04/10/2022 reseauinternational.net  6min #216604

 Acte de terrorisme international : la Russie accuse l'Otan du sabotage de Nord Stream

Discours et sabotage

par Jean-Luc Baslé.

La dernière semaine de septembre a été lourde en évènements dont il est impossible de prévoir les conséquences mais qui resteront dans l'Histoire.

Le discours de Vladimir Poutine du 30 septembre

En reconnaissant les républiques du Donbass, Vladimir Poutine change le caractère de la guerre en Ukraine. Il ne s'agit plus d'une opération militaire spéciale mais de la défense du territoire russe. C'est le point essentiel de ce discours. Toute attaque dirigée contre le Donbass est désormais une attaque contre la Russie. Vladimir Poutine a atteint l'un des objectifs qu'il s'était fixé : ramener dans le giron national cette brebis égaré. C'est une victoire russe et une défaite des États-Unis qui souhaitaient intégrer l'Ukraine dans l'OTAN - mais une victoire à confirmer.

Ce discours est aussi l'affirmation de la souveraineté russe, l'exaltation du sentiment national, la dénonciation du néo-colonialiste hégémonique américain et de ses méfaits (autoritarisme, déculturations, servitude, etc.). C'est un cri de ralliement à l'adresse des nations jadis colonisées et dépouillées de leurs richesses par les Occidentaux : la Chine, l'Inde, et le Brésil. Trois nations jadis sous la tutelle occidentale qui se sont abstenues de condamner la Russie lors du dernier Conseil de sécurité de l'ONU. C'est enfin un gage donné aux « durs » de son cercle rapproché qui milite en faveur d'une politique plus agressive à l'égard des États-Unis (cf. les écrits du "pro-occidental" Medvedev).

Sa référence au discours de la montagne de Jésus surprend dans un discours de politique étrangère. Que signifie-t-elle ? (1)

Suite à ce discours, la demande de Zelensky d'une procédure accélérée d'admission dans l'OTAN a été repoussée par Jens Stoltenberg, son secrétaire général, et la déclaration du secrétaire d'État américain, Antony Blinken, reconnaissant que les États-Unis n'ont aucune preuve d'une volonté russe d'utiliser l'arme atomique en Ukraine, révèlent une évolution inattendue chez les Occidentaux. Mais, Poutine doit adopter des mesures concrètes confirmant la teneur de ses propos s'il veut conserver sa crédibilité (2).

Le sabotage de Nord Stream I & II

Vladimir Poutine n'y fait qu'une brève allusion dans son allocution, le considérant - en apparence tout au moins - comme un évènement secondaire alors que l'occident le traite comme un fait majeur. On ne saura sans doute jamais qui a fait le coup, mais quant à savoir à qui profite le crime et qui en a les moyens, la réponse ne fait guère de doute : les États-Unis. N'oublions pas la  longue opposition de Washington à Nord Stream II. La destruction du gazoduc élimine le concurrent le plus sérieux qu'ont les producteurs américains de gaz en Europe. Bien évidemment, ce n'est pas la vision que le Washington Post et le New York Times donnent de cet évènement.

Le Washington Post déclare connaître le coupable : Moscou, mais ne fournit aucune preuve de son accusation (3).

Plus habile, le New York Times prétend ne pas connaître l'auteur mais, dans une hypocrisie remarquable, laisse entendre qu'il ne peut y avoir de doute quant au coupable : Moscou (4).

Tucker Carlson, pour sa part, ne fait pas mystère de son opinion. Il désigne le coupable : Washington - s'appuyant sur la déclaration de Joe Biden du 7 février à ce sujet - mais en se gardant de le nommer (5), (6).

C'est aussi l'avis de "Les Américains sont probablement responsables de l'explosion des gazoducs russes !" - Jacques Baud"Les Américains sont probablement responsables de l'explosion des gazoducs russes !" - Jacques Baud , ancien colonel de l'armée suisse, spécialiste du renseignement, et auteur de « Poutine, maître du jeu ».

Le Monde diplomatique renchérit : «   Comment saboter un gazoduc  ».

L'avertissement de la CIA à l'Allemagne concernant une attaque sur les gazoducs (Der  Spiegel) et la décision des États-Unis d'ordonner à ses citoyens de quitter sans délai la Russie ne fait qu'accroître les suspicions à l'égard de Washington. En effet, détruire les biens d'une nation étrangère est un acte de guerre. Par ailleurs, il est difficile de comprendre pourquoi la Russie détruirait l'un des rares moyens dont elle dispose pour faire pression sur l'Europe. Rappelons aussi que l'un des premiers soucis d'un fournisseur est sa fiabilité. Poutine a souligné à maintes reprises que la Russie avait toujours tenu ses engagements. Saboter Nord Stream I & II va à l'encontre de cet objectif. Note : Vladimir Poutine est un juriste de formation. Il connaît le sens du mot « engagement ».

La construction des gazoducs Nord Stream I & II est une décision souveraine du gouvernement allemand - soutenue par la population qui a manifesté en sa faveur. Le sabotage révèle donc un cynisme peu ordinaire chez les dirigeants américains qui ne devrait plus nous surprendre compte tenu des actions et  exactions des États-Unis ces trente dernières années. Mais ce sabotage dévoile aussi une nation désespérée, prête à sacrifier ses alliés les plus proches, pour atteindre ses objectifs hégémoniques. Il n'en révèle pas moins la puissance de cette nation, pourtant sur le déclin, puisque l'Allemagne - pays le plus puissant d'Europe - n'a d'autre choix que de se coucher devant elle. Cela est d'autant plus étonnant que l'Allemagne - traditionnellement dirigée par son élite industrielle - aurait dû réagir violemment à la politique énergétique américaine qui non seulement condamne la population à la froideur de l'hiver, mais détruit aussi son industrie.

Ce n'est pas seulement l'Allemagne, mais l'Europe toute entière qui obéit aux injonctions américaines - une attitude irrationnelle qui va à l'encontre de ses propres intérêts, lui faisant perdre toute autonomie stratégique pour le plus grand malheur de sa population et de son industrie, comme le souligne l'éditorial du  Global Times (journal quasi-officiel du gouvernement chinois en langue anglaise). Les conséquences de cette insanité se font déjà sentir.  Cristallerie d'Arques, fondée en 1825, employant 15.000 personnes, a mis une partie de son personnel en chômage technique en septembre. Eschenback Porcelain, en Allemagne, société fondée il y a 130 ans, est confrontée aux mêmes problèmes. La liste est longue : Aluminium Dunkerque, Arcelor Mittal, etc...

Étrangement, les médias occidentaux prêtent peu d'attention au désastre environnemental de cet acte de sabotage.

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