L'insurrection a toujours été une arme des peuples humbles, des damnés de la terre dont parlait Frantz Fanon. C'est une alternative nécessaire et un miroir dans lequel il faut obligatoirement se regarder, quand arrive le moment où les possibilités de dialogue avec ceux d'en haut sont épuisées et que ceux d'en bas se déplacent depuis la gauche. Un beau jour, les humiliés et les dépossédés se dressent et crient avec force "ça suffit" et à partir de ce moment tout devient possible, y compris jusqu'à la prise du pouvoir.
« Garde populaire », Quito, le 10 octobre. Photo RODRIGO BUENDIA AFP
En termes de pratique politique, cela signifie aussi que la lutte des classes prend une place prépondérante, et peu importe à quel point on veut la cacher, elle explose de toutes ses forces et secoue les fondations des "palais d'hiver". C'est précisément ce qui se passe aujourd'hui en Équateur. Finis les sparadraps, les excuses et les mensonges avec lesquels le gouvernement de Lenín Moreno a essayé de gagner du temps, pendant qu'il préparait le paquet de mesures qui lui a été imposé par le Fonds monétaire international. Cela signifie que le moment venu, ceux à qui on a vendu son âme exigent que le péage soit payé et qu'on n'hésite pas à mettre en œuvre ce qui a été convenu. À genoux, soumis et honteusement éloigné de ses principes (s'il en a jamais eu), Moreno exécute ce que Washington lui ordonne de faire, et s'il doit tuer, il tue en toute impunité. Parfois par balles (Haïti est un exemple similaire) et d'autres fois, comme en Argentine et au Brésil, ils ajoutent aussi l'agonie causée par le chômage, l'extrême pauvreté et la perte de souveraineté.
Cependant, le peuple équatorien est un os dur à ronger. À cause de ce genre de choses qui se produisent aujourd'hui, il a déjà renversé plusieurs gouvernements, tout aussi corrompus et criminels que celui de Moreno. Le dernier d'entre eux fut celui de Lucio Gutiérrez, qui perdit, en se soumettant à l'empire et à ses diktats, la possibilité de diriger une révolution ouvrière, indigène et paysanne, et mit fin brusquement à son administration, comme laquais de la bourgeoisie, au milieu d'un grand soulèvement populaire qui provoqua sa fuite par les toits du Palais présidentiel, d'où il partit à jamais, montant dans un hélicoptère. Quelque chose que Moreno devait sûrement avoir en mémoire, lorsqu'il a brusquement décidé de déplacer le siège du gouvernement de Quito à Guayaquil, dans la chaleur de l'avancée des manifestants qui commençaient à encercler le Palais Corondelet.
Maintenant, les cartes sont tirées pour ce mauvais gouvernant, puisque des dizaines de milliers d'indigènes, d'ouvriers, d'étudiants, vont occuper Quito et aussi Guayaquil, exigeant non seulement l'abrogation du pacson fondomonétariste, mais aussi le départ de celui qui a ordonné de tirer contre le peuple, qui a assuré l'impunité des policiers qui ont jeté trois jeunes manifestants du pont de San Roque, dans le centre historique de Quito. Cet homme qui est arrivé au gouvernement grâce à la naïveté de Rafael Correa et l'a ensuite trahi comme un vulgaire Judas.
D'autre part, le soulèvement populaire et la marche paysanne/indigène qui a suivi ont généré un courant de sympathie dans toutes les villes qu'il traverse. Tant et si bien que même les plus timides ou les moins engagés descendent dans la rue pour montrer qu'ils sont prêts à être les protagonistes de ce moment historique. Ils le font avec la joie de se joindre à leurs pairs, de chanter les slogans du moment et de se démontrer les uns aux autres que " le peuple uni ne sera jamais vaincu ". Mais aussi, avec assez de colère pour leur permettre d'être convaincus qu'il est temps de mettre fin à ces poltichiens partisans d'une démocratie bourgeoise par laquelle se font mener en bateau tous les quatre ou cinq ans.
C'est pourquoi il n'est pas étrange qu'au moins les indigènes de la CONAIE (Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur) et les travailleurs du FUT (Front unitaire des travailleurs) ajoutent à leurs slogans le fameux "que se vayan todos" (qu'ils dégagent tous). Pour que cela se produise réellement, il faut disposer d'alternatives qui ne conduisent pas une éventuelle victoire dans une impasse, où d'autres, qui ne représentent pas leurs intérêts, empochent - comme cela s'est produit tant de fois - les bénéfices de nombreuses luttes et sacrifices, entérinant la perte de liberté et même les morts dues à la répression.
C'est cela, et les questions afférentes, qui sera probablement en discussion aujourd'hui parmi les acteurs de ce gigantesque soulèvement où, entre autres, l'héritage de l'authentique Lénine, phare de tant de batailles du prolétariat universel, et aussi celui du commandant Guevara, peut aider à vaincre cette caricature de président collabo qui, non seulement, n'a pas été fidèle à son nom, mais, par sa cupidité et sa soumission à l'Empire, veut condamner son peuple à la misère et lui causer les pires souffrances possibles.
Courtesy of Tlaxcala
Source: resumenlatinoamericano.org
Publication date of original article: 08/10/2019