Espagne, de Grèce, de Suède, de Chine ou encore du Royaume-Uni. Avec l'examen de 882 études mesurant les changements de diversité génétique intra-espèces entre 1985 et 2019, les autrices présentent « l'enquête la plus complète » sur les changements de diversité génétique au sein des espèces à ce jour.
Essentielle à leur adaptation, la variation génétique entre individus d'une même espèce est primordiale face aux changements environnementaux et aux dérèglements climatiques majeurs actuels. Catherine Gruber explique dans un communiqué :
« Si une nouvelle maladie apparaît ou s'il y a une vague de chaleur, il se peut que certains individus dans la population aient certaines caractéristiques qui leur permettent de tolérer ces nouvelles conditions. Ces caractéristiques seront transmises à la génération suivante et la population persistera au lieu de disparaître ».
Diversité génétique : un enjeu clé de la résilience face aux dérèglements environnementaux
Le maintien de la diversité génétique des espèces constitue ainsi un élément clé des engagements internationaux pris en faveur de la biodiversité, notamment adoptés lors de la conférence sur la biodiversité (COP15) en 2022.
Pourtant, le déclin et la fragmentation des populations dus à des facteurs anthropiques, tels que la dégradation des habitats naturels, les méthodes de production agricole intensive, la présence d'espèces envahissantes ou à des événements climatiques extrêmes, conduisent à l'érosion génétique de nombreuses espèces. La perte de diversité génétique a plus particulièrement été observée pour les oiseaux et les mammifères terrestres, alors que les résultats récoltés dans les aires marines étaient « plus variables ».
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Plus inquiétant encore, l'étude démontre que la perte de diversité génétique se produit « indépendamment du fait qu'une espèce focale était menacée, non menacée ou avait un statut de menace inconnu » sur base du classement réalisé par l'Union internationale pour la conservation de la nature. Ces données suggèrent un niveau de base de perte de diversité génétique entre les espèces, quel que soit leur statut.
« Il y a dix ans, il n'aurait pas été possible de mener une étude aussi complète à l'échelle mondiale »
Malgré des résultats peu encourageants, Catherine Gruber considère cette recherche comme une opportunité pour la communauté internationale. En créant une échelle de mesure commune permettant de comparer des centaines d'études - même lorsque des méthodologies différentes étaient utilisées et que les données génétiques étaient collectées selon des méthodologies variées - l'équipe de chercheurs a permis une véritable avancée dans l'analyse des tendances génétiques. « Les progrès de la génétique et des statistiques nous ont donné de nouveaux outils qui nous permettent de continuer à tirer des enseignements des études bien après leur réalisation », se félicitent les scientifiques.
En outre, les résultats de l'étude offrent également des pistes de solutions pour atténuer la perte de biodiversité mondiale.
« Notre étude identifie quatre types d'actions de conservation qui offrent les meilleures chances de succès. Ces stratégies visent à améliorer les conditions environnementales, à accroître la croissance démographique, ainsi qu'à rétablir la connectivité entre les populations ou à effectuer des transferts d'individus. Toutes ces actions peuvent maintenir, voire accroître, la diversité génétique »
Des succès à célébrer
L'analyse pointe notamment la réussite de plusieurs opérations de conservation des espèces. En Australie occidentale, le Bandicoot doré, une espèce de petit marsupial gravement menacée, a vu sa diversité génétique maintenue grâce à l'établissement de nouvelles populations.
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Le renard arctique scandinave, autrefois menacé par le commerce de fourrure en Suède, a également fait l'objet de plusieurs mesures de conservation. Une alimentation complémentaire, la libération d'individus issus de programmes d'élevage en captivité et la réduction de la concurrence avec le renard roux ont ainsi permis de maintenir - et dans certains cas d'augmenter - la diversité génétique de la population, ce qui a finalement contribué à sa croissance.
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Pour le chien de prairie à queue noire, un rongeur originaire d'Amérique du Nord, la stratégie a été plus originale. « Dans la nature, cette espèce souffre de la peste, transmise par les puces. En saupoudrant les terriers des chiens de prairie d'un insecticide pour lutter contre les puces, les défenseurs de l'environnement ont observé une amélioration du flux génétique et une augmentation de la diversité génétique, améliorant ainsi les perspectives de la population », expliquent les chercheuses.
La diversité génétique d'autres espèces, comme le Tétras des prairies (une espèce d'oiseaux en voie de disparition) ou la libellule émeraude de Hine, a aussi été protégée grâce à de nombreux efforts de conservation. Pour la Dr Robyn Shaw, autre autrice principale de l'étude et membre de l'Université de Canberra : « Il est essentiel que nous tirions les leçons de ce qui fonctionne afin de pouvoir protéger les espèces à long terme. »
- L.A.
Photo de couverture : L'équipe de chercheuses principales ayant réalisé l'étude. Crédits photo : Shaw, R.E et al. Global meta-analysis shows action is needed to halt genetic diversity loss. Nature (2025), University of Sidney.