
par Giuseppe Masala
Source: sinistrainrete.info
Recension: Gabriele Guzzi, Eurosuicidio, Fazi Éditeur (2025)

Ces jours-ci paraît une œuvre d'envergure culturelle importante, écrite par le jeune économiste Gabriele Guzzi. Il s'agit du livre Eurosuicidio, qui tente de faire la lumière sur l'intégration européenne, vue d'un regard non consolateur, non rhétorique, mais bien un regard fondé sur la réalité des faits.
L'intégration européenne, la naissance de la monnaie unique, a été le tournant historique le plus important du continent au cours des cinquante dernières années, et elle a entraîné l'effondrement total — presque une dissolution selon l'auteur — des pays européens, de leurs démocraties, de leurs économies et de leurs sociétés. Exactement, pour le dire avec les mots de Guzzi lui-même: il s'agissait d'un véritable suicide, plus précisément d'un euro-suicide, comme cela est emblématiquement évoqué et fait presque écho (peut-être inconsciemment) à Oswald Spengler.
La thèse centrale de l'ouvrage est que la crise actuelle de l'Union européenne n'est pas le fruit d'un accident de l'histoire, mais qu'elle est due à des causes structurelles — intrinsèques au projet lui-même, né sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale.
Je ne saurais vraiment pas en vouloir à l'auteur. L'Europe n'est qu'un traité (comme le soutient autoritairement la Cour constitutionnelle allemande), et donc elle n'a pas de constitution, ce qui la prive d'être une réelle démocratie. Mais en même temps, elle veut se poser en phare mondial des démocraties.
Quelqu'un aurait-il peut-être oublié de faire le parallèle entre l'UE et un «jardin fleuri», tel qu'imaginé par l'ancien Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell ? Un véritable court-circuit logique, mais ce n'est pas le seul dans ce projet. L'Union européenne est un projet fou qui veut unir des peuples qui parlent pas moins de 24 langues officielles reconnues par l'UE, utilisent trois alphabets, ont des politiques sociales, industrielles et économiques différentes, ainsi que des cultures et des traditions diverses. Et tout cela, en dehors d'une constitution qui graverait de façon indélébile les droits des citoyens de cette Babel actuelle.

Selon l'auteur, l'Union monétaire a été la dernière étape menant à la dislocation et à l'autodestruction du projet européen, qui doit néanmoins être déconstruit de façon rationnelle pour envisager — dans le futur — de nouvelles formes de coopération entre les pays européens. Tout cela pour éviter une implosion incontrôlable dont l'issue et les dégâts restent imprévisibles. À mon avis, une proposition à considérer comme sage, même si elle peut paraître radicale. Mais une proposition — comme le laisse entendre le même auteur — qui nécessite l'abandon de cette «foi presque religieuse» que beaucoup ont encore dans le projet européen, qui s'est avéré être un échec.
Je me permets un petit commentaire sur une œuvre importante, car elle nous explique bien que cette crise n'est pas due à un hasard: la solution proposée par Gabriele Guzzi est peut-être utopique, trop d'intérêts sont en jeu et le niveau d'interaction entre systèmes économiques est trop complexe pour espérer déconstruire rationnellement un projet comme celui de l'Europe. Peut-être faut-il accepter — comme dirait Spengler — que toutes les civilisations meurent tôt ou tard, et que, peut-être, le projet européen a été le chant du cygne d'une certaine zone géographique — la nôtre — qui a désormais rempli sa tâche dans l'Histoire. D'ailleurs, l'euro-suicide est la troisième tentative de suicide de l'Europe au cours du siècle dernier, après les deux guerres mondiales. Peut-être que cet évènement est celui qui marque la fin fatale d'une zone politiquement, technologiquement, militairement et spirituellement en crise.