par Kevin Barrett
Les médias grand public ne couvriront pas cette histoire.
L'attaque israélienne du 13 juin contre l'Iran, à laquelle les États-Unis se sont joints le 22 juin, a été présentée comme une tentative désespérée d'anticiper une menace nucléaire iranienne imminente. Le 21 juin, Donald Trump a insisté sur le fait que sa directrice du renseignement national, Tulsi Gabbard, s'était trompée lorsqu'elle avait témoigné, en mars, que l'Iran ne construisait pas d'arme nucléaire.
Selon CBS News, un journaliste a demandé à Trump : «De quelles informations disposez-vous pour affirmer que l'Iran est en train de fabriquer l'arme nucléaire ? Vos services de renseignement ont affirmé n'avoir aucune preuve de ce type de développement». Trump a répondu : «Alors, mes services de renseignement ont tort. Qui, parmi eux, a dit cela ?» Le journaliste a répondu : «Votre directrice du renseignement national, Tulsi Gabbard». «Elle a tort», a insisté Trump. Plus tard, il a déclaré aux journalistes à bord d'Air Force One : «Peu importe ce qu'elle a dit, je pense qu'ils étaient très proches d'en avoir une».
Tout cela n'était qu'un vaste mensonge.
Trump obtenait ses prétendus renseignements d'Israël, qui souffrait d'une vague de contre-attaques iraniennes et avait désespérément besoin de l'intervention américaine. De manière choquante, nous savons maintenant qu'Israël n'a jamais vraiment cru que l'Iran construisait une bombe nucléaire.
Des documents israéliens récemment divulgués montrent que les véritables motivations d'Israël pour attaquer l'Iran et entraîner les États-Unis dans sa guerre étaient très différentes de l'allégation de «menace nucléaire imminente». Le 14 septembre, la chaîne israélienne Channel 13 a publié des transcriptions, divulguées, des réunions du cabinet de sécurité de Netanyahou juste avant et pendant la guerre de juin. Selon les propres mots de Netanyahou et ceux de ses conseillers, le véritable objectif de la guerre n'était pas d'empêcher une bombe iranienne imminente - ils savaient qu'une telle menace n'existait pas - mais plutôt de tuer le Guide suprême de l'Iran et autant d'autres dirigeants que possible, d'éliminer les scientifiques iraniens de haut niveau, d'infliger un maximum de dégâts aux sites de missiles balistiques iraniens, de terroriser le peuple iranien, de provoquer un exode massif de Téhéran et, ainsi, on l'espère, de provoquer un changement de régime. La menace nucléaire, a admis Netanyahou, était «d'ici quelques années», et non en quelques jours, semaines ou mois.
Même l'affirmation de Netanyahou selon laquelle l'Iran construirait l'arme nucléaire «d'ici quelques années» pourrait être grossièrement exagérée. Les transcriptions divulguées montrent un haut responsable militaire expliquant que la véritable justification militaire du bombardement de l'Iran - outre la tentative de changement de régime - était «d'améliorer l'équilibre stratégique d'Israël» et «d'empêcher Téhéran de se doter de l'arme nucléaire à long terme».
Réfléchissez bien. Israël essayait d'empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire «à long terme». Qu'est-ce que cela signifie, en années ? Je connaissais la réponse approximative, mais j'ai quand même demandé à ChatGPT : «Quand les stratèges militaires parlent de «long terme», à quel horizon temporel, en années, font-ils référence ?»
ChatGPT a répondu :
«À court terme : de quelques mois à 1 à 2 ans (opérations immédiates, imprévus, déploiements actuels).
Moyen terme : environ 3 à 7 ans (renforcement de la préparation, cycles d'approvisionnement, formation de nouvelles unités, conflits à court terme).
Long terme : généralement 10 à 30 ans...»
Ainsi, si l'Iran envisageait réellement de se doter d'armes nucléaires, ce serait dans un horizon de dix à trente ans. Pourtant, Netanyahou et Trump ont risqué une troisième guerre mondiale en bombardant massivement l'Iran sous un prétexte manifestement mensonger - un prétexte qui rend les mensonges de George W. Bush sur les armes de destruction massive irakiennes bien légers en comparaison.
Ironiquement, l'échec de l'attaque israélo-américaine contre l'Iran pourrait bien créer le scénario même qu'elle cherchait ostensiblement à éviter. Le Guide suprême iranien, vieillissant, a réitéré à plusieurs reprises un décret religieux interdisant les armes nucléaires et autres armes de destruction massive. Il insiste sur le fait que ces armes sont un péché. C'est pourquoi les stratèges savent depuis longtemps - comme l'a déclaré Tulsi Gabbard et comme l'a confirmé un haut conseiller militaire de Netanyahou - qu'il est hautement improbable que l'Iran construise une arme nucléaire dans un avenir proche... du moins, c'était improbable jusqu'à ce que Netanyahou et Trump mettent fin à la polémique avec leur attaque de juin. Cette attaque a suscité la colère du peuple iranien, qui s'est rallié à une nouvelle génération de dirigeants radicaux, bien plus militants que l'actuel Guide suprême, ouverts à l'argument, désormais soutenu par la majorité du peuple iranien, selon lequel l'Iran doit lever son interdiction des armes de destruction massive et fabriquer ou acquérir des bombes nucléaires pour dissuader de futures attaques.
Selon Theodore Postol, expert de renom du MIT, l'Iran aurait déjà fabriqué des armes nucléaires en réponse à l'attaque de juin. Dans une interview avec Glenn Diesen intitulée « L'Iran est désormais un État nucléaire non déclaré », Postol a expliqué que l'attaque israélo-américaine n'avait pas endommagé les stocks iraniens, désormais cachés, d'uranium enrichi à 60%, qui peuvent être transformés rapidement, facilement et secrètement en bombes.
La véritable raison pour laquelle l'Iran ne construisait pas d'armes nucléaires était qu'il n'en voulait pas. Mais maintenant, grâce à Netanyahou et Trump, il en a probablement besoin.
L'attaque de juin n'était pas seulement un gros mensonge et un crime. C'était une erreur, une bévue aux proportions monumentales.
source : The Unz Review via La Cause du Peuple