Le vendredi 22 septembre, un parlement canadien plein à craquer a rendu hommage à un nazi.
Source : Jacobin, Taylor C. Noakes
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau s'adressant à la Chambre des communes à Ottawa le 22 septembre 2023. (Sean Kilpatrick / AFP via Getty Images)
Il était inévitable qu'une telle chose se produise dans un pays où le problème des criminels de guerre nazis présumés, autorisés à s'installer dans le pays dans l'immédiat après-guerre, est bien documenté, historique et, pour l'essentiel, non résolu. Sans parler des commémorations officielles qui assimilent le nazisme au communisme.
« Nous accueillons aujourd'hui dans cette salle un vétéran ukraino-canadien de la Seconde Guerre mondiale, qui s'est battu pour l'indépendance de l'Ukraine contre les Russes et qui continue à soutenir les troupes aujourd'hui, à l'âge de quatre-vingt-dix-huit ans », a déclaré le président de la Chambre des communes, Anthony Rota.
« Il s'appelle Yaroslav Hunka. Je suis très fier de dire qu'il est originaire de North Bay et de ma circonscription de Nipissing-Timiskaming. C'est un héros ukrainien et un héros canadien, et nous le remercions pour tous les services qu'il a rendus. »
Hunka est un ancien combattant de la 14e division Waffen Grenadier de la SS, également connue sous le nom de 1re division galicienne. L'unité a été rebaptisée « Première division ukrainienne » vers la fin de la guerre, et c'est sous le nom de cette unité que Hunka a été initialement identifié sur une photo prise par AP.
Le Canada possède au moins deux monuments dédiés aux vétérans de cette unité, l'un situé à Oakville, dans la banlieue de Toronto, et l'autre à Edmonton. Des incidents récents de vandalisme antifasciste dans ces deux endroits ont incité la police locale à ouvrir des enquêtes sur des crimes de haine. Jacobin a déjà évoqué le problème des monuments de guerre nazis au Canada.
Les Canadiens apprennent une dure leçon, qui est un trait regrettable partagé par la plupart des nations alliées de la Seconde Guerre mondiale : leur pays a également servi de refuge aux fascistes, aux collaborateurs et aux criminels de guerre présumés.
Une bavure vue dans le monde entier
La 14e division Waffen SS « Galicie » a été formée en 1943 sous commandement allemand à partir de volontaires ukrainiens », explique Ivan Katchanovski, professeur ukrainien-canadien de sciences politiques à l'université d'Ottawa. « Les membres de cette division ont participé à des massacres de Juifs, de Polonais et d'Ukrainiens. Ils ont massacré des civils polonais, dont près de 1 000 dans le village de Huta Peniatska. »
L'occasion de la distinction douteuse de Hunka était la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Ottawa et son discours devant le parlement canadien, dans le cadre des efforts du dirigeant ukrainien pour obtenir un soutien supplémentaire pour la défense de sa nation en difficulté.
Hormis l'incident de Hunka, la visite de Zelensky à Ottawa a été largement couronnée de succès. Il a reçu un accueil chaleureux et le Premier ministre Justin Trudeau s'est engagé à allouer 650 millions de dollars canadiens à l'Ukraine pour l'achat de cinquante véhicules blindés fabriqués au Canada, ce qui signifie que les entreprises de défense canadiennes auront l'occasion de tirer profit du conflit.
Ces réjouissances seraient bien sûr ternies par la révélation profondément mortifiante que le Parlement a honoré un soldat SS lors de son hommage à Zelensky. Si cette farce sordide a suscité à juste titre l'incrédulité des observateurs et des analystes, le fait qu'elle se soit produite est difficilement imputable à une incompétence ordinaire.
Le fait que l'Union soviétique ait combattu aux côtés des Alliés contre les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale n'est pas une obscure anecdote historique, mais un fait plutôt bien connu, enseigné dans la plupart des cours d'histoire du monde au lycée. Néanmoins, la quasi-totalité de l'assemblée s'est levée pour applaudir Hunka, y compris le plus haut général du Canada, le chef d'état-major de la Défense Wayne Eyre, qui était assis quelques places plus bas dans la tribune parlementaire. Eyre a refusé de s'excuser pour avoir applaudi Hunka, son bureau indiquant que le président Rota s'était déjà excusé pour cette affaire.
En effet, non seulement Rota s'est excusé, mais il a également démissionné de son poste le mardi 26 septembre, assumant l'entière responsabilité de ses actes après avoir passé la majeure partie de la journée de lundi à résister aux appels à la démission. Rota a maintenu qu'il était le seul responsable du manque de contrôle de l'invité, bien qu'il ait mentionné plus tard que son fils avait été le premier à contacter Hunka.
La question de savoir qui savait quoi et quand reste ouverte. S'il n'a pas fallu beaucoup de temps aux Canadiens de gauche sur les réseaux sociaux pour comprendre précisément ce qu'impliquait l'expression « avoir combattu les Russes pendant la Seconde Guerre mondiale », les parlementaires canadiens semblaient avoir une maîtrise bien plus ténue de l'histoire mondiale. Dans un premier temps, nombre d'entre eux ont rejeté la faute sur Trudeau et Rota. Cependant, ils se sont abstenus d'expliquer pourquoi ils avaient eux-mêmes honoré un homme dont le passé nazi était évident.
Blâmer la Russie
Dans sa déclaration initiale sur la question, Trudeau a déclaré que l'incident était contrariant et embarrassant pour tous les Canadiens. Il a ensuite changé de sujet, déclarant qu'il pensait à tous les Canadiens juifs qui commémoraient le Yom Kippour le lundi 25 septembre. Enfin, il a réitéré l'importance de résister collectivement au croquemitaine russe : « Je pense qu'il sera vraiment important que nous nous opposions tous à la propagande russe, à la désinformation russe, et que nous continuions à soutenir fermement et sans équivoque l'Ukraine. »
Relier les faits historiques à la désinformation ou à la propagande russe présumée n'est pas une tactique nouvelle pour Trudeau ou les membres haut placés de son parti. Lorsqu'il a été découvert que le grand-père maternel de la vice-Première ministre Chrystia Freeland avait édité un journal violemment antisémite et pro-nazi pendant la guerre, son bureau a d'abord rejeté cette information comme étant de la propagande russe. Ce récit a également été invoqué par les dirigeants du Congrès ukrainien canadien (UCC), une organisation ultranationaliste qui prétend représenter la communauté ukrainienne du Canada.
L'UCC a activement plaidé pour l'admission au Canada des vétérans de la division Galicie dans les années 1950, a persuadé les enquêteurs sur les crimes de guerre de ne pas tenir compte des rapports des services de renseignement soviétiques dans les années 1980 et, en 2010, a publiquement rendu hommage aux vétérans ukrainiens de la Seconde Guerre mondiale qui avaient combattu contre l'Union soviétique. Un groupe associé, la Ligue des Canadiens d'origine ukrainienne, a même, selon l'universitaire Per Anders Rudling, « rendu hommage aux vétérans ukrainiens de la Seconde Guerre mondiale qui ont combattu contre l'Union soviétique. »
Contrairement à leurs dénégations initiales, des preuves concluantes ont ensuite confirmé que Michael Chomiak, le grand-père de Freeland, avait collaboré avec les nazis. Ce fait a été souligné par la participation de Freeland elle-même à la rédaction d'un article scientifique sur son grand-père, qui a été publié dans un volume de 1996 du Journal of Ukrainian Studies (Journal des études ukrainiennes). Il convient de noter que Mme Freeland était consciente de ce lien depuis deux décennies, bien qu'elle ait initialement rejeté les allégations en les qualifiant de simple propagande russe.
Lorsque Mme Freeland a tweeté - puis supprimé - une photo d'elle tenant une écharpe portant les couleurs rouge et noir et le slogan de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) lors d'un rassemblement à Toronto en mars 2022, son bureau a de nouveau accusé les efforts de désinformation russes - ainsi que le KGB, depuis longtemps disparu. L'UPA était la branche armée de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), une organisation ultranationaliste, antisémite et fasciste qui a collaboré avec les nazis pendant la guerre. Fait remarquable, lorsque des questions sur l'incident ont été envoyées au bureau de Mme Freeland, sa réponse et son allégation d'efforts de propagande russe ont été faites en même temps qu'une déclaration de l'UCC.
Dans leurs efforts pour faire correspondre les faits historiques aux récits géopolitiques contemporains, les responsables canadiens n'hésitent pas à accuser la Russie de mener une campagne de propagande. Mais ils semblent eux-mêmes se livrer à la désinformation. Le mardi 26 septembre, l'ambassadeur du Canada aux Nations unies, Bob Rae, a tweeté que « les Russes étaient du côté des nazis entre 1939 et 1941 » en réponse à un commentaire du Dr Zachary Paikin. Paikin, chercheur au Quincy Institute for Responsible Statecraft, s'est dit incrédule que « les députés se soient levés sans réfléchir et aient applaudi » un homme présenté comme ayant combattu contre les Russes pendant la guerre.
Recadrer les récits historiques
S'il est vrai que l'Union soviétique a signé un pacte de non-agression avec l'Allemagne nazie en 1939, il est important de noter que cela s'est produit après que le Royaume-Uni et la France aient déjà signé l'accord de Munich avec l'Allemagne en 1938, ce qui a contribué à l'occupation nazie de la région des Sudètes en Tchécoslovaquie. En outre, les Soviétiques ont tenté de former une alliance militaire avec la France et le Royaume-Uni en 1939, ce qui a été refusé par les Alliés occidentaux. L'insinuation de Rae selon laquelle l'Allemagne nazie et l'Union soviétique étaient « du même côté » ou alliées pendant la période de 1939 à 1941 est manifestement dénuée de sens historique. L'Union soviétique n'a pas participé à l'Holocauste et n'a pas aidé l'Allemagne nazie dans ses campagnes militaires.
Le recadrage du dossier historique pour l'adapter aux récits géopolitiques contemporains est une caractéristique majeure du discours politique et médiatique canadien depuis la majeure partie de la dernière décennie, en particulier depuis l'invasion et l'occupation de la Crimée par la Russie en 2014. Les communautés influentes de la diaspora d'Europe de l'Est ayant des liens politiques ont joué un rôle important dans l'élaboration de la politique étrangère canadienne. À l'insu du public canadien, elles ont joué un rôle déterminant dans l'orchestration de la reconnaissance officielle de la Journée du Ruban noir, antisémite et anhistorique. En outre, ils ont participé à un effort concerté de plus d'une décennie pour ériger un monument commémorant les victimes du communisme.
« Je voudrais présenter des excuses sans réserve pour ce qui s'est passé vendredi, ainsi qu'au président Zelensky et à la délégation ukrainienne pour la position dans laquelle ils ont été placés », a déclaré Trudeau mardi dans ses excuses au parlement et, théoriquement, à la nation. « Pour nous tous qui étions présents, le fait d'avoir reconnu cet individu sans le savoir a été une terrible erreur et une violation de la mémoire de ceux qui ont souffert cruellement aux mains du régime nazi. »
Si Trudeau et les quelques centaines d'autres personnes présentes ignoraient réellement ce qu'implique l'expression « vétéran de la Seconde Guerre mondiale qui a combattu les Russes », cela suggère certainement que le seuil de connaissances historiques requis pour devenir législateur canadien est plutôt bas. Il est difficile de comprendre cette méconnaissance, surtout si l'on considère les affirmations fréquentes et infondées selon lesquelles le dossier historique est entaché par la propagande russe. En outre, l'histoire des nazis qui ont trouvé refuge au Canada après la guerre n'est pas un fait caché.
Dans l'immédiat après-guerre, il est de notoriété publique que le Canada a accueilli des milliers de personnes déplacées qui n'ont pas pu rentrer chez elles après la victoire soviétique sur Adolf Hitler en Europe de l'Est. En janvier 1949, le correspondant de l'Ukrainian Canadian, Michael Korol, décrit l'arrivée de « personnes déplacées » (abrégées en DP, displaced persons) dans la région minière du nord de l'Ontario :
L'objectif principal pour lequel les personnes déplacées sont amenées au Canada n'est pas seulement de fournir une main-d'œuvre bon marché et consentante, mais aussi d'être utilisées pour réduire à néant les progrès réalisés par la classe ouvrière organisée de notre pays. Nous laissons entrer dans notre pays non pas des éléments pro-démocratiques qui, sans que ce soit leur faute, n'ont pas pu retourner dans leur patrie, mais des SS d'Hitler dont les mains sont couvertes du sang d'hommes, de femmes et d'enfants innocents.
Les nazis ukrainiens deviennent des « blacklegs » canadiens
Le Canada accueillait déjà depuis plusieurs années les Ukrainiens qui avaient combattu pour ou aux côtés des nazis pendant la guerre, mais en 1950, cette politique est devenue officielle. Cette année-là, lors d'un concert de Thanksgiving pour les enfants, organisé dans le cadre d'un effort plus large de l'ancienne communauté d'immigrants ukrainiens du Canada, beaucoup plus à gauche, pour dissuader le gouvernement d'importer davantage de leurs compatriotes fascistes, des nazis ukrainiens ont fait exploser une bombe dans le temple des agriculteurs et travailleurs ukrainiens de Toronto. Les mêmes voyous qui avaient raflé avec enthousiasme les Juifs et d'autres groupes ethniques pour les exterminer pendant la guerre ont été lâchés au Canada pour perturber et saper les organisations syndicales.
Une grande partie de cette sombre histoire a été révélée dans les années 1980, à une époque où l'on s'intéressait de nouveau aux criminels de guerre présumés qui avaient réussi à échapper aux poursuites et à trouver refuge dans des pays alliés, y compris au Canada. Bien qu'elle n'ait jamais été officiellement tenue secrète, la question a attiré l'attention du public en partie grâce à la popularité inattendue de l'étude détaillée None Is Too Many, des historiens Harold Troper et Irving Abella.
Les mêmes voyous qui ont raflé avec enthousiasme des Juifs et d'autres groupes ethniques pour les exterminer pendant la guerre ont été lâchés au Canada pour perturber et saper les organisations syndicales.
Dans ce livre, Abella et Troper exposent la longue histoire de l'antisémitisme officiel dans la politique d'immigration canadienne, un antisémitisme qui a conduit le Canada à refuser le droit d'accoster au « MS St Louis » en mai 1939, qui transportait plus de neuf cents réfugiés juifs allemands. Presque tous les passagers ont été assassinés par les nazis pendant l'Holocauste.
Ces révélations ont fait sensation, car elles ont ébranlé la mythologie canadienne d'une société ouverte, tolérante et multiculturelle. Les enquêtes américaines sur des criminels de guerre présumés vivant aux États-Unis - comme celle de John Demjanjuk - ont suscité des investigations similaires de la part des autorités canadiennes, bien qu'à contrecœur. Dans une interview accordée en 1997 à Mike Wallace du magazine télévisé 60 Minutes, Abella a déclaré que l'ancien Premier ministre canadien Pierre Trudeau - le père de Justin - était au courant du rôle du Canada en tant que refuge pour les criminels de guerre présumés d'Europe de l'Est. Il s'est toutefois abstenu de prendre des mesures, craignant que cela n'entraîne des conflits entre les différents groupes de la diaspora.
L'enquête menée par le juge Jules Deschênes, initiée par le successeur de Pierre Trudeau, Brian Mulroney, a finalement été paralysée par les limites qu'elle s'était elle-même imposées, comme le refus de consulter les archives soviétiques. La commission Deschênes est parvenue à la conclusion remarquable que les membres de la division de Galicie ne portaient pas de responsabilité collective pour les actions des SS, même si cela avait déjà été établi par le procès de Nuremberg quarante ans plus tôt.
Bien que d'importants groupes juifs aient compilé de manière indépendante une liste d'environ deux mille noms de criminels de guerre présumés, la commission Deschênes n'a pas donné suite à cette liste. À ce jour, la seconde moitié du rapport en deux parties de la commission - celle qui contiendrait les informations sensibles recueillies par la commission concernant le nombre de criminels de guerre vivant réellement au Canada au milieu des années 1980 - reste strictement interdite d'accès et inaccessible au public canadien.
Le passé n'est pas mort
Il reste à voir ce qu'il adviendra de la bévue Hunka. Les groupes juifs canadiens ont à nouveau demandé que la seconde moitié du rapport final de la commission Deschênes soit rendue publique, bien qu'il ne reste probablement plus beaucoup d'hommes en vie à poursuivre. Le gouvernement polonais a indiqué qu'il souhaitait l'extradition de Hunka, mais il n'est pas certain qu'il ait réellement entamé le processus. Une fois de plus, des groupes juifs canadiens demandent que le Canada retire les divers monuments aux unités SS, ou aux collaborateurs fascistes, que l'on trouve dans tout le pays. Les politiciens canadiens, heureux de s'accuser mutuellement d'avoir aidé et encouragé l'hommage à un véritable nazi, refusent jusqu'à présent de condamner la présence de monuments érigés en leur honneur.
Trudeau et ses proches, chargés de gérer cette crise en public, ont été cohérents avec le message, non seulement dans leurs nombreuses tentatives de rejeter la faute - d'une manière ou d'une autre - sur une vague campagne de désinformation russe, mais aussi en présentant cette affaire comme quelque chose de particulièrement préjudiciable à la population juive du Canada.
La présence de criminels de guerre présumés dans tout le Canada - depuis près de quatre-vingts ans - ainsi que le manque d'intérêt du gouvernement pour ce problème sont une insulte pour tous les Canadiens, quelles que soient leur inclination religieuse ou leur origine ethnique.
En s'excusant avant tout auprès de la communauté juive du Canada, Trudeau entretient l'idée qu'il s'agit avant tout d'un problème entre communautés de la diaspora, comme le pensait son père il y a une quarantaine d'années. Aucune excuse n'a été présentée à la communauté russe du Canada, dont les membres ont combattu l'Allemagne nazie, ont des parents qui l'ont fait ou comptent des membres de leur famille parmi les quelque 27 millions de citoyens soviétiques morts pendant la guerre. De même, si des excuses ont été présentées à la délégation ukrainienne, il n'y en a pas eu pour la population ukrainienne du Canada, dont le nom a été traîné dans la boue.
En présentant des excuses explicites à la communauté juive, Trudeau renforce une vision déformée et étroite de l'histoire et de la Seconde Guerre mondiale, qui est essentiellement le même problème sous-jacent qui a causé ce gâchis en premier lieu. La vision géopolitique contemporaine par défaut du Canada - selon laquelle les problèmes de « l'Ancien Monde » ne sont que d'anciens conflits insolubles entre deux groupes de victimes égales dans des pays lointains - correspond rarement aux faits historiques, même si elle est facile à assimiler pour le public et sur laquelle il est possible d'élaborer des politiques. La Seconde Guerre mondiale n'était pas une bataille entre les Juifs et les nazis, mais c'est essentiellement ainsi que l'approche réductionniste de Trudeau la traite.
En ne reconnaissant pas les questions plus larges en jeu - comme le fait que le gouvernement canadien a activement encouragé la réinstallation de criminels de guerre présumés, principalement en raison de leur anticommunisme farouche, et qu'il les a ensuite utilisés pour supprimer les grèves et terroriser les organisations socialistes - Trudeau maintient l'illusion centrale du Canada d'une harmonie multiculturelle en grande partie performative. Au cœur de ce mythe fondateur se trouve l'idée que tous les groupes de la diaspora peuvent revendiquer de la même manière leur statut de victime dans leur pays d'origine.
Cette approche est insultante et dépréciative pour les descendants de la communauté juive canadienne de l'après-guerre, car elle dissimule la vérité historique plus large concernant le « comment et le pourquoi » de la Seconde Guerre mondiale, notamment la raison pour laquelle les Alliés ont évité d'aider l'Union soviétique aussi longtemps qu'ils le pouvaient et pourquoi ils sont immédiatement revenus à une attitude antagoniste envers l'Union soviétique à la fin de la guerre. Le fait que des milliers de criminels de guerre présumés aient trouvé refuge dans le Canada de l'après-guerre est le symptôme d'un problème plus grave, et non le problème lui-même.
Alors que Trudeau espère fermer la porte à une autre semaine de scandale au crépuscule de son administration, les fantômes de l'histoire ont braqué les projecteurs sur un placard rempli de squelettes.
Contributeur
Taylor C. Noakes est un journaliste indépendant et un historien public.
Source : Jacobin, Taylor C. Noakes, 29-09-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises