03/03/2025 euro-synergies.hautetfort.com  3min #270470

Dominants, dominés, chers concitoyens...

Claude Bourrinet

Source:  facebook.com

Le concept de « domination » est dans l'air du temps, à défaut d'être toujours sur terre. En effet, il hante les discours politiques, pourvoie au pauvre vocabulaire des agitateurs (j'allais ajouter -trices) de trottoir, et assure la promotion sociale de ceux (j'allais dire « celles et ceux ») qui le promeuvent. Voilà du reste un vocable, une bourdieuserie, absolument opératoire pour scinder l'espèce humaine en bons et en méchants. Un dominant est toujours mauvais, et un dominé toujours victime, donc innocent. Que ce dernier, par l'alchimie étonnante des rapports humains, soit en même temps dominant, et que le premier soit aussi dominé, ce serait trop compliquer un problème qui, dans sa simplicité évangélique, occupe déjà suffisamment le cerveau disponible des petites philauties couilloniformes et autres beaux débrideurs de saintes messes politiques.

Enlever à l'humaine condition la « domination » serait, en vérité, comme délivrer les corps de leur masse, et abandonner la société à une joyeuse lévitation, où les individus, comme des atomes libérés, s'adonneraient à l'orgie de la fission nucléaire.

Par charité, laissons de côté l'argument, qui n'est pourtant pas mince, de l'appétence de la partie la plus charnue de la grosse bête populaire pour l'état ô combien confortable de dominé. La domination, en effet, suppose toujours quelque risque, non seulement du retour d'un hypothétique levier révolutionnaire, mais surtout des responsabilités, des décisions, bref, du gouvernement des choses et des hommes, ce qui demande beaucoup plus de labeur, de sueur et d'angoisse qu'on ne veut bien l'imaginer quand on se contente d'obéir. Cela étant dit avec fermeté, retenons l'idée qu'instinctivement, l'animal grégaire qu'est l'homme est fait pour suivre.

Maintenant, demandons-nous si la « domination », loin d'être une horreur sans non, n'a pas été très utile à l'humanité. Je suis loin de considérer le progrès comme le parangon de ce qu'il peut exister de plus désirable au monde, mais l'on doit reconnaître que l'accumulation et l'accroissement de la production matérielle, donc, indirectement, de tout ce qui concerne la « civilisation », au sens romain, découlent de la pression exercée par les dominants sur les dominés qui, sans cette contrainte, seraient resté cloués à leur misérable condition. Il en va de même pour tout ce qui est du politique, de l'État, lequel cimente une communauté afin de garantir la paix sociale.

Tout cela est frappé du coin du bon sens. On sait par ailleurs que l'agitation révolutionnaire est l'un des meilleurs moyens pour porter au pouvoir de nouveaux dominants, comme il appert des anciens agitateurs progressistes, qui clamèrent contre la domination. On n'ignore pas non plus, à moins d'être parfaitement inculte, que ce que l'on appelle « domination », quand ce n'est pas un fantasme, recouvre plutôt des complémentarités, un ordre souvent justifié par une vision religieuse et civilisationnelle. La femme est « soumise » à l'homme, mais dans son domaine, le foyer, l'élevage des enfants, souvent la gestion du foyer, elle est la maîtresse. L'enfant doit obéir à ses parents. Le vieillard doit être écouté. Le maître, le professeur, le patron artisan, impose sans contestation son point de vue. Ainsi les vaches sont-elles bien gardées.

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