02/11/2022 infomigrants.net  4min #218270

 Drame de Melilla : 18 migrants condamnés en appel à trois ans de prison de ferme

Drame de Melilla : l'Onu et la Bbc ravivent la question de la responsabilité des autorités

Des policiers anti-émeutes bouclent la zone après l'arrivée de migrants dans l'enclave espagnole de Melilla, en Espagne, vendredi 24 juin 2022. Crédit : dpa, picture-alliance

Plus de quatre mois après le drame de Melilla, un  communiqué d'experts des Nations unies ainsi qu'une  enquête, publiée mardi 1er novembre, par la BBC remettent en question les versions officielles des faits. Les experts de l'ONU ont tout d'abord condamné, lundi, le manque de responsabilité attribuée aux autorités marocaines et espagnoles dans ces violences lors desquelles des dizaines de migrants ont trouvé la mort.

"Il est alarmant qu'il n'y ait toujours pas de responsabilité concrète plusieurs mois [plus tard]", indiquent-ils dans leur communiqué. "Une enquête approfondie, des réparations aux victimes et à leurs familles, ainsi que des garanties que cela ne se répètera pas sont demandées en vertu du droit international des droits de l'homme."

Le 24 juin 2022, environ 2 000 exilés, pour la plupart soudanais ou sud-soudanais, avaient tenté de pénétrer dans l'enclave espagnole de Melilla, en territoire marocain.  Les vidéos amateurs sont insoutenables : amoncellement de corps inertes gisant au sol, visages de migrants en souffrance, coups de matraque distribués par des forces de l'ordre sur des hommes déjà à terre... Le bilan humain est de loin le plus meurtrier jamais enregistré à cette frontière : 23 morts selon les autorités marocaines.

Selon  le rapport d'une mission d'information marocaine, publié un mois après le drame, les 23 migrants seraient morts par "asphyxie mécanique", à cause de bousculades et de mouvements de foule. Les experts de l'ONU, eux, établissent un bilan d'au moins 37 morts, et accusent les forces de l'ordre. L'AMDH, principale association indépendante de défense des droits humains au Maroc, citée par la BBC, comptabilise, quant à elle, au moins 77 morts et disparus.

"Des dizaines d'autres ont été blessés en raison d'un usage excessif et mortel de la force par les autorités marocaines et espagnoles", dénoncent la rapporteuse spéciale de l'ONU sur les formes contemporaines de racisme et un groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine.

In some of the videos, too graphic to show, we can see lifeless bodies being tossed around, people bleeding and in agony, seemingly being offered no assistance.
The migrants also told us they were not given any medical care.

"Battus jusqu'à perdre connaissance"

L'enquête de la  BBC se base, elle, sur l'analyse de nombreuses vidéos du drame, plusieurs interviews avec des migrants présents ce jour-là, des militants marocains et espagnols, ainsi que des visites au poste de frontière de Melilla. Elle questionne l'usage de la force par les forces de l'ordre marocaines et espagnoles et le refoulement immédiat de plus de 450 migrants vers le Maroc - où "certains affirment qu'ils ont ensuite été battus par des garde-frontières marocains jusqu'à perdre connaissance".

Selon les personnes interrogées, les autorités marocaines auraient notamment empêché les secours de porter assistance à de nombreuses personnes, et au moins un homme, Abdelnasir, 𝕏 serait mort à bord d'un bus transportant les migrants vers des villes marocaines.

La BBC affirme également que plusieurs personnes seraient mortes dans une zone de l'enclave sous contrôle espagnol, et que leurs corps auraient ensuite été ramenés au Maroc par des policiers marocains.

Tentatives de dissimulation

Omar Naji, de l'AMDH, affirme à la BBC s'être rendu à la morgue de Nador, craignant une dissimulation de la part des autorités : il y a vu 15 corps, "allongés sur le sol". Au cimetière local, il a constaté 21 tombes fraîchement creusées : "Les autorités voulaient enterrer les corps sans faire les enquêtes nécessaires et sans identifier les corps", accuse-t-il.

The Moroccan Association for Human Rights says more than 70 people are still missing.

Le ministère espagnol de l'Intérieur est également accusé d'avoir retenu des preuves cruciales de vidéosurveillance, qu'il n'a pas communiquées aux enquêteurs.

Les enquêteurs questionnent surtout une réaction disproportionnée par rapport aux réponses apportées à d'autres tentatives de passage de la frontière au cours des mois précédant le 24 juin. Pour les associations citées, cette différence est surtout due à  la réparation des relations entre l'Espagne et le Maroc, après une longue brouille diplomatique, et à la conclusion de nouveaux accords de partenariat sur le contrôle de l'immigration.

"Nous pensons que ce qui s'est passé le 24 juin est une grave tragédie qui ne s'est jamais produite auparavant", affirme Omar Naji à la BBC. "Cela prouve que les politiques d'immigration menées par le Maroc et par l'Espagne sont des politiques criminelles."

 infomigrants.net