Par Pepe Escobar, le 11 décembre 2024
L'Occident collectif se lèvera-t-il pour défendre les derniers chrétiens syriens lorsque les drapeaux noirs viendront les exterminer ?
Le modus operandi standard de l'hégémon, immuable, est toujours de diviser pour mieux régner. Acculés par la montée inexorable de la réalité multinodale, ils ont entrevu une ouverture pour un nouveau départ impérial, misant tout sur la mise en œuvre du "Grand Moyen-Orient" esquissé à l'époque de Cheney.
L'axe de fer des néoconservateurs straussiens, des Zio-conservateurs et des psychopathes de l'Ancien Testament à Tel-Aviv est totalement obsédé par la destruction de l'Axe de la Résistance, et recourent à leur réseau transnational de tueurs sanguinaires pour étendre le chaos et la guerre civile à l'ensemble de l'Asie de l'Ouest. Dans ce scénario optimal, ils rêvent de frapper mortellement la tête du serpent : l'Iran.
Le sultan Erdogan, dans le rôle du pigeon utile, a proclamé :
Une "période lumineuse" s'ouvre pour la Syrie.
En effet. Une période faste pour les coupeurs de têtes du drapeau noir, les artificiers de Tel Aviv et les spoliateurs de terres - qui se repaissent de la carcasse de la Syrie.
Les tueurs psychopathologiques de l'Ancien Testament, via plus de 350 frappes, ont totalement détruit l'ensemble de l'infrastructure militaire de l'ancienne Armée arabe syrienne (AAS) : les usines d'armement, les munitions, les bases, les avions de chasse, y compris la base aérienne de Mezze à Damas, les systèmes de défense anti-navires russes, les navires eux-mêmes (à Lattaquié, près de la base navale russe) et les positions de défense anti-aérienne.
En résumé, on assiste à la démilitarisation de l'ancienne Syrie par le duo OTAN/Israël, sans que personne ne bronche dans le monde arabe et en terre d'islam, à commencer par les bourreaux au drapeau noir qui ont pris Damas.
À cela s'ajoutent l'invasion et la spoliation des terres et la déclaration officielle de Tel-Aviv de l'annexion définitive du Golan, qui est juridiquement un territoire syrien dont la restitution a été exigée par l'ONU après la guerre de 1967.
La guerre éclair des psychopathes de l'Ancien Testament
Dans la foulée, l'aviation turque bombarde l'ancienne base russo-syrienne de Qamishli, à l'extrême nord-est du pays. Le prétexte : éviter que les Kurdes et les tribus arabes soutenus par les États-Unis ne s'emparent des armes. Pour les Russes, ce n'est sans doute pas si grave, car ils ont eu le temps d'évacuer leurs précieuses ressources de l'est de l'Euphrate.
La Russie a donné asile à Suheil al-Hassan, un homme remarquable et absolument irréprochable, candidat sérieux au titre de tacticien et de stratège militaire de premier plan dans le monde d'aujourd'hui. Les Russes ont misé sur lui dès 2015 et ont assuré sa sécurité personnelle. Personne en Syrie n'appréciait les gardes du corps russes - pas même Assad. Il est le seul commandant à avoir gagné des batailles de facto pendant les 10 jours de la chute de la Syrie.
En pleine tourmente, l'OTAN/Israël se repaît de la carcasse et divise une nation moribonde avec un groupe d'idiots utiles et de pantins - des faux salafistes-djihadistes aux Kurdes américanisés. Un QI collectif inférieur à la température ambiante empêche manifestement cette mafia de réaliser qu'elle se bat pour le même suzerain.
Les hommes de Tel-Aviv ont étendu leur guerre éclair à la province de Damas et pourraient se trouver à 15 km au sud de la capitale. C'est une manœuvre classique de lebensraum, qui relève de leur projet colonial et leur permet d'exercer une pression maximale sur le flanc libanais.
Ce point est absolument crucial et extrêmement inquiétant pour l'Axe de la Résistance : désormais, tout le Sud-Liban est exposé à une attaque massive de l'occupation israélienne - car les plaines fertiles entre Chtoura, dans la vallée de la Beqaa, et Aanjar recèlent non seulement de précieuses ressources naturelles, mais constituent également une voie d'accès directe à Beyrouth.
Les scorpions entre eux
Par ailleurs, les drapeaux noirs se sont emparés de Damas. On peut assister à des massacres dans tous les camps - y compris des chefs religieux et des scientifiques, mais surtout d'anciens responsables de l'armée, d'anciens membres du contre-espionnage syrien, voire des civils accusés d'être d'anciens militaires.
Son éminence, le cheikh Tawfiq al-Bouti, fils du célèbre cheikh Muhammad Said Ramadan al-Bouti, ancien imam de la vénérable mosquée des Omeyyades, a été assassiné dans sa madrassa de Damas.
Les scorpions se dressent les uns contre les autres, comme on pouvait s'y attendre. Les bandes terroristes rivales de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) exigent que les hommes de main de HTS libèrent tous leurs membres emprisonnés dans le Grand Idlibistan, et menacent à présent d'attaquer HTS.
À Manbij, les terroristes soutenus par les Turcs tuent ouvertement les américano-kurdes dans les hôpitaux. Le nord et le nord-est de la Syrie sombrent dans l'anarchie la plus totale.
Les tribus refusant de reconnaître les américano-kurdes et leur projet d'État communiste-laïque, et de rejoindre le réseau terroriste salafiste-djihadiste soutenu par la Turquie, sont désormais qualifiées d'"État islamique" et dûment bombardées par les avions de combat américains. Certains peuvent en effet appartenir encore à l'État islamique : ils l'étaient avant l'automne 2017, et on trouve encore des reliquats crypto-État islamique errant dans le désert.
L'armée russe a positionné ses navires jusqu'à 8 km de la base navale de Tartous. La sécurité n'est pas optimale pour autant, car les drones, l'artillerie et les petites embarcations peuvent toujours les atteindre.
Pour l'aviation à Hmeimim, c'est encore plus complexe. Moscou a déjà envoyé un message clair : si la base est touchée, les répercussions seront dévastatrices. HTS, pour sa part, s'est surtout concentré sur l'occupation de Lattaquié.
L'avenir des bases russes est un mystère : il dépendra d'une négociation directe et épineuse entre Poutine et Erdogan.
Jolani, le nouveau calife de facto d'al-Sham, ne sera pas nommé chef à ce stade préliminaire, car il effraie au plus haut point la plupart des Syriens, quelle que soit sa conversion magique sur le "chemin de Damas".
Il sera l'autoproclamé "chef militaire". Une marionnette toute désignée - Mohammed al-Bashir - assurera la "transition" jusqu'en mars 2025. Al Bachir devrait être détesté par la quasi-totalité des factions. Jolani, le coupeur de têtes repenti, pourra ainsi organiser un coup d'État et s'emparer d'un pouvoir illimité.
C'est en Syrie, à Antioche, l'une des villes les plus puissantes de l'Empire romain, que les disciples de Jésus ont été désignés "chrétiens", du grec christianos. Antioche n'est plus désormais que la petite bourgade d'Antakya, en Turquie. Le sultan Erdogan rêve aussi qu'Alep soit intégrée à la Turquie.
Le grec était la langue de ce territoire de l'Empire romain : seul l'occupant - les militaires et les dirigeants - utilisait le latin.
L'église fondée par le patriarche d'Antioche s'est développée dans toute la Syrie jusqu'à l'Euphrate.
L'Occident collectif se lèvera-t-il pour défendre les derniers chrétiens syriens lorsque les drapeaux noirs viendront les exterminer - car ils le feront ? Bien sûr que non. L'Occident collectif continue de célébrer la chute du "dictateur" alors que les drapeaux noirs et les charognards de l'Ancien Testament organisent leur bal des vampires sur la dépouille d'une nation.