28/11/2023 infomigrants.net  5min #238186

Douze migrants mineurs déclarent avoir subi des « mauvais traitements » dans un centre d'hébergement de Grande Canarie

Régulièrement, des mineurs figurent parmi les migrants débarqués dans l'archipel des Canaries, en Espagne. Crédit : Reuters

C'est une polémique qui met en lumière la prise en charge des mineurs isolés en Espagne. Dans une lettre adressée au Tribunal d'Instruction de Las Palmas, sur l'île de Grande Canarie, douze jeunes migrants assurent avoir subi de mauvais traitements dans le centre d'accueil Acorán, dans lequel ils étaient hébergés après leur débarquement sur l'île. La structure, d'une capacité de 71 places, est située dans le quartier résidentiel de Tafira Baja et gérée par l'ONG Fundación Respuesta Social Siglo XXI.

D'après les témoignages, les faits se seraient déroulés début novembre et la semaine dernière, après l'arrivée de nouveaux éducateurs. Jeudi 23 novembre, l'un des mineurs, immobilisé par un éducateur, a reçu des "coups violents" de la part du directeur. "En entendant ses cris, plusieurs de ses camarades ont alors cassé la porte pour entrer dans la pièce", raconte l'agence de presse EFE.

Le lendemain, les éducateurs ont ordonné au petit groupe de ne pas ébruiter l'affaire, "en les menaçant". En réponse, 23 mineurs se sont échappés du centre, malgré les tentatives du personnel pour les retenir. L'un des jeunes a été blessé dans l'altercation. Ce week-end, onze d'entre eux sont finalement revenus dans la structure.

Dans la lettre transmise à la justice espagnole, l'un des mineurs fait également état "d'attouchements dans le bureau du directeur" du centre, indique  La Provincia.

La Dirección General de Protección a la Infancia del Gobierno de Canarias inspecciona el centro de acogida a menores llegados en patera de #GranCanaria denunciado por malos tratos por doce de sus usuarios
Protección a la Infancia inspecciona el centro de menores de Gran Canaria denunciado por malos tratos - EFE Noticias
Las Palmas de Gran Canaria (EFE).- Dos técnicas de la Dirección de Protección a la Infancia y las Familias del Gobierno de Canarias ha visitado este domingo el centro de menores inmigrantes de Tafira, en Gran Canaria, del que doce de sus internos han denunciado supuestos malos tratos por parte de ed
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Suite à ce courrier, deux agents de la Direction de la Protection des enfants et des familles du gouvernement des Canaries ont été dépêchés dans le centre. Durant cette visite, dimanche 26 novembre, aucune preuve de violation des droits des jeunes migrants n'a été relevée. Plusieurs mineurs hébergés à Acorán seront tout de même transférés dans d'autres structures d'accueil, révèle  Canarias7. Ces conclusions ont été envoyées au parquet de Las Palmas, et ajouté au dossier, a annoncé la directrice générale de la protection de l'enfance de l'archipel, Sandra Rodríguez.

Racisme et détournements de fonds

En juin dernier, la presse espagnole avait alerté sur les conditions d'accueil des neuf centres au total gérés par la Fundacion Respuesta Social Siglo XXI, à Grande Canarie et Lanzarote. Le parquet anti-corruption avait affirmé que 110 mineurs étaient hébergés dans des chambres sans toilettes ni placards.

En novembre 2021 déjà, la justice avait pointé du doigt les déficiences "des installations du centre, son hygiène, et le mauvais état des chambres". L'agent envoyé avait remarqué des murs couverts de "fissures" et "de trous", et "des portes et fenêtres cassées". Dans ses conclusions, les autorités avaient assuré que "le droit fondamental à l'éducation n'était pas garanti" dans ces centres, et avaient également exposé les plaintes des mineurs concernant "la quantité et la qualité des repas, les retards dans les soins de santé et le manque de vêtements et de chaussures".

Ces manquements s'ajoutent aux nombreuses accusations qui visent par ailleurs la Fundacion Respuesta Social Siglo XXI, empêtrée dans les affaires. Depuis des mois, le parquet enquête sur quatre directeurs de trois centres à Grande Canarie et de deux autres à Lanzarote, tous gérés par l'ONG. Des cas présumés d'exploitation sexuelle, d'intimidation, d'agressions et de racisme ont déjà été dénoncés.

Une enquête du parquet anti-corruption a aussi collecté des preuves de détournement de fonds publics, d'administration déloyale et de falsification de documents commerciaux. Sur les 12 millions d'euros d'argent public destinés à la gestion des centres pour mineurs et perçus par la fondation, "une partie a été dépensée dans des soins de beauté, des hôtels de luxe, du Viagra ou des patchs pour arrêter de fumer, entre autres", affirme  El Diario.

L'une des personnes pointée du doigt par le parquet anti-corruption est María de los Ángeles Barroso, directrice du centre pour mineurs Guiniguada de Las Palmas entre les mois de décembre 2020 et 2021. À cette époque, elle était également trésorière du parti d'extrême-droite Vox à Las Palmas, ouvertement anti-migrants.

Des arrivées en hausse de 118%

Ces derniers mois, de nombreux migrants - dont des mineurs - ont débarqué aux Canaries après une traversée périlleuse dans l'océan Atlantique. Au total, entre le 1er janvier et le 15 novembre, 32 436 exilés ont débarqué dans l'archipel espagnol, d'après le bilan du ministère de l'Intérieur publié le 16 novembre. Soit 118% de plus qu'en 2022.

Actuellement, le gouvernement canarien prend en charge 4 460 mineurs. Et les autorités des îles le reconnaissent : "en raison de la forte augmentation du nombre d'arrivées de mineurs migrants, il n'a pas été possible de superviser correctement l'activité des centres", se défendent-elles dans la presse. "Un travail est en cours pour résoudre cette situation".

L'entrée du centre pour mineurs Purissima, à Melilla. Crédit : InfoMigrants

En Espagne, ce sont les centres de protection régionaux qui se chargent de l'accueil des migrants mineurs. En 2020, 10 000 jeunes - originaires du Maroc (42,1%), du Mali, d'Algérie, du Sénégal, de Guinée et de la Gambie - étaient pris en charge dans les centres d'accueil de tout le pays,

"Des situations de surpeuplement de certains centres ont pu être observées par des ONG et le Défenseur du peuple - en particulier dans les trois centres des villes autonomes de Ceuta et Melilla", écrivait, fin 2021, le Sénat espagnol dans une étude. Ce qui peut expliquer les nombreux cas de disparition : en 2017, "1 293 mineurs étrangers non accompagnés étaient recensés comme étant 'en fugue' par le procureur général de l'État".

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